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La crise n’a pas modifié l’accélération du processus de localisation des firmes dans les pays émergents. Certains pays comme le Brésil, la Turquie ou la Russie sortent même renforcés et présentent fin 2010 une meilleure cotation de risque pays qu’en 2007. La Chine continue d’afficher des taux de croissance entre 9 et 10 % depuis 2008 est demeure un des territoires les plus attractifs pour les investissements étrangers. Si ces pays représentent des marchés extrêmement séduisants pour les firmes multinationales, ils se révèlent être également de nouveaux entrants menaçants dans leurs environnements concurrentiels local et international.

Dans un tel contexte, la problématique du contrôle des activités intervient au premier plan des décisions stratégiques de localisation des firmes multinationales (Buckley et Ghauri, 2004). Le maintien de leur position concurrentielle et le succès de ces nouvelles localisations est désormais conditionné par leur capacité à maîtriser les processus d’intégration à l’échelle globale tout en préservant une adaptabilité rapide aux marchés et aux environnements locaux. Les sièges déploient donc une batterie d’outils et de démarches sur l’ensemble des fonctions inhérentes à l’organisation afin de préserver le contrôle de leurs activités à l’échelle internationale. Le contrôle des filiales étrangères est l’objet d’un foisonnement intellectuel en sciences de gestion. Pourtant, peu de recherches francophones abordent la GIRH en tant que levier d’intégration et de coordination des filiales étrangères. Le champ de la gestion stratégique des ressources humaines étant largement dominé par les productions scientifiques nord-américaines (Scullion et Brewster, 2001), rares sont les travaux qui permettent d’offrir une vision actualisée et intégrée des pratiques de GIRH des firmes européennes (Jaussaud et Schaaper, 2006, Bournois et al., 2000, Huault, 1995).

Pionniers dans ce domaine, les travaux de Frayne et Geringer (1990) ont contribué à entrevoir les pratiques de gestion des ressources humaines sous l’angle particulier du contrôle des coentreprises internationales. Depuis ces fondements théoriques peu d’études empiriques ont été consacrées à cette thématique. Ce travail permettra de souligner ainsi empiriquement le rôle stratégique des ressources humaines dans le contexte d’internationalisation des firmes. Il s’interrogera ainsi sur les nouvelles formes de régulation dont disposent les directions pour maintenir un contrôle efficace de leurs activités tout en préservant la flexibilité nécessaire à la pérennité de leurs filiales étrangères.

Peu de travaux ayant traité des firmes françaises, nous nous proposerons de restreindre l’étude à ce contexte particulier. Cette étude a donc pour objectif principal d’identifier et de décrire les différentes pratiques de GIRH déployées par les multinationales françaises dans une optique de contrôle. Dans cette perspective, la présente contribution propose une grille d’analyse du dispositif de contrôle qui permet d’entrevoir les démarches de GIRH comme des instruments de coordination et d’intégration des activités étrangères. Cette première étape permettra de comparer la qualité des différents dispositifs de contrôle et de dégager quelques grandes tendances.

Dans une première partie, nous réaliserons un bref état de l’art sur les notions croisées de contrôle et de GIRH. Dans une deuxième partie, les questions méthodologiques et conceptuelles seront précisées pour présenter les résultats du travail empirique en troisième partie. Les conclusions de ce travail permettront de donner une vision contemporaine de l’état des dispositifs de GIRH des firmes françaises et de discuter des éléments de convergence des pratiques.

Etat de l’art sur les notions croisées de contrôle et de GIRH

Le contrôle des activités étrangères

De nombreux auteurs utilisent les termes de contrôle, de coordination et d’intégration de manière interchangeable. Les travaux de Martinez et Jarillo (1989) centrés sur la notion de coordination présentent ainsi les mécanismes de coordination comme « des outils administratifs pour atteindre l’intégration de différentes unités au sein de l’organisation. Ainsi, les termes de mécanismes de coordination ou de mécanismes d’intégration peuvent être utilisés comme des synonymes » (Martinez et Jarillo, 1989, p.490).

Le flou sémantique autour de ces différents concepts nous conduit à préférer poser une distinction claire entre chacun d’eux. Nous appréhenderons le contrôle comme un moyen de coordination et d’intégration des activités dans le but d’atteindre les objectifs globaux de l’organisation (Harzing, 1999). Plus précisément, nous considérerons que l’intégration a pour objectif d’assimiler une entité à un groupe sur le plan culturel et/ou des process internes, tandis que la coordination vise plutôt à combiner des entités disparates et interdépendantes de manière efficiente.

La littérature sur le contrôle identifie ainsi différents mécanismes de contrôle qu’Harzing regroupe en quatre grandes catégories présentées dans le tableau 1 (1999, p.21).

Tableau 1

Classification des mécanismes de contrôle

Classification des mécanismes de contrôle
Source : Traduit de Harzing (1999, p.21)

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La première catégorie concerne le contrôle personnel centralisé. Elle fait référence aux mécanismes de contrôle tels que la hiérarchie (Hennart, 1991), la centralisation (Child, 1973), la supervision directe (Mintzberg, 1982), etc. La hiérarchie ou la supervision directe consiste à faire intervenir une autorité hiérarchique directement sur les processus de décisions et sur le développement des activités. La deuxième catégorie de contrôle rassemble quant à elle les mécanismes de contrôle bureaucratiques, formalisés sous forme de règles et de procédures écrites (Child, 1973; Baliga et Jaeger, 1984). Ces mécanismes sont donc tous de nature impersonnelle et consistent en la formalisation et la standardisation des tâches et des processus de travail (Mintzberg, 1982). La troisième catégorie concerne le contrôle par les résultats (Ouchi, 1979; Merchant, 1982; Child, 1984; Hennart, 1991), qui a parfois été négligé par les chercheurs au détriment des autres catégories (Harzing, 1999). Ce mécanisme présente l’avantage de laisser une certaine autonomie aux acteurs dans les moyens qu’ils mettront en oeuvre pour atteindre les résultats. Il repose sur des systèmes de reporting efficaces et sur la standardisation des résultats (Mintzberg, 1982). La dernière catégorie, plus informelle, regroupe les mécanismes de socialisation et de réseaux (Edström et Galbraith, 1977), de contrôle clanique (Ouchi, 1980) ou culturel (Baliga et Jaeger, 1984; Child, 1984) ainsi que le développement d’une communication informelle. Mintzberg (1982) parle aussi d’ajustement mutuel. L’ajustement mutuel correspond à des situations où les individus coordonnent leurs activités en communiquant de façon informelle avec les autres acteurs. Cette dernière catégorie correspond donc à une large palette de mécanismes qui ne sont ni bureaucratiques, ni hiérarchiques.

La classification proposée par Harzing (1999) présente plusieurs avantages. Elle offre une vision synthétique des principaux travaux sur les mécanismes de contrôle et permet de les intégrer de manière cohérente et consensuelle. En outre, cette logique s’est avérée empiriquement la plus appropriée pour différencier et pour organiser les mécanismes RH de contrôle identifiés au sein des différentes firmes de l’échantillon.

La GIRH comme dispositif flexible de contrôle

Certains travaux ont appréhendé les diverses pratiques de GIRH comme des leviers de contrôle permettant d’intégrer et de coordonner efficacement les opérations internationales (Schuler et al., 1993; Scullion, 1994; Martin et Beaumont, 1999). Dans cette perspective, les travaux fondateurs de Frayne et Geringer et (1990) ont détaillé les diverses potentialités de contrôle offertes par la GRH pour contrôler les activités dans le contexte particulier des coentreprises internationales mais transposables aux filiales propres.

Ces derniers relèvent quatre domaines de la GRH permettant d’influencer les opérations étrangères et les niveaux de performance locaux. L’objectif sera ici de dresser un panorama de chacune des dimensions identifiées, qui seront regroupées pour plus de cohérence et de clarté en quatre axes principaux. Le premier traitera des différentes pratiques de recrutement et de dotation des postes clés qui répondent à des logiques d’arbitrage stratégique complexes. Nous aborderons dans ce cadre les pratiques de gestion de la mobilité internationale.

Le second axe regroupera les pratiques de rétribution et de promotion, qui s’articulent autour du socle du système d’évaluation. Le troisième axe abordera les leviers moins étudiés de la formation et de la communication qui visent l’optimisation de la performance et de l’intégration culturelle des acteurs locaux et en mobilité internationale. Enfin, le dernier axe traitera du développement des systèmes d’informations comme supports transverses aux démarches précédentes.

L’expatriation comme instrument de contrôle et de coordination a suscité un intérêt particulier du corps de recherche. Doter les postes clés par du personnel en mobilité internationale est une démarche qui répond à des objectifs variés. Le manager expatrié a souvent un rôle de coordination et d’interface entre le siège et les filiales. Au-delà du contrôle pur des activités, le choix de placer un expatrié sur les postes clés permet aussi de transférer les savoir-faire et de diffuser la culture du siège au sein des filiales (Edström et Galbrairh, 1977).

Le recrutement externe est également un volet non négligeable sur lequel la direction peut agir pour maîtriser le management de ses filiales (Frayne et Geringer, 1990). Cette influence peut s’exercer de plusieurs manières, soit par la mise en place de procédures formelles de recrutement avec définition précise des besoins en compétences, soit par une participation directe du siège au processus décisionnel de sélection. Dans le cadre de notre recherche les processus de recrutement des firmes seront analysés afin d’examiner les modalités d’intervention du siège sur ce type de décision. Les pratiques de dotation des postes seront étudiées à travers l’analyse des flux de mobilité internationale sur les postes clés.

La formation peut être considérée comme un moyen de sensibiliser les collaborateurs locaux à la culture et aux objectifs stratégiques du groupe. Dans cette logique, la formation correspondrait à un mécanisme de contrôle culturel. Au-delà des perspectives d’intégration des équipes locales, les politiques de formation répondent également à une volonté de diffuser des méthodes de travail, les processus et les compétences clés au sein des filiales étrangères. Dans cet article les politiques de formation, de communication et les séminaires internationaux seront examinés afin d’évaluer leur utilisation en tant que moyen de contrôle des filiales étrangères.

Selon Mintzberg (1982) le système de rémunération constitue un des mécanismes principaux du contrôle de la performance à travers la fixation et l’évaluation des objectifs. Dans une logique d’agence (Ouchi, 1977; Eisenhardt K.M., 1989a) la gestion des rémunérations intervient comme un mécanisme essentiel d’incitation et de contrôle des comportements des dirigeants internationaux et des équipes locales.

La formalisation et la standardisation des grilles d’entretien annuel d’évaluation sur lesquelles vont se baser les promotions et les évolutions de carrières sont également mobilisées comme des leviers d’influence. Dans cet article nous analyserons les systèmes de rémunération, d’évaluation et de gestion des carrières mis en oeuvre par les sièges à travers deux critères principaux : les pratiques d’intervention directe des sièges sur ces décisions et les niveaux de formalisation des procédures touchant ces trois politiques.

Intervenant comme support de chacune des fonctions de la GIRH, les SIRH proposent de nouvelles perspectives en matière de contrôle des opérations internationales (Tixier, 2004). Tannenbaum (1990) définit plus précisément le SIRH comme « le système utilisé pour acquérir, stocker, manipuler, analyser, extraire et distribuer des informations pertinentes au regard des ressources humaines d’une organisation » (p.27). Le SIRH est un outil puissant d’intégration et de coordination. Il intervient d’abord comme une démarche de contrôle culturel puisqu’il permet de diffuser, de communiquer et de faire partager rapidement des informations sur la culture d’entreprise (valeurs, normes, image interne, journaux internes etc.) et sur les objectifs stratégiques du groupe.

L’étude empirique nous permettra d’analyser l’existence et les niveaux de complétude et de développement de tels systèmes afin d’appréhender le degré de contrôle exercé par le siège sur ses filiales étrangères.

Recherche empirique

Démarche méthodologique et conceptuelle

L’étude s’appuie sur l’analyse comparative de quatorze entreprises multinationales d’origine française qui ont été sélectionnées pour leurs caractéristiques hétérogènes. Huit d’entre elles entrent dans la composition de l’indice du CAC 40. De tailles variées, elles appartiennent à différents secteurs de l’industrie et des services et présentent des couvertures géographiques variant de 7 à 130 pays. Autant de caractéristiques susceptibles de les confronter à des problématiques diverses en matière de contrôle qui nous permettront d’explorer ainsi les options stratégiques choisies.

Tableau 2

Synthèse des choix méthodologiques de la recherche

Synthèse des choix méthodologiques de la recherche

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La méthode des cas a permis de trianguler les sources informatives en confrontant les données issues des discours individuels et organisationnels à des éléments plus quantifiables.

Une analyse approfondie de données secondaires a été complétée par une série de trente-deux entretiens semi-directifs auprès de différents acteurs impliqués dans la GIRH et le développement international du groupe. Ces entretiens ont été enrichis de nombreux échanges informels visant à obtenir des informations complémentaires sur les différentes pratiques de GIRH. L’analyse de contenu a été réalisée en deux étapes. La transposition de la classification proposée par Harzing (1999) aux pratiques de GIRH a permis de procéder à un codage fermé. Le logiciel Nvivo a été mobilisé pour condenser les données issues des entretiens et des sources secondaires qui ont pu être formatées. Dans le cadre de cette recherche, les groupes de mots et de phrases correspondant à des idées ont constitué l’unité de codage privilégiée. Cette première catégorisation thématique a été soumise à un double codage réalisé par nous même et par un chercheur dont les spécialités ne touchent pas le domaine de la GRH et du contrôle. La comparaison des codages et des représentations avec un chercheur provenant d’une autre spécialité a permis de clarifier, de préciser, voire d’épurer, le système de codage antérieur. Certains codes (uniquement les sous catégories) ont ainsi été modifiés dans trois directions : l’ajout de niveaux de précision supplémentaires, la suppression de niveaux de précision, la reformulation de certains intitulés (annexe 1).

La deuxième grande étape du travail a consisté à construire une grille d’analyse permettant d’étudier la qualité et la structure du dispositif de contrôle par la GIRH. Pour ce faire, l’évaluation du degré de contrôle a dû être formalisée selon une échelle qualitative ordinale à 9 modalités variant par demi-points de 1 à 5 points (avec les modalités intermédiaires). Le degré de contrôle tel que nous souhaitons l’apprécier est trop complexe pour être attribué par les acteurs interrogés. Nous avons donc procédé nous même à cette appréciation sur la base des matériaux qualitatifs collectés. Plusieurs critères nous ont permis de fixer un degré précis :

  • le nombre de leviers mobilisés dans chacune des quatre catégories;

  • l’étendue de la zone géographique concernée par chaque levier autrement dit, le nombre de pays qui ont mis en oeuvre chaque pratique;

  • l’étendue des populations de salariés concernés par le levier (cadres dirigeants, postes clés, cadres, ensemble du personnel).

Dans cette perspective, les indicateurs chiffrés de reporting social, présents notamment dans les rapports en développement durable, ont été une source privilégiée d’information.

Résultats et discussion : proposition d’une grille d’analyse

L’analyse approfondie des dispositifs de contrôle et de leur évolution entre 2001 et 2006 permet ainsi de proposer une vision comparée des différents dispositifs de contrôle et d’extraire les premiers résultats de la recherche. Ils permettent de distinguer les entreprises selon la qualité de leur dispositif de contrôle. Deux principaux groupes se dégagent ainsi de l’analyse (Tableau 3). Le premier est composé de six firmes du CAC 40 qui présentent des dispositifs de contrôle avancés. Le second groupe dont les dispositifs sont en cours de déploiement est constitué de huit firmes la plupart de plus petites tailles et moins internationalisées et de deux cas atypiques. Le premier, que nous nommerons BTP&Co et dont seule l’activité de construction est réellement internationalisée, se caractérise par des chantiers mobiles et éphémères (formés pour la durée du projet) qui constituent la spécificité du groupe. Le caractère particulier du métier modifie profondément les modalités de contrôle à l’international qui s’opère essentiellement par la supervision directe des expatriés. Les autres catégories de leviers existent mais sont peu déployées à l’étranger.

Tableau 3

Présentation de l’échantillon de recherche

Présentation de l’échantillon de recherche
*

Part des expatriés d’origine française dans les effectifs en mobilité internationale (impatriés, expatriés et tiers-nationaux) et/ou d’origine italienne pour le groupe franco-italien Microelec.

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Le second cas, que nous nommerons Nuclelec a connu d’intenses changements institutionnels et culturels qui ont freiné son internationalisation. Ces deux phénomènes expliquent que malgré son envergure, le groupe ne bénéficie pas encore d’un système de contrôle efficient et reste ancré dans une logique pure de centralisation et de supervision directe.

Les premiers résultats de cette étude, permettent de constater que les firmes les plus avancées à l’international disposent de dispositifs de contrôle qui combinent, de façon complémentaire, les quatre catégories de mécanismes. Le développement international des firmes génère une complexification des systèmes de contrôle dans lesquels la GIRH assure un rôle déterminant d’intégration et de coordination des filiales étrangères. Le tableau 4 synthétise les différents dispositifs de contrôle par la GIRH des firmes étudiées.

Tableau 4

Synthèse des dispositifs de contrôle par la GIRH des cas étudiés

Synthèse des dispositifs de contrôle par la GIRH des cas étudiés

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Les points suivants détaillent les quatre catégories de levier conformément à la classification de Harzing. Ils permettent d’identifier les pratiques de GIRH déployées par les sièges dans une optique de contrôle et d’illustrer ces démarches par la présentation de quelques exemples concrets. Les pratiques génériques et récurrentes observées dans les cas les plus avancés sont synthétisées dans le tableau 5.

Catégorie 1 : Contrôle personnel centralisé

L’observation des pratiques souligne le rôle majeur de cette première catégorie de leviers qui semble constituer une première étape essentielle dans la construction du processus de contrôle global. L’ensemble des firmes étudiées centralise les décisions de GRH qui concernent les cadres dirigeants et les postes clés y compris dans les firmes dont les dispositifs de contrôle sont les plus matures.

Chez Cementec, le recrutement et la dotation des postes de cadres dirigeants sont pilotés depuis le siège qui bénéficie également d’un rôle consultatif sur le recrutement des postes de RH et de finance considérés comme stratégiques. Les cadres supérieurs sont quant à eux recrutés par la branche avec une consultation de l’unité locale. La plupart des cas étudiés adopte un niveau équivalent de centralisation que Cementec même s’ils n’ont pas tous formalisé de manière aussi précise les responsabilités de chacun en matière de recrutement des postes clés. Certaines firmes ont choisi de centraliser une partie du recrutement des cadres (non-dirigeants). C’est le cas de Habitat Plus où « le groupe reçoit en moyenne plus de 80 000 candidatures par an, dont 80 % de cadres. La moitié de ces candidatures est reçue au travers de la rubrique recrutement de son site internet. L’ensemble fait d’abord l’objet d’une présélection, puis est diffusé aux filiales du groupe grâce à un programme spécifique de gestion des profils. »

La direction peut également choisir de placer des personnes dites de « confiance » sur les postes clés pour superviser directement les opérations locales. Ainsi, à l’exception de Cablelec, qui laisse la direction des filiales aux mains des cadres locaux, les cas secondaires privilégient l’expatriation pour contrôler directement les opérations au sein des filiales étrangères. Les sièges des groupes les plus avancés adoptent des comportements plus hétérogènes qui varient selon divers facteurs. Dans les pays considérés comme risqués l’ensemble des sièges préfère placer du personnel expatrié sur les postes clés. Dans les pays émergents qui présentent un fort potentiel de développement, les enjeux sont tels que la plupart des firmes privilégie également la supervision directe des activités. Ce n’est pas le cas de Cementec et d’Equipelec qui bénéficient d’une plus grande expérience à l’international et dont la capacité de contrôle n’est pas affectée par le positionnement de cadres locaux sur les postes-clés grâce à une combinaison efficiente des différents leviers de contrôle.

La direction peut également décider de contrôler la gestion des carrières et des rémunérations des collaborateurs « clés » en intervenant directement sur les décisions de promotion et de rétribution qui les concernent. La direction tente ainsi de s’assurer que les cadres locaux agiront dans le sens des intérêts plus « généraux » du groupe :

Les décisions concernant les collaborateurs ne peuvent être prises uniquement dans le contexte de l’environnement local, car «les individus n’appartiennent pas à leur patron ». Les recommandations pour toutes les décisions majeures concernant la gestion des collaborateurs, y compris les nominations ainsi que les révisions de salaires et bonus, sont faites par le n+1, mais la décision finale est prise par le n+2.

(Règle RH N° 5). [Cementec]

La centralisation de la gestion des carrières et des rémunérations s’opère dans la plupart des groupes de l’échantillon et se focalise sur les cadres dirigeants et les postes clés. Les pratiques diffèrent cependant selon le poids décisionnel accordé au siège lui-même, à la direction de branche ou aux directions de zones géographiques. Chez Chemico et Habitat Plus, les directeurs de filiales sont évalués par les patrons de zones qui sont généralement des expatriés : « Les DRH de zones ont un rôle clé et doivent identifier les « pépites », en expertise technique et en HP [hauts potentiels]. Ils gèrent trois populations : les seniors, les HP et les personnels en mobilité de profil technique. » [Chemico].

Sur ce point, les délégations régionales jouent un rôle plus important que dans d’autres entreprises. Europe Services laisse par exemple cette responsabilité aux directions divisionnelles tandis que Microelec centralise ces évaluations depuis le siège. Chez Chemico le siège pilote néanmoins la gestion des rémunérations des membres des comités exécutifs locaux et des 200 « top managers » du groupe.

Sur le plan de la formation, le siège peut définir des axes prioritaires voire centraliser une partie des programmes qui seront délivrés à l’échelle internationale. L’objectif est non seulement de s’assurer des niveaux de performance des collaborateurs mais également de diffuser des valeurs, des pratiques et des méthodes de travail susceptibles d’orienter leurs comportements dans le sens des intérêts du groupe.

Comme la plupart des grands groupes étudiés Habitat Plus impose des modules de formation impulsés par le siège en fonction des priorités stratégiques :

La politique de formation … c’est plus compliqué. Elle est centrale au groupe pour tout ce qui est corporate c’est-à-dire les formations destinées à un public cadre supérieur et dirigeant et pour les stages qui sont communs à l’ensemble des métiers [Habitat Plus] et là c’est vraiment piloté par la compagnie [Habitat Plus] au sens groupe [Habitat Plus]. Ce sont des stages de conduite du changement, des stages de leadership, de management ou des stages d’approfondissement de compétences transversales finance, RH marketing. […] Les filiales restent bien entendu autonomes sur les programmes de formation opérationnels

[Habitat Plus]

Chez Chemico la formation était jusqu’à présent complètement décentralisée localement. La direction travaille désormais sur l’élaboration de programmes spécifiques de formation par grandes activités et par zones géographiques. La firme s’inscrit dans la tendance générale observée qui montre que les multinationales alignent leur politique globale de formation sur les grands axes stratégiques du groupe. Deux entreprises de taille importante se démarquent pourtant de cette tendance, il s’agit de BTP&Co et de Nuclelec qui nous le verrons se distinguent également sur d’autres points du fait de leur caractère atypique.

Catégorie 2 : Contrôle bureaucratique formalisé

La deuxième catégorie consiste à intervenir indirectement sur les décisions par la formalisation et l’harmonisation des différents processus de gestion des ressources humaines. Il s’agit notamment de formaliser et de diffuser l’entretien annuel d’évaluation et le système de classification des emplois qui sont à la base des évolutions de rémunérations et de carrières.

Dans cette catégorie de contrôle trois groupes se distinguent. Le premier groupe concerne les firmes dont le dispositif de formalisation est abouti et sophistiqué (Cementec, Equipelec, Habitat plus et Microelec). Le deuxième groupe concerne deux firmes en transition qui sont en train de déployer des processus de formalisation interne (Chemico et Europe Services). Le dernier groupe intègre huit firmes de plus petite taille ou dont l’expérience à l’international est encore limitée et dont le dispositif de formalisation est faible.

Parmi l’ensemble des firmes étudiées, Cementec est certainement celle dont le système de formalisation est le plus sophistiqué. Le groupe Cementec a même édité en 2003 un guide formalisé des politiques de ressources humaines du groupe. Il définit les principales procédures RH, leurs modalités opérationnelles et les outils à mettre en oeuvre afin de les diffuser.

Pour s’assurer que les choix en matière de recrutement et de dotation respectent un certain nombre de critères la direction du groupe peut décider de mettre en place des procédures formelles de recrutement et de sélection qui comprennent une définition précise des besoins en compétences. La formalisation de la politique de recrutement au sein des cas les plus avancés peut prendre plusieurs formes : la définition de principes éthiques généraux, la standardisation du processus de recrutement, l’harmonisation de certains critères fondamentaux de recrutement ou encore la publication obligatoire des postes vacants dans des bourses internes d’emploi.

Dans le contexte international, les difficultés de contrôle des comportements des cadres sont exacerbées du fait de l’éloignement géographique et de l’asymétrie des informations entre le siège et les filiales. L’étude empirique souligne que la rémunération variable est un moyen couramment déployé par les sièges français pour réduire les problèmes d’agence. La formalisation et la standardisation des systèmes d’évaluation et de gestion des rémunérations et des carrières permettent aux sièges d’exercer un contrôle sur les comportements des acteurs locaux :

Les performances individuelles et collectives sont rémunérées par les augmentations du salaire de base et par le bonus, selon des critères en relation avec la création de valeur, la réalisation d’objectifs économiques et d’objectifs de management. La récompense de la performance doit être cohérente dans l’ensemble du Groupe et conforme aux politiques du Groupe relatives aux plans de bonus et à la rémunération des dirigeants.

Tous les plans de bonus destinés aux membres des Comités Exécutifs des Unités et aux échelons supérieurs doivent suivre les règles du Groupe (50 % sur les objectifs personnels et 50 % sur des critères financiers) et utiliser l’EVA comme mesure de la performance financière.

Extrait du guide [Cementec]

L’entretien annuel d’évaluation, qui est le socle du dispositif de gestion des rémunérations et des carrières est souvent rendu obligatoire (au moins pour certaines catégories de personnel). Sur ce point, les firmes sont de plus en plus vigilantes et fixent souvent un indicateur de suivi de performance (part des salariés dans le monde ayant suivi un entretien annuel). Une grille d’évaluation standardisée peut être diffusée auprès des DRH locales. Les firmes les plus avancées ont aussi défini les grands axes d’une politique globale de rémunération. Les cas étudiés mobilisent ainsi les méthodes internationales de classification des emplois du type méthode Hay pour harmoniser les systèmes de rémunérations à l’échelle globale. Les grilles sont ensuite adaptées aux contextes locaux et en particulier aux conditions du marché :

Je vous prends un exemple : au niveau World Wide pour les salaires nous avons une policy, qui nous dit : « il faut que vous vous positionniez au niveau X du marché, c’est la stratégie World Wide, chaque pays doit être positionné à X du marché, quel que soit le marché. […] Il faut faire tant d’enquêtes à telles dates, renvoyer des policies à telles dates pour qu’elles soient approuvées au niveau global à Genève par exemple. Il y a toute une manière de travailler et de procéder. […] On a un outil World Wide, et ça pour chaque domaine, tous les processus sont harmonisés World Wide. Pour moi c’est de l’accompagnement, et la forme de contrôle, elle est là. »

[Extrait d’entretien Microelec]

L’étude empirique a également révélé d’autres démarches de formalisation telles que la définition de passerelles d’emploi ainsi que la création de comité de carrières et de revue de personnel à l’échelle internationale. Grâce à l’adoption d’une démarche formalisée de gestion des compétences, le groupe Chemico a pu identifier 500 cadres à hauts potentiels à l’échelle internationale. La création de revues de personnel formalisées et d’une base de données mondiale rassemblant les experts, les hauts potentiels et les seniors a permis d’identifier les profils de carrières pour ces trois populations.

Le siège peut également déployer une batterie de supports de communication formels (journal, notes internes, système d’information, intranet etc.) afin de diffuser les valeurs, les pratiques et les méthodes de travail qu’il souhaite valoriser. A travers ces différents outils Chemico s’attache à diffuser les principes d’action et les bonnes pratiques du groupe. Pour faciliter la diffusion des meilleures pratiques et le travail en réseau, la direction a créé un outil de partage du savoir (Knowledge Management) sur l’intranet du groupe. Organisé par domaine fonctionnel (qualité, marketing, finance, etc.) et opérationnel (activités et pays), l’outil constitue une véritable bibliothèque d’informations accessibles par moteur de recherche. C’est également un forum d’échanges. Confronté à un problème particulier, un collaborateur peut vérifier si le sujet n’a pas déjà été traité ailleurs dans le monde avant de se lancer dans sa résolution.

Catégorie 3 : Contrôle par les résultats

La troisième catégorie concerne le contrôle par les résultats. Ce type de dispositif suppose que le siège diffuse localement un système de management par objectifs à l’échelle individuelle et collective; la principale finalité étant d’aligner les rémunérations sur les axes stratégiques du groupe et de promouvoir les carrières en fonction de ces mêmes objectifs. Cette catégorie de leviers est donc relativement interdépendante avec la catégorie précédente qui vise à formaliser les process de gestion. Chaque individu et chaque service seront donc évalués sur la base d’une série d’objectifs dont les grandes lignes sont fixées par le siège et déclinées localement par les directions de filiales. Dans cette optique les SIRH comme « Peoplesoft » sont des outils relativement puissants d’harmonisation et de rationalisation des pratiques qui permettent d’exercer un contrôle précis et rapide sur les résultats. Le système de reporting social permet d’avoir une bonne visibilité des différentes pratiques mais également de standardiser et d’homogénéiser un certain nombre d’indicateurs permettant de partager un langage commun.

Parmi les firmes étudiées, Microelec est sans doute celle dont le dispositif de contrôle par les résultats est le plus dynamique. Comme pour Cementec, il repose sur un dispositif de formalisation avancé qui permet d’établir les indicateurs de suivi et de comparaison des performances entre les unités. Afin d’être compétitif en matière de prix, Microelec s’est lancé dans un grand programme de réduction des coûts qui passe par un système de formalisation poussé et par un contrôle accru des résultats. Le processus de formalisation s’intègre ainsi dans une démarche active de contrôle par les objectifs directement alignés sur la stratégie globale. Le système de suivi des résultats apparaît donc ciblé et très dynamique. Dans cette optique, les indicateurs de suivi de la performance sociale concernent surtout les niveaux de recrutements, les taux de turn over locaux et l’ancienneté conformément aux priorités stratégiques du groupe.

De son côté Europe Services rencontre des problèmes d’intégration des entités locales qui ont entravé le développement du dispositif de contrôle par les résultats et en particulier le déploiement d’un SIRH à l’échelle internationale. Ces difficultés alourdissent le processus de collecte et de traitement, en matière de reporting social. Plus étonnant, le groupe Chemico ne s’est toujours pas doté d’un SIRH. Pourtant le groupe avait engagé sur la zone Europe en 2000 un projet de refonte de son système d’information en vue d’aboutir à une infrastructure unique pour toutes ses entités. Le but était de gérer le système de manière centralisée à Paris et d’avoir des équipes légères dans les filiales. La fonction RH n’a pas été considérée comme une priorité dans cette démarche.

Catégorie 4 : Contrôle par la socialisation et les réseaux de communication

La dernière catégorie, plus informelle, regroupe les mécanismes de socialisation, de contrôle culturel. La multiplication des échanges informels, des séminaires de formation et des échanges de courte durée interviennent ainsi dans une optique d’acculturation, de diffusion des valeurs, des pratiques et des savoirs.

En matière de socialisation, nous observons que la mobilité internationale est une manière plus souple de faciliter l’intégration culturelle et de diffuser les pratiques. Au contact des cadres en mobilité, les collaborateurs locaux adoptent lentement les valeurs et les normes de comportements que le siège souhaite diffuser localement. « Baigné » dans une nouvelle culture l’expatrié acquiert une meilleure vision stratégique et de nouvelles capacités relationnelles.

Certaines firmes de notre échantillon comme Equipelec utilisent également l’impatriation dans la même optique. L’acculturation du cadre s’opère par une phase d’immersion dans la culture du pays d’origine du groupe. A son retour dans le pays d’accueil l’individu aura pour mission l’intégration des équipes locales.

Les résultats soulignent que ce type de dispositifs plus informels requiert une certaine maturité dans le développement du processus de contrôle. Faiblement exploité par les cas secondaires, cette forme de contrôle est au contraire très développée dans les multinationales qui bénéficient d’une solide expérience à l’international. Parmi les firmes étudiées Equipelec et Cementec sont celles qui usent le plus des mécanismes de socialisation. Un des points forts qui fait l’originalité d’Equipelec réside dans sa capacité à former des futurs managers internationaux et à ouvrir ainsi sa vision stratégique. La part des expatriés (français) ne représente que 35 % des effectifs en mobilité. Cette stratégie est soutenue par un système dynamique d’identification des potentiels et de gestion de la mobilité et par un programme original de mobilité en faveur des jeunes diplômés cadres et non cadres : « Depuis 2001, [Equipelec] a mis en place un programme de mobilité internationale destiné aux jeunes cadres, [Navigator]. Il leur permet d’occuper, pendant les deux premières années de leur intégration dans le Groupe, un poste hors de leur pays d’origine. En 2005, 144 jeunes de 47 nationalités dont 25 % de femmes, ont bénéficié de ce programme. » [Extrait d’entretien]

Avec une centaine de recrutements par an, ce programme permet à de jeunes diplômés à potentiel de travailler dès leur entrée dans le groupe dans un pays différent de leur pays d’origine. La mobilité internationale de court terme, pourtant moins coûteuse, demeure en revanche peu exploitée dans une perspective de socialisation des acteurs.

En matière de formation, l’ensemble des firmes du CAC 40 développe leur propre centre de formation et multiplie les séminaires d’intégration et d’échange afin de socialiser les équipes de travail. Certaines firmes plus petites comme Mondial Luxe commencent peu à peu à instituer ce type de démarche qui augure d’une évolution vers des dispositifs de contrôle informels.

L’analyse empirique permet donc d’appréhender les pratiques de GIRH dans une perspective de contrôle et de proposer une grille d’analyse synthétique présentant les différents mécanismes identifiés (Tableau 5).

Tableau 5

Synthèse des principaux dispositifs génériques identifiés

Synthèse des principaux dispositifs génériques identifiés

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Conclusion et discussion : Les pratiques de GIRH, des leviers d’intégration et de coordination pertinents dans le contexte des firmes multinationales

Cet article a permis de concevoir les démarches de GIRH sous une nouvelle forme dans laquelle ses différentes composantes sont appréhendées sous l’angle du contrôle stratégique des filiales étrangères. D’un point de vue managérial, il montre comment les pratiques de GRH interviennent pour intégrer et coordonner les différentes filiales des groupes étudiés et soulignent les effets de convergence en particulier des grands groupes du CAC 40.

D’un point de vue académique, l’article propose également d’adapter la classification antérieure élaborée par Harzing (1999) pour construire une grille qui permet d’analyser la structure et la qualité des dispositifs de contrôle par la GIRH et de discuter de leurs différentes évolutions. En cohérence avec les travaux antérieurs nous pouvons constater que l’internationalisation croissante des firmes se traduit bien par le développement de mécanismes informels (Bartlett et Ghoshal 1991; Martinez et Jarillo, 1991; Harzing, 1999). Nous observons cependant que les directions maintiennent parallèlement un degré de centralisation élevé sur la gestion des postes stratégiques.

Les travaux récents de Jaussaud et Schaaper (2006) ont souligné que le contrôle des activités locales reposait bien sur une combinaison de mécanismes formels et informels. L’analyse des pratiques des firmes françaises au sein de leurs filiales chinoises, révèle un degré élevé de formalisation dans les douze cas qu’ils ont étudiés. A cet égard, la formalisation des procédures de travail semble systématique. Ils soulignent également que la mobilité internationale, sous toutes ses formes, est un levier majeur de contrôle des activités locales.

Nos résultats vont dans ce sens et apportent des éléments qui explorent la dynamique interne du dispositif de contrôle par la GIRH. L’étude dynamique des dispositifs de contrôle (notamment des cas les plus avancés) permet de confirmer le caractère complémentaire de chaque catégorie de mécanisme. Comme l’illustre la répartition des différents leviers de contrôle au sein du dispositif global, le développement de la formalisation intervient comme un préalable à l’élaboration d’une démarche de contrôle par les résultats. Ces deux catégories de leviers fonctionnent ainsi de manière interdépendante. Les firmes dont les dispositifs de formalisation et de socialisation sont poussés maintiennent un degré de centralisation élevé sur la gestion des postes-clés. Cependant, lorsque le dispositif de contrôle global arrive à « maturité », les transferts de collaborateurs ne visent plus à superviser directement les activités locales, mais à diffuser une culture globale par la socialisation et à identifier les meilleures pratiques. La présence de cadres transférés dont la mission est de diffuser les process internes est considérée comme un préalable à la formalisation des procédures locales.

En ce sens, ces résultats confirment que la mobilité internationale est un outil privilégié de contrôle et traduisent le rôle clé de la GIRH dans la capacité de la firme à décentraliser les activités.

Conformément aux travaux antérieurs l’observation des pratiques confirme que le recrutement et la dotation des postes clés restent les leviers de contrôle les plus fréquemment déployés par les sièges (Schuler et al., 1993; Scullion, 1994; Harvey et al., 2001; Gong, 2003; Tarique et al., 2006, Collings et al., 2007). Dans ce cadre la mobilité internationale se révèle être un levier privilégié de contrôle qui soutient les processus de formalisation et de socialisation (Hocking et al. 2007).

Plusieurs courants de pensée s’affrontent sur la question de l’effet de la nationalité du parent sur les pratiques de GRH (Ferner et Quintanilla, 2003; Ngo et al., 1998). Certains défendent l’idée, selon laquelle, sous l’effet de la globalisation, les firmes multinationales deviendraient de plus en plus apatrides. L’influence de la nationalité d’origine serait donc de plus en plus limitée (Björkman et Lu, 2001) et ne saurait déterminer les pratiques des internes (Brewster et al., 2008). D’autres, considèrent que même la plus globale des firmes reste enracinée dans sa culture et dans ses pratiques de gestion nationales (Ferner et Quintanilla, 1998, 2003; Tregaskis et Brewster, 2006). Ces derniers s’inscrivent, le plus souvent, dans les courants institutionnalistes ou néo-institutionnalistes qui englobent un ensemble de pressions environnementales plus large que le phénomène culturel.

La GRH apparaît théoriquement comme une des fonctions de la firme les plus sensibles aux contextes culturels locaux. C’est sur cette hypothèse que les travaux de Carr et Pudelko (2006) se sont fondés pour analyser la tendance convergente ou divergente des différentes pratiques en matière de GRH, de stratégie et de finance. Les résultats confirment une tendance vers la convergence des pratiques pour les trois domaines étudiés et, à la grande surprise des chercheurs, les résultats traduisent un degré de convergence plus élevé en matière de GRH.

Les travaux récents de Pudelko et Harzing (2007) qui traitent également des firmes américaines, japonaises et allemandes soulignent que les pratiques des filiales étrangères et des sièges tendent à converger vers un modèle américain dominant en matière de GRH.

En soulignant les effets de convergence des pratiques de GIRH entre les sièges français et les filiales nos résultats apportent plusieurs contributions. Ils confirment cette tendance générale dans le contexte particulier des firmes françaises dont les pratiques révèlent également la prégnance des modèles anglo-saxon (méthodes de classification des emplois, revues de personnel, entretiens annuels d’évaluation, évaluation à 360° etc.). Ces modèles étant réputés pour être plus formalisés (Child et al., 2000) et standardisés (Harzing 1999).

Néanmoins, une des principales limites de ce travail tient au fait que nous nous sommes attachés à identifier les pratiques du point de vue global, c’est-à-dire au niveau de la maison-mère. De ce fait, les résultats attirent l’attention sur le caractère homogène des pratiques plutôt que sur leur hétérogénéité. Comme le soulignent les travaux de Ferner et al. (2004) un autre point de vue, axé sur les acteurs locaux, aurait sans doute nuancé les conclusions.

Nos résultats apportent également des éléments compréhensifs en soulignant la dimension stratégique de la GIRH en matière de contrôle des activités qui explique en partie cette tendance avec les phénomènes de mimétisme. En effet indépendamment des pressions exercées par le siège pour contrôler ses filiales, nous avons pu identifier trois sources d’influence qui tiennent aux contextes institutionnels locaux et transnationaux ainsi qu’aux phénomènes de mimétisme et de normalisation des groupes internationaux (Ferner et Quintanilla, 1998; Paauwe et Boselie, 2003). Ces résultats devraient faire l’objet de publications futures.

Tous ces éléments ouvrent des perspectives de recherche intéressantes sur l’analyse du processus de coordination et d’intégration des activités internationales (Schuler et al., 2002). Cette étude comparative soulève également la question des déterminants des pratiques de contrôle (Taylor et al., 1996) et souligne que l’internationalisation des firmes renforce le niveau d’imbrication entre les sphères de la gestion stratégique et de la GRH.