Article body

La stratégie de segmentation consiste à reconnaître que le marché n’est pas forcément un tout homogène composé de consommateurs ayant les mêmes préférences et les mêmes réactions face à une proposition commerciale (Chirouze, 1995).

La segmentation marketing vise ainsi à déterminer des groupes de consommateurs les plus homogènes possibles et suffisamment grands pour justifier des actions marketing (Kotler, Dubois et Manceau, 2006).

Homogénéité et taille des segments sont donc deux conditions essentielles de la segmentation d’un marché. L’homogénéité du segment suppose que les individus qui le composent soient similaires en termes de variables de segmentation retenues, et très différents des individus des autres segments. Quant à la taille du segment, elle est qualifiée « d’intéressante » (Anassé, 1997) ou « satisfaisante » au sens de Simon, lorsque le segment représente un potentiel suffisant pour justifier le développement d’une action marketing spécifique.

Cependant, ces deux conditions sont souvent contradictoires, surtout dans un environnement dynamique, marqué par la complexité du comportement des consommateurs. La taille du segment est en relation inverse avec le degré d’homogénéité, comme le rappellent Nguyen, Cliquet, Borges et Leray (2003). Ces auteurs soulignent ainsi la nature antinomique de ces deux notions : plus la taille d’un segment est importante, plus le segment en question est hétérogène et vice versa. Le responsable marketing a donc besoin d’outils permettant de réaliser un compromis entre homogénéité et taille des segments. Comme le rappellent Manceau et Volle (2003), segmenter suppose arbitrer entre une compréhension fine fondée sur des segments homogènes, de taille réduite et en nombre important, et des segments moins nombreux, plus volumineux et donc plus hétérogènes.

A cet effet, Nguyen, Cliquet, Borges et Leray (2003) proposent une démarche consistant à « dresser divers scénarii, chaque scénario correspondant à une combinaison précise du degré d’homogénéité et de la taille du ou des segment(s) que l’on va cibler. Ainsi, s’il s’agit de mettre en oeuvre une stratégie de niche, l’homogénéité l’emporte sur la taille de la cible; au contraire, si la stratégie élaborée repose sur la pratique d’un marketing de masse, la taille sera privilégiée ».

Mais, en amont de ces scénarii, se pose le problème de la mesure de l’homogénéité des segments. Il existe actuellement des méthodes pour effectuer cette mesure. Dans le cas des techniques traditionnelles de segmentation, fondées sur le principe que les segments de consommateurs sont complètement distincts (pas de chevauchement entre les différents segments), l’homogénéité dépend de la nature (métrique ou non métrique) des variables utilisées : lorsque les variables sont métriques, l’homogénéité est directement mesurée par un indice de type variance intra-classe; en revanche, lorsque les variables sont non métriques, on peut évaluer l’homogénéité en déterminant la dispersion des fréquences d’apparition des modalités. Quant au cas des techniques de segmentation à chevauchement (overlapping), le problème de l’homogénéité a été surmonté grâce à l’approche par la logique floue (Hruschka, 1986; Paviot, 1998; Ruspini, 1969; Wedel et Steenkamp, 1989). En effet, en introduisant le concept de degré d’appartenance, cette méthode permet de déterminer la « force » avec laquelle un individu appartient aux différentes classes (ou segments) (Nguyen, Cliquet, Borges et Leray, 2003). Le degré d’appartenance repose sur l’idée de Zadeh (1965) selon laquelle, « au lieu de chercher à tout prix un seuil unique s décidant l’appartenance à un ensemble dans un contexte donné, il semble plus réaliste de considérer deux seuils s1<s2, avec une fonction d’appartenance (compris entre 0 et 1) selon lequel l’individu en question appartient à une classe donnée ». Comme le soulignent Nguyen, Cliquet, Borges et Leray (2003), l’utilisation du degré d’appartenance comme indicateur de classification permet d’éliminer le problème d’ambiguïté de l’appartenance d’un individu à un segment et / ou à un autre.

Le principal reproche fait au cas de la segmentation traditionnelle est la non prise en compte de chevauchement entre segments; ainsi, les segments définis ne seraient pas « totalement » homogènes. En effet, comme le soulignent Chandon et Caumont (1989), les consommateurs peuvent appartenir à plus d’un segment. Mais, les contraintes méthodologiques ont exclu la considération de tels cas. En ce qui concerne l’approche par la logique floue avec introduction du degré d’appartenance, comme le notent Nguyen, Cliquet, Borges et Leray (2003), bien qu’elle permette de traiter le problème délicat de l’appartenance à différentes classes, l’utilisation de ces résultats dans la perspective d’actions commerciales n’est pas aisée.

Nous pouvons déduire de ce qui précède que des difficultés demeurent quant à l’arbitrage homogénéité / taille des segments. Aussi, proposons-nous dans cet article une contribution.

L’objectif principal de cet article est donc de proposer aux PME africaines une contribution dans la résolution de ce problème. En effet, en nous fondant sur les principes de la segmentation par avantages recherchés (Yankelovitch, 1964; Haley, 1968), nous proposons une démarche permettant de trouver un compromis entre homogénéité et taille des segments.

L’intérêt de cette démarche se situe notamment à deux niveaux. D’abord, elle constitue une contribution à la résolution d’un dilemme rencontré lors de la mise en oeuvre de la stratégie de segmentation marketing. Ensuite, cette démarche, relativement facile à mettre en oeuvre, pourrait être utilisée par les PME africaines, dont les dirigeants sont à la recherche de méthodes simples et rapides[2], pour avoir une meilleure compréhension de leurs marchés.

En effet, les PME tiennent une place importante dans les économies africaines. Mais, bien qu’elles représentent plus de 98 % de l’univers des entreprises en Afrique, ces PME restent très fragiles : des dizaines de milliers de PME périclitent chaque année. Par exemple, sur dix PME créées en Côte d’Ivoire, six disparaissent au bout de trois ans et huit au bout de cinq ans. Les causes de ces échecs sont sûrement multiples : manque de fonds de roulement, non maîtrise des techniques et méthodes modernes du management, etc. Aussi, assurer la pérennité des PME reste une préoccupation majeure des gouvernements africains.

Cet article va s’articuler autour de deux parties. D’abord, dans une première partie, nous présenterons les différentes étapes de la méthode; ensuite, suivra, dans une deuxième partie, l’illustration de la démarche dans le cadre du marché des pâtes alimentaires en Côte d’Ivoire.

La présentation de la méthode

Les fondements de la méthode

Le principe de la segmentation par avantages recherchés, proposé par Yankelovitch (1964) et développé par Haley (1968), qui servira de cadre pour la mise en oeuvre de la méthode, est construite sur l’importance des critères de choix (ou bénéfices attendus), et permet à la fois d’identifier la cible de l’entreprise et d’orienter le positionnement à donner à son produit ou à sa marque. En effet, ce principe consiste à regrouper les consommateurs en classes homogènes à partir des critères de choix qu’ils mettent en oeuvre pour choisir un produit (Green, Tull et Albaum, 1988). Dans la perspective d’une élaboration d’actions commerciales efficaces, cette méthode de segmentation peut donc donner de très bons résultats, car elle prend en compte les attributs utilisés par les acheteurs pour évaluer ou choisir un produit ou une marque. Par exemple, Green (1977) présente une excellente application de cette méthode, et souligne qu’elle est la plus directe et la plus conforme à l’idée de base de la segmentation des marchés.

Dans le cadre de ce travail, nous nous situerons sur le plan des attributs déterminants (Alpert, 1971), dans la mesure où ce concept est, selon Vernette (1987), clairement rattaché au choix ou à la préférence, ce qui présente un intérêt managérial. En effet, comme le rappelle Lambin (1990), par attribut déterminant on entend l’avantage recherché par l’acheteur. C’est donc cet attribut qui « génère » le service, la satisfaction et qui, comme tel, est utilisé comme un critère de choix. Lambin note en outre que les attributs déterminants que les acheteurs prennent le plus souvent en compte sont généralement nombreux.

Par ailleurs, selon les modèles multi-attributs, le consommateur combine les attributs choisis pour se forger une attitude globale à la base de sa décision d’achat. Ces modèles montrent en outre que les individus ne donnent pas nécessairement le même poids aux attributs déterminant leurs choix. Et comme ajoute Lambin (1990), tous les attributs n’ont pas la même importance aux yeux de l’acheteur.

En définitive, chaque consommateur dispose d’une « grappe ordonnée » d’attributs déterminants, à la base de son choix d’un produit donné. En d’autres termes, le choix du consommateur est fait à partir d’un ensemble d’attributs muni d’une relation d’ordre.

Ainsi, la méthode proposée se fonde-t-elle sur cinq postulats :

  • premièrement, l’ensemble des avantages recherchés (ou critères de choix) par un individu forme une « grappe ordonnée », c’est-à-dire qu’il a une structure obtenue à partir de l’importance accordée par l’individu à chaque critère de choix. Nous retenons dans ce travail le classement des critères suivant leur importance dans le choix;

  • deuxièmement, les individus ayant la même « grappe ordonnée » forment un ensemble homogène;

  • troisièmement, plus le nombre de critères de choix formant la grappe est grand, plus le degré d’homogénéité est élevé;

  • quatrièmement, les segments constitués à partir des grappes individuelles sont complètement distincts, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de chevauchement entre les différents segments;

  • cinquièmement, un segment est jugé potentiellement suffisant pour justifier des actions commerciales lorsqu’il représente une proportion fixée a priori de la population étudiée.

La collecte des données

La collecte des données nécessaires se déroulera en deux étapes : une étude qualitative et une étude quantitative.

Le déroulement de l’étude qualitative

L’objectif de cette étape est double : collecter dans un premier temps les attributs jugés importants par les consommateurs dans le choix du produit étudié; dans un second temps, extraire de ces attributs importants ceux qui sont déterminants dans le choix du produit, également appelés critères de choix par Alpert (1980).

Pour la collecte des attributs importants, Fishbein et Ajzen (1975), et Ryan et Etzel (1976) montrent que l’entretien semi-directif donne de très bons résultats. Nous proposons donc une trentaine d’entretiens semi-directifs, réalisés auprès de consommateurs du produit étudié.

A l’issue des entretiens, une analyse de contenu permettra de dresser la liste des attributs importants, c’est-à-dire les attributs potentiellement déterminants.

Pour la détermination de la liste des attributs déterminants (ou principaux avantages recherchés), Vernette (1987) recommande l’une des deux méthodes les plus performantes : la méthode Delphi et la méthode du questionnaire dual. La méthode Delphi présente à la fois de bonnes performances théoriques et l’avantage de pouvoir couvrir, en une seule opération, le processus complet d’identification de critères de choix. Quant à la méthode du questionnaire dual, elle présente de meilleures qualités parmi toutes les méthodes étudiées par Vernette (1987). Son coût relativement élevé, à cause des questions doubles, est justifié par de meilleures prévisions des choix des consommateurs.

Nous recommandons donc la méthode du questionnaire dual, telle que la décrit Pras (1977), pour la collecte des attributs déterminants. La mise en oeuvre de cette méthode suit les étapes suivantes, après la sélection d’un échantillon d’une vingtaine d’individus :

  • pour chaque attribut important, demander à chaque individu de l’échantillon d’indiquer un score d’importance de l’attribut et un score de différence entre les différentes marques de l’ensemble évoqué, sur une échelle de 1 à 5;

  • ces scores sont multipliés l’un par l’autre pour donner un score appelé score de déterminance;

  • une moyenne est ensuite calculée par attribut sur l’ensemble des personnes interrogées, ainsi qu’une moyenne générale pour tous les attributs de la liste;

  • tous les attributs dont le score moyen de déterminance est supérieur à la moyenne générale sont considérés comme déterminants.

Le déroulement de l’étude quantitative

A partir de la liste des P attributs déterminants obtenue à l’issue de l’étude qualitative, soumettre un questionnaire structuré à un échantillon représentatif du marché étudié. Ce questionnaire devra permettre de demander à chaque individu de l’échantillon de :

  • choisir parmi les P attributs déterminants, les x attributs qu’il considère comme ses critères de choix (ou avantages recherchés);

  • classer ces x critères de choix, du plus important (classé 1er) au moins important (classé x ième).

Nous obtiendrons ainsi la « grappe ordonnée » des individus interrogés.

Le questionnaire devra permettre de collecter d’autres informations jugées intéressantes pour la compréhension du marché étudié. Par exemple, des variables socio-démographiques pourraient faciliter la description des segments de consommateurs définis.

La constitution des groupes et arbitrage homogénéité / taille des segments

A cet effet, définissons les paramètres ci-après :

  • P : le nombre de critères de choix ou d’avantages recherchés définis sur le marché étudié;

  • xi : le nombre de critères ou avantages retenus et classés par l’individu i;

  • N : le niveau d’agrégation retenu, qui est fonction du nombre de critères classés par les individus interrogés.

La constitution des groupes

  • si N = 1, nous mettrons dans le même groupe, tous les individus ayant classé « premier » le même critère de choix;

  • si N= 2, les individus ayant classé deux mêmes critères de choix respectivement premier et deuxième seront regroupés.

Nous procéderons ainsi jusqu’à N = P. Dans ce cas, nous regrouperons les individus ayant classé de la même manière les P critères de choix.

A noter que lorsqu’on augmente N, certains individus de l’échantillon ne se retrouvent plus dans les classes définies. Il est donc possible de calculer un taux de « déperdition », c’est-à-dire la proportion des individus « rejetés » par le niveau d’agrégation.

La mesure de l’homogénéité

Elle va dépendre du niveau d’agrégation retenu :

  • si N = P, l’homogénéité sera qualifiée de « complète ». La compréhension du marché sera « totalement » fine, car la taille des segments est généralement réduite (Manceau et Volle, 2003);

  • si N < P, l’homogénéité sera qualifiée « d’incomplète ». La compréhension du marché ne sera pas « totalement » fine, car la taille des segments est plus ou moins grande (Manceau et Volle, 2003).

L’arbitrage homogénéité / taille des segments

Lorsque N = P, l’homogénéité est certes « complète », mais la taille des groupes définis est réduite. Par ailleurs, ce découpage entraîne sûrement un taux de déperdition élevé. Comme le rappellent Nguyen, Cliquet, Borges et Leray (2003), les segments définis dans ce cas intéresseront des entreprises désireuses de mettre en oeuvre une stratégie de niche.

En définitive, le véritable besoin d’arbitrage se manifestera dans les cas d’une homogénéité « incomplète », c’est-à-dire lorsque N < P. Dans ces cas, nous définissons trois conditions qui devront être réunies pour que les segments définis permettent d’avoir un bon compromis homogénéité / taille :

  • première condition : au moins la moitié des P critères de choix (ou avantages recherchés) définis sur le marché étudié devra être utilisée pour effectuer la partition. En d’autres termes, nous devons avoir le rapport N ∕ P ≥ 0,5, conformément au critère de validité retenu par les programmes de classification (variance inter-groupe/variance totale ≥ 0,50) ;

  • deuxième condition : la procédure de partition devra donner des segments ayant une taille au moins égale à 5 % de l’échantillon, comme la plupart des programmes de partition disponibles sur le marché;

  • troisième condition : la procédure de partition devra entraîner un taux de déperdition le plus faible possible.

La pertinence de la méthode proposée

Elle sera mesurée en comparant notre démarche méthodologique aux techniques généralement utilisées pour la segmentation par avantages recherchés. La comparaison se fera à deux niveaux : la mesure de l’homogénéité des segments et l’arbitrage homogénéité/ taille des segments.

Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour la segmentation par avantages recherchés. Par exemple, l’analyse en composantes principales et l’analyse typologique sont des techniques le plus souvent mises en oeuvre dans ce cas. Mais, ce mode de segmentation ayant pour objectif principal le regroupement de consommateurs en classes homogènes à partir de leurs critères de choix considérés sur le même pied d’égalité, l’analyse typologique est préférée aux autres techniques. Nous comparerons donc l’analyse typologique à notre proposition méthodologique.

En ce qui concerne le type d’analyse typologique à réaliser, nous choisissons notre méthode parmi les méthodes de classification hiérarchique, parce qu’elles ne nécessitent pas de fixer au départ le nombre de classes (contrairement aux méthodes non hiérarchiques). Ainsi, avons-nous le choix entre trois techniques de classification : la classification ascendante hiérarchique, la classification ascendante hiérarchique du moment d’ordre deux et la classification descendante hiérarchique.

Quant aux critères d’agrégation, nous avons également le choix entre la moyenne des distances pondérées, la distance minimale et la distance maximale.

En définitive, nous retenons la technique de classification ascendante et la moyenne des distances pondérées comme critère d’agrégation. Ce choix est non seulement conforme à l’idée de base de la segmentation des marchés, mais également il nous a donné de très bons résultats lors de travaux réalisés sur les marchés de l’automobile et de la cigarette en Côte d’Ivoire et en France (Anassé, 1997).

Enfin, en ce qui concerne les conditions de validité de la classification, nous en avons retenues deux :

  • la validité globale de la classification est obtenue si le rapport variance inter-groupe (VI) / variance totale (VT) est supérieur ou égal à 0,50;

  • un segment est qualifié d’intéressant et donc accepté que si son effectif est supérieur ou égal à 50 % de l’échantillon.

L’illustration de la démarche pour le cas du marché ivoirien des pâtes alimentaires

La démarche présentée ci-dessus est appliquée au domaine de la pâte alimentaire en Côte d’Ivoire, dont la diversité des marques en présence sur le marché témoigne de la multiplicité des attentes. Par ailleurs, ce marché est suffisamment représentatif des marchés africains du même produit.

Cette application est fondée sur un échantillon non représentatif de la population ivoirienne, mais typique en termes d’achat et de consommation de pâtes alimentaires.

La comparaison de la démarche à l’analyse typologique montrera sa pertinence en matière de mesure de l’homogénéité d’un segment et de l’arbitrage homogénéité /taille des segments.

La collecte des données

Les données collectées ont permis non seulement d’illustrer notre démarche méthodologique mais également d’effectuer l’analyse typologique.

La collecte des données s’est déroulée en deux phases, à savoir une phase qualitative et une phase quantitative.

Le déroulement de la phase qualitative

L’objectif essentiel de cette phase était de collecter les principales attentes (ou avantages recherchés ou critères de choix) des consommateurs de pâtes alimentaires en Côte d’Ivoire. Nous avons procédé en deux phases :

  • la collecte des attributs jugés importants par les consommateurs dans le choix des pâtes alimentaires;

  • la sélection, à partir de la liste des attributs importants, des attributs déterminants (ou avantages recherchés ou critères de choix).

La réalisation de la première étape s’est faite au travers de 20 entretiens semi-directifs effectués auprès de consommateurs de pâtes alimentaires.

Ces entretiens ont permis de collecter les attributs du tableau 1 ci-après.

Tableau 1

Liste des attributs importants

Liste des attributs importants

-> See the list of tables

Comme nous l’avons recommandé, la sélection des attributs déterminants ou critères de choix s’est faite à l’aide de la méthode du questionnaire dual. Ainsi, avons-nous demandé pour chaque attribut du tableau 1 à 30 consommateurs de pâtes alimentaires d’indiquer un score d’importance et un score de différence (entre les différentes marques de pâtes alimentaires), sur une échelle allant de 1 à 5 : pas du tout important (1), pas important (2), sans opinion (3), important (4), très important (5); pas du tout différentes (1), pas différentes (2), sans opinion (3), différentes (4), très différentes (5). Ensuite, les scores d’importance et de différence ont été multipliés l’un par l’autre pour donner un score appelé « score de déterminance ». Puis, une moyenne des scores de déterminance a été calculée. Enfin, tous les attributs dont le score de déterminance est supérieur à la moyenne générale ont été retenus comme attributs déterminants (ou critères de choix ou avantages recherchés). Nous avons ainsi la liste du tableau 2 ci-dessous.

Le déroulement de la phase quantitative

Un questionnaire structuré a été soumis à 100 consommateurs de pâtes alimentaires. La taille relativement faible de l’échantillon nous semble justifiée. D’abord, nous avons choisi notre analyse typologique parmi les méthodes de classification hiérarchiques. Ensuite, Roehrich et Valette-Florence (1992) et Aurifeille (1993) montrent qu’il est possible d’avoir une bonne compréhension des marchés à partir de la segmentation faite sur la base d’un échantillon de moins de 100 individus. Enfin, cet échantillon suffit pour illustrer notre méthode.

Tableau 2

Liste des attributs déterminants (ou avantages recherchés)

Liste des attributs déterminants (ou avantages recherchés)

-> See the list of tables

Le questionnaire s’est articulé essentiellement autour de trois parties. Dans la première partie, nous avons collecté les informations qui ont permis de mettre en oeuvre notre démarche méthodologique. Ainsi, avons-nous demandé à chaque individu de choisir et classer, parmi les attributs du tableau 2, ceux qu’il retient dans le choix des pâtes alimentaires. Au niveau de la deuxième partie, nous avons obtenu les informations nécessaires pour l’analyse typologique. Nous avons demandé à chaque répondant d’évaluer l’importance de chaque attribut du tableau 2, en lui attribuant une note allant de 1 à 7. Enfin, la troisième partie a permis de collecter des caractéristiques socio- démographiques et géographiques pour la description des segments de consommateurs qui seront définis.

La constitution des groupes

Le cas de la démarche méthodologique proposée

La constitution des groupes s’est faite en fonction du niveau d’agrégation (N). L’analyse ayant défini 6 critères de choix (ou attentes ou avantages recherchés), nous avons eu 6 niveaux d’agrégation. Les groupes obtenus à l’issue de ces 6 niveaux d’agrégation sont présentés au tableau 3 ci-dessous. Les principaux résultats de la procédure de constitution des groupes sont rassemblés dans le tableau 4 ci-après.

Celui-ci suscite quelques commentaires :

  • la taille des segments diminue quand le niveau d’agrégation augmente;

  • le taux de déperdition augmente lorsque le niveau d’agrégation croît;

  • le responsable marketing peut, après la définition de conditions d’homogénéité et de taille, choisir un niveau d’agrégation donné.

Le cas de l’analyse typologique 

Nous avons utilisé la classification hiérarchique ascendante et comme critère d’agrégation la moyenne des distances pondérées. Pour le choix du nombre de groupes de la classification, bien qu’il n’y ait pas de règle stricte, nous avons suivi quelques indications. D’abord, des considérations pratiques nous ont conduit à retenir le découpage qui permet d’avoir un nombre intéressant de groupes : le découpage qui donne la plus grande proportion de segments dont la taille est supérieure ou égale à 5 % de l’échantillon. Ensuite, comme le recommandent Malhotra, Décaudin et Bouguerra (2004), nous avons veillé à ce que les tailles des groupes soient sensées, c’est-à-dire les écarts entre les groupes ne soient pas trop importants.

Tableau 3

Les 6 niveaux d’agrégation effectués

Niveau d’agrégation : 1

Niveau d’agrégation : 1

Niveau d’agrégation : 2

Niveau d’agrégation : 2

Niveau d’agrégation : 3

Niveau d’agrégation : 3

Niveau d’agrégation : 4

Niveau d’agrégation : 4

Niveau d’agrégation : 5

Niveau d’agrégation : 5

Niveau d’agrégation : 6

Niveau d’agrégation : 6

-> See the list of tables

Tableau 4

Synthèse des résultats des différents niveaux

Synthèse des résultats des différents niveaux

-> See the list of tables

Tableau 5

Les résultats de l’analyse typologique

Les résultats de l’analyse typologique

-> See the list of tables

La solution des 5 groupes, présentée au tableau 5 ci-dessus, a été ainsi jugée appropriée et donc retenue.

La comparaison des 2 méthodes de partition

La comparaison se fera à deux niveaux :

  • au niveau de la mesure de l’homogénéité des segments,

  • au niveau de l’arbitrage homogénéité/taille des segments.

De la mesure de l’homogénéité

Rappelons que l’homogénéité du segment signifie que les individus du segment sont similaires en termes des variables de segmentation retenues, et très différents des individus des autres segments. Ramenée au marché étudié, l’homogénéité d’un segment signifiera que l’on retrouvera dans le segment les individus ayant les mêmes attentes en matière de consommation de pâtes alimentaires. Vérifions donc cette propriété dans les deux approches de partition

La démarche méthodologique proposée

Cette démarche va regrouper les individus en fonction de leurs grappes ordonnées d’avantages recherchés. Ainsi, un segment est rigoureusement constitué d’individus qui ont non seulement retenu les mêmes critères de choix (ou attentes ou avantages recherchés), mais qui les ont également classés de la même manière. L’homogénéité des segments est donc assurée. Par ailleurs, en augmentant le niveau d’agrégation, on améliore le degré d’homogénéité jusqu’à l’obtention d’un niveau qualifié d’homogénéité « complète ». Rappelons que l’homogénéité est complète lorsque l’agrégation est réalisée à l’aide des P attributs définis sur le marché étudié.

L’analyse typologique

La démarche de constitution des groupes adoptée par cette méthode ne favorise pas une bonne homogénéité. En effet, la classification hiérarchique ascendante utilisée dans cette étude procède par agglomération : au départ, chaque individu constitue un groupe à lui seul; puis l’on regroupe les individus les plus « proches », c’est-à-dire ceux pour lesquels la distance est la plus faible. En d’autres termes, il n’y a pas « identité » des attentes (ou critères de choix ou avantages recherchés) des individus d’un segment, contrairement à ce qu’on observe avec la démarche méthodologique proposée. Quelques illustrations permettront de confirmer ce constat. Par exemple, les individus 1 et 9 appartiennent au même segment obtenu à l’issue de l’analyse typologique, alors qu’ils ne retiennent pas les mêmes critères de choix. Le segment auquel ils appartiennent n’assure donc pas une bonne homogénéité. Nous pouvons en dire autant pour les individus 90 et 100, 83 et 84, etc.

Nous pouvons donc noter que la démarche méthodologique proposée offre une meilleure mesure du niveau d’homogénéité des segments.

De l’arbitrage homogénéité/taille des segments

  • la démarche méthodologique proposée :

    La méthode de constitution des groupes selon le niveau d’agrégation (N) donne pour chaque valeur de N le niveau d’homogénéité et la taille des segments déterminés. Le responsable marketing a donc toute latitude de retenir le niveau d’agrégation qui lui permet d’avoir le meilleur compromis homogénéité/taille de segments.

  • l’analyse typologique :

    Les limites en matière d’homogénéité soulignées précédemment ne favorisent pas un bon compromis homogénéité/taille des segments obtenus dans ce type de partition.

    Nous pouvons déduire de ce qui précède que la démarche méthodologique proposée offre un meilleur arbitrage homogénéité/taille des segments.

Conclusion et limites

Face à la difficulté liée à l’arbitrage homogénéité /taille des segments, l’objectif principal de cet article était de proposer une solution fondée sur les principes de la segmentation par avantages recherchés. Les étapes de la méthode proposée peuvent être résumées ci-dessous :

1ère étape :

La collecte des P critères de choix du produit concerné;

2ème étape :

La sélection d’un échantillon représentatif des consommateurs du produit étudié;

3ème étape :

La sélection et le classement par chaque individu de ses X critères de choix;

4ème étape :

La constitution des groupes (segments) d’individus;

5ème étape :

Le choix du découpage qui offre le meilleur compromis homogénéité/taille des segments.

Comparée à l’analyse typologique, la démarche méthodologique proposée offre quelques avantages :

  • les variables de segmentation ne sont pas prises sur le même pied d’égalité : l’on respecte bien l’ordre existant entre les avantages recherchés dans le choix des individus;

  • il est possible de faire croître le degré d’homogénéité en faisant croître le niveau d’agrégation (N=1, N=2,… N=P). Nous pouvons ainsi obtenir un niveau d’homogénéité qualifié d’homogénéité « complète » lorsque N=P;

  • la mesure de l’homogénéité est « stable », car elle ne dépend pas de la nature métrique ou non des variables utilisées;

  • pour chaque niveau d’homogénéité, nous avons les segments et leur taille. IL est donc relativement aisé de déterminer un compromis entre homogénéité et taille des segments;

  • dans la perspective d’une définition du positionnement voulu, cette démarche permettra au responsable marketing de choisir le nombre de variables à prendre en compte et d’avoir la taille et la composition des segments cibles;

  • la méthode d’agrégation est relativement facile à mettre en oeuvre; elle pourrait ainsi satisfaire les attentes des responsables de PME africaines en matière de segmentation des marchés.

Cependant, cette démarche méthodologique présente certaines limites. Une limite essentielle liée à la définition des avantages recherchés sur le marché étudié. En effet, la mise en oeuvre de cette démarche nécessite en amont la liste exhaustive des avantages recherchés (ou critères de choix) par les consommateurs du produit ou service concerné. Mais, comme le rappelle Vernette (1987), la liste des attributs sera différente selon la méthode utilisée. Nous suggérons donc l’utilisation de la méthode du questionnaire dual. Bien sûr, son coût est relativement élevé; mais elle permet d’obtenir une liste fiable. Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette méthode est rapide. Les dirigeants de PME africaines peuvent donc aisément l’utiliser. Une autre limite est liée à la segmentation par avantages recherchés, qui a servi de cadre pour la mise en oeuvre de la méthode exposée dans cet article, présente quelques faiblesses. En effet, comme le souligne Salles (2003), ce mode de segmentation n’est intéressant que dans le cadre d’achats rationnels, assez complexes, nécessitant un processus de décision assez long et une implication forte. D’autre part, ce mode de segmentation, étant construit sur des critères sensibles aux actions marketing, donne des résultats peu stables dans le temps.

Malgré les limites relevées, la méthode proposée peut être utile pour les dirigeants de PME africaines en matières de définition de marchés cibles. A cet effet, il est possible à l’aide d’un programme réalisé à partir du logiciel Excel de simplifier davantage les différentes étapes de la méthode.