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Contrairement au marché, l’organisation est ontologiquement relationnelle (Pesqueux, 2006). Au même titre que le savoir, la relation est au coeur des disciplines de gestion mais elle est aussi un invariant de l’action collective et des sciences de gestion (David, Hatchuel, Laufer, 2000; Le Moigne, 2007; Lièvre et Lecoutre, 2008; Desreumaux, Bréchet, 2009; Pesqueux, 2009). Bréchet et Desreumaux (2009) proposent d’appréhender l’action collective comme un projet, c’est-à-dire un processus de conception et de régulation de l’action dans lequel les acteurs concernés construisent des relations et des savoirs. Dans la même veine, Pesqueux (2006) évoque l’idée d’un projet s’inscrivant dans un rôle fédérateur des projets des parties prenantes. Les approches par les « parties prenantes » (Freeman, 1984; 2003; Cadiou et Morvan, 2008; Bonnafous-Boucher et Pesqueux, 2006; Mercier, 2010) fournissent des grilles de lecture utiles afin d’intégrer la relation en management. Les acteurs qui gravitent autour de l’organisation, qu’ils affectent ou qu’ils soient affectés par elle[2], ont été qualifiés par Freeman (1984), de « stakeholders » (« détenteurs d’influence » ou « parties prenantes »)[3], par comparaison avec les détenteurs des capitaux que sont les « shareholders ». Pendant longtemps, la valeur actionnariale a primé. Toutefois, les travaux menés en gouvernance s’emparent de la question relationnelle dès lors qu’ils intègrent progressivement une valeur partenariale (Charreaux et Desbrières, 1998; Charreaux, 2004; Persais 2013). Comme l’indiquent Calvi, Paché et Jarniat (2010), les tenants de la « -Relational View- invitent à une lecture partenariale des parties prenantes[4] de l’entreprise.

Le savoir et la relation deviennent des objets à gérer. Deux questions centrales se posent : comment identifier le portefeuille de parties prenantes de l’organisation ? Quelles stratégies relationnelles formuler et mettre en oeuvre à partir de la reconnaissance du portefeuille relationnel ? Par conséquent l’objectif de cette recherche est d’identifier et de comprendre les contenus relationnels (structures relationnelles – identification du portefeuille relationnel -, pratiques relationnelles – politiques et stratégies relationnelles, et les profils relationnels des acteurs) plutôt que les processus relationnels (trajectoire, cycle de vie). Nous répondrons à ces questions sur la base d’une étude de cas issue de l’Economie Sociale et Solidaire : l’association de services aux personnes et aux entreprises « A.I.D.E.R ».

Etat de l’art et proposition

Pour Pesqueux (2006) la théorie des parties prenantes s’inscrit dans un projet de compréhension de la relation « organisation-groupes » à trois niveaux : comme fondement (essence de l’organisation), comme norme (« persévérance à exister ») et comme théorie de l’action (stratégies relationnelles). Mercier (2006, 2010), Cadiou et Morvan (2008) constatent une forte diversité des approches par les parties prenantes[5]. Certains la regrettent, d’autres, parmi eux son initiateur, l’acceptent et la souhaitent (Freeman, 2003, 2008). Pour leur part, Donaldson et Preston (1995) distinguent trois approches : descriptive, instrumentale (ou stratégique) et normative. Quoique différentes ces approches sont, à nos yeux, complémentaires.

Vers une complémentarité des approches descriptive, instrumentale et normative des parties prenantes

L’approche descriptive cherche à classer et à dresser une carte des parties prenantes de l’organisation. Cette cartographie s’appuie sur divers critères empiriques. Le but commun de ces classifications est de déterminer la hiérarchie des réponses que devra apporter l’organisation de référence. Ainsi d’une approche descriptive, on glisse vers une approche instrumentale puisqu’il en va de l’intérêt de l’organisation de manager ses relations (Moriceau, 2006). Le capital relationnel ainsi constitué devient une ressource stratégique. En effet se soucier des parties prenantes dépend du contexte de l’organisation et en particulier de l’impact qu’elles peuvent avoir sur ses performances.

Cependant Igalens et Point (2009) estiment que les relations avec les parties prenantes sont fondées sur des obligations morales et normatives (dialogue, transparence ou confiance) et non pas sur une volonté d’utiliser les parties prenantes pour maximiser les profits. Cette approche normative conduit à reconnaître la valeur intrinsèque de chacune des parties prenantes du fait même de leur existence. Elle contribue au développement d’une gouvernance partenariale dans laquelle la responsabilité sociale de l’organisation prend une place importante (Igalens et Point 2009; Persais, 2013; Sahed-Granger et Boncori, 2014). Cette approche accorde une place centrale à l’équité, à la justice, à la cohésion sociale et à l’éthique. Ces trois approches sont synthétisées dans le tableau 1.

Pour notre part, nous estimons que ces trois approches, descriptive, instrumentale et normative sont complémentaires. En effet, la mise en oeuvre d’une approche instrumentale nécessite au préalable la réalisation d’une description du portefeuille de parties prenantes dans la mesure où la définition d’une politique et d’une stratégie relationnelles ne peuvent s’élaborer qu’à condition que l’organisation dispose d’une connaissance précise de ses parties prenantes. En outre, cette connaissance se fonde sur une reconnaissance a priori de leur valeur intrinsèque dans une perspective d’équité, de justice et de cohésion sociale[6].

Tableau 1

Les trois approches de la théorie des parties prenantes

Les trois approches de la théorie des parties prenantes

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De même l’approche instrumentale ou stratégique ne peut s’exprimer de manière efficace sans le respect de ses parties prenantes. Dit autrement, il nous semble que les approches descriptive et instrumentale devraient être « teintées » d’une dimension normative. Par conséquent, nous proposons une triple perspective des parties prenantes. L’approche normative exige la reconnaissance des parties prenantes, l’approche descriptive s’appuie sur leur connaissance et l’approche instrumentale ou stratégique fait référence au management du portefeuille relationnel (Figure 1).

Nous verrons que cette triple perspective est particulièrement pertinente dans le secteur de « l’E.S.S ».

Le portefeuille relationnel de l’organisation : approche descriptive et normative des parties prenantes

La description du portefeuille relationnel de l’organisation contribue à comprendre la structure relationnelle de l’organisation. Elle nécessite d’une part, de connaître ses parties prenantes, c’est-à-dire d’être capable de les identifier comme acteurs susceptibles d’être affectés par l’organisation et d’affecter l’organisation (dimension descriptive) et, d’autre part, de les reconnaître comme des acteurs intrinsèques dotés d’une existence propre à l’égard desquels elle doit faire preuve de respect, d’intégrité, d’équité et justice (dimension normative). Nous le verrons ultérieurement ces exigences prennent particulièrement sens dans le cas que nous traiterons.

FIGURE 1

Une triple perspective des parties prenantes

Une triple perspective des parties prenantes

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Tableau 2

Synthèse des catégories de parties prenantes

Synthèse des catégories de parties prenantes
Source. El Abboubi et Cornet, (2010)

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Comment identifier et bâtir le portefeuille relationnel d’une organisation ? Différentes approches des parties prenantes existent (Igalens et Point, 2009; El Abboubi et Cornet, 2010; El Abboubi, 2013 – Tableau 2-) et différentes cartographies furent proposées (Igalens et Point, 2009)[7] afin de répondre à cette question.

De multiples matrices à double entrée existent afin de segmenter les parties prenantes : dynamisme et pouvoir; pouvoir et intérêt; menace et coopération... Les typologies les plus courantes reposent sur la distinction entre les parties prenantes primaires (formelles et contractuelles) et secondaires; volontaires et involontaires; internes et externes, les parties prenantes avec des droits et les parties prenantes ayant un intérêt… Igalens et Point (2009) retiennent une segmentation des parties prenantes en fonction d’un critère de proximité; proximité ici entendue comme l’implication directe des parties prenantes vis-à-vis des actions de l’entreprise. Enfin, la classification proposée par Agle, Mitchell et Wood (1997) à partir de trois critères (influence, légitimité, urgence) est très largement reprise par les chercheurs.

Partant du constat selon lequel la relation est une interaction entre au moins l’une des activités de la chaîne de valeur de l’organisation (Porter, 1997) et de celle de ses parties prenantes, nous proposons, à l’instar des méthodes de portefeuille, qui sont des techniques bien établies dans la pratique managériale (Homburg et al, 2009)[8], l’idée de « portefeuille relationnel » de parties prenantes. Ce portefeuille relationnel est composé de l’ensemble des relations tissées entre la chaîne de valeur de l’organisation et celle de ses parties prenantes (Figure 2). Cette chaîne relationnelle comprend deux versants : l’un interne (relations entre activités de soutien elles-mêmes, entre activités principales elles-mêmes, et entre activités de soutien et principales) et l’autre externe (relations entre activités de soutien ou/et principales de l’organisation et au moins une activité de la chaîne de valeur des parties prenantes). Si les relations internes sont importantes afin d’assurer leur coordination (Porter, 1997) au sein de l’organisation, les relations externes seront déterminantes dans la création de confiance et de coopération. Enfin, diverses parties prenantes peuvent elles-mêmes être connectées entres elles. Pourtant ce dernier type de relations est rarement entrevu dans les typologies des parties prenantes (Pesqueux, 2006; Mercier, 2006, 2010, Moriceau, 2006; Fulconis et al, 2011)[9].

FIGURE 2

Dimension relationnelle de la chaîne de valeur

Dimension relationnelle de la chaîne de valeur

Exemples de relations forme: 2061083n.jpg

Légende : DEVT (Développement technologique) ; RH (Ressources Humaines) ; INFR (Infrastructure) ; APPROV (Approvisionnement) ; SERV (Services) ; LI (Logistique Interne) ; COM (Commercialisation) ; PROD (Production).

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Finalement, les relations tissées entre l’organisation et son portefeuille de parties prenantes contribuent à la création de valeur et en particulier au renforcement de son capital social et relationnel. Akrout et Akrout (2010) parlent de création de valeur relationnelle créée pour l’organisation et ses parties prenantes.

Cette approche en termes de portefeuille relationnel s’inscrit dans la lignée des typologies des parties prenantes. Il en découle qu’elles sont impersonnelles (Moriceau, 2006) et juste « spectatrices » (Pesqueux, 2006). Elle traite moins des relations réellement tissées que de l’identification abstraite des acteurs en fonction de leur rôle respectif. Selon Pesqueux (2006) elle porte les germes d’une perspective interactionniste mais demeure fonctionnaliste. Quant à Mercier (2010), il estime que la théorie des parties prenantes est statique et descriptive plutôt que dynamique, analytique voire prospective. En résumé, ces approches descriptives des parties prenantes sont essentiellement impersonnelle, fonctionnaliste, statique, peu conflictuelle, plutôt non dyadique et mono rôle.

Toutefois, dès lors que les parties prenantes sont identifiées et structurées grâce à ces différentes grilles, leur analyse devient envisageable, par exemple en termes de nombre (densité relationnelle) et de diversité (richesse relationnelle). Finalement les typologies et la hiérarchie des parties prenantes doivent permettre de définir des priorités en termes d’attention et d’action (approche instrumentale).

Les politiques et stratégies relationnelles : de l’approche descriptive à l’approche instrumentale des parties prenantes.

La performance ne peut pas se définir exclusivement comme la capacité à satisfaire les demandes des actionnaires et des clients. Le management relationnel des parties prenantes peut être utilisé afin de sonder la performance de l’entreprise dans ses relations avec la communauté locale, la qualité de ses relations et la satisfaction de ses parties prenantes (Lecoutre et Lièvre, 2008; Igalens et Point, 2009; Mercier, 2010). En effet, la création de valeur et la performance de l’organisation reposent de plus en plus sur la qualité de l’ensemble du portefeuille de relations de l’organisation (Lecoutre et Lièvre, 2008; Mercier, 2010; Persais, 2013). Harrison et al (2010) constatent que les entreprises qui allouent des ressources afin de satisfaire les besoins et les demandes de leurs parties prenantes développent des relations de confiance avec elles. Si chacune des relations dyadiques tissées entre l’organisation et ses parties prenantes est potentiellement stratégique, la valeur du capital relationnel repose sur l’ensemble du portefeuille de relations. L’enjeu stratégique devient alors l’obtention et le maintien d’un avantage concurrentiel relationnel durable en phase avec la vision stratégique. Nous nous inscrivons dans la lignée de Paturel et al (2005) pour lesquels l’enjeu est de passer d’un avantage concurrentiel ponctuel à un véritable management relationnel incitatif et accumulateur de stock de capital social au sens de Bourdieu (2005)[10].

La finalité du management relationnel serait alors de créer, de maintenir ou d’accroître la valeur présente et future du portefeuille relationnel de l’organisation[11]; tandis que son objet consisterait en l’identification et l’analyse de son portefeuille relationnel, puis au développement d’une politique et de stratégies relationnelles d’engagement et d’investissements relationnels destinées à accroître son capital relationnel, voire à créer, maintenir ou renforcer un avantage concurrentiel relationnel durable.

La confiance, le respect mutuel, la réciprocité, la proximité… sont des facteurs clés permettant de nouer et d’entretenir des relations durables entre l’organisation et ses parties prenantes favorisant des actions coordonnées et de coopération. Ces facteurs clés sont le reflet d’une approche normative visant à reconnaître les parties prenantes afin de ne pas déployer des actions empreintes d’effets par trop négatifs à leur encontre. Il s’agit d’aboutir à une approche instrumentale « tempérée » incluant de l’équité, de la justice et de la cohésion sociale. Comme en matière de management de la qualité, on peut également, imaginer que les dirigeants instaurent une déclaration de politique relationnelle (valeurs, principe, objectifs).

Des stratégies relationnelles pourront être mises en oeuvre afin de maintenir ou d’accroître la valeur de ce portefeuille relationnel. Elles nécessiteront de mobiliser des ressources et des compétences aptes à la création partenariale de valeur relationnelle. Ces axes stratégiques sont au nombre de quatre. Le premier concerne la détermination et l’évolution du portefeuille de relations de l’organisation (acquisition ou/et conquête de nouvelles relations, développement des relations actuelles, ruptures relationnelles avec ou sans conflit…; changement de nature de la relation : passer du conflit à la coopération...). Le second axe porte sur la détermination et l’évolution du portefeuille de compétences relationnelles de l’organisation. Si le portefeuille relationnel de l’organisation est peu développé, l’une des causes possibles est l’insuffisance du portefeuille de compétences relationnelles. Elles permettent d’exploiter les liens qu’une organisation entretient avec ses parties prenantes (Persais, 2002, Mintzberg, 2009). Persais (2002) définit une compétence relationnelle comme la capacité d’une entreprise à tisser et entretenir un lien positif et durable avec un acteur clé de l’environnement. L’acquisition de ce type de compétences se fonde sur trois facteurs clés : une très bonne connaissance des acteurs clés de l’environnement (dimension descriptive), un savoir-faire reconnu dans la gestion des relations avec ses interlocuteurs et un savoir-être révélateur d’une attitude et d’un souci d’intégrer les exigences de ces acteurs (dimension normative) dans les décisions de l’entreprise (dimension instrumentale)[12]. Le management relationnel constitue lui-même une compétence potentiellement distinctive. Il fait du/des dirigeant(s) un coordinateur/intégrateur de relations devant lui-même maîtriser des compétences relationnelles, notamment de coordination (Minztberg, 2009). Le troisième axe traite de la détermination des investissements relationnels à réaliser (mise en place d’une veille relationnelle -Sobczak et al- 2010-, dépense en temps, en effort de séduction ou encore la constitution d’un réseau social, la participation à des projets externes, développement de coopérations...). Le quatrième axe s’attache à la définition de la nature et de l’intensité de l’engagement relationnel des parties prenantes que l’organisation estime souhaitable et possible. Dès lors que les parties prenantes cherchent de plus en plus à influencer les processus même de décision[13], Sobczak et Al (2010) posent la question de l’intégration du point de vue des parties prenantes dans le système de management et le pilotage de projet en lien avec les parties prenantes. Pour leur part, Igalens et Point (2009) suggèrent un continuum de l’engagement des parties prenantes allant de la simple stratégie de communication à la constitution de véritables partenariats.

Méthodologie

Cette recherche porte prioritairement sur les contenus relationnels. Ils traitent des structures relationnelles, des pratiques relationnelles et, plus accessoirement, des profils relationnels des acteurs. Comprendre toute relation suppose de connaître les raisons qui motivent l’action collective des acteurs (pourquoi et qui ?) et d’identifier les dimensions et les ressorts de la relation (quoi ?). A cette fin le management relationnel nécessite de recourir à des méthodes qualitatives plus à mêmes de saisir la globalité contextualisée de la relation et plus aptes à contribuer aux connaissances sur la relation[14].

L’ « E.S.S » comme terrain : essence relationnelle et parties prenantes

Cette recherche porte sur le cas d’une association intervenant dans le champ de l’économie sociale et solidaire (« E.S.S ») et en particulier dans le domaine des services à la personne qui est lui-même vaste et diversifié (Saunier, 2012)[15]. Ce secteur répond aux besoins de personnes rencontrant des difficultés sociales, professionnelles et éloignées de l’emploi. En milieu « E.S.S » les préoccupations sociétales priment sur l’économie (Everaere, 2011). Dans sa recherche qualitative, 25 acteurs évoquent parmi les valeurs de leur secteur : les résultats (accueil, écoute, comprendre); le respect de l’autre, le partage (notamment de valeurs communes), la solidarité, l’entraide, la proximité, le lien social, la priorité aux personnes face aux contraintes et enjeux économiques…Ces valeurs sont représentatives d’une approche normative des parties prenantes et de leur reconnaissance. Ce secteur d’activité est par essence très relationnel à la fois de par le nombre et la diversité des acteurs en jeux, et d’autre part, par la nature relationnelle du service délivré (Chemin-Bouzir, 2011; Saunier, 2012). Ce dernier précise qu’un grand nombre d’acteurs participe à la création des prestations ou exerce une influence sur celles-ci. En résumé, les spécificités du secteur de « l’E.S.S » impliquent d’accorder une place importante à l’approche normative des parties prenantes. Pour reprendre Pesqueux (2006), elle en constitue quasiment son fondement (essence de l’organisation) et sa norme (« persévérance à exister »). Pour autant, « l’E.S.S » se trouve de plus en plus concernée par des préoccupations managériales et stratégiques du fait notamment de l’accroissement de la concurrence. Par conséquent, les approches descriptive et instrumentale sont également pertinentes afin d’aborder la question des parties prenantes dans ce secteur.

Le cas de l’association : « A.I.D.E.R »

L’association support de notre cas « s’adresse aux particuliers et aux entreprises », elle suit « 130 personnes par an en accompagnement d’emploi durable » et s’est engagée dans une « démarche qualité depuis 10 ans ». L’association « AIDER SERVICES », association française de loi 1901 à but non lucratif, a été déclarée à la Préfecture du Loiret le 2 septembre 1999 et la parution aux journaux officiels a eu lieu le 25 septembre 1999. Pour sa première année, l’association réalisait principalement des interventions de ménage et des prestations de confort. En 2003, « AIDER SERVICES » développe le secteur de l’aide à la personne. Celui-ci devient la principale activité de l’association. Afin de répondre aux besoins de ce nouveau public, l’association se structure tant dans l’encadrement de son équipe prestataire que dans le suivi de ses usagers. Fin 2007, « AIDER SERVICES » obtient le label qualité de la fédération « Adessadomicile » et en janvier 2008 elle se voit agréée « qualité » par la DIRECCTE. L’association propose aujourd’hui un panel de prestations en direction des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des personnes dépendantes sur l’ensemble de l’agglomération Orléanaise. En 2013 l’association obtient la certification ISO 9001 version 2008. Cette certification est l’une des illustrations de la prise en compte des parties prenantes, non plus seulement comme fondement ou comme norme, mais aussi comme théorie de l’action (Pesqueux, 2006) nécessitant la formulation et la mise en oeuvre de stratégies.

Les matériaux du cas et leur analyse

L’étude de ce cas a exigé la collecte d’informations diverses et variées permettant d’opérer leur triangulation. Les matériaux de cette étude de cas sont multiples : entretiens semi-directifs (Encadré 1. Guide d’entretien), site internet, rapport d’activité de l’association, manuel qualité, participation à une réunion d’un réseau de la directrice, échanges sur l’agenda de la directrice.

L’analyse des données fut menée par un codage manuel s’appuyant sur une grille d’analyse déclinant les thématiques du cadre conceptuel en dimensions puis en critères (Tableau 3).

Résultats

La présentation des résultats de la recherche s’articule en trois points. Le premier resitue la dimension relationnelle dans la vision stratégique d’ensemble de la directrice et présente sa politique relationnelle. Le second point visera à présenter le portefeuille relationnel de l’association dans une perspective descriptive. Le troisième mettra en lumière sa stratégie relationnelle dans une perspective instrumentale. Le tableau 4 récapitule l’ensemble de ces résultats[16]. Il reprend la structure de la grille d’analyse du tableau 3 en y insérant les éléments de réponse collectés. Il s’agit, soit, des verbatim de la directrice, soit, d’éléments documentaires auxquels on renvoie. Ces différentes sources ont notamment permis de trianguler les données. Par exemple, certaines parties prenantes présentes dans les propos de la directrice et reconnues par elle comme non formalisées ne sont effectivement pas présentes dans les documents officiels de l’association.

Tableau 3

Grille d’analyse du management relationnel

Grille d’analyse du management relationnel

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Dimension relationnelle de la vision stratégique de la directrice de l’association et politique relationnelle

La directrice nous explique : « depuis 20 ans que je dirige – mais existe depuis 26 ans -« on fait du business », « le premier objectif est l’équilibre voire l’excédent, sauvegarder les emplois » et que pour cela il est nécessaire d’« avoir une vision globale ». Elle précise : « je ne suis pas totalement dépendante des institutions publiques; j’ai un business à gérer ». Toutefois elle insiste sur le fait qu’il faut « toujours mettre l’homme au coeur de ses préoccupations; comment l’entreprise associe les salariés à la vie de l’entreprise ? ». Cette phrase illustre la conjonction d’une double approche instrumentale et normative.

La directrice définit le socle de sa vision stratégique. Il s’agit en particulier de faire « croître l’activité » (but de croissance), par la diversification et l’innovation, dès lors qu’il est « inenvisageable » d’enregistrer « une perte supplémentaire d’activité » (notamment du fait de ses conséquences financières -« déficit financier »- et sur l’emploi -« licenciement »-) et de « rester inactif dans la situation actuelle de manque d’activité ». Par contre, les axes de développement, par la diversification et l’innovation sont sélectifs. La volonté de la dirigeante est de développer l’activité « service handicap ». Sa vision stratégique montre une perception claire de la définition des ressources et compétences à développer afin d’atteindre ses buts et de concrétiser ses axes de développement. A ce titre, on peut souligner deux dimensions : commerciale/communication et humaine. Concernant la première, la volonté exprimée et les moyens déployés sont explicités. La volonté est « d’être mieux connue et reconnue ». Ce but implique la mise en place d’une démarche commerciale et de communication « organisée et fiable ». Elle suppose elle-même la mise en place d’actions de formation. A ces actions de formation, viennent s’ajouter « le maintien de l’emploi » et « la motivation du personnel » (malgré l’utilisation d’une procédure de chômage partiel). En résumé, l’association vit une situation économique difficile impliquant des mesures de chômage partiel. Face à ce contexte des décisions de diversification des activités et d’innovation dans les services sont prises. Ces dernières nécessitent le maintien de la motivation des équipes et la mise en place d’une démarche commerciale et de communication fondée notamment sur le développement de relations avec les parties prenantes.

Le développement de relations avec divers partenaires (« c’est beaucoup de relation dans mon travail »; « développer l’activité par le réseau ») est le second moyen d’implémenter l’axe « commercial/communication ». Le développement des relations correspond à la fois à la nécessité de trouver de nouveaux marchés et partenaires afin d’assurer le développement économique de l’association mais aussi à une « fibre » relationnelle affirmée de la directrice. Plusieurs mots et expressions clés retiennent l’attention lorsque la directrice évoque sa vision relationnelle. Elle insiste à la fois sur les qualités nécessaires d’une relation (« relations diversifiées, régulières » et « durables ») et le partage de valeurs afin de mener à bien des « projets » dans le cadre de « partenariats » avec ses parties prenantes. Dès lors ces différentes relations (visée descriptive) susceptibles de partager des valeurs communes (visée normative) sont mobilisées de façon contingente et pragmatique (« fonction des besoins »; « pragmatique »; « qui me tiennent à coeur en ce moment ») afin de conduire des projets avec ses partenaires. Finalement, le développement d’une dimension relationnelle d’origine sociale permet de renforcer la coopération volontaire des parties prenantes autour d’un projet d’intérêt général : l’insertion par l’activité économique.

Tableau 4

Synthèse du management relationnel de la directrice d’A.I.D.E.R

Synthèse du management relationnel de la directrice d’A.I.D.E.R

Tableau 4  (continuation)

Synthèse du management relationnel de la directrice d’A.I.D.E.R

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Le portefeuille relationnel du dirigeant : approche descriptive

Deux méthodes afin d’identifier le portefeuille de relations du dirigeant sont possibles. Soit le chercheur fixe a priori des attributs permettant d’inclure ou d’exclure des acteurs dans ce portefeuille, soit le chercheur s’attache à ne tenir compte que des parties prenantes explicitement identifiées dans l’organisation et qualifiés de « relation » par le dirigeant. Partant du cas nous avons retenu cette seconde solution.

Le portefeuille de relations de la directrice peut être appréhendé sous trois angles : une présentation officielle des partenaires via le site internet, une cartographie des parties prenantes formellement présentée dans le « manuel qualité », des échanges portant sur les parties prenantes internes, et enfin des relations volontaires résultant d’un choix stratégique.

Structuration et formalisation du portefeuille relationnel du dirigeant

Le portefeuille relationnel de l’association est présenté sous la forme d’une liste d’acteurs sur le site internet de l’association (Tableau 5). Les parties prenantes qui y figurent jouent un rôle soit de financeur direct avec signature de conventions (ex : agglomération, conseil général, DIRECCTE…), soit d’apporteurs d’affaires (ex : fédération professionnelle du secteur médico-social), soit de soutiens résultant d’une adhésion (ex : COORACE).

Tableau 5

Les partenaires officiellement annoncés par les deux associations

Les partenaires officiellement annoncés par les deux associations

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La directrice structure également son portefeuille sur la base d’un critère fonctionnel et d’apport de ressources. Elle y inclut, à l’exception des financeurs qui n’apparaissent pas, les parties prenantes qui apportent des ressources et des compétences contribuant « aux salariés en parcours » (« J’ai plusieurs catégories de partenaires, on peut les identifier par la mission » : « l’insertion de gens en difficulté » : = Formation; « développer l’activité c’est les employeurs » = Employeurs; « là on est plus sur de l’alphabétisation pour les personnes » = Formation/éducation et « là sur les difficultés sociales rencontrées » = Santé, Logement). Ce portefeuille de parties prenantes est exposé de façon structurée et visuelle dans une cartographie figurant dans le « manuel qualité » et le rapport d’activité (Figure 3).

Au-delà de la formalisation du portefeuille relationnel

Au-delà de cette double formalisation du portefeuille relationnel, la directrice précise « qu’il faut ajouter : les relations -équipe interne-, le conseil d’administration qui pilote l’affaire » (Figure 4).

Le portefeuille relationnel interne a récemment changé (mai 2013). En effet, en cohérence avec la vision stratégique de la directrice, le poste de « coordinatrice et conseillère technique » s’est mû en « chargée de développement commercial et d’insertion ». Cette nouveauté organisationnelle a impliqué un recrutement externe et un départ. De même, un poste d’assistante technique, administrative et commerciale fut proposé à l’un des deux agents d’accueil (figure 3).

D’une manière générale le portefeuille de relations de la directrice est dense, riche, très diversifié et évolutif (« je fais un choix à partir de celles qui me tiennent le plus à coeur en ce moment…parce que ça bouge »; « Il est envisageable d’établir un top 5, cependant il sera amené à changer en fonction du contexte ») mais il ne comporte pas réellement de relation centrale[17].

Les stratégies relationnelles du dirigeant : le management relationnel à visée instrumentale

La vision stratégique de la directrice est fortement imprégnée de management relationnel tant interne qu’externe. Elle gère avec attention et constance un portefeuille de relations dans une perspective pragmatique, contextuelle et dynamique. Cette gestion est destinée à favoriser la qualité relationnelle de ses interactions à des fins normatives et instrumentales. Il s’agit à ce stade de mettre en exergue ses pratiques relationnelles au travers les ressources, compétences et investissements qu’elle mobilise.

Les ressources et les compétences consacrées à la relation

Les ressources temporelles consacrées au maintien, au développement et aux ruptures relationnelles sont un révélateur puissant des investissements relationnels déployés. La directrice mobilise la majorité de son temps de manager à la relation : « plus ou moins 90 % de mon temps ». Elle précise « si mon temps administratif est là…entre la coordination, l’animation, les entretiens, le développement…c’est quasiment la totalité de mon temps ». Si pour elle, « il faudrait du temps pour aller vers d’autres relations à l’extérieur », elle estime qu’elle « ne consacre pas assez de temps pour nouer des relations car c’est très enrichissant ». Le profil personnel des acteurs constitue aussi une composante de la relation. Certains traits de personnalité peuvent être plus ou moins favorables au tissage de relations fructueuses (Kalish et Robbins, 2006 cité par Chollet et Chauvet, 2010). Selon ces derniers, les caractères d’ouverture à l’expérience, être consciencieux et agréable sont des facteurs explicatifs de l’acquisition d’informations sur les marchés. Si le management relationnel est certes chronophage, il exige également de réelles compétences en « relations humaines et en gestion de projet » selon la directrice. Elles se nouent non seulement par la formation mais aussi par des rencontres diversifiées, des instruments de travail en groupe (pilotage, qualité) et de convivialité.

FIGURE 3

Cartographie des parties prenantes d’A.I.D.E.R (Source. Rapport d’activité)

Cartographie des parties prenantes d’A.I.D.E.R (Source. Rapport d’activité)

Assemblée générale 2011

Le 1er juin 2012

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FIGURE 4

Le portefeuille relationnel interne de « A.I.D.E.R »

Le portefeuille relationnel interne de « A.I.D.E.R »

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La directrice montre une véritable vigilance et surveillance de l’environnement. Elle pratique une réelle veille relationnelle qui s’inscrit structurellement dans le cadre d’une « mission observatoire » - je m’inquiète de ce qui se passe dehors »; « j’ai toujours une oreille qui traîne à l’extérieur (…) ». 

Les investissements relationnels de la directrice

Les investissements relationnels s’orientent dans deux directions privilégiées et complémentaires. Le dirigeant essaie à la fois de maintenir et de renforcer ses relations existantes et d’acquérir ou de rompre d’autres relations (« Actuellement j’essaie de conjuguer les deux : « qualité » et « développement » des relations »). Pour la directrice, les facteurs clés de succès du maintien et de l’intensification d’une relation sont : l’interconnaissance, le partage de valeurs et la fréquence des contacts. Par ces propos elle souligne l’importance de la connaissance et de la reconnaissance réciproque des parties prenantes. De nouveau, référence est faite à l’approche normative des parties prenantes. De façon plus pragmatique, la directrice développe de nombreuses activités relationnelles afin de remplir ces facteurs clés de succès. La gestion du portefeuille de relations passe non seulement par le maintien et l’intensification de certaines d’entre elles, notamment en liens avec l’exercice du métier, mais également par l’acquisition de nouvelles relations « hors métier », et l’abandon de relations existantes. Cette gestion s’exerce selon deux mouvements que la directrice illustre : « le développement des relations vers où je voudrais aller, par exemple les relations avec l’université »; « c’est un souhait »; et « celles que l’on veut arrêter »; « à un moment donné on n’a plus envie (…) ».

En cohérence avec sa vision stratégique, la directrice cherche à développer, de façon volontariste et sélective, son portefeuille relationnel en tissant des liens dans le secteur de « l’E.S.S » et surtout en dehors afin de maintenir et renforcer son activité.

L’insertion dans deux réseaux correspond sur le plan temporel au début de la prise de conscience des difficultés économiques de l’association. Elle participe en particulier à un réseau BNI (Mars 2013) et au réseau des partenaires du Basket Club (Décembre 2011). Le développement de relations avec divers partenaires (« développer l’activité par le réseau ») est le second moyen d’implémenter l’axe « commercial/communication ». Elle participe à des réseaux à la fois dans le secteur de l’économie sociale et solidaire et dans des réseaux d’entreprises. Elle indique que, « plus je vais avoir des relations et plus je vais développer l’activité ». Pour la directrice, tisser des relations avec son environnement autre que « métier » semble être une évidence (« c’est hyper important de développer ces relations », « notre secteur est en transversalité, « ne pas se contenter de faire de l’insertion (…) », « il faut aller plus loin… »).

Concernant les ruptures relationnelles, la directrice confie : « Je me passerais bien d’une relation en particulier en ce moment car elle nuit au développement d’un projet important en n’assumant pas sa part de responsabilité et de plus elle décrédibilise l’une de mes structures ». Durant les 6 derniers mois la directrice a rompu quatre relations. Ce cas nous rappelle qu’il faut se garder d’ignorer le conflit et l’opportunisme (Fulconis et Paché, 2008).

En résumé, la directrice de cette association pratique un management relationnel effectif, structuré, cohérent et pragmatique.

Discussion

Cette discussion est l’occasion de confronter les résultats de cette recherche à l’ancrage théorique présenté en première partie.

Les séquences du management relationnel

L’organisation relationnelle exige de définir et d’organiser un management relationnel intégrant l’ensemble de son portefeuille de parties prenantes. Nous proposons de définir ce management relationnel comme « l’ensemble des efforts relationnels de l’organisation destinés à établir, maintenir (voire supprimer) et développer des échanges relationnels réussis avec ses parties prenantes ». Il viserait à créer, maintenir ou accroître le portefeuille relationnel de l’organisation et sa valeur présente et future. Son objet est d’identifier et d’analyser le portefeuille relationnel puis de définir une politique relationnelle et enfin de développer des stratégies relationnelles comprenant des investissements relationnels[18], destinées à accroître la valeur de son capital relationnel, voire à créer, maintenir ou renforcer un avantage concurrentiel relationnel durable.. L’ensemble de ces séquences sont effectivement présentes et articulées dans le cas étudié (Figure 5). Elles renvoient aux différentes parties du tableau de synthèse (Tableau 3).

Un management relationnel associant approche normative, descriptive et instrumental

De toutes les approches des parties prenantes recensées par El Abboubi et Cornet (2010), la directrice de l’association ne se reconnait dans aucune d’entre elles de façon claire, unique et explicite. Pourtant la cartographie de ses parties prenantes répond pour partie au moins à une logique de contribution fonctionnelle.

FIGURE 5

Séquences du management relationnel

Séquences du management relationnel

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En outre, une partie prenante est plutôt un acteur qui est « séduit par les valeurs, les principes…ou exprime une convergence partielle et ouverte sur l’économie solidaire et sociale ». Cette définition de ce qu’est une partie prenante dans notre cas fait référence à l’approche normative des parties prenantes.

Cette vision, résultant d’une construction sociale des stratégies de sélection des parties prenantes (El Abboubi, 2013), fait écho à l’approche par les attributs, en particulier « l’engagement social », tel qu’il est proposé par Sobczak et Girard (2006) et que El Abboubi (2013) constate en matière de RSE. Nous qualifierons volontiers cette approche de « proximité sociale » pouvant déboucher sur un projet commun. A ce stade, l’approche descriptive se combine à l’approche normative.

Bien que présente dans l’économie sociale et solidaire, cette association, sans renier ses valeurs et ses principes, emprunte aux comportements des organisations privées et marchandes. Sa dirigeante se forge une vision stratégique claire de son présent et de son devenir, mobilise des réseaux d’affaires et est engagée dans une démarche d’amélioration continue de la qualité. Dès lors les relations avec ses parties prenantes ont une visée descriptive et instrumentale.

Certes ontologiquement présente dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, la forte place prise par la dimension sociale de l’échange relationnel (Amboise, Maque, Prim-Allaz, 2009), est mise en exergue dans ce cas. On la retrouve au coeur même de l’identification d’un certain nombre de facteurs clés de succès d’une relation réussie et d’une reconnaissance mutuelle : lien en face à face, partage de valeurs et de principes, participation à des projets communs. En résumé, les approches descriptive, instrumentale et normative se trouvent enchevêtrées et non isolées ou exclusives. L’essence relationnelle de l’E.S.S, reflétant l’approche normative des parties prenantes, irrigue le management relationnel qui lui en est la traduction plus fonctionnaliste et utilitariste.

La vision stratégique et relationnelle du dirigeant se traduit par des actions concrètes en termes de management relationnel qui permettent, d’accroître le portefeuille client de l’association, de renforcer sa visibilité et par conséquent d’améliorer le capital social de l’association. Au final les séquences du management relationnel contribuent au maintien, au renouvellement, voire à l’accroissement du niveau d’activité de l’association.

Conclusion

Après avoir exposé les apports de la recherche, nous en poserons les limites et nous définirons d’éventuels axes de prolongement.

Premièrement, cet article offre un éclairage théorique structuré sur le management relationnel des parties prenantes. Nous avons proposé une définition du management relationnel ainsi que son séquençage sous une forme schématique (Figure 5). En particulier le portefeuille relationnel peut être appréhendé comme l’ensemble des relations entre les chaînes de valeur de l’organisation et celle de ses parties prenantes (Figure 2). Deuxièmement, une triple perspective des parties prenantes, associant les approches descriptive, instrumentale et normative fut suggérée plutôt que de les appréhender de façon séparée.

Nous pouvons également tirer plusieurs implications managériales de cette recherche. Une association de « l’E.S.S », tout en respectant ses valeurs et ses principes, peut avoir intérêt à définir une politique et une stratégie relationnelles claires, structurées, cohérentes et contingentes, en conformité (alignées) avec sa vision stratégique. Ce management relationnel pourra s’appuyer sur les séquences mises en évidence dans cet article. En outre une réflexion en termes de management relationnel pourrait être utile à l’occasion de chaque projet engageant l’organisation et des parties prenantes.

Des implications en termes de formation et de compétences peuvent également être tirées de ce travail. Le management relationnel nécessite à la fois le développement et la maîtrise de compétences en matière de relations humaines, de management de projet et de maîtrise du temps.

Cette recherche présente aussi des limites. La question de la généralisation de nos résultats et de notre modèle de management relationnel se pose. En effet, si on peut prétendre qu’ils sont susceptibles de s’étendre à d’autres organisations de l’E.S.S, de nouvelles recherches seront nécessaires afin de s’en assurer. La mobilisation d’un seul cas et « mono-acteur », dont la dimension relationnelle est inhérente au métier et à ses activités, ne permet pas le respect du principe de saturation. En effet nous n’avons mobilisé, dans la présente recherche, ni les acteurs du portefeuille relationnel de l’association ni d’autres associations (administrateurs bénévoles, organisations partenaires…). Par exemple, l’identification et la compréhension de la valeur relationnelle perçue par chacune des parties prenantes ne furent pas envisagées. Plus largement, le contexte de la relation nouée (comment ? quand ? où ?) devrait être pris en compte dans l’étude des faits relationnels (Becker, 2002). Par ailleurs, si nous pensons avoir évité en grande partie le piège des limites idéologiques de la relation (Pesqueux, 2008), nous nous devons de les rappeler. Du fait d’un « tout relationnel » ou/et d’un « angélisme relationnel », la relation ne deviendrait-elle pas envahissante ou finalement absente dans ce qu’elle a de plus affectif et désintéressé ?

En filigrane, notre cas a également souligné que les parties prenantes sont évoquées clairement comme celles qui sont ou deviennent partenaires dans le cadre de projets communs. Ce constat va dans le sens du courant de recherche faisant de la figure du projet un élément central des sciences de gestion (Pesqueux, 2006; Bréchet et Desreumaux, 2009). Ainsi nous pourrions étudier la manière dont se construisent les relations entre l’association et ses parties prenantes dans le cadre et au cours de projets. Se pose, de façon concomitante, une problématique de gestion simultanée et coordonnée d’un portefeuille de relations et d’un portefeuille de projets.

Cette recherche portait sur les contenus relationnels (structure du portefeuille relationnel, des pratiques relationnelles au travers des politiques et des stratégies relationnelles) et non sur les processus relationnels qui abordent l’histoire et les dynamiques relationnelles. Des recherches complémentaires, notamment sur la construction/déconstruction/rupture des relations, pourraient apporter un éclairage intéressant sur la dynamique du management relationnel. Elles pourraient nécessiter de mobiliser une méthodologie longitudinale. Par exemple l’analyse des ruptures relationnelles et de leurs déterminants mériterait des prolongements. Enfin, se pose la question du retour sur investissement et de la performance du portefeuille relationnel. Plus précisément, on pourrait aborder, les questions, à la fois des coûts et des performances cachées des pratiques relationnelles dans le cadre de la participation à des réseaux.

Les apports, les limites et les prolongements de ce travail montrent que les sciences de gestion, malgré l’intérêt qu’elles manifestent à l’égard de la thématique des relations et des parties prenantes, peuvent encore s’engager vers de fructueuses recherches, notamment dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire.