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Dans le champ du management international (MI), la question de l’incidence de la culture nationale, que l’on voit également sous l’appellation de distance culturelle, a été largement traitée (Brouthers et Brouthers, 2001; Drogendijk et Slangen, 2006; Harzing et Pudelko, 2016; Tihanyi et al., 2005). Différents liens ont été analysés notamment avec la localisation des investissements directs à l’étranger, les choix des modes d’entrée ou encore la performance des investissements étrangers. Ces études empiriques antérieures ont majoritairement mobilisé le cadre culturel initial de Hofstede pour appréhender la culture nationale (Harzing et Pudelko, 2016). Ce cadre culturel fait toutefois l’objet de nombreuses critiques (Schwartz, 1994; Shenkar, 2001, 2012; Steenkamp, 2001) et ses limites ne cessent d’être soulignées. Plusieurs auteurs incitent même à l’utilisation de mesures alternatives pour examiner l’effet de la culture nationale sur des décisions de développement à l’international (Shenkar, 2001, 2012; Harzing, 2003). Dans la littérature en MI, deux cadres culturels alternatifs, Schwartz et Globe, sont particulièrement retenus. Toutefois, la mobilisation de ces modèles culturels demeure relativement limitée à ce jour (Drogendijk et Slangen, 2006; Kim et Gray, 2009; Moalla, 2015) et un manque de consensus sur les moyens d’évaluer la culture continue de marquer la littérature (Caprar et al., 2015). Cette contribution tente ainsi de combler ces manquements en se focalisant sur les mesures de la culture nationale. Elle cherche dès lors à examiner les effets comparatifs des cadres culturels les plus importants en MI (Hofstede, Schwartz et Globe).

Il s’avère, par ailleurs, que la culture nationale a été souvent analysée et reliée au choix du mode d’entrée (Harzing et Pudelko, 2016) qui constitue une des décisions stratégiques les plus étudiées en MI (Werner, 2002). Il semble intéressant d’analyser ce même lien afin de rapprocher nos résultats de ceux des études antérieures. Cette étude tente d’évaluer la pertinence des mesures de la culture nationale en analysant leurs incidences sur le choix du mode d’entrée des entreprises françaises. Ainsi, notre contribution est essentiellement d’ordre méthodologique en mettant en perspective la mesure de la culture nationale. Les investigations empiriques menées révèlent des résultats différents selon le cadre culturel mobilisé. Si les conclusions résultant des cadres culturels de Schwartz, de Globe et de la version révisée de Hofstede convergent, ceci n’est pas le cas du cadre culturel initial de Hofstede.

Après une revue des divers cadres culturels les plus mobilisés en MI, le lien fait dans les recherches antérieures entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée sera examiné permettant ainsi de formuler les hypothèses de recherche. Afin de tester ces hypothèses, les caractéristiques de l’étude empirique et de la méthodologie employée seront présentées. Les principaux résultats feront par la suite objet d’analyse et de discussion.

Culture Nationale

Quand Hofstede (1980) considère la culture comme une programmation mentale collective, d’Iribarne (1993) la définit comme un référentiel de sens. La culture peut ainsi être considérée comme un référentiel commun à un même groupe d’individus qui comprend un ensemble de normes et de valeurs influençant leurs actions et leurs décisions (Dupuis, 2004). La culture nationale offre un cadre de compréhension, spécifique à chaque nation, qui est fonction de facteurs comme les langues, les ethnies, les croyances religieuses et les normes sociales (Angué et Mayrhofer, 2010).

Löning (1994) et Pesqueux (2004) reprennent les travaux faisant le lien entre la culture nationale et la performance de l’entreprise. Löning (1994) présente un schéma chronologique des différentes études avec, tout d’abord, les recherches en management comparatif correspondant à la période de 1950 à 1970. Par la suite, l’auteur cite les travaux du Laboratoire d’Econométrie et de Sociologie du Travail (LEST) d’Aix-Marseille Université ainsi que ceux de l’Ecole néerlandaise avec les travaux de Geert Hofstede (début des années 1980), et enfin, les études qui portent sur la gestion des entreprises et les traditions nationales de Philippe d’Iribarne. De son côté, Hartmann (2012) propose le classement chronologique suivant pour résumer les principales contributions à la théorie des dimensions culturelles : Hall (1959, 1966, 1976); Kluckhohn et Strodtbeck (1961); Hofstede (1980); l’enquête connue sous l’appellation « World Values Survey » (Inglehart, 2004; Inglehart et al., 1998); Hampden-Turner et Trompenaars (1993); Trompenaars et Hampden-Turner (1998); Schwartz (1999) et enfin le projet GLOBE (House et al., 2004). Hartmann présente ces travaux comme un effort collectif pour une meilleure compréhension des valeurs culturelles permettant une théorie plus complète.

Les recherches dans le champ du MI s’appuient majoritairement sur les facteurs de différenciation culturelle mis en avant par l’approche du management comparé. Au sein de cette approche, le travail qui a marqué le plus cette discipline est celui de Hofstede. En effet, une des premières recherches à avoir proposé des dimensions de la culture nationale revient au psychologue néerlandais, Geert Hofstede. Au début des années 1970, Hofstede a mené une enquête par questionnaire auprès de 116000 salariés travaillant au sein d’une firme multinationale (FMN) : International Business Machines (IBM). Il a collecté des données relatives aux valeurs des salariés de cette FMN dans plus d’une cinquantaine de pays. Cette étude lui a permis de mettre en évidence quatre dimensions de la culture nationale (individualisme versus collectivisme; distance hiérarchique; contrôle de l’incertitude; masculinité versus féminité). Hofstede et al. (2010) précisent qu’ « une dimension est un aspect d’une culture que l’on peut mesurer parcomparaison avec d’autres cultures » (p. 47). Pour chacune des dimensions (cf. tableau 1), un score est accordé par pays. Le travail mené par Hofstede a connu des améliorations ainsi qu’une extension de la couverture géographique. Il a également été complété par deux autres dimensions (l’orientation à long terme versus court terme et indulgence versus sévérité). En dépit de sa large utilisation dans les études traitant de la culture nationale (Brouthers et Brouthers, 2001, Harzing et Pudelko, 2016; Kogut et Singh, 1988; Padmanabhan et Cho, 1996), le cadre culturel de Hofstede est très critiqué et de nombreuses limites ont été soulignées par divers auteurs (Schwartz, 1994; Shenkar, 2001, 2012; Steenkamp, 2001).

Après le travail pionnier d’Hofstede, d’autres chercheurs se sont fondés sur la même approche, l’approche des dimensions, pour suggérer d’autres classifications de la culture. Le psychologue Shalom H. Schwartz a mené une enquête auprès d’un échantillon d’étudiants et d’instituteurs dans plus de soixante pays. Entre 1988 et 2007, l’auteur a développé un ensemble d’items (56-57 items) correspondant à des valeurs-types. Chaque répondant, étudiant ou instituteur, a évalué l’importance de chaque item en tant que principe directeur de sa vie. L’analyse a porté à la fois sur le niveau individuel et culturel, puisque les valeurs reflètent l’expérience de l’individu et également l’influence culturelle. Les résultats ont montré, qu’au niveau individuel, seuls 45 items ont une signification cohérente des variations culturelles inter-pays. Ces 45 items ont été repris afin d’entamer l’analyse au niveau national. Ainsi, Schwartz (1994, 1999) a identifié sept valeurs-types au niveau culturel : conservatisme, autonomie intellectuelle, autonomie affective, hiérarchie, engagement égalitaire, domination et harmonie. L’auteur les a résumées en trois dimensions bipolaires, à savoir : « ‘embeddedness’ versus autonomie », « hiérarchie versus engagement égalitaire » et « maîtrise versus harmonie » (cf. tableau 1). Comparées au modèle de Hofstede, ces trois dimensions bipolaires demeurent nettement moins mobilisées en dépit de la solidité théorique évoquée par Steenkamp (2001). A notre connaissance, seuls quelques travaux (Drogendijk et Slangen, 2006; Kim et Gray, 2009; Moalla, 2015) ont utilisé le modèle culturel de Schwartz.

Un autre cadre culturel plus récent a été proposé par le projet GLOBE (Global Leadership and Organizational Behavior Effectiveness) et vient présenter d’autres dimensions culturelles (Chhokar et al., 2007; House et al., 2004). Au milieu des années 1990, une équipe de chercheurs avec l’aide de plusieurs collaborateurs volontaires a recueilli des données relatives à environ 17000 cadres dirigeants. L’enquête couvre une soixantaine de pays et a été conduite dans près de 1000 organisations opérant principalement dans 3 secteurs industriels : agroalimentaire, services financiers et télécommunications. L’intérêt de l’équipe a, tout d’abord, porté sur le lien entre la culture et les styles de leadership pour s’élargir, par la suite, à d’autres aspects des cultures nationales et organisationnelles. Le projet GLOBE est basé sur une revue exhaustive de la littérature traitant des dimensions culturelles (House et al., 2004) qui ont permis d’identifier neuf dimensions (cf. tableau 1). L’équipe conserve plusieurs des dimensions culturelles de Hofstede comme la distance hiérarchique et le contrôle de l’incertitude. Elle divise la dimension « individualisme versus collectivisme » en collectivisme institutionnel et collectivisme endogroupe. Pour la dimension « masculinité-féminité », le projet GLOBE distingue l’égalitarisme des sexes et la confiance en soi. Une septième dimension intitulée l’orientation vers l’avenir est basée sur la valeur « orientation temps » de Kluckhohn et Strodtbeck (1961). La dimension orientation à la performance est inspirée des travaux de McClelland (1985) portant sur les besoins de réalisation (need for achievement). Finalement, une nouvelle dimension, découlant de plusieurs autres travaux (Kluckhohn et Strodtbeck, 1961; McClelland, 1985), a été proposée et s’intitule orientation humaine. Pour ce faire, l’équipe menant le projet a fait correspondre 78 questions à ces différentes dimensions. Dans son étude, le projet GLOBE distingue entre les pratiques culturelles, c’est-à-dire une description de la culture « telle quelle est » (“as is”), et les valeurs culturelles, c’est-à-dire un jugement de cette même culture « telle qu’elle devrait être » (“should be”).

Tableau 1

Les cadres culturels de Hofstede, Schwartz et Globe

Les cadres culturels de Hofstede, Schwartz et Globe

Tableau 1  (continuation)

Les cadres culturels de Hofstede, Schwartz et Globe

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Lorsque certains chercheurs (Hartmann, 2012; Javidan et al., 2006) mettent en évidence l’ampleur du projet GLOBE, d’autres (Hofstede et al., 2010) nuancent ces propos en évoquant les similitudes avec l’étude de Hofstede. Il s’agit du premier débat actuel sur le projet GLOBE. Il est vrai qu’on retrouve, dans l’étude de GLOBE, plusieurs dimensions de Hofstede comme la distance hiérarchique et le contrôle de l’incertitude. Toutefois, Venaik et Brewer (2010) atténuent ce constat en montrant que cette dernière dimension, contrôle de l’incertitude, représente des aspects différents dans les deux études. En effet, le contrôle de l’incertitude dans l’étude de Hofstede correspond au stress sociétal. A l’inverse, dans l’étude de GLOBE, il reflète la manière dont une société a des règles et des lois bien définies. Dans la même idée, Peterson (2004) explique la complémentarité de ces deux études. Cependant, et contrairement à l’étude de Schwartz et de Hofstede, le projet mené par House et al. (2002) a distingué les pratiques culturelles des valeurs culturelles afin de permettre aux répondants de décrire et de juger la culture. Or, les auteurs du Projet GLOBE ont démontré une corrélation négative et significative entre ses deux versions (entre sept des neuf dimensions de la culture nationale). Ce constat fait l’objet du deuxième débat animant les échanges entre les académiciens (Brewer, 2007; Maseland et Van Hoorn, 2009; Peterson, 2004; Venaik et Brewer, 2010) afin d’expliquer l’existence de corrélations négatives.

Au-delà de ces controverses, ce travail fait preuve de robustesse en utilisant plusieurs méthodes de mesure pour valider empiriquement les différentes hypothèses du modèle. Dans le champ du MI, le projet GLOBE gagne rapidement l’intérêt des chercheurs, faisant face à l’étude de Hofstede. Hartmann (2012) ajoute que les recherches en management interculturel ont de plus en plus recours à cette étude et qu’il semble possible qu’elle mette fin à la prédominance des dimensions culturelles de Hofstede.

Le tableau 1 présente une synthèse des trois cadres culturels et liste les principales limites de chaque approche. Il cite également, d’une manière non-exhaustive, les études ayant mobilisé chaque cadre.

Culture Nationale et Modes D’entrée

La culture nationale a été souvent analysée pour expliquer différentes décisions stratégiques à l’international et notamment le choix des modes d’entrée (Harzing et Pudelko, 2016, Morschett et al., 2010). De nombreuses recherches ont examiné le rôle de la culture nationale dans le choix du mode d’entrée sur les marchés étrangers. Si certaines études empiriques montrent que la joint-venture ou le contrôle partagé (comparativement à la filiale entièrement possédée ou le contrôle total) est le mode d’entrée adéquat face à une forte culture nationale entre le pays d’origine et le pays d’accueil (Brouthers et Brouthers, 2001; Kogut et Singh, 1988), d’autres démontrent le contraire (Anand et Delios, 1997; Padmanabhan et Cho, 1996).

L’examen de la relation entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée dans les études antérieures a montré des résultats contradictoires (Morschett et al., 2010). De plus, la méta-analyse menée par Morschett et al. (2010) sur les modes d’entrée ne permet pas d’affirmer un effet direct et systématique entre la distance culturelle et le choix du mode d’entrée. Dans le même sens, la méta-analyse menée par Tihanyi et al. (2005) et portant exclusivement sur la distance culturelle ne montre pas un lien significatif avec le choix du mode d’entrée. Plus récente, la revue effectuée par Harzing et Pudelko (2016) sur 92 recherches montre que 35 % des études trouvent un lien positif, 30 % un lien négatif et 31 % aucun lien entre la distance culturelle et le choix du mode d’entrée.

Afin de comprendre ces résultats non-concluants, certains auteurs ont essayé de résoudre « le paradoxe de la culture nationale » relevé par Brouthers et Brouthers (2001) appelé également « la myopie concernant la distance culturelle » par Harzing (2003). Les explications apportées relèvent soit de l’effet modérateur des attributs de l’expérience (Cho et Padmanabhan, 2005) ou de l’âge de la filiale (Wilkinson et al., 2008); soit de la présence d’une relation non linéaire entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée (Huanglin et Schaan, 2008; Malhotra et al., 2011); soit encore de l’effet d’intéraction existant entre la culture nationale et le risque politique (Lopez-Duarte et Vidal-Suarez, 2010). Ces explications semblent néanmoins partielles et peu convaincantes en tenant compte du nombre d’investigations empiriques essayant de comprendre cette relation. Shaver (2013) va même plus loin en s’interrogeant s’il y a vraiment besoin de plus de recherches sur les modes d’entrée.

Deux différentes approches peuvent être observées dans les recherches antérieures (Tihanyi et al., 2005; Morschett et al., 2010). La première approche prédit une relation positive entre la culture nationale et le niveau de participation dans le choix du mode d’entrée. Selon cette approche, d’importantes différences culturelles génèrent des coûts de transaction plus élevés et des difficultés de transfert de compétences. De ce fait, choisir un mode d’entrée permettant de contrôler davantage la filiale étrangère est privilégié. Bien que ce raisonnement paraisse logique, les arguments avancés le semblent un peu moins. Ces arguments se fondent à la fois sur l’environnement externe comme le marché mais également interne sur le fonctionnement de la filiale étrangère. Or la culture nationale tente principalement d’offrir un cadre de compréhension spécifique au pays et ne prend pas en compte les niveaux organisationnels ou individuels. Cette première approche semble dès lors manquer de cohérence.

La deuxième approche observée prévoit une relation négative entre la culture nationale et le niveau de participation dans le choix du mode d’entrée. En effet, cette approche s’inscrit dans une logique de réduction des risques et de l’incertitude. Les différences culturelles entre le pays d’origine et le pays d’accueil sont souvent observées comme un obstacle à franchir par l’entreprise étrangère. Cette dernière ne peut pas ignorer les risques provoqués par l’incertitude due à un manque de connaissance du marché cible. Ce manque de connaissance peut mener à des problèmes voire à des situations d’incompréhension. Afin d’atténuer cette incertitude, l’entreprise devrait se familiariser au plus vite avec les aspects pertinents de la culture du pays d’accueil. En conséquence, recourir à un partenaire local peut s’avérer une solution convenable qui permettra à l’entreprise d’acquérir des connaissances sur le nouveau marché.

En présence d’une forte culture nationale, Brouthers et Brouthers (2001) montrent que les entreprises choisissent les coopérations dans le but de répondre aux contraintes de coûts et d’incertitude. Dans ce sens, Kogut et Singh (1988) soulignent que les différences culturelles entre le pays d’origine et le pays d’accueil augmentent le niveau de risque et poussent les entreprises étrangères accédant au marché américain à choisir des investissements moins risqués comme la joint-venture. Au sein même des modes coopératifs, Majocchi et al. (2013) montrent que plus les différences culturelles entre le pays d’accueil et le pays cible sont importantes, plus les entreprises préfèrent nouer des alliances non capitalistiques par comparaison aux joint-ventures. C’est dans cette même logique que s’inscrit désormais notre recherche. Ainsi, notre hypothèse centrale postule que la culture nationale entre le pays d’origine et le pays cible influence négativement la probabilité de choisir des fusions-acquisitions plutôt que des coopérations.

Si ces deux approches ont divisé les recherches antérieures sur la distance culturelle et le choix du mode d’entrée, il n’en va pas de même pour la mesure de la culture nationale. En observant 92 recherches antérieures, Harzing et Pudelko (2016) constatent que la mesure de la culture nationale est homogène dans la majorité des études. Ils comptent 82 études mobilisant le cadre culturel de Hofstede sur les 92 recherches recensées. Il s’avère ainsi que les limites relevées dans plusieurs travaux, remettant en cause la validité de ce cadre, n’ont pas inhibé le recours aux scores de Hofstede et ce malgré la présence de nouvelles études plus récentes comme celles de Schwartz (Schwartz, 1994, 1999) ou encore du projet GLOBE (House et al., 2002; House et al., 2004). Dès lors, une explication semble ainsi pertinente ou du moins intéressante à examiner afin d’expliquer les résultats contradictoires. La mesure de la culture nationale paraît une raison possible pouvant répondre au « paradoxe de la culture nationale », pour reprendre les propos de Brouthers et Brouthers (2001). Nous déclinons, de ce fait, notre hypothèse centrale en différentes sous-hypothèses afin d’évaluer la pertinence des mesures de la culture nationale en analysant leurs incidences sur le choix du mode d’entrée. Chaque sous-hypothèse correspond à un cadre culturel différent : Hofstede (H1), Schwartz (H2), la version pratique du projet GLOBE (H3) et enfin la version valeur du projet GLOBE (H4).

H1 : La culture nationale mesurée par les dimensions de Hofstede influence négativement la probabilité de choisir des fusions-acquisitions plutôt que des coopérations

H2 : La culture nationale mesurée par les dimensions de Schwartz influence négativement la probabilité de choisir des fusions-acquisitions plutôt que des coopérations

H3 : La culture nationale mesurée par les dimensions (pratiques) du projet GLOBE influence négativement la probabilité de choisir des fusions-acquisitions plutôt que des coopérations

H4 : La culture nationale mesurée par les dimensions (valeurs) du projet GLOBE influence négativement la probabilité de choisir des fusions-acquisitions plutôt que des coopérations

Méthodologie De Recherche

Afin d’évaluer la pertinence des cadres culturels les plus mobilisés en MI, l’étude empirique réalisée traite des entreprises françaises. La revue menée par Harzing et Pudelko (2016) montre que l’intérêt des recherches antérieures a porté essentiellement sur les entreprises américaines, japonaises, et dans une moindre mesure sur les entreprises espagnoles ou néerlandaises. En conséquence et au-delà de l’objet de notre recherche, l’étude menée contribue également à la compréhension du comportement des entreprises françaises.

Échantillon et collecte des données

Les informations utilisées pour tester nos hypothèses proviennent d’une base de données construite à partir d’une revue de presse. Construire notre propre base de données nous a paru nécessaire puisque cela permet une meilleure connaissance du terrain de recherche et des différentes opérations qui constituent notre banque de données. La revue de presse est menée sur le quotidien économique français « Les Echos », ce qui limite les biais inhérents à l’hétérogénéité des sources. Ce quotidien français représente une référence en termes de richesse de continu. Un recensement exhaustif des opérations de rapprochement effectuées par les entreprises françaises sur des marchés étrangers courant l’année 2010 a été accompli. Ce choix de la période d’étude répond au souhait d’analyser le comportement des entreprises françaises durant une période récente. Au final, cette recherche se base sur un échantillon de 203 opérations effectuées par des entreprises françaises avec d’autres entreprises étrangères. Cet échantillon compte 105 opérations de coopérations et 98 opérations de fusions-acquisitions menées dans 37 pays cibles différents (cf. annexe1). L’existence juridique des deux modes d’entrée dans les différents pays cibles, et surtout l’accessibilité aux entreprises étrangères ont été vérifiées. Les deux modes d’entrée sont en effet possibles pour la majorité de notre échantillon vu que 39 % des opérations recensées ont été menées au sein des pays de l’Union européenne et environ 35 % aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. C’est généralement dans les pays émergents où la pratique des fusions et acquisitions peut être différente. Notre échantillon compte en tête des pays émergents la Chine, l’Inde et le Brésil avec respectivement 9,36 %, 4,43 % et 2,96 % des opérations. Les deux modes d’entrée sont représentés dans le cas de ces trois pays.

Mesures des variables

La variable dépendante de l’étude est de nature binaire et correspond au choix du mode d’entrée. A l’instar de la méta-analyse de Morschett et al. (2010), nous distinguons les fusions-acquisitions et les accords de coopérations. Dans les fusions-acquisitions nous intégrons les opérations impliquant l’achat de plus de 95 % du capital (Brouthers et Brouthers, 2001; Cho et Padmanabhan, 2005; Huanglin et Schaan, 2008; Kim et Gray, 2009). Conformément à l’étude de Mayrhofer (2004), les opérations de coopération incluent les joint-ventures (égalitaires et inégalitaires), les prises de participation et les accords contractuels. Notre variable dépendante prendra la valeur 1 pour les fusions-acquisitions et 0 pour les coopérations.

La variable indépendante de notre modèle est la culture nationale. Au total, cette variable prendra 5 mesures différentes. Les cadres culturels de Hofstede, de Schwartz et enfin celui de Globe seront mobilisés. Pour ce faire, nous utilisons le traditionnel index de Kogut et Singh (1988) qui s’appuie sur le travail de Hofstede pour proposer la formule suivante :

La DCj correspond à la distance culturelle entre la France et le pays cible. Le Iij est le score pour la dimension culturelle i obtenu par la France et le Iiu est le score pour la même dimension culturelle i obtenu par le pays cible. Enfin, le Vi est la variance de l’indice de la dimension culturelle i.

Le premier cadre culturel mobilisé est celui de Hofstede. Nous avons procédé à la collecte des scores de cinq des six dimensions individuelles de Hofstede. En effet, les scores de la sixième dimension, indulgence versus sévérité, présentent une couverture géographique partielle. Pour la cinquième dimension, l’orientation à long terme versus court terme, plusieurs valeurs sont également manquantes. Nous avons ainsi choisi de tester les quatre dimensions de Hofstede en prenant en compte toutes nos observations (n=203) et les cinq dimensions de Hofstede en incluant 175 observations.

Le deuxième cadre culturel utilisé est celui de Schwartz. La collecte des scores correspondant aux sept dimensions de Schwartz a également été effectuée. A son tour, le troisième et dernier cadre culturel mobilisé, celui du projet GLOBE, a fait l’objet d’une collecte des données correspondant aux 9 dimensions. Ci-dessous nous présentons les différentes formules adoptées pour chaque mesure de la culture nationale :

Formules de la distance culturelle correspondant aux dimensions de Hofstede

Formule de la distance culturelle correspondant aux dimensions de Schwartz

Formules de la distance culturelle correspondant aux dimensions du projet GLOBE (version pratique et version valeur)

Pour évaluer la pertinence des différents cadres culturels, l’analyse menée inclut trois variables de contrôle. L’expérience dans le pays cible constitue notre première variable de contrôle. De nature dichotomique, nous attribuons la valeur 1 dans le cas où l’entreprise française est déjà présente dans le pays cible et ce quel que soit le mode d’entrée et 0 dans le cas contraire. La deuxième variable de contrôle correspond à la taille de l’entreprise (Lntaille) française. De ce fait, nous avons collecté le chiffre d’affaires annuel (en millions d’euros) des différentes entreprises françaises. Il est à souligner que notre échantillon prend en compte des entreprises de tailles différentes. De ce fait et dans le but de limiter la forte dispersion existante entre la taille des entreprises de notre échantillon, nous avons pris en compte le logarithme du chiffre d’affaires annuel. Ces deux premières variables de contrôle ont été collectées à partir des sites institutionnels des entreprises et des rapports de référence de ces dernières. Enfin, la troisième variable de contrôle concerne le secteur d’activité. A l’instar de Drogendijk et Slangen (2006), nous distinguons le secteur des services du secteur manufacturier. En nous basant sur la nomenclature d’activités française, nous avons attribué la valeur 1 pour les entreprises opérant dans le secteur des services et du commerce de gros et 0 pour celles opérant dans le secteur manufacturier.

Méthode statistique

Avant de présenter nos résultats, nous précisons la méthode statistique mobilisée. En raison de la nature dichotomique de notre variable dépendante, nous optons pour des analyses de régression logistique (modèle logit). Ces analyses ainsi que l’ensemble des tests menés dans cette recherche sont effectués à l’aide du logiciel de statistiques et d’économétrie, STATA version 11. Par ailleurs et dans l’objectif de comparer entre les différents modèles, des tests d’AIC et de BIC ont été effectués. Le test d’AIC, ou critère d’information d’Akaike, et le test de BIC, ou critère d’information de Baysian, permettent d’évaluer la qualité des modèles.

Analyse Des Résultats Et Discussion

Le tableau 2 présente la matrice de corrélation pour l’ensemble des variables retenues et incluant la totalité de notre échantillon (N=203). De ce fait, la mesure adoptant les 5 dimensions de Hofstede n’a pas été prise en compte dans notre matrice (N=175).

La matrice de corrélation montre pour la plupart des variables une faible corrélation qui ne dépasse pas la limite acceptable de 0,7 (Haon et al., 2012). Il convient, néanmoins de souligner les corrélations existantes entre les cadres culturels de Schwartz et de Globe. Une corrélation relativement forte est observée à la fois entre le cadre de Schwartz et les versions pratiques (0,47) et valeurs (0,62) du projet Globe. Ces corrélations reflètent des aspects similaires mais également différents de la culture nationale entre ces deux modèles. Les deux versions de Globe présentent également une forte corrélation entre elles (0,48). Cependant, ces corrélations ne posent pas de problème puisque les mesures de la culture nationale sont testées séparément dans les différents modèles d’analyse statistique.

Le tableau 3 présente les différentes analyses de régressions logistiques menées sur plusieurs modèles afin d’analyser l’incidence de la culture nationale sur le choix du mode d’entrée. Notre premier modèle concerne uniquement nos variables de contrôle afin d’observer leurs influences sur le choix du mode d’entrée. Ensuite et dans l’objectif de tester nos hypothèses, différents modèles sont présentés et correspondent à chaque cadre culturel mobilisé. Les modèles 1a et 1a’ sont relatifs au cadre culturel de Hofstede, le modèle 2 correspond au cadre culturel de Schwartz et enfin les versions pratiques et valeurs du projet Globe sont représentées par les modèles 3 et 4.

Le tableau 3 montre que le pouvoir explicatif des différents modèles est élevé (p = 0,000), notamment pour les modèles 1a (p = 0,001) et 1a’ (p = 0,006) relatifs au cadre de Hofstede. Comme l’indique ce même tableau, les modèles montrent qu’environ 59,4 % à 64,04 % des opérations observées sont correctement classées. En retenant les modèles ayant le même échantillon, le modèle 2 relatif au cadre de Schwartz détient le pourcentage le plus élevé d’observations correctement classées.

Afin de comparer la qualité des différents modèles statistiques, nous observons les deux critères d’AIC et de BIC des modèles ayant le même nombre d’observation, modèles 1a, 2, 3 et 4. Le modèle qui présente les plus faibles valeurs d’AIC et de BIC correspond au cadre culturel de Schwartz. Le modèle 2 a ainsi le meilleur ajustement (AIC = 260,81; BIC = 277,38). Dans le même sens, la qualité de précision (prob>chi2) est la plus faible dans le modèle 2 (Schwartz) et 4 (version valeur du projet GLOBE) et reflète par conséquent une grande précision. La majorité des critères indiquent la qualité supérieure du modèle 2, avec le cadre culturel de Schwartz, suivi par celui de la version valeur du projet Globe.

Le modèle 0 présente l’influence des variables de contrôle sur le choix du mode d’entrée des entreprises françaises. Nous pouvons ainsi constater que ce modèle est significatif à moins de 1 % et que deux des trois variables de contrôle retenues présentent une relation significative avec notre variable dépendante. Il s’agit de l’expérience dans le pays cible et du logarithme de la taille de l’entreprise française. Ces deux variables de contrôle montrent une incidence significative dans tous les modèles que nous avons testés.

Se basant sur les 4 dimensions de Hofstede, le modèle 1a ne fait ressortir aucune relation significative entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée. En revanche, le modèle 1a’, incluant les 5 dimensions de Hofstede, montre une relation significative et négative (β=-0.318; p≤0,05) entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée. Ainsi, nous pouvons affirmer qu’avec un degré de confiance de 95 %, il est moins probable d’observer des fusions-acquisitions en présence d’une forte culture nationale. Les résultats des deux modèles mesurant la culture nationale par le cadre culturel de Hofstede sont divergents et valident partiellement l’hypothèse H1.

La majorité des études en MI mobilisent le cadre culturel de Hofstede et l’index de Kogut et Singh (1988) pour appréhender la culture nationale (Harzing et Pudelko, 2016). Ces études reposent essentiellement sur les quatre dimensions culturelles proposées initialement par Hofstede. Le résultat explicité dans notre recherche sur le contexte des entreprises françaises va dans le sens de plusieurs études qui se sont focalisées sur la culture nationale. L’étude de Cho et Padmanabhan (2005) sur les entreprises japonaises indique que la distance culturelle, mesurée par les quatre dimensions de Hofstede, entre le Japon et le pays d’accueil n’influence pas d’une manière significative le choix de la structure du capital de la filiale étrangère. Le même constat a été relevé dans l’étude de Xu et Beamish (2004) pour les entreprises japonaises, par Luo (2001) pour les entreprises qui choisissent de s’implanter en Chine ou encore par Contractor et Kundu (1998). Concernant les firmes néerlandaises, Slangen et Tulder (2009) révèlent également un effet non significatif sur le choix du mode d’entrée.

Tableau 2

Matrice de corrélation

Matrice de corrélation

* p<0.05 ; N=203

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Concernant la version révisée de Hofstede, le modèle 1a’ met en exergue un pouvoir explicatif significatif et négatif entre la culture nationale et le choix du mode d’entrée. Il semble ainsi que le cadre culturel de Hofstede complété par sa cinquième dimension explique davantage le choix du mode d’entrée comparé à sa version initiale. En effet, la cinquième dimension « l’orientation à long terme versus court terme » n’a pas fait partie de l’étude initiale d’IBM puisque les questions appropriées n’ont pas été posées. Or, Hofstede et al. (2010) considèrent qu’il est essentiel de l’ajouter afin d’obtenir un outil universel. Il convient de préciser qu’à notre connaissance, peu de recherches empiriques ont intégré cette cinquième dimension. A titre d’exemple, l’étude de Kim et Gray (2009) reste l’une des rares études qui a mesuré la culture nationale en mobilisant le cadre initial de Hofstede et par la suite le cadre révisé en intégrant la cinquième dimension. Dans cette recherche, les analyses menées par ces deux cadres, initial et révisé, présentent le même résultat. Une seconde étude a tenté d’aller au-delà du cadre initial de Hofstede, il s’agit de la recherche de Dow et Ferencikova (2010). Les auteurs ont mesuré la culture nationale à la fois par les quatre dimensions initiales de Hofstede mais également par les scores révisés par Taras et Steel (2006) de ces mêmes dimensions. Appuyant nos résultats, les conclusions de cette étude mettent en évidence un effet non significatif du cadre initial de Hofstede sur le choix du mode d’entrée. Au contraire, la version révisée du cadre de Hofstede dévoile un lien significatif et positif avec cette même décision stratégique traduisant ainsi le choix d’un mode d’entrée moins engageant dans le cas d’une forte culture nationale. Cette contradiction soutient nos résultats et prouve l’importance d’adopter une version plus complète du cadre de Hofstede.

Il ressort de notre analyse que le cadre culturel à quatre dimensions de Hofstede n’explique pas d’une manière significative le comportement des entreprises françaises, du moins concernant le choix du mode d’entrée. La première enquête menée par Hofstede remonte au début des années 1970, ce qui peut expliquer ce résultat. En effet, le cadre culturel à quatre dimensions risque de ne plus refléter la culture, par essence évolutive, des différents pays et peut ainsi remettre en question la validité des résultats. Dans ce sens, Shenkar (2012) recommande de compléter l’index de Kogut et Singh (1988) par la cinquième dimension de Hofstede (l’orientation à long terme versus court terme). Il ajoute, de plus, qu’il est particulièrement important de la prendre en compte lorsque les pays d’Asie de l’Est sont impliqués dans l’étude.

Tableau 3

Les analyses de régression

Les analyses de régression

†p≤0,1 *p≤0,05 **p≤0,01 ***p≤0,001

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Le modèle 2 présente les résultats relatifs au cadre culturel de Schwartz. La culture nationale mesurée par les dimensions de Schwartz affiche une influence significative (β=-0,258; p≤0,001) sur le choix du mode d’entrée. Plus précisément et à un seuil de confiance de 99,9 %, les résultats montrent qu’une forte culture nationale diminue la chance d’observer des fusions-acquisitions. Ces conclusions permettent de valider l’hypothèse H2.

En comparaison avec le modèle de Hofstede, peu de recherches empiriques ont mobilisé le cadre culturel de Schwartz. Dans une étude analysant le lien entre la culture nationale et le choix d’implantation dans un marché étranger, Drogendijk et Slangen (2006) montrent que, dans le cas des entreprises néerlandaises, les différents cadres culturels présentent le même résultat significatif. Cette étude mobilise les cadres culturels de Hofstede et de Schwartz et conclut que la culture nationale explique bien le choix d’implantation. Dans la recherche de Kim et Gray (2009) sur les entreprises coréennes, les cadres culturels de Hofstede et Schwartz présentent une incidence significative et positive sur le choix de la répartition du capital adopté.

Les modèles 3 et 4 correspondent aux versions pratiques et valeurs du projet Globe. Les résultats mettent en exergue une relation significative et négative entre (modèle 3 : β=-0,353; p≤0,05; modèle 4 : β=-0,675; p≤0,01) la culture nationale et le choix du mode d’entrée des entreprises françaises, et ce pour les deux versions. Une forte culture nationale mesurée par les dimensions du projet Globe est davantage associée aux coopérations. En observant ce même cadre culturel, Kim et Gray (2009) n’aboutissent pas aux mêmes résultats pour les deux versions. Si la version valeur du cadre culturel du projet Globe présente une influence significative, sa version pratique ne montre aucune incidence significative sur le choix de la répartition du capital. House et al. (2002) démontrent une corrélation négative et significative entre les deux versions, ce qui pourrait être une explication possible. L’étude de Malhotra et al. (2011) mesure, par ailleurs, la distance culturelle au travers de la version valeur du projet Globe et trouve une influence significative de ce cadre sur la prise de participation. A partir de ces études, la version valeur du projet Globe semble gagner en légitimité par rapport à la version pratique. Au-delà des résultats de leur étude, Malhotra et al. (2011) expliquent que la version valeur correspond davantage à la définition de la culture et aux valeurs culturelles. Elle permet de saisir les traits de la société à long terme et non juste des caractéristiques transitoires. Le même lien significatif et négatif ressort de nos résultats, toutefois la culture nationale mesurée par la version valeur présente un pouvoir explicatif plus important que celle appréhendée par la version pratique laissant entendre une légère supériorité de la version valeur. Les hypothèses H3 et H4 sont ainsi validées.

Comparés aux autres cadres culturels, le cadre culturel de Globe présente le même résultat que celui de Schwartz et de la version révisée de Hofstede. L’étude de Malhotra et al. (2011) arrive aux mêmes conclusions avec les cadres culturels de Hofstede et de Globe. Concernant la recherche de Kim et Gray (2009), il apparaît que le cadre culturel de Globe explique moins le choix de la répartition du capital comparé aux cadres de Hofstede ou de Schwartz. Nos résultats montrent que la culture nationale appréhendée par le cadre culturel de Schwartz et la version valeur du projet Globe explique davantage le choix du mode d’entrée comparé au cadre initial de Hofstede et à la version pratique du projet Globe.

L’étude statistique menée confirme l’importance de la mesure de la culture nationale. Elle montre que si le cadre culturel initial de Hofstede reste le plus mobilisé par les chercheurs, il semble être dépassé et ne permet donc plus l’obtention d’un outil universel. Elle confirme également les propos de Shenkar (2012) sur l’importance de mobiliser le modèle révisé de Hofstede. En outre et selon Hartmann (2012), les recherches en management interculturel ont de plus en plus recours à l’étude de Globe et il semble possible qu’elle mette fin à la prédominance des dimensions culturelles de Hofstede. Dans ce sens, nos résultats incitent à la mobilisation d’autres cadres culturels plus récents comme ceux de Schwartz et de Globe. Ils mettent en évidence la supériorité du cadre culturel de Schwartz suivi par la version valeur du projet Globe. Toutefois, ces conclusions ne permettent pas de confirmer d’une manière ferme la supériorité d’un des cadres culturels par rapport aux autres.

Parallèlement, notre recherche souligne l’importance de la prise en compte de la culture nationale dans le choix du mode d’entrée. Dans le cadre des entreprises françaises, elle montre qu’une forte culture nationale est davantage associée aux accords de coopération plutôt qu’aux fusions-acquisitions. Face à un environnement incertain, les entreprises françaises semblent s’engager moins et optent pour un mode de rapprochement plus flexible. En accord avec la logique de réduction des risques et de l’incertitude, nos résultats confirment l’approche défendant une relation négative entre la culture nationale et le niveau de participation dans le choix du mode d’entrée (Brouthers et Brouthers, 2001; Majocchi et al., 2013)

Ce travail permet également de dégager une réponse aux résultats contradictoires relevés dans les études antérieures (Morschett et al., 2010; Harzing et Pudelko, 2016). Cette réponse peut résoudre le « paradoxe de la culture nationale » relevé dans l’étude de Brouthers et Brouthers (2001). Il semble désormais que ce paradoxe tient son origine au cadre culturel initial de Hofstede. Harzing et Pudelko (2016) montrent que la majorité des études ont mesuré la culture nationale au travers de l’index de Kogut et Singh (1988) et des quatre dimensions de Hofstede qui peuvent s’avérer peu concluants.

Conclusion

Le rôle de la culture nationale dans les décisions de développement sur des marchés étrangers a occupé une place importante dans les recherches en MI. Le cadre culturel de Hofstede a favorisé cette place accordée à la culture nationale et a fait office de sa principale mesure. Menée il y a plus de 30 ans, l’étude de Hofstede fait l’objet de nombreuses critiques et ses limites ne cessent d’être soulignées (Schwartz, 1994; Shenkar, 2001; Steenkamp, 2001). En dépit de cela, le cadre culturel de Hofstede continue à être mobilisé bien que d’autres cadres existent comme ceux de Schwartz et du projet Globe. L’objet de cet article est d’examiner les effets comparatifs des cadres culturels les plus importants en MI (Hofstede, Schwartz et Globe). Pour ce faire et afin d’évaluer la pertinence des mesures de la culture nationale, cette recherche analyse leurs incidences sur le choix du mode d’entrée des entreprises françaises.

L’étude empirique réalisée montre que la culture nationale appréhendée par les cadres culturels de Schwartz et du projet Globe et également par le cadre révisé de Hofstede explique le choix du mode d’entrée. Seul le cadre initial de Hofstede n’explique pas ce choix. Bien que les résultats montrent la supériorité du cadre culturel de Schwartz suivi de la version valeur du projet Globe, ils ne permettent pas d’affirmer formellement la prééminence d’un cadre culturel par rapport aux autres. En revanche, l’étude menée confirme les propos de Shenkar (2012) concernant l’importance de mobiliser le modèle révisé de Hofstede et permet ainsi de préconiser aux preneurs de décision et aux recherches futures de compléter le cadre de Hofstede par l’orientation à long terme versus court terme, voire même par sa dimension indulgence versus sévérité. Elle incite de plus à la mobilisation d’autres cadres culturels plus récents comme ceux de Schwartz et de Globe.

Le travail effectué permet de dégager plusieurs pistes de recherche. L’analyse de la culture nationale sous ses différents cadres demeure globale sous l’index de Kogut et Singh (1988), il semble intéressant de mener des investigations similaires tout en considérant les dimensions culturelles individuellement. En effet, les dimensions prises en compte individuellement peuvent avoir des incidences sensiblement différentes et permettent ainsi d’animer le débat sur les similitudes existantes entre les divers cadres culturels. Par ailleurs et afin d’aller plus loin dans l’analyse, il conviendrait de mener ce même travail dans d’autres espaces géographiques et sur différentes périodes temporelles. Ces recherches comparatives pourraient offrir une étude plus complète des différents cadres culturels.