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1. Contexte de l’étude ou… Quand la valorisation de problèmes complexes rend complexe l’expression de raisonnements analytiques

Le plus récent programme de formation en application au Québec (Gouvernement du Québec, 2006, 2007) réitère la place prépondérante à accorder à la résolution de problèmes. Dans une recherche documentaire[1] portant sur l’évolution de la notion de problème du xxe siècle à nos jours, Lajoie et Bednarz (2012, 2014) déterminent cinq périodes reliées à différentes finalités de l’enseignement par résolution de problèmes: le Québec d’avant la Seconde Guerre mondiale (1904-1945), celui de l’après-guerre (1948-1959), de l’après-Révolution tranquille (1960-1970), des années 1980-1990 et de la période actuelle (de 2000 à aujourd’hui). Pour elles, l’idée nouvelle de complexité sous-jacente à la notion de situation-problème est ce qui distingue la période s’amorçant avec le xxie siècle des périodes précédentes. Ainsi les enseignants sont encouragés à proposer aux élèves des problèmes d’une plus grande complexité. Dans le programme, on précise qu’une situation est complexe lorsqu’elle mobilise l’ensemble des composantes d’une compétence, représente un défi intellectuel, suscite un conflit cognitif, favorise la prise de risques et se prête à plus d’une démarche. On y ajoute que les critères qui permettent de caractériser la complexité sont:

[L]’étendue des concepts et processus à mobiliser, le degré de familiarité/degré d’autonomie exigé de l’élève, le nombre de contraintes, le nombre d’étapes que comporte la solution, le niveau d’abstraction exigé pour s’approprier la situation, la nature des liens intra-mathématiques sollicités (concepts et processus, liens entre plusieurs champs des mathématiques) ou interdisciplinaires, etc.

Gouvernement du Québec, 2006, p. 14

En algèbre, au premier cycle du secondaire (13-14 ans), les visées ne diffèrent pas du précédent programme, il est espéré des élèves qu’ils s’engagent dans un processus de modélisation où il y aurait traduction de l’énoncé d’un problème à l’aide d’une équation algébrique dont la résolution, à l’aide de manipulations symboliques, conduirait à la recherche de la solution (Gouvernement du Québec, 2006). Ainsi, les problèmes retenus par les enseignants devraient, d’une part, favoriser chez les élèves l’expression d’un raisonnement analytique[2], mais, d’autre part, les conduire à recourir au langage littéral.

L’accroissement de la complexité des problèmes proposés aux élèves, ajouté à ce qui précède, nous permettait de croire que les élèves du premier cycle du secondaire de la réforme scolaire implantée au Québec dans les années 2000 réussiraient mieux que les élèves de la réforme des années 1990 relativement à la résolution de problèmes du même type. C’est dans cette visée qu’un questionnaire composé de 12 problèmes mettant en jeu des relations de comparaison entre des grandeurs inconnues a été administré à plus de 900 élèves provenant de 48 classes du premier cycle du secondaire dans 8 écoles appartenant à 7 commissions scolaires différentes. Cette étude exploratoire (Saboya, Tremblay, Adihou, Squalli, Besançon et Martin, 2014) prend place dans la continuité des recherches menées lors des deux réformes précédentes, Bednarz et Janvier (1996) pour la réforme des années 1980 et Marchand et Bednarz (1999, 2000) pour la réforme des années 1990[3]. Les résultats ont confirmé la persistance de difficultés chez les élèves dans la résolution de problèmes de type partage inéquitable mettant en jeu des relations de comparaison entre des grandeurs inconnues[4]. Il a été possible de constater, chez les élèves de première secondaire, une grande diversité dans les raisonnements mobilisés, alors que chez les élèves de deuxième secondaire une majorité (86,9 %) de raisonnements analytiques fut recensée (position réajustée, surplus/parts, algèbre explicite). Et, parmi ces raisonnements, le raisonnement algébrique explicite (83,7 % des raisonnements codés), nommé ainsi pour le recours au langage symbolique et aux manipulations algébriques, prédomine, sans être toujours bien maîtrisé (taux de réussite de 50 %). Les taux de réussite obtenus sont d’ailleurs inférieurs à ceux fournis par la recherche provenant de la réforme précédente (Marchand et Bednarz, 2000). Ils forcent à la conclusion que les élèves québécois interrogés ne sont pas nécessairement plus à l’aise dans la résolution de problèmes ayant des structures semblables à celles proposées à leurs prédécesseurs des décennies précédentes.

Face à ce constat et à la recherche d’explications de ces résultats, en collaboration avec les enseignants et conseillers pédagogiques impliqués dans notre recherche collaborative[5], l’étude des différents problèmes de partage inéquitable tels que décrits par Bednarz et Janvier (1994) (composition, source, puits) est devenue un enjeu de formation. Ces problèmes étant jugés peu présents dans les manuels utilisés par nos collaborateurs, il nous est apparu primordial de tourner notre attention vers l’étude des manuels scolaires qui sont une ressource souvent utilisée par les enseignants.

Plusieurs chercheurs en didactique des mathématiques se sont intéressés à l’étude des ressources didactiques (guide pédagogique et manuel de l’élève) mises à la disposition des enseignants au début du secondaire en algèbre (au Québec: Guzman, Bednarz et Hitt, 2003; Marchand et Bednarz, 1999, 2000; Barallobres, 2009; Cotnoir, 2010 et Antoun, 2012; en France: Coulange, 2000). Notre étude prend place parmi celles-ci et est plus directement en continuité avec celle menée par Marchand et Bednarz (1999, 2000) qui a porté sur les manuels scolaires en vigueur lors de la précédente réforme. Leur recherche et la nôtre axent plus particulièrement sur l’une des approches reconnues en algèbre (Artigue, 2012; Kieran, 2007), la résolution de problèmes visant l’introduction au raisonnement analytique. Une comparaison entre l’analyse des manuels de la réforme des années 2000 (qui fait l’objet de ce texte) et celle de la réforme antérieure (menée par Marchand et Bednarz, 1999, 2000) met en évidence une rupture dans le type de problèmes proposés par les concepteurs des manuels scolaires de ces deux périodes et amène à distinguer des éléments de complexité dans les manuels des années 2000 qui interrogent l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre.

Le programme précise que pour que l’élève soit habile à traduire l’énoncé d’un problème à l’aide d’une ou de plusieurs expressions algébriques ou équations, il faut qu’il soit «exposé à une très grande diversité de situations» (Gouvernement du Québec, 2006, p. 254). L’étude des manuels scolaires fut alors l’occasion d’évaluer et de rendre compte de la diversité des problèmes proposés. Elle permet du même souffle de définir l’expression de la complexité des problèmes et de rendre compte des critères retenus dans les problèmes des manuels.

Au secondaire, favoriser l’expression d’un raisonnement analytique conjugué au désir de convaincre l’élève de recourir au langage littéral pour résoudre efficacement les problèmes semblent être les motifs justifiant l’augmentation de problèmes dont la modélisation peut se traduire par une équation où l’on retrouvera l’inconnue dans les deux membres de l’égalité et prenant donc la forme ax + b = cx + d. Ce sont ces problèmes que nous avons nommés «mise en égalité» et qui sont l’objet du présent article. L’étude des classes de problèmes en jeu, des contextes colorant les problèmes proposés ainsi que la possible incertitude associée à la formulation des énoncés sont les différents «miroirs» du kaléidoscope utilisé pour analyser les problèmes de mise en égalité et ainsi mieux cerner comment s’exprime l’importance prise par ces problèmes au fil des deux réformes québécoises. Dans la prochaine section, nous exposerons les recherches sur lesquelles nous nous sommes appuyées pour construire certaines catégories de notre grille d’analyse des problèmes écrits dans les manuels scolaires dont la résolution vise l’introduction au raisonnement analytique. On esquissera ensuite notre méthodologie avant de présenter les résultats de l’analyse des problèmes de mise en égalité pour les collections des deux dernières réformes. Ces résultats permettront finalement de discuter de la transformation de l’activité de résolution de problèmes et de la nécessité, pour les enseignants, de considérer les choix faits dans nos plus récents manuels pour favoriser le recours au raisonnement analytique ainsi qu’au langage littéral dans la résolution des problèmes proposés.

2. Regard sur les recherches menées sur les manuels scolaires à propos des problèmes visant l’introduction au raisonnement analytique

Différents chercheurs se sont intéressés à l’analyse des manuels scolaires sous l’angle des problèmes proposés dans le chapitre portant sur la résolution de problèmes en algèbre au premier cycle du secondaire. L’on présentera ici les recherches sur lesquelles nous avons puisé lors de la construction de notre grille d’analyse des énoncés de problèmes (Tremblay et Saboya, à paraître).

Bednarz et Janvier (1994) distinguent trois classes de problèmes, lesquelles mettent en jeu respectivement: i) des relations de comparaison entre grandeurs inconnues, ii) des transformations de grandeurs inconnues dans le temps et iii) des relations entre grandeurs non homogènes faisant intervenir des taux. Pour étudier la structure de ces problèmes, elles ont procédé à une schématisation (voir tableau 1) qui s’appuie sur celle de Vergnaud (1982). Les grandeurs, les relations et les taux connus sont représentés par des cases noircies, ceux qui sont inconnus par des cases blanches et ce qui est cherché, représenté dans une case blanche avec un point d’interrogation. Les relations de comparaison sont désignées par des lignes courbes, les taux par des segments et les relations de transformation dans le temps par une flèche. Le tableau 1 présente un exemple de chaque classe de problème avec sa schématisation.

Dans un souci de repérer les problèmes qui favorisent chez les élèves l’expression d’un raisonnement analytique, Bednarz et Janvier (1994) définissent les problèmes connectés versus les problèmes déconnectés, lesquels répondent à cette visée. Pour les problèmes connectés «une relation peut facilement être établie entre deux données connues, induisant alors un raisonnement de type arithmétique s’articulant sur les données connues du problème pour aboutir en fin de processus à retrouver la donnée inconnue». Alors que pour les problèmes déconnectés «aucun pont ne peut être établi a priori directement entre les données connues du problème» (p. 279).

Tableau 1

Des exemples de problèmes appartenant aux trois classes définies par Bednarz et Janvier (1994) avec la schématisation correspondante

Des exemples de problèmes appartenant aux trois classes définies par Bednarz et Janvier (1994) avec la schématisation correspondante

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Pour les problèmes déconnectés, elles distinguent différents éléments de complexité:

  • le nombre de grandeurs (distinction entre les problèmes à deux branches et ceux à trois branches);

  • la nature des relations de comparaison impliquées (additive, multiplicative…);

  • l’enchaînement des relations de comparaison dans les problèmes à trois branches (source, composition, puits).

Elles précisent que parmi les problèmes ne faisant intervenir que des relations de comparaison, ceux de type source sont plus faciles que les problèmes de type composition. Les problèmes de type puits apparaissent comme les plus complexes. Ainsi en résulte une progression en complexité autour des problèmes impliquant des relations de comparaison entre grandeurs inconnues. L’étude de Marchand (1998) et notre étude (Saboya et al., 2014) viennent confirmer cette classification proposée par Bednarz et Janvier (1994) dans l’ordre de complexité de cette classe de problèmes. Guzman, Bednarz et Hitt (2003) ont étendu le modèle de complexité précédent pour les problèmes mettant en jeu des relations entre grandeurs non homogènes faisant intervenir des taux. Ils déterminent huit catégories de problèmes de taux qu’il serait possible de retrouver dans les manuels pour tout le cursus du secondaire. Cette catégorisation s’appuie sur les différents éléments de complexité[6] que sont :

  • La structure de calcul relationnel sous-jacente (le taux est donné ou inconnu, présence de relations de comparaison...);

  • Le type de taux et sa familiarité pour l’élève. Considération de différents niveaux d’abstraction du taux, comme la vitesse, le débit, la densité, le prix unitaire…;

  • La formulation du taux en matière de relation entre deux grandeurs. Par exemple «75 km en une heure» versus la formulation «75 km/h».

À ces recherches qui ont principalement porté sur l’étude de la structure relationnelle des énoncés, celle de Cotnoir (2010) s’est attardée aux contextes des problèmes définis comme:

la façon de présenter l’énoncé (symbolique, verbale, imagée ou avec manipulations). Les situations qui y sont présentées peuvent être issues de la vie de tous les jours, de la vie du jeune, des mathématiques ou d’autres disciplines scolaires. Ainsi, le contexte ne réfère pas au vocabulaire utilisé.

Cotnoir, 2010, p. 5

Elle s’est interrogée sur l’évolution de l’utilisation des contextes dans les chapitres introductifs à l’algèbre dans les manuels scolaires québécois de 1960 à nos jours. En s’appuyant sur une catégorisation présentée dans un document ministériel (Gouvernement du Québec, 1988), elle distingue différents types de contextes, réels, réalistes, purement mathématiques et authentiques.

Les contextes réels sont faits par l’élève en action. Les contextes réalistes sont issus de la vie de tous les jours. Les contextes purement mathématiques se présentent sous la forme d’un énoncé n’intégrant que des objets mathématiques. Les contextes authentiques se réfèrent à ce qui est vécu dans la vie de tous les jours et au travail tout en ayant une tâche associée qui est effectivement en lien avec le contexte (Cotnoir, 2010, p. 5).

Elle a noté une augmentation de l’utilisation des contextes réels à travers les années et plus particulièrement ceux reliés au domaine de l’activité humaine. Les tâches authentiques ont également augmenté et les tâches artificielles diminuées.

Antoun (2012) s’est également intéressée aux manuels scolaires du premier cycle du secondaire dans la partie résolution de problèmes en algèbre. Elle a analysé la complexité des situations problèmes (SP) ainsi désignées par les auteurs des collections. Pour cerner la nature et le niveau de complexité de ces situations, elle a eu recours à la grille d’analyse a priori des situations élaborée par Jonnaert, Lauwers et Pelletier (1990). La complexité d’une SP est ainsi déterminée selon trois éléments: le nombre de tâches, leur niveau de complexité et leur enchaînement. Cette grille est pertinente pour l’étude de n’importe quel énoncé de problème. Elle permet d’établir une hiérarchie depuis les situations dont toutes les tâches sont fermées jusqu’aux situations ouvertes. Ainsi, l’analyse de chacune des tâches qui composent la situation relève la présence d’informations sur les paramètres de la structure de la situation (objets, opérateurs et produits). L’étude de ces paramètres permet de les caractériser selon le niveau d’information fourni, le degré d’incertitude ainsi que le degré d’ouverture. Le degré d’incertitude s’avère particulièrement porteur dans le cadre de notre travail, notamment lorsqu’il s’agit de déceler les relations qui sont implicites ou explicites dans les énoncés de problèmes. Plus précisément, la formulation de la mise en égalité relativement au travail de traduction pour l’élève.

3. Repères méthodologiques

Cette étude s’inscrit dans une démarche qualitative/interprétative (Savoie-Zajc, 2004). Il s’agit de mieux comprendre les critères qui guident, en ce début de xxie siècle, le choix des problèmes proposés dans les manuels scolaires du premier cycle du secondaire en mathématique[7]. Les manuels scolaires constituent le corpus de données. Pour cet article, nous nous sommes attardées aux chapitres relatifs à la résolution de problèmes, lesquels se retrouvent tous dans les manuels de la deuxième année du premier cycle (élèves de 13 ou 14 ans). Ils sont:

  • À vos maths!: chapitre «L’algèbre: un outil de résolution de problèmes» (manuel C, p. 270 à 305);

  • Panoram@th: chapitre «De l’inconnue à la résolution d’équations» (Panorama 13, vol. 2B, p. 1 à 38);

  • Perspective: chapitres «La résolution d’équations» et «L’algèbre: une stratégie de résolution de problème» (manuel B, vol. 1, p. 114 à 209 et vol. 2, p. 300 à 313).

Tous les énoncés (nommés exercice ou problème par les éditeurs) retrouvés dans les chapitres où les auteurs expriment leur intention d’introduire à l’algèbre ont été analysés. Les résultats tirés de l’étude des manuels de la précédente réforme sont tirés de l’étude de Marchand et Bednarz (1999). Notre analyse des problèmes a été menée en considérant ces diverses recherches qui se sont penchées sur l’étude des problèmes sous l’angle de la structure du problème (Bednarz et Janvier, 1996; Guzman, Bednarz et Hitt, 2003), des contextes (Cotnoir, 2010) et des tâches qui composent le problème (Antoun, 2012). L’analyse de contenu (Blais et Martineau, 2006) a été retenue comme méthode de traitement des données. Plusieurs des catégories analytiques (classes associées à un énoncé de problème, contexte, tâches) ont été établies à partir des travaux qui précèdent. L’utilisation d’une grille d’analyse mixte a permis l’émergence de nouvelles catégories qui ne sont pas nécessairement issues des études répertoriées. Ainsi, l’étude des contextes de Cotnoir (2010) a été enrichie par l’ajout de la prise en compte des cadres en jeu (Douady, 1986) et par l’ajout du codage du registre de représentation sémiotique présent dans chaque énoncé de problème (Duval, 1995). Ces ajouts ont été nécessaires pour rendre compte de problèmes présentés à l’aide d’un simple «dessin» (registre figural) pour lesquels il y a mise en équivalence de quantités. Ces catégories émergentes ont permis d’enrichir l’ensemble du processus de recherche.

4. Résultats

4.1 Kaléidoscope sur les manuels scolaires issus de la réforme de 1992

Dans le programme de mathématique de cette réforme, l’introduction du langage littéral et de la résolution de problèmes était un enjeu d’apprentissage lors de la deuxième année du secondaire. Ainsi, de l’analyse des manuels de cette réforme (1992), on retient plusieurs constats dont le fait que les problèmes de type partage inéquitable s’y retrouvent de façon majoritaire (Marchand et Bednarz, 1999).

Tableau 2

Répartition des problèmes pour deux manuels de deuxième secondaire de la réforme de 1992 (Marchand et Bednarz, 1999)

Répartition des problèmes pour deux manuels de deuxième secondaire de la réforme de 1992 (Marchand et Bednarz, 1999)

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Les chercheures soulignent une rupture entre les différents niveaux (première, deuxième et troisième secondaires) en ce qui concerne la classe de problèmes majoritairement présente. En première secondaire, ce sont les problèmes de taux qui sont majoritaires dans les deux manuels avant toute introduction à l’algèbre (73 % dans Scénario et 53 % dans Carrousel). En troisième secondaire, ce sont les problèmes de taux qui sont majoritaires (74 % dans Scénario et 51 % dans Carrousel). Au moment de l’introduction de l’algèbre, ce sont les problèmes de partage inéquitable qui entrent en jeu. Les problèmes de transformation sont très peu exploités dans les deux collections. On retrouve dans les manuels de la réforme de 1992 des problèmes de mise en égalité. Rappelons que nous caractérisons ces problèmes comme étant ceux dont le contexte est réaliste et dont la modélisation peut se traduire par une équation où l’on retrouvera l’inconnue dans les deux membres de l’égalité et prenant donc la forme ax + b = cx + d. Marchand et Bednarz (1999) ne s’y sont pas particulièrement intéressées; elles les ont plutôt comptabilisés dans les autres classes de problèmes (partage inéquitable, taux, transformation).

Dans le manuel Scénario, sur les 47 problèmes recensés, notre nouvelle analyse a permis d’identifier 10 problèmes de mise en égalité soit 21,2 % des problèmes. Dans le manuel Carrousel, seulement 2 des 72 problèmes sont des problèmes de mise en égalité soit 2,8 %. La répartition de ces problèmes en prenant en compte les classes en jeu (taux, comparaison, transformation) est exposée au tableau 3. Précisons que les 4 premières classes de problèmes sont aussi des problèmes déconnectés.

Tableau 3

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les classes en jeu pour deux manuels de deuxième secondaire de la réforme de 1992

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les classes en jeu pour deux manuels de deuxième secondaire de la réforme de 1992

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L’analyse de ce tableau permet de constater que les problèmes de mise en égalité de la collection Scénario sont majoritairement formulés à partir de problèmes de partage inéquitable ou de type taux. Les quelques cas proposés dans le manuel Carrousel sont associés à la classe taux[8].

4.2 Kaléidoscope sur des manuels scolaires issus de la réforme de 2003

On se tourne maintenant vers l’étude de trois des principaux manuels utilisés dans les écoles et approuvés par le ministère à la suite de la réforme de 2003. On retiendra que la collection Panoram@th succède au manuel Carrousel alors que Perspective a été rédigé par le même éditeur qui a donné le jour au manuel Scénario. Dans le cadre de cet article, nous avons ciblé uniquement les énoncés de problèmes, exprimés en mots ou à l’aide de dessins (voir le nombre dans la colonne 1 du tableau 4), que l’élève peut choisir de modéliser à l’aide d’une équation en vue de trouver la valeur de l’inconnue cherchée. Les énoncés où les auteurs ont fourni l’équation traduisant le problème, ou encore, ceux où l’élève est invité à exprimer certaines relations à l’aide d’expressions algébriques ont été écartés. Parmi les énoncés retenus, le tableau 4 expose la fréquence (%) des énoncés dits de mise en égalité.

Tableau 4

Fréquence des items de mise en égalité dans trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

Fréquence des items de mise en égalité dans trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

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Comparativement aux manuels de la précédente décennie (voir tableau 3), on constate qu’une place importante est dorénavant faite aux problèmes de mise en égalité pour chacune des collections étudiées. Chez Panoram@th, ceux-ci occupent d’ailleurs la plus grande part des problèmes étudiés. Pour une même maison d’édition, on observe une hausse de plus de 60 % des problèmes de mise en égalité pour l’une (Carrousel vsPanoram@th) et pour l’autre, une augmentation de 20 % (ScénariovsPerspective). C’est dans la collection À vos maths! que l’on en propose davantage, mais la majorité des problèmes de cette collection ne sont pas de type «mise en égalité».

4.2.1 Miroir sur les classes en jeu dans les problèmes de mise en égalité

De manière à faire un meilleur parallèle avec les résultats tirés de Marchand et Bednarz (1999, 2000), nous avons cherché à déterminer les classes de problèmes en jeu dans ces problèmes de mise en égalité. Premier constat, certains énoncés de problèmes ne sont pas formulés à l’aide de mots exprimant des relations de comparaison, mais proposent plutôt un simple dessin (p. ex. une balance dont on cherche la masse d’un des objets). Ils ne peuvent donc être catégorisés selon la classe associée à la structure relationnelle des énoncés. Ils occupent à eux seuls une part importante des problèmes de mise en égalité (19,0 % chez Perspective; 25,7 % chez À vos maths! et 34,6 % chez Panoram@th). Ces énoncés seront traités ultérieurement dans cet article et sont donc écartés des résultats exposés au tableau 5. De même, pour certains problèmes, les relations de comparaison entre certaines grandeurs sont implicites et renvoient aux connaissances des élèves sur certains concepts en jeu dans l’énoncé (p. ex. la congruence des côtés d’un triangle équilatéral), il n’y a donc pas toujours codage possible de la classe en jeu[9]. Autre résultat intéressant, pour une majorité d’énoncés, il y a plus d’une classe en jeu dans un même énoncé (voir tableau 5). Cela augmente du même coup la complexité du traitement des problèmes pour l’élève.

Tableau 5

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les classes en jeu pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les classes en jeu pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

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On constate l’hétérogénéité entre les manuels au sujet des classes qui colorent les problèmes proposés. Les problèmes de taux, de simple réunion et de partage inéquitable étant ceux que l’on retrouve le plus dans les trois manuels. Alors que Panoram@th a retenu quatre classes dans l’élaboration de ses énoncés de mise en égalité, le manuel À vos maths! est celui qui propose la plus grande variété de problèmes de mise en égalité sans toutefois offrir de second problème ayant une structure semblable.

4.2.2 Miroir sur les contextes et les cadres en jeu dans les problèmes de mise en égalité

Partant de l’idée que les différents cadres et registres de représentation jouent un rôle de médiation chez les élèves dans la résolution de problèmes en mathématiques, nous avons alors porté notre attention sur la manière de présenter ces problèmes de mise en égalité. On a d’abord distingué les énoncés dont le contexte est réaliste ou purement mathématique (Cotnoir, 2010). Dans le cas des énoncés dont le contexte est mathématique, nous avons classifié les énoncés selon le cadre géométrique ou arithmétique (Douady, 1986). À la suite du premier codage, on a noté, exclusivement dans le manuel Panoram@‌th, l’exploitation d’un cadre géométrique coloré d’un contexte réaliste. Ceci nous a amenées à étendre notre catégorisation pour ainsi jumeler les contextes mathématique et réaliste et mettre l’accent sur le cadre géométrique en jeu. Le tableau 6 présente des exemples d’énoncés.

Tableau 6

Exemples de problèmes selon les contextes réaliste et mathématique

Exemples de problèmes selon les contextes réaliste et mathématique

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Notre catégorisation émergente a aussi conduit à une cinquième catégorie, soit celle regroupant des énoncés dont le contexte est réaliste et qui s’appuie sur un phénomène de covariation, d’où notre référence au cadre fonctionnel. Tel que le montre le problème à la figure 1, l’élève doit établir deux relations où on espère ainsi l’usage de la lettre en tant que variable, puis il doit ramener son analyse à un cas particulier, la lettre prenant alors le statut d’inconnue. Ce genre de problème était classiquement réservé au niveau de la troisième secondaire, notamment dans l’étude des systèmes d’équations.

Figure 1

Problème de covariation tiré de Panoram@th, manuel B, vol. 2, p. 22, #14

Problème de covariation tiré de Panoram@th, manuel B, vol. 2, p. 22, #14

On transvide l’eau de l’aquarium A dans l’aquarium B à une vitesse de 4 L/min. Après combien de temps les deux aquariums contiendront-ils la même quantité d’eau?

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Avant d’exposer la répartition des problèmes de mise en égalité pour chaque manuel, résumons ici les cinq catégories:

  • Énoncé dont le contexte est réaliste (ou dit extramathématique) et est présenté en langage naturel (Réaliste-mots);

  • Énoncé dont le contexte est mathématique et issu d’un cadre arithmétique. Il est présenté en langage naturel (Arithmétique-mots);

  • Énoncé dont le contexte est mathématique ou réaliste et issu d’un cadre géométrique. Il est présenté en langage naturel et accompagné d’un dessin (Géométrie-dessin);

  • Énoncé présenté sous forme de dessin exprimant l’égalité (Dessin-égalité);

  • Énoncé dont le contexte est réaliste et issu d’un cadre fonctionnel. Il est présenté en langage naturel et peut être supporté d’une illustration (Fonctionnel-mots).

La figure 2 permet d’observer la répartition des problèmes selon les précédentes catégories pour chaque collection.

Figure 2

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les cadres pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

Répartition des problèmes de mise en égalité selon les cadres pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

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Tableau 7

Des exemples de problèmes de mise en égalité «dessin»

Des exemples de problèmes de mise en égalité «dessin»

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Parmi les énoncés de mise en égalité proposés dans les trois manuels, on constate que pour les collections À vos maths! et Perspective, plus de 60 % des énoncés de mise en égalité sont exprimés en mots et s’articulent autour d’un contexte réaliste (catégorie réaliste-mots). Chez Panoram@th, ce pourcentage diminue (12,5 %), mais il est contrebalancé par la forte présence de problèmes dont le cadre est géométrique et issu d’un contexte réaliste. Parmi les énoncés dont le contexte est réaliste, il faut noter, comparativement aux manuels de la précédente décennie, la présence d’une nouvelle classe de problèmes, soit celle codée «fonctionnels-mots», pour deux des trois collections. Bien que ces problèmes demeurent peu nombreux, leur présence doit être considérée par les enseignants pour ainsi demeurer alerte face aux nouveaux enjeux proposés à l’élève dans l’appropriation et la modélisation de ces problèmes. La place importante des problèmes dont le contexte est réaliste permet en contrepartie de constater de la faible place faite aux énoncés dont le contexte est purement mathématique dans les énoncés analysés, soit moins de 5 % en moyenne pour nos trois collections.

Les énoncés qui sont présentés sous forme de dessin occupent à eux seuls une part importante des problèmes de mise en égalité (entre 19 % et 33 %). Pour les collections Panoram@th et Perspective, une représentation de la balance est proposée. L’élève est alors amené à rechercher la masse d’objets représentés sur des plateaux en équilibre. Alors que chez Perspective, on ne retrouve pas de dénotation de l’inconnue à l’aide d’une lettre apposée sur les objets dont la masse est cherchée, dans Panoram@th, on constate autant d’énoncés sans usage du langage littéral que d’énoncés où la lettre «x» ou même l’expression «x/2» apparaissent notées sur les objets. Du côté de la collection À vos maths!, au fil de l’évolution des problèmes proposés, la représentation de la balance s’estompe. Les énoncés s’appuient tantôt sur une représentation de la balance, tantôt sur une balance ou tout autre objet s’y apparentant et qui renvoient à un contexte réaliste puis finalement, on propose plutôt une représentation côte à côte.

4.2.3 Miroir sur la formulation de la relation d’égalité

L’analyse de la structure des énoncés nous a finalement conduites à l’étude de la formulation de la relation d’égalité entre expressions et plus précisément aux informations sur le lien entre les grandeurs, explicites ou non, qui favorisent la traduction de l’énoncé sous forme d’équation. Trois catégories ont été retenues allant d’une relation d’égalité explicitement formulée dans l’énoncé à une mise en égalité jugée implicite. La première catégorie (niveau 2) réfère à une relation de mise en égalité entre expressions qui est explicite dans l’énoncé. Il y a alors usage d’expressions langagières telles que «est égal à», «équivaut à», «correspond au double de», lesquelles permettent de traduire directement les grandeurs mises en égalité. Duval (1988) en traite en termes de congruence[10]. Le passage d’un énoncé du discours naturel à une expression écrite symboliquement permet l’obtention d’une équation qui est sémantique congruente à la phrase, par traduction mot à mot en suivant la lecture de gauche à droite de l’énoncé. L’équation obtenue, pour reprendre les termes de Duval (1988), sera référentiellement équivalente à l’énoncé.

La deuxième catégorie (niveau 1) renvoie à une mise en égalité plus ou moins implicite. L’énoncé du problème suggère des expressions langagières de comparaison dont la considération des écarts entre les grandeurs comparées permettrait une mise en égalité. La traduction ne peut donc directement être réalisée par une lecture de l’énoncé de gauche à droite comme c’est le cas pour la catégorie précédente. De plus, on ne retrouve aucune expression telle que «est égal», «correspond à» qui facilitent la mise en apparence de la relation d’égalité à établir.

La troisième catégorie (niveau 0) regroupe les énoncés de problèmes où aucune expression langagière ne permet à l’élève de pointer directement les expressions à mettre en égalité. Plusieurs relations de comparaison entre différentes grandeurs peuvent être présentes, comme c’est le cas des problèmes de la classe transformation, par exemple. Le travail de modélisation oblige alors l’élève à considérer ces différentes relations entre les grandeurs inconnues dans une première égalité pour ensuite les réinvestir dans la traduction de la seconde égalité dont la résolution permettra la recherche de la solution. De manière générale, l’ensemble des problèmes associés au niveau zéro renvoie à la classe transformation de grandeurs inconnues dans le temps (p. ex. la comparaison d’âges entre des personnes), à la classe taux (p. ex. la comparaison de capacités de récipients ou encore d’espaces de stockage de disques durs) ou aux problèmes de partages différents d’une même quantité. On ajoute à cela les énoncés qui, bien que peu nombreux, s’appuient sur l’étude d’un phénomène de covariation. Il pourrait s’agir, par exemple, de trouver à quel moment deux réservoirs ont la même quantité ou encore, deux personnages ont parcouru la même distance. Il en revient alors à l’élève de déduire que la résolution du problème implique la modélisation par une mise en égalité d’expressions différentes. Le tableau 8 résume les trois catégories retenues.

Si l’on se tourne vers les résultats obtenus pour chacune des trois collections, on constate que celles-ci proposent toutes une variété d’énoncés de problèmes relativement au niveau d’explicitation de la mise en égalité. Comme l’exprime le tableau 8, les trois collections privilégient toutes les énoncés où la mise en égalité est clairement énoncée (niveau 2).

Le survol des guides pédagogiques ne permet pas de dégager clairement l’intention didactique associée à l’accroissement du nombre de problèmes de mise en égalité. Les solutions proposées incitent à croire que ces choix didactiques sont motivés par le désir de favoriser l’expression d’un raisonnement analytique chez l’élève qui sera dominé par le recours à la modélisation à l’aide d’équations. Or, la proposition de problèmes dont la mise en égalité est implicite (niveau 0) engage l’élève dans une activité de résolution qui dépasse largement la reconnaissance du potentiel de l’algèbre comme outil de modélisation. L’appropriation de ces problèmes exige effectivement un travail plus grand de décodage et de traduction dont l’enseignant qui propose ces problèmes doit être conscient.

Tableau 8

Des exemples de problèmes de mise en égalité selon le niveau d’explicitation de la mise en égalité

Des exemples de problèmes de mise en égalité selon le niveau d’explicitation de la mise en égalité

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Dans une perspective d’accompagnement de l’élève, on pourrait alors espérer des manuels qu’ils proposent une progression de problèmes dont la mise en égalité est d’abord explicite dans les énoncés pour ensuite suggérer des problèmes où la relation d’égalité doit être dégagée par l’élève. On relève de l’examen de la progression page à page des problèmes de mise en égalité proposés dans chaque collection que ce passage de l’explicite vers l’implicite n’est pas caractéristique de chacune d’elles.

Les rédacteurs de la collection À vos maths! ont construit une progression où les énoncés de niveau 2 précèdent les énoncés de niveau 1 pour ensuite terminer avec des énoncés de niveau 0. La collection Panoram@th amorce aussi la proposition de problèmes de mise en égalité dont la présentation de l’égalité à établir entre différentes expressions est explicite. Comme la précédente collection, les énoncés de niveau 2 sont principalement appuyés d’un dessin d’une balance. On y présente ensuite des énoncés de niveau 1 qui s’inscrivent principalement dans un cadre géométrique où l’élève est invité à comparer le périmètre de figures ou d’objets. Finalement, des énoncés de niveau 0 sont proposés pour revenir avec des énoncés de niveau 2. Dans Perspective, la variété semble prônée. On débute certes avec des énoncés dont la mise en égalité est explicite, mais contrairement aux deux autres collections, on n’insiste pas sur une manière de présenter les problèmes. On propose d’emblée un énoncé dont le contexte est réaliste, suivi d’un autre qui puise dans un cadre arithmétique pour ensuite proposer une mise en égalité présentée à l’aide d’un dessin. Des énoncés dont la mise en égalité est implicite suivent pour revenir à des énoncés de niveau 1 et terminer avec des énoncés de niveau 0.

Tableau 9

Degré d’explicitation de la mise en égalité dans les énoncés pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

Degré d’explicitation de la mise en égalité dans les énoncés pour trois manuels québécois du premier cycle du secondaire issus de la réforme de 2003

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5. Discussion ou… Regarder la beauté des images

Le mot «kaléidoscope» tire ses origines grecques des expressions kalos, eidos et skopein. Lesquelles signifient «beau», «images» et «regarder». Ce sont d’abord les enseignants et enseignants collaborant à notre projet qui furent les premiers à reconnaître les «beaux» problèmes qui sont ici nommés «mise en égalité». Le portrait dégagé pour faire suite au regard porté sur ces problèmes issus de collections des deux dernières réformes s’est effectivement révélé attrayant pour les résultats qu’il jette sur la nécessaire transformation de l’activité de résolution de problèmes des élèves de deuxième secondaire au cours des deux dernières décennies. Ainsi, l’analyse des problèmes proposés dans la partie Algèbre de trois collections de manuels québécois approuvés par le ministère de l’Éducation nous amène à constater un choix différent entre les manuels des deux précédentes réformes. Alors que les problèmes de partage inéquitable sont majoritaires dans les manuels de la réforme des années 1990, un mélange de classes se retrouve souvent dans un même énoncé pour les manuels d’après la réforme des années 2000. De même, la nécessité de proposer des problèmes qui encouragent l’expression d’un raisonnement analytique et qui inviteront les élèves à considérer le recours au langage littéral comme un moyen efficace de modélisation est probablement ce qui explique l’accroissement important du nombre de problèmes de mise en égalité dans les collections de la plus récente réforme. Or la résolution de ces problèmes n’est pas simple pour les élèves. Le présent article a permis de rendre compte de différentes variables (cadres et classes de problèmes en jeu, degré d’explicitation de la mise en égalité) qui influencent la complexité de ces problèmes de mise en égalité. Les différentes collections confectionnées dans les années 2000 ont toutes choisi de proposer ces problèmes de mise en égalité à partir d’énoncés soutenus par des illustrations de comparaison de quantités (voir le tableau 7). Ces énoncés offrent l’avantage de permettre à l’élève de dépasser la signification du symbole d’égalité comme annonciateur d’un résultat pour ainsi renforcer celle de mise en équivalence de quantités pouvant être exprimées différemment. Ces problèmes peuvent être résolus sans nécessairement avoir recours au langage littéral, ce qui sera plus difficilement le cas pour les autres problèmes de mise en égalité. S’il y a harmonie entre les collections par la proposition des problèmes accompagnés de dessins, l’étude des classes de problèmes en jeu dans les énoncés proposés ainsi que la prise en compte des cadres et contextes forcent au constat de l’inadéquation de l’offre entre les manuels, offre qui s’avère variée dans toutes les collections. Les problèmes dont les contextes sont purement mathématiques sont dorénavant quasi absents et on observe de nouveaux problèmes que nous avons associés au cadre fonctionnel. L’appropriation de ces problèmes nécessite plus que de raisonner sur l’indéterminé en acceptant de convertir l’énoncé exprimé en langage naturel sous forme d’équation où les symboles prendront le statut d’inconnue. Ils impliquent des élèves une appréhension des situations de manière à saisir la covariation des phénomènes étudiés. La modélisation de ces situations met davantage en évidence le statut de la lettre dite variable, et ce, même si l’élève en reviendra à étudier un cas particulier où la lettre reprendra alors le statut d’inconnue.

La pertinence des problèmes de mise en égalité dans les manuels scolaires n’est évidemment pas remise en question dans le présent article. Il est plutôt question de prendre conscience des différents enjeux pour l’élève et surtout pour l’enseignant dans la sélection des problèmes qu’il proposera dans sa classe. Les différentes classes de problèmes en jeu, ainsi que le niveau d’explicitation de la mise en égalité sont autant de leviers permettant de varier et de complexifier les problèmes proposés aux élèves.

6. Conclusion

Au Québec, le plus récent programme de formation encourage les enseignants à varier les problèmes proposés aux élèves de manière à alterner entre des situations simples et complexes (Gouvernement du Québec, 2006). L’étude de l’apport des manuels de mathématiques de la précédente décennie au sujet de l’introduction de l’algèbre avait déjà permis de constater la diversité des problèmes offerts relativement aux différentes classes en jeu. Le présent article s’est plus particulièrement penché sur les énoncés de problèmes qui colorent les manuels issus de la plus récente réforme, les problèmes que nous avons nommés de mise en égalité. L’étude de ces problèmes renforce l’importance pour les enseignants de reconnaître leur potentiel didactique pour favoriser le développement de raisonnements analytiques, tout en mettant en lumière l’importance de porter un regard critique sur les différentes variables modulant les différents problèmes proposés.