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1. Introduction: la question du décrochage en France

Les travaux en sociologie montrent l’existence d’inégalités scolaires liées à différents facteurs (Gilles, Potvin et Tièche, 2012) pouvant entraîner le désengagement des élèves voire leur sortie du système scolaire. La question du décrochage scolaire devient ainsi un sujet de préoccupation pour la société, pour les gouvernements et pour les chercheurs. Or, pourquoi s’en préoccuper? Selon le CNESCO (2017), le premier enjeu est un enjeu individuel. Pour de nombreux jeunes, l’école et la formation sont vécues comme une source de mal-être, entraînant un effet négatif sur l’estime de soi et par conséquent sur leur qualité de vie et sur leur insertion sociale et professionnelle. Le deuxième enjeu est un enjeu social. Les jeunes sans diplôme sont plus souvent confrontés au chômage et/ou occupent des emplois précaires. Le troisième enjeu est un enjeu économique: le décrochage génère des coûts importants pour la société; ils sont estimés à 230 000 euros pour une personne tout au long de sa vie. Ainsi, les gouvernements (Jospin, 1989; Darcos, 2009; Chatel, 2011; Peillon, 2013), d’une part, et les chercheurs (Bautier, Terrail, Branca, Bonnéry, Béby et Lesort, 2002; Margolinas et Laparra, 2009; Feyfant, 2012; Gilles et al., 2012; Thibert, 2013; Toullec-Théry et Marlot, 2013; Blaya, 2010a, 2010b), d’autre part, s’emparent de cette problématique.

Politiquement, le plan d’action Tous mobilisés pour vaincre le décrochage (Ministère de l’Éducation nationale, 2014) vise à prévenir le décrochage et entend proposer à chaque jeune en situation de décrochage une solution personnalisée en mobilisant tous les leviers et les acteurs. Cela se concrétise par la mise en oeuvre d’un dispositif interne au sein des établissements scolaires, le «groupe de prévention du décrochage scolaire» (GPDS). Il est considéré comme un outil de repérage et de suivi des élèves décrocheurs ou à risque de décrochage. Il vise à repérer les risques de rupture scolaire, à analyser collectivement les problématiques des élèves, à émettre des propositions d’actions dans les champs pédagogique, éducatif, social, médical, voire d’orientation et d’insertion. D’après les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports (2017), le travail de lutte contre le décrochage porte ses fruits. En effet, si 140 000 jeunes sortaient du système scolaire sans qualification en 2011, ce chiffre est proche de 80 000 fin 2017.

Dans leurs recherches, Stevanovic (2018) d’une part et Maillard, Merlin et Rouaud (2015) d’autre part s’intéressent aux effets de ce dispositif. Stevanovic (2018) étudie ainsi le rapport au savoir et à l’orientation des élèves scolarisés dans un dispositif de remédiation dans le cadre de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire de l’académie de Créteil. Les résultats ont montré que si ces derniers n’adhèrent pas aux valeurs et aux attentes scolaires (leur parcours scolaire, social et familial rend difficile leur mobilisation et l’appropriation des savoirs dispensés par l’école), ils vivront toutefois des expériences positives et raccrocheront. Cela est rendu possible à condition que la bienveillance en classe, la méthode d’enseignement, l’expérience professionnelle et un projet d’orientation réalisable permettent aux élèves de prendre part à des expériences positives. Maillard et al. (2015) s’intéressent au travail collaboratif et à la collaboration entre les différents acteurs lors de la mise en place de l’expérience des groupes de prévention du décrochage scolaire (GPDS). Leur recherche s’appuie sur un travail d’enquête réalisé auprès des équipes de direction de plus de 120 établissements et fait apparaître une grande hétérogénéité des pratiques et modalités d’organisation de ce travail collaboratif. Ils dégagent ainsi plusieurs profils de fonctionnement des établissements. Dans le premier type, la prévention s’organise autour d’un nombre réduit de personnels non enseignants et d’une conception limitée à l’absentéisme. Le deuxième associe un nombre plus large de personnels, mais toujours sans enseignants. Le troisième type s’ouvre aux enseignants et entend introduire la pédagogie dans ses réflexions et pratiques. Quant au dernier, il mobilise un collectif large et décline la prévention sous des aspects variés. Ces quatre modèles de fonctionnement éclairent la manière dont les chefs d’établissement ont conduit, composé et interprété l’expérience des GPDS dans le contexte local de leurs établissements à partir du cadre national.

Partant de ces éléments, nous pouvons constater que ce dispositif de remédiation peut répondre à deux problématiques différentes: une première centrée sur l’expérience scolaire des élèves décrocheurs ou à risque de décrochage et une seconde centrée sur les pratiques de collaboration des acteurs. Nous inscrivant dans la première, notre objectif, ici, est de contribuer à une meilleure connaissance des effets du GPDS sur les élèves en difficulté à risque de décrochage dans une cité scolaire vosgienne. Nous étudierons en quoi le «dispositif de remédiation et de tutorat» (qui s’inscrit dans le cadre du GPDS), destiné à ces élèves, peut changer leur rapport à l’école et permettre leur raccrochage scolaire. Plus précisément, il s’agit de décrire et d’analyser les raisons pour lesquelles ils s’inscrivent au sein de ce dispositif, puis, à partir de leurs problématiques, de comprendre les apports de celui-ci en matière de résultats scolaires, de rapports à l’école, d’apprentissages méthodologiques et de confiance en soi.

Dans un premier temps, nous définirons le cadre conceptuel et théorique. Puis, nous décrirons le contexte de notre recherche et notre méthodologie. Pour finir, nous présenterons et discuterons nos résultats.

2. Cadre conceptuel et théorique: les décrocheurs, qui sont-ils?

Selon Bernard (2014), le terme de décrocheurs monte «en force» dans le vocabulaire français. Cependant, la définition de ce terme peut paraître imprécise, car couvrant tout autant les absences que les retards dans les apprentissages ou les difficultés d’ordre psychologique ou familial. Ainsi, ce manque de précision peut entraîner trois risques majeurs (Esterlé, 2013). Le premier est lié au risque de nommer des élèves rencontrant des difficultés diverses et d’organiser ces difficultés autour du décrochage. Le deuxième risque renvoie au fait que la notion de responsabilité est unique et ne dépend que du sujet. Le troisième risque est d’émettre des prédictions sur les élèves susceptibles de devenir des décrocheurs. C’est pourquoi, dans ce point, afin de donner du sens à ce terme, nous décrirons les principales typologies des décrocheurs puis nous mettrons en évidence les facteurs du décrochage.

2.1 Les profils des décrocheurs

Différents profils de décrocheurs sont répertoriés dans les recherches (Kronik et Hargis, 1990; Janosz, 2000; Fortin, Marcotte, Potvin, Royer et Joly, 2006; Thibert, 2013). Nous retrouvons ainsi, de manière récurrente dans leurs typologies, des élèves présentant des difficultés d’apprentissages associées ou non à des difficultés de comportements. À la lecture de ces différents profils, nous pouvons établir des liens faisant ressortir des similitudes et des différences. Ainsi, ces décrocheurs peuvent être:

  • Des élèves présentés comme tranquilles (Kronik et Hargis, 1990; Thibert, 2013) ou silencieux ou discrets (Kronik et Hargis, 1990; Janosz, 2000; Thibert, 2013) ayant des difficultés d’apprentissage mais ne présentant pas de trouble du comportement. Ils sont conformes à la demande scolaire, ont des résultats faibles et appartiennent à des catégories socioprofessionnelles défavorisées.

  • Des élèves décrits comme désengagés (Janosz, 2000; Thibert, 2013), peu intéressés et peu motivés par l’école (Fortin et al., 2006; Thibert, 2013) ou dépressifs (Fortin et al., 2006; Thibert, 2013). De manière similaire, ils ont peu de problème de comportement et peu d’aspiration scolaire (autrement dit, ils s’ennuient). Ils ont une performance scolaire moyenne ou bonne mais leur scolarité n’est pas valorisée. En revanche, des différences sont repérables entre les élèves désengagés d’une part et les élèves peu intéressés et peu motivés ou dépressifs d’autre part. En effet, les élèves appartenant à ces deux derniers groupes ont, tout d’abord, un taux de dépression supérieur à la moyenne. Ils pensent ensuite qu’il y a peu d’ordre et d’organisation dans la classe et le climat de celle-ci est négativement perçu (même si les élèves dépressifs peuvent avoir une opinion positive des enseignants). Enfin, les élèves peu intéressés et peu motivés se distinguent des élèves dépressifs concernant le soutien familial. Si les premiers en ont une appréciation négative, les seconds, a contrario, déclarent souffrir d’une faible cohésion familiale, même s’il y a un soutien affectif et une organisation familiale avec un contrôle parental fort.

  • Des élèves présentant des comportements inadaptés (Janosz, 2000; Thibert, 2013) ou antisociaux cachés (Fortin et al., 2006; Thibert, 2013), perçus comme sous-performants (Janosz, 2000; Thibert, 2013) ou ayant des difficultés de comportement et d’apprentissage (Kronik et Hargis, 1990; Thibert, 2013). De façon commune, ils ont des problèmes sur le plan des apprentissages et du comportement. Leur profil psychosocial est plutôt négatif. Plus spécifiquement, les publics aux comportements inadaptés ou éprouvant des difficultés de comportement et d’apprentissage rencontrent des problèmes familiaux (peu de soutien, opinion négative de l’organisation et de la communication dans la famille même s’il existe une cohésion familiale et un contrôle parental). Ils présentent des signes de délinquance et ont un comportement déviant.

Connaissant les profils des élèves décrocheurs, il semble important d’en saisir les facteurs afin de pouvoir ensuite proposer des dispositifs d’aide et de remédiation pertinents.

2.2 Les facteurs du décrochage

Notre objectif ici n’est pas d’étudier le processus du décrochage en abordant les différents facteurs de la problématique à travers les aspects individuels, organisationnels et socioculturels (Janosz et Leblanc, 1996; Gilles et al., 2012) ou les composantes liées à l’élève (Coudrin, 2006; Afsa, 2013; CNESCO, 2017), à l’école (Rumberger et Palardy, 2005; Saatcioglu, 2010; Bavoux et Pugin, 2012; Palheta, 2012; Khouaja et Moullet, 2016), à la classe (Gilles et al., 2012; Bonnéry, 2007; Blaya, 2010a; Hugon, 2010), et aux parents (Canivet, Cuche et Lombart, 2007; Coudrin, 2006; Van Zanten, 2009; Douat, 2011; Feyfant, 2012; Esterlé, 2013; Potvin et Pinard, 2012). Il s’agit plus particulièrement de conserver l’essentiel des conclusions des travaux menés sur ce thème afin de les repérer spécifiquement et de définir les caractéristiques de notre population d’enquête.

Ainsi, de manière générale, il est admis que le décrochage scolaire est un phénomène multifactoriel (CNESCO, 2017), conséquence d’événements personnels (en lien avec l’affectivité, la personnalité et l’apprentissage) (Douat, 2011), scolaires (en lien avec l’organisation scolaire, la relation avec les enseignants et les pairs) (Lahire, 1994; Jimerson, Egeland, Sroufe et Carlson, 2000; Favier et Moussay, 2017), familiaux et socioculturels (en lien avec le milieu, les événements familiaux et les valeurs sociales) (Canivet et al., 2007; Coudrin, 2006; Van Zanten, 2009; Feyfant, 2012). Pour leur part, Fortin, Marcotte, Potvin, Royer et Joly (2004) définissent les sept facteurs les plus prédictifs du décrochage scolaire, qui sont, par ordre d’importance, les sentiments dépressifs, le manque d’organisation et de cohésion familiale, les attitudes négatives de l’enseignant envers l’élève, le manque d’engagement de l’élève dans ses activités scolaires, les faibles performances en français et en mathématiques. Autrement dit, il apparaît que le décrochage est d’une part la conséquence de la détérioration du lien entre le jeune, l’école et la société (Favresse et Piette, 2004; Canivet et al., 2007), et d’autre part un processus progressif de désintérêt pour l’école, fruit d’une accumulation de facteurs internes et externes au système scolaire (Leclercq et Lambillotte, 1997).

Sur ce point spécifique, nous pouvons aussi nous référer aux travaux de Gilles et al., (2012) lorsqu’ils catégorisent les facteurs du décrochage entre les déterminants internes au système scolaire (c.-à-d.: facteurs organisationnels et structurels et facteurs liés aux interactions entre enseignants et élèves) et les déterminants externes (c.-à-d.: facteurs familiaux et sociaux et facteurs internes au décrocheur) (Gilles et al., 2012). Toutefois, il est à noter que, même si les enseignants ont tendance à attribuer l’échec des élèves aux causes externes au système scolaire (Bouchamma, 2002), plusieurs analyses mettent en évidence l’importance des facteurs internes et notamment le climat scolaire (Blaya, 2010a).

Par ailleurs, nous retenons que la mise en évidence de ces facteurs de risque ne s’inscrit pas dans une démarche déterministe ayant pour but de «ficher» les individus, mais dans une approche visant à appréhender la diversité et la complexité des situations concernées par le décrochage. Les «décrocheurs» ne sont pas un groupe homogène, et déterminer leurs caractéristiques permet de penser aux actions de prévention. La réponse ne pouvant pas être univoque, l’école peut apporter deux formes de réponse: une première consistant en un effort d’adaptation des cursus et modalités d’accompagnement scolaire et une deuxième basée sur le développement de partenariats éducatifs en dehors de l’école (Gilles et Tièche Christinat, 2013). Toutefois, une troisième réponse peut être envisagée, portant sur le développement de dispositifs (le groupe de prévention du décrochage scolaire [GPDS] et d’alliances éducatives [Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2013]) au sein de la vie scolaire; réponse pour laquelle nous optons.

2.3 Le groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS) comme dispositif de prévention et de traitement du décrochage

Partant du constat que la région Lorraine est la quatrième académie la plus défavorisée de France et que le département des Vosges est particulièrement impliqué dans la lutte contre le décrochage scolaire, il a été choisi pour expérimenter le GPDS, visant la prise en charge des élèves décrocheurs et la mise en place de partenariats choisis par le biais des alliances éducatives.

Le GPDS, mis en place par la circulaire n° 2013-035 du 29 mars 2013, est un axe central dans les établissements scolaires pour repérer et accompagner les élèves présentant un risque de décrochage scolaire. Il a pour rôle principal de recenser les élèves démotivés, les «absentéistes», les élèves à risque de décrochage et ceux en situation de décrochage scolaire.

Plus précisément, les objectifs du GPDS sont multiples. Le premier objectif est la lutte contre l’absentéisme, qui constitue le premier signe d’alerte d’une situation de décrochage scolaire. Le GPDS cherche à comprendre les raisons de cet absentéisme et à le diminuer en proposant des aides adaptées à l’élève. Le deuxième objectif est la lutte contre le décrochage. Le but est de limiter le nombre de sorties prématurées du système scolaire ou d’abandons scolaires en raccrochant les élèves présentant des signes de désintérêt. Le troisième objectif est la prévention du décrochage. Il s’agit d’être attentif aux signes pouvant entraîner le décrochage tel le découragement face aux difficultés rencontrées. Enfin, le dernier objectif est l’aide à l’orientation ou à la réorientation. Le GPDS va aider dans le choix d’une voie convenant à l’élève, dans ou hors d'un établissement scolaire, pour faciliter son retour en formation. Ainsi, il s’agit, selon les cas, de faire le point sur l’orientation de l’élève, redonner du sens à sa scolarité, lui faire acquérir une méthode de travail, l’aider à mieux comprendre les attentes de l’institution vis-à-vis des élèves.

En matière de fonctionnement, et toujours selon la circulaire n° 2013-035 du 29 mars 2013, le GPDS, piloté par le chef d’établissement, est composé de l’équipe de direction, du conseiller principal d’éducation (CPE), de l’assistant social, de l’infirmier, du conseiller d’orientation-psychologue, des professeurs principaux et des enseignants de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire. Il s’agit de faciliter la communication entre ces personnels et les engager dans les actions mises en place pour un meilleur accompagnement de l’élève. Pour ce faire, lorsqu’un élève présente des difficultés, il est signalé au professeur principal qui remplit une «fiche de repérage», transmise au CPE. Durant cette phase, les acteurs peuvent s’appuyer sur les cinq indicateurs proposés par le ministère (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2013) pour déclencher la prise en charge:

  • Indicateurs liés aux apprentissages (difficultés à s’organiser dans son travail, manque de concentration ou de motivation, difficultés scolaires avec une chute brutale des résultats scolaires).

  • Indicateurs liés au parcours scolaire (redoublements ou orientation non choisie, aucun projet professionnel).

  • Indicateurs liés au comportement (retards répétés, absences récurrentes, trouble de la sociabilité, c’est-à-dire des difficultés dans le rapport aux autres, agressivité, indiscipline, agitation, endormissement).

  • Indicateurs liés à l’équilibre personnel (difficultés sociales, familiales ou psychologiques, dépression, sentiment d’injustice, peu de confiance en soi, faible estime de soi, fatigue permanente).

  • Indicateurs liés au désinvestissement scolaire (non réalisation des devoirs, pas de matériel scolaire).

Ensuite, le GPDS est mis en place, étudie la situation et prend une décision. Une fois le suivi de l’élève prononcé, les acteurs font un diagnostic de sa situation en s’aidant d’outils comme la «fiche diagnostic» et la «fiche de suivi». Enfin, en vue d’élaborer un parcours adapté à l’élève, le GPDS propose des rencontres avec ce dernier et ses parents et met en place différentes actions de remédiation (p. ex.: travail sur l’estime de soi, sur le bien-être, aides dans le cadre de l’accompagnement personnalisé [AP], tutorat, soutien, accompagnement sur son projet professionnel et personnel, stages d’observation dans d’autres filières).

En bref, fort de ces éléments, nous prenons appui sur l’expérience conduite dans une cité scolaire située dans un environnement rural, pour étudier en quoi le «dispositif de remédiation et de tutorat» (qui s’inscrit dans le cadre du GPDS), destiné aux lycéens en difficulté à risque de décrochage, peut changer leur rapport à l’école et permettre leur raccrochage scolaire. Le point suivant décrira le contexte de la recherche ainsi que la démarche méthodologique.

3. Contexte de la recherche et démarche méthodologique

Pour répondre à notre question formulée ci-dessus, nous avons opté méthodologiquement pour un travail en deux temps envisagé comme suit:

  • Nous avons pris connaissance des procédures spécifiques du fonctionnement du GPDS à partir des documents disponibles dans la cité scolaire et des explicitations données par le chef d’établissement et par le CPE puisque, comme l’ont montré Maillard et al. (2015), l’adaptation au contexte local est une variable importante dans le fonctionnement.

  • Nous avons interrogé par ailleurs les élèves concernés par le GPDS; notre objectif est de connaître les raisons de leur implication dans ce dispositif ainsi que les apports et limites des points de vue de ces derniers.

Ainsi, après avoir présenté le contexte de la recherche, nous décrirons la manière dont le GPDS est mis en place dans la cité scolaire étudiée puis nous expliciterons le choix des outils utilisés pour le recueil de données et l’analyse envisagée.

3.1 Le contexte de la recherche

La cité scolaire est composée d’un collège, d’un lycée général et technologique et d’un lycée professionnel. À la lecture du projet d’établissement (2014-2018), nous avons relevé les difficultés suivantes:

  • Problèmes d’orientation (entre la seconde et la première, entraînant des orientations par défaut ou des redoublements),

  • Ruptures dans le parcours scolaire.

De plus, nous avons pris connaissance de l’existence de différents dispositifs (p. ex.: dispositif de remédiation, tutorat, accompagnement, aide personnalisée, alliances éducatives…), prenant appui sur des démarches pédagogiques innovantes (p. ex.: inversée, de projet…). Ces dispositifs concernent les acteurs de la communauté éducative et visent une meilleure qualité de vie et un climat favorable aux études. Les objectifs sont les suivants:

  • Travailler avec les élèves sur des formes innovantes,

  • Mettre en oeuvre l’individualisation des apprentissages,

  • Diminuer le taux de redoublement et de réorientation en fin de seconde,

  • Développer l’accompagnement des élèves décrocheurs,

  • Aider des élèves démotivés à reconstruire un projet positif et réaliste.

3.2 Mise en oeuvre du GPDS dans la cité scolaire de notre étude

Le GPDS est constitué du protocole et des outils suivants. Dans l’annexe 1 sont décrites les procédures générales. Après le repérage de l’élève en difficulté, un diagnostic est réalisé et une proposition de remédiation est envisagée. Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, il se met en place un contrat «alliances éducatives». Il est ensuite mentionné les acteurs impliqués ainsi que les moments et les lieux où les données sur les élèves sont récoltées et les outils de travail. Pour finir, des informations relatives au support et au suivi de l’élève sont précisées.

Concrètement, dès qu’un élève est pris en charge par le GPDS, les acteurs remplissent une fiche retraçant la synthèse des avis de l’équipe pédagogique (cf.: annexe 2). Les difficultés d’apprentissage ou l’attitude de l’élève sont indiquées. De plus, dans ce document, sont retranscrites des informations provenant de l’entretien réalisé avec les parents, en vue de repérer quelle perception ces derniers ont des difficultés de leur enfant. Il est aussi mentionné le projet personnel et professionnel de l’élève et l’identité des personnes auxquelles ce dernier peut avoir eu recours.

Une fois l’élève inscrit au sein du GPDS, un tutorat est proposé entre ce dernier et un acteur de l’établissement (p. ex.: professeur, CPE, assistant pédagogique), chacun ayant des engagements spécifiques (cf.: annexe 3). L’objectif principal est de:

  • Préparer et d’accompagner un élève vers l’autonomie et la responsabilité,

  • Aider à construire son parcours de formation.

Les acteurs concernés vont pouvoir apporter une aide à l’élève en vue de lui redonner confiance et d’instaurer une relation de confiance, de lui procurer des ressources adaptées, de valoriser son travail et de développer sa capacité à s’autoévaluer (cf.: annexe 4).

Dès qu’un tuteur est choisi pour accompagner l’élève, la dernière étape consiste en la mise en oeuvre d’un contrat de progrès dont l’objectif est de permettre à cet élève de mieux appréhender l’année scolaire en fonction de ses problématiques scolaires et/ou comportementales.

3.3 Explicitation, description et analyse des outils pour le recueil de données

Nous situant dans une approche compréhensive (Raynaud, 2005), nous cherchons à «comprendre» le sens que les élèves donnent à leur pratique lorsqu’ils sont engagés dans ce dispositif spécifique et non à l’expliquer. Nous considérons ainsi les élèves comme des informateurs privilégiés capables de faire part de leur expérience et d’y réfléchir (Danic, Delalande et Rayou, 2006; Sirota, 2006, 2015).

Afin de «dégager les structures de l’expérience vécue» (Bruchez, Fasseur et Santiago, 2007, p. 100) et de rechercher le sens que chacun attribue à ses actes, nous avons opté pour la passation d’entretiens semi-directifs auprès des élèves. Cette méthode présente l’intérêt de pouvoir analyser le sens que ces derniers donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés d’une part et de reconstituer le processus d’action, d’expérience ou d’événements du passé d’autre part. En d’autres termes, nous pouvons obtenir des informations d’ordre cognitif (renvoyant aux représentations de la situation et aux normes en fonction desquelles l’interviewé agit) et des informations d’ordre affectif (renvoyant au vécu de l’interviewé par rapport à la situation donnée) (Quivy et Van Campenhoudt, 1995; Blanchet et Gotman, 2008). Les propos recueillis contribueront à une meilleure connaissance de ce que les élèves, participant au GPDS, disent, vivent et en retirent selon leur problématique personnelle.

Dans nos entretiens de recherche (cf.: annexe 5), nous souhaitons connaître:

  • Les raisons de leur inscription dans le dispositif: cela représente la première dimension de l’entretien et permet, à partir de leurs propos, de repérer leurs profils d’une part et les facteurs explicatifs de leur décrochage d’autre part, en fonction des déterminants évoqués ci-dessus.

  • Le cadre selon lequel les élèves sont accompagnés. Pour cette dimension, nous regroupons les questions relatives au choix des tuteurs, à l’aide apportée par le tuteur et aux modalités de travail au sein du dispositif. De par leur réflexion sur le fonctionnement du dispositif, nous pourrons éventuellement dégager des éléments d’explication sur les apports et limites du dispositif.

  • Les apports de ce dispositif (en matière de résultats scolaires, de rapport à l’école, d’apprentissages méthodologiques et de confiance en soi) et les limites pour les élèves en fonction des objectifs du GPDS décrits précédemment et de leurs propres problématiques. Cela représente la dernière dimension de notre entretien.

Pour ce présent article, nous avons retenu les extraits des discours des élèves afin d’en effectuer une analyse qualitative thématique. Nous pouvons ainsi comparer thème par thème les discours des interviewés, mettre en évidence l’état des sous-thèmes (présents/absents) ainsi que leurs caractéristiques (analogie/opposition).

4. Résultats

L’analyse des entretiens nous permet de décrire, dans le contexte scolaire de notre recherche et selon leur problématique familiale et scolaire, les apports pour les élèves décrocheurs de leur investissement dans ce dispositif ainsi que les limites. Ces résultats sont déclinés autour de quatre points: apports en matière de résultats scolaires, de rapport à l’école, d’apprentissages méthodologiques et de confiance en soi. Cette analyse nous permettra par ailleurs de comprendre les raisons permettant une certaine réussite de ce dispositif, et ce grâce aux réflexions apportées par les élèves concernés.

4.1 Les caractéristiques des élèves décrocheurs dans ce contexte scolaire mis en correspondance avec les typologies des recherches

Quinze élèves sont concernés par ce dispositif de remédiation et de tutorat. Huit d’entre eux acceptent d’être interviewés. Parmi ces élèves, nous comptons quatre garçons et quatre filles. Au regard des réponses apportées dans les entretiens, nous avons relevé les raisons pour lesquelles ils se sont inscrits (cf.: tableau 1).

Les réponses fournies par les élèves sont intéressantes à plusieurs titres. Elles montrent, tout d’abord, que ces derniers sont conscients des difficultés qu’ils rencontrent, à savoir la phobie, les problèmes de comportement, le manque de goût pour le travail, les difficultés d’apprentissage (p. ex.: concentration et mémorisation) et l’attitude non scolaire. Ensuite, nous notons des problèmes récurrents de motivation entraînant des résultats scolaires faibles ainsi que des problèmes liés au manque d’organisation méthodologique.

Tableau 1

Les raisons données par les élèves expliquant leur implication dans le dispositif

Les raisons données par les élèves expliquant leur implication dans le dispositif

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Pour affiner ces réponses générales, nous avons croisé les réponses apportées par les élèves selon leur sexe. Ils ont évoqué une ou plusieurs raisons de leur implication dans le dispositif. Nous constatons que:

  • Deux garçons sont concernés par des problèmes méthodologiques, deux par des résultats scolaires faibles et deux par des comportements inadéquats et un par une orientation non adaptée.

  • Les filles évoquent un problème de décrochage, partiel ou complet, expliqué par l’inutilité des savoirs scolaires (1 réponse), la phobie scolaire (2 réponses), un manque de confiance (1 réponse) et des résultats faibles (3 réponses).

Dans notre étude, les lycéens décrits présentent les caractéristiques d’élèves considérés comme en difficulté ou à risque de décrochage scolaire au regard des indicateurs précédemment cités. Plus spécifiquement, nous pouvons noter que:

  • Ils sont régulièrement inscrits, mais sont absents dans les établissements scolaires, depuis une durée plus ou moins importante.

  • Ils sont inscrits régulièrement dans l’établissement mais se sentent «inadaptés» et ont des difficultés d’apprentissage entraînant des attitudes comportementales peu adéquates.

  • Ils sont peu intéressés et motivés par l’école. Ils montrent des signes de désengagement; ils ont une attitude passive et refusent tout effort.

Pour finir, ces élèves font l’objet d’actions visant, pour certains, à les faire revenir dans l’établissement et, pour d’autres, à donner du sens à leur scolarité. À partir des propos des élèves, nous ferons émerger les raisons pour lesquelles ces actions sont en adéquation avec les difficultés des élèves et peuvent avoir une influence sur leurs résultats scolaires, leur rapport à l’école, les apprentissages méthodologiques et la confiance en eux.

4.2 Les apports en matière de résultats scolaires

L’inscription des élèves dans le dispositif est liée à de faibles résultats scolaires, pouvant s’expliquer par diverses causes (p. ex.: manque de motivation, désintérêt pour une matière, incompréhension, décrochage…).

Or, deux élèves (E2 et E6) mettent en avant les progrès scolaires qu’ils ont réalisés. E2 explique que la progression des notes est liée au fait que «l’aide apportée par le tuteur est ciblée»; les conseils donnés sont «en lien avec son orientation et son projet personnel». De ce fait, il semble que ce dernier, se sentant pris en considération par l’enseignant, s’engage davantage dans le travail durant cette année de seconde et peut suivre l’année suivante la filière souhaitée. E6 profite aussi des conseils donnés par le tuteur, puisque «ce dernier lui a proposé des pistes pour travailler». De plus, toujours selon cette élève, cet enseignant n’hésite pas à l’encourager, «à être fière d’elle». Ainsi, elle s’est sentie «moins larguée» et s’est investie davantage dans les apprentissages. Elle affirme «faire évoluer positivement son projet personnel».

Nous pouvons supposer, à la suite de ces extraits d’entretiens, que les élèves concernés sont plutôt des élèves tranquilles ayant des difficultés d’apprentissage mais ne présentant pas de problème de comportement. Ainsi, ils peuvent se présenter comme silencieux ou discrets, restant conformes à la demande scolaire mais ayant des résultats faibles. Ils peuvent, par ailleurs, faire partie des élèves désengagés ayant peu d’aspiration scolaire. Leur performance se situe dans la moyenne mais leur scolarité n’est pas valorisée.

De ce fait, l’un des apports du dispositif de remédiation relève de la possibilité d’offrir et/ou de construire un climat relationnel entre les professeurs et les élèves adapté aux besoins des élèves; celui-ci ayant un impact sur les résultats et sur la construction du projet personnel.

4.3 Les apports en matière de rapport à l’école

Les élèves présentant des signes de décrochage partiel ou complet trouvent dans ce dispositif un moyen «de revenir en classe ou au sein de l’établissement scolaire» (E5, E7, E8). E5 indique qu’elle «achangé de comportement et qu’elle retourne en classe petit à petit». Elle l’explique par le fait «qu’un travail en équipe, associant le tuteur, le CPE, la mère et la mission locale, a été réalisé». Dans ce cas particulier, sachant que l’élève ne trouvait aucun sens aux apprentissages, «il lui est proposé de travailler sur des supports individualisés» (propos de E5).

E7, ayant décroché car «ne se sentant pas respectée à l’école», revient dans son établissement à la suite de discussions avec le tuteur, car elle sait que «de nouvelles solutions lui avaient été trouvées». Elle avoue «prendre sur elle et venir en cours sachant que je vais faire autre chose». Elle ajoute qu’elle «supporte la situation même si elle connaît des échecs car elle a construit un nouveau projet professionnel». Son retour en classe s’explique par ailleurs par le fait qu’elle n’est pas «capable de rester seule chez elle; elle a besoin de ses ami(e)s».

E8 est une élève ayant décroché en raison d’une phobie scolaire datant du collège. Face à cette problématique, elle a connu différents dispositifs (p. ex.: suivi des cours à domicile, mise en internat dans un établissement spécialisé). Au moment de l’étude, elle est scolarisée comme interne; ce qui «l’oblige à aller en classe». De par ces absences prolongées, elle a des notes «lamentables», toutefois elle reconnaît «aimer apprendre» mais elle «n’apprécie pas les méthodes pédagogiques utilisées». En fin d’année scolaire, cette élève affirme «aller mieux même si elle a toujours peur et stresse chaque jour en allant en classe». Elle regrette toutefois que ce dispositif ne soit qu’un «cache-misère», notamment lors des procédures d’orientation. Mais elle accepte le choix proposé par l’établissement.

Les cas présentés ici décrivent des situations d’élèves au profil dépressif rencontrant des problèmes sur le plan des apprentissages et des comportements. Ils se retrouvent ainsi en situation d’échec et peu, voire pas motivés par l’école. Ces élèves peuvent ainsi être associés à des élèves inadaptés et/ou sous-performants. Toutefois, malgré l’état de dépression pour beaucoup d’entre eux, ces élèves ont une opinion positive des enseignants et des CPE ce qui leur permet de revenir progressivement dans leur établissement scolaire et dans la classe. D’après les élèves, ces derniers ont ainsi su leur proposer des orientations ou un projet répondant à leurs attentes.

4.4 Les apports en matière d’apprentissages méthodologiques

Les élèves ayant participé à ce dispositif pour des problématiques méthodologiques («je n’arrive pas à apprendre» ou «je nemémorise pas mes leçons», E1) ou organisationnelles («je ne range pas mon cartable», E3, ou «je ne sais pas tenir mon cahier», E6) reconnaissent que, grâce aux conseils et aux outils proposés par les tuteurs, ils progressent. En effet, pour ces élèves, les enseignants leur indiquent «différentes méthodes pour apprendre leurs leçons, pour classer leurs documents». En revanche, E1, évoquant le fait de manquer de concentration, «ne trouve pas les aides attendues».

Tout comme ceux ayant des difficultés d’apprentissage, nous retrouvons dans le premier exemple cité ci-dessus des élèves tranquilles ayant des difficultés méthodologiques mais ne présentant pas de trouble du comportement. Ils ont ainsi besoin d’être accompagnés par un tuteur.

4.5 Les apports en matière de confiance en soi

Un élément important ressortant à la suite de la mise en place de ce dispositif est le gain de confiance pour quatre des huit élèves. Cette confiance est basée sur les «bons rapports avec les enseignants qui n’hésitent pas à les [élèves] encourager». Un des élèves a même indiqué «prendre davantage la parole en classe s’il n’a pas compris une notion». En revanche, E8, souffrant de phobie scolaire, ne parvient à «avoir confiance en elle» car elle «n’y arrive pas».

Les cas des quatre premiers élèves décrits ici montrent qu’ils ont développé une attitude positive envers leurs enseignants, tout autant dans le cadre du dispositif qu’en classe. De nouveau, nous pouvons émettre l’hypothèse que ces enseignants, par leurs pratiques bienveillantes, ont réussi à créer une ambiance sereine permettant d’accompagner et d’aider les élèves dans le développement de leurs connaissances et compétences.

Ces derniers peuvent par ailleurs se sentir pris en considération et écoutés. Cela peut être rendu possible par le fait que les tuteurs, lors des diagnostics et des entretiens individuels, ont acquis une connaissance préalable des élèves et peuvent s’adapter à leurs besoins en s’appuyant sur leurs capacités et leurs difficultés.

5. Conclusion, discussion et perspectives

Pour rappel, l’objectif de notre article est de prendre appui sur l’expérience conduite dans une cité scolaire pour étudier en quoi le «dispositif de remédiation et de tutorat» (qui s’inscrit dans le cadre du GPDS), destiné aux lycéens en difficulté à risque de décrochage, peut changer leur rapport à l’école et permettre leur raccrochage scolaire. Plus précisément, il s’agit de décrire et d’analyser les raisons pour lesquelles ils s’inscrivent au sein de ce dispositif, puis, à partir de leurs problématiques, de comprendre ses apports en ce qui a trait aux résultats scolaires, au rapport à l’école, aux apprentissages méthodologiques et à la confiance en soi.

Au regard des caractéristiques des élèves en difficulté à risque de décrochage décrites dans notre article, nous pouvons noter que l’une des causes principales du décrochage scolaire peut être liée à l’existence d’un malentendu sur le fait que l’activité scolaire ne permettrait pas leur développement personnel (Bonnéry, 2007). Cela a des conséquences sur le regard qu’ils portent sur leur scolarité (E7, E8). Les uns peuvent développer des formes de découragement ne leur permettant pas de poursuivre des parcours scolaires et des orientations attendus (E2). D’autres peuvent se sentir incompris et injustement reconnus (E7), entraînant le refus de travailler (E6), l’adoption d’attitudes perturbatrices ou le décrochage (E2, E4). Les derniers présentent des signes d’ennui et développent des stratégies d’évitement. Ils glissent ainsi vers une déscolarisation progressive et ne développent pas de sentiment d’appartenance à leur établissement. Progressivement, ils arrivent en retard ou «sèchent» les cours (Blaya et Hayden, 2003) ou sortent de l’établissement (E2, E5, E7, E8). Cela, comme nous en avons l’exemple avec nos cas d’élèves, peut se produire dès le collège lorsque les élèves doivent s’ajuster à une forme scolaire différente de la forme élémentaire (Hugon, 2010).

Ainsi, il semble que les facteurs entraînant le décrochage seraient plus particulièrement liés aux composantes de la classe et de l’école et trouveraient leurs origines dans un climat de classe ne correspondant pas à leurs profils, des relations difficiles entre enseignants et élèves (Gilles et al., 2012) et/ou des pratiques pédagogiques et éducatives non pertinentes pour ces derniers (E1, E3, E6).

De ce fait, en quoi le GPDS a-t-il pu aider et accompagner les élèves dans la (re)construction de leur parcours scolaire? Comment, de par son fonctionnement, a-t-il pu devenir un outil permettant de repérer et suivre ces élèves décrocheurs ou à risque de décrochage?

Nos résultats sont intéressants puisqu’ils laissent percevoir des effets positifs du dispositif sur les élèves, notamment par rapport à la construction du projet personnel ou à l’attitude scolaire (E2, E6). Cela fait écho aux conclusions des recherches de Stevanovic (2018) qui indique que «la bienveillance en classe, la méthode d’enseignement, l’expérience professionnelle et un projet d’orientation réalisable permettent aux élèves de créer les expériences positives qui rendent possibles le raccrochage scolaire» (p. 79). Les élèves semblent aussi avoir développé des compétences dans les domaines cognitif, comportemental et affectif (E5, E7, E8).

Par ailleurs, nous pouvons supposer que, au sein du dispositif, le climat et les modalités de fonctionnement (centré sur un travail en petit groupe et/ou une individualisation des apprentissages, la mise en place d’un tutorat et d’entretiens élève/établissement/parents) sont deux éléments essentiels puisqu’ils permettent aux élèves de questionner les tuteurs et de trouver des solutions. De plus, ce dispositif propose une mise en perspective de l’importance de penser à oeuvrer collectivement et à construire des relations collaboratives avec des partenaires divers au sein de l’établissement scolaire ou en dehors. Il semblerait que les acteurs engagés dans ce dispositif ont pu jouer des rôles complémentaires, même s’il peut s’avérer parfois difficile de cerner la problématique de l’élève malgré la phase de diagnostic.

Cela ouvre sur de nouvelles pistes de recherche centrées sur les politiques et actions développées en interne et sur les pratiques professionnelles des acteurs, en lien avec ces politiques (Maillard, Merlin et Rouaud, 2016). En effet, cette étude centrée sur un dispositif de la vie scolaire semble mettre, premièrement, en perspective l’importance à accorder à la dimension organisationnelle de la vie scolaire (Robin et Houdeville, 2013). Deuxièmement, les données décrites ci-dessus laissent supposer une relation de causalité entre la construction d’un cadre structuré (c.-à-d.: structure permettant des temps de rencontres, constitution d’un dossier pour le suivi des élèves, existence de temps de rencontre) et le développement de relations. Troisièmement, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il existe un lien entre la vie scolaire, la qualité des apprentissages et éventuellement la réussite scolaire. Ce dispositif proposé au sein de la vie scolaire permettrait de placer les adolescents dans des conditions favorables de vie individuelle et collective, de réussite scolaire et d’épanouissement personnel, et ce grâce à des pratiques innovantes et une individualisation des pratiques.

En bref, l’établissement scolaire, et pour corollaire la qualité du climat scolaire, joue un rôle capital dans la prévention et le suivi des élèves absentéistes ou décrocheurs. Un climat scolaire serein est non seulement favorable au bien-être et à la santé physique et psychologique des élèves mais contribue aussi à leur donner le goût de l’école et à les motiver en les impliquant dans leur projet.