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Introduction

L’intérêt grandissant pour le développement social dans les Offices municipaux d’habitation gérant les Habitations à loyer modique (HLM) les amène à déployer différentes formes d’interventions dites de proximité. Cela suppose de renforcer les conditions permettant « aux résidents de développer leur plein potentiel, de participer à l’activité sociale et de tirer leur juste part de la synergie du collectif tout en y contribuant » (LeBlanc et Morin, 2010, p. 1). Grâce à la mise en place de réseaux locaux, ces interventions sont discutées et négociées entre des acteurs, afin de répondre à la complexité des problèmes rencontrés par les résidents (Keast et Mandell, 2014). Basés sur des approches de partenariats engageant différents acteurs sociaux et locaux dans une démarche commune (René et Gervais, 2001), ces interventions sont en fait caractéristiques d’un nouveau système de protection sociale organisé en réseau, davantage orienté vers l’autonomisation des usagers des services et la mobilisation des acteurs locaux issus de structures publiques, d’organisations privées et du tiers secteur (Andreotti et Mingione, 2013).

Bien que les interventions de proximité n’aient cessé de se développer au cours des deux dernières décennies, il existe peu d’informations sur la façon dont les structures intersectorielles définissent leur action et maintiennent des partenariats fructueux et durables. Il existe également très peu de données empiriques sur la manière dont les interventions sont menées et sur leurs impacts sur les résidents des logements sociaux. Par ailleurs, bien que les changements de politiques ou de programmes développés par les gouvernements et favorisant les collaborations intersectorielles constituent aujourd’hui un champ de recherche très dynamique (Hardy et Maguire, 2017 ; Micelotta, Lounsbury et Greenwood, 2017), les acteurs locaux sont souvent confrontés à une « inertie collaborative » (Vangen et Huzham, 2013) au lieu d’un « avantage collaboratif » (Keast et Mandell, 2014) lorsqu’ils établissent des partenariats dans des réseaux locaux. Par conséquent, les résidents sont parfois loin de voir et de pouvoir apprécier les retombées de ces collaborations.

Le concept de proximitÉ en intervention

Par rapport à d’autres pays industrialisés, le parc de logement social s’est développé tardivement au Canada et au Québec. Les premiers programmes de production de logements sociaux débutent au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec la création de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) en 1946 (Reiser, 2020). Après la fondation de la Société d’habitation du Québec en 1967, des HLM sont construits dans plusieurs municipalités québécoises dans les années 1970 et 1980.

Depuis 2007 au Québec, l’intervention de proximité est également inscrite dans le « Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social » (Gouvernement du Québec, 2007), document qui valorise la place des services de proximité dans l’intégration et le maintien en logement de personnes considérées comme désaffiliées, se situant généralement en marge d’un processus d’insertion sociale, caractérisées par un certain isolement social et l’absence de travail régulier (Castel, 2009). Dans les grands plans HLM, où l’intervention de proximité se déploie, on compte entre 100 et 300 ménages, sélectionnés avant tout en fonction de leur condition socio-économique, c’est-à-dire le fait d’avoir un faible revenu, mais aussi de leur autonomie, leur statut migratoire et leur temps d’habitation sur le territoire québécois[1]. L’intervention est mise de l’avant pour rejoindre ces résidents, leur offrir des activités, les mobiliser et les amener à recourir davantage aux services offerts par la communauté (Morin et al., 2015).

L’intervenant, appelé intervenant de milieu ou de proximité selon les HLM, est généralement employé par un organisme communautaire en partenariat avec l’Office municipal d’habitation (OMH), un organisme public à but non lucratif dont la mission principale est d’administrer et de développer à l’échelle de son territoire municipal des logements destinés aux personnes et familles à faible revenu. Il est appelé à remplir différents rôles d’accompagnement et de référence au quotidien (offrir de l’écoute, intervenir pour désamorcer des crises, donner du soutien à des problèmes concrets, etc.), ce qui lui permet de développer un lien de confiance avec les familles (Germain et Leloup, 2006). Cette intervention se déploie habituellement à partir de comités intersectoriels ou de tables de concertation (Parent et Tourillon-Gingras, 2019 ; Morin et al., 2015).

Le fait de combiner le logement social à des ressources diversifiées offrirait un potentiel additionnel de développement. Le caractère intersectoriel des ressources et leur proximité seraient ainsi un « facteur de conversion » positif qui démultiplierait l’impact que peut avoir une ressource auprès des populations qui en sont tenues ou s’en tiennent à l’écart (Morin et al., 2015). La proximité désigne ainsi des soins et services offerts au plus près des populations, dans un environnement familier (logements, cliniques médicales, commerces de proximité, locaux de quartier, organisations communautaires, autres partenaires de proximité, parcs, etc.) (Thiam et al., 2021).

La thÉorie de l’acteur rÉseau (TAR) comme cadre thÉorique

Les réseaux locaux sont des champs d’action où se rencontrent des acteurs pour négocier les modes de relation et les mécanismes de coopération d’où peuvent émerger des innovations sociales (Klein, 2014). Leur objectif consiste à apporter une solution à une situation problématique et à planifier ou à implanter des programmes et services dans une communauté (Bilodeau et al., 2014). Les réseaux locaux sont ainsi utilisés pour résoudre des problèmes complexes (Ferlie et al., 2011). Ils sont reconnus pour présenter un avantage collaboratif, la collaboration permettant de générer des retombées plus grandes que l’action individuelle des acteurs locaux (Divay, Belley et Prémont, 2013).

Le cadre théorique adopté, la théorie de l’acteur-réseau (TAR), développée au début des années 1980 (Akrich, Callon et Latour, 2006), permet de mieux comprendre les processus à l’oeuvre au sein des réseaux sociotechniques et les relations dynamiques entre les acteurs qui les composent. Ces réseaux sont composés d’acteurs humains (représentants d’organisations publiques, privées, communautaires ou citoyennes) et d’entités non humaines (savoirs spécialisés, ressources matérielles et financières, lois et politiques publiques, programmes) qui sont liés et qui s’influencent (Latour, 2005 ;1996 ; Lefebvre et al., 2017). La TAR est reconnue comme un outil conceptuel utile pour évaluer des situations complexes et analyser le processus de changement ; elle est de plus en plus utilisée pour comprendre les effets des interventions dans des systèmes complexes (Bilodeau et Potvin, 2016). Elle permet de retracer la genèse d’une intervention en illustrant le processus de mise en réseau et de démontrer la production des effets de l’intervention. Dans ce projet, les interventions de proximité dans les HLM ont été conçues comme des objets qui prennent forme et qui se transforment en réponse aux contextes dans lesquels elles sont mises en oeuvre (Hawe, 2015). L’intervention permet aux acteurs de changer de rôle ou d’en créer de nouveaux, d’établir ou de renforcer des liens au sein et entre les réseaux existants, de créer de nouveaux réseaux et de mobiliser de nouvelles ressources, dans le but de produire des changements à l’intérieur du contexte.

Selon la TAR, la traduction est le processus clé par lequel les réseaux sont créés, s’agrandissent et agissent. En créant des liens avec de nouveaux acteurs, des ressources et des savoirs, ce processus permet d’élaborer, de reconfigurer, de renforcer et d’étendre le réseau, résultant dans le développement de solutions innovantes (Akrich, Callon et Latour, 2006). La traduction comprend quatre dimensions :

  • la problématisation, ou le cadrage, qui consiste à identifier les problèmes et les acteurs pour trouver des solutions ;

  • l’intéressement, qui vise la convergence entre les différents acteurs et leurs différents rôles ;

  • l’enrôlement, qui cherche l’alignement des intérêts des différents acteurs et la résolution des controverses ;

  • la mobilisation, qui est le résultat final vers quoi le processus de traduction tend pour faire des participants des acteurs connectés capables de coordonner leurs actions.

La contextualisation, c’est-à-dire l’analyse du contexte, est liée à l’étape de la problématisation, c’est la première clé pour amorcer une action conjointe. Cet exercice permet de repérer les acteurs ainsi que le contexte dans lequel ils évoluent et les enjeux auxquels ils font face. Le repérage des acteurs permet de définir le réseau, à travers lequel les différents acteurs et entités sont mis en relation et participent à la résolution du problème à l’intérieur du réseau. Dans ce dernier, certains acteurs sont essentiels et ils doivent être mobilisés pour se diriger vers une solution adéquate (Bilodeau, Parent et Potvin, 2019). En outre, la problématisation implique l’identification et la mise en relation des acteurs afin d’attribuer aux organisations pertinentes des rôles et des intérêts. Cela comprend l'identification des problèmes, mais aussi des solutions potentielles et des controverses. Ce dernier concept signifie la confrontation des différents points de vue des acteurs autour d’une situation donnée, liés à leurs rôles ou à leurs intérêts. La problématisation évolue au fil du temps à travers les interactions et les controverses au sein du réseau (Bilodeau et Potvin, 2016).

L’intéressement, quant à lui, est le développement de la convergence à travers la négociation des rôles et intérêts de chacun à l’intérieur d’un réseau. Il implique que les acteurs déploient des stratégies et mobilisent de nouvelles entités ou organisations afin de rallier d’autres acteurs à leur problématisation.

L’enrôlement, perçu comme une forme d’engagement des acteurs impliqués, représente le produit d’un intéressement réussi. C’est l’alignement des intérêts des acteurs en fonction de leur acceptation des rôles tels que définis lors des négociations. L’enrôlement suppose certains changements de position ou le déplacement des acteurs et la résolution des controverses.

Enfin, la mobilisation est le résultat d’une masse critique d’acteurs connectés capables de coordonner leurs actions, testant ainsi la solidité de leurs connexions et la capacité des porte-parole à agir et à parler au nom du réseau élargi. Un certain niveau de solidité est requis pour qu’un réseau acquière la durabilité et la capacité d’agir. Une fois les acteurs engagés, le réseau peut se stabiliser pendant un certain temps et produire des résultats.

Les objectifs du projet

Ainsi, devant la multiplication des projets s’inspirant de l’intervention de proximité, cet article présente les résultats d’une recherche dont le but est de mieux comprendre les réseaux locaux mis en place dans les HLM du Québec et de montrer leur influence sur les interventions menées auprès des résidents en vue d’améliorer les pratiques.

À l’aide de la théorie de l’acteur réseau, les objectifs du projet consistent à :

  • analyser la structuration des réseaux locaux dans différents milieux HLM ;

  • comprendre comment les orientations des réseaux sont traduites en objets d’intervention par les intervenants de milieu ;

  • appréhender les retombées des interventions sur le vécu des résidents et leur milieu de vie.

La mÉthodologie

Afin d’analyser la structure de ces réseaux locaux, la méthodologie de l’étude de cas a été déployée (Stake, 1995). Cette dernière a été mise en place dans six grands plans HLM pour les familles et personnes seules situés dans quatre quartiers des villes de Montréal et de Québec. Nous avons travaillé auprès des intervenants et des résidents de quatre HLM situés à Montréal (Milieu 1 et 2), et de deux HLM situés dans la ville de Québec (Milieu 3 et 4). Le milieu 1 est constitué de trois HLM, tandis que les autres milieux ne sont constitués que d’un HLM. Ces milieux ont été sélectionnés, car ils avaient mis en place une table de concertation ou un comité intersectoriel, ils offraient aux résidents une forme d’intervention dite « de milieu » ou « de proximité » et, finalement, ils démontraient un intérêt pour le projet de recherche.

Les données ont été collectées de novembre 2018 à février 2020 par la chercheuse principale et deux auxiliaires de recherche. Au cours de cette période, les méthodes suivantes ont été déployées : 1) des périodes d’observation participante lors des rencontres régulières des partenaires dans trois réseaux distincts (Milieux 1-2-3)[2] ; 2) des entrevues individuelles avec des travailleurs des organisations partenaires du réseau local (n=38), des résidents des HLM (n=43) et des intervenants de milieu (n=4) ; 3) une entrevue de groupe auprès de six intervenants de milieu. Les entrevues se sont déroulées dans les locaux communautaires des HLM ou dans les bureaux des partenaires[3]. Le tableau suivant présente leur répartition selon le type d’acteur et le milieu étudié :

-> See the list of tables

Pour analyser par thème les données collectées, une grille de codification descriptive semi-ouverte a été produite à partir du cadre théorique et des thématiques émergentes et appliquée à l’ensemble des données. Cette méthodologie permet une analyse à la fois déductive et inductive. L’idée est de commencer l’analyse selon des thèmes précis, tout en modifiant ou en bonifiant, en ajoutant des thèmes ou des sous-thèmes en cours d’analyse, en fonction des propos et des sujets abordés par les participants à l’étude (Miles et al., 2014).

Les rÉsultats

Contextualisation et problématisation des réseaux selon les milieux

La contextualisation permet de repérer les acteurs ainsi que le contexte dans lequel ils évoluent et les enjeux auxquels ils font face. Le repérage des acteurs permet de définir le réseau à travers lequel ceux-ci sont mis en relation et participent à la résolution du problème ou à la définition de solutions collectives (Bilodeau, Parent et Potvin, 2019). En ce qui concerne les HLM étudiés, on observe que les réseaux se sont constitués soit en réaction à des crises dans les milieux, soit avec la volonté de mettre en oeuvre une vision individuelle ou collective. Ces contextes sont venus influencer les acteurs interpelés par l’action collective. Par exemple, pour le milieu 3, le réseau a été mis en place à la suite des revendications de locataires face à l’OMH devant la multiplication des actes de vandalisme sur le terrain du HLM pendant l’été.

Les structures des quatre milieux étudiés prennent les formes suivantes :

  • Dans le milieu 1, un comité de partenaires et un comité de coordination ont été mis en place. Six intervenants de milieu d’un organisme communautaire sont responsables de l’intervention dans les trois HLM. Ils travaillent deux par deux, un intervenant pour les familles et un pour les jeunes à l’intérieur de chaque HLM.

  • Dans le milieu 2, un comité de partenaires et un comité de suivi ont été mis en place. Ce sont deux intervenantes d’un organisme de loisirs jeunesse qui sont chargées de l’intervention de milieu.

  • Dans le milieu 3, le partenariat est structuré à partir d’un comité de suivi et d’un « comité environnement ». C’est une animatrice embauchée par le centre communautaire local qui s’occupe de l’intervention de milieu.

  • Enfin, dans le milieu 4, on observe une table terrain pour les intervenants, un comité de coordination et plusieurs sous-comités dont le comité Vivre Ensemble. C’est une travailleuse sociale du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS[4]) qui assure l’intervention de milieu.

Dans ces structures, on remarque que certains acteurs jouent des rôles semblables d’un milieu à l’autre. Par exemple, l’organisateur communautaire (OC) employé par le CIUSSS de son territoire joue habituellement un rôle dans la constitution des partenariats et dans l’identification des partenaires et la mise en place des structures, comme le montre l’extrait d’entretien suivant.

[…] c’est sûr que l’OC du CIUSSS a vraiment des connaissances et des contacts avec les partenaires. Cela nous permet de cibler les bonnes ressources assez rapidement et de travailler le plus possible en respectant chacun nos missions

Participante 10, Milieu 3

L’OC employé par l’OMH a quant à lui un rôle davantage de médiation et joue l’intermédiaire entre l’OMH, le réseau et le comité de locataires.

Quand c’est une question au niveau des utilisateurs, des locataires, c’est clairement X de l’OMH qui s’en occupe. Parce que c’est son département, c’est elle, elle a toutes les adresses, elle a tous les numéros de téléphone

Participante 11, Milieu 1

L’intervenant de milieu est impliqué dans une ou l’autre de ces structures. Son mandat est d’offrir du soutien aux locataires, de les mobiliser et de les accompagner vers les ressources appropriées.

J’ai un rôle de soutien direct aux résidents, mais j’ai aussi un rôle de collaboration, de concertation avec les organismes pour s’arrimer tous ensemble pour mieux aider les résidents. Sur le terrain c’est sûr que je vais travailler directement avec les intervenantes qui sont dans le milieu pour aider les gens, selon les problématiques, les situations qui arrivent

Participante 28, Milieu 4

Quant à lui, le directeur ou coordonnateur de l’organisme est responsable d’offrir l’intervention de milieu, dans les cas où l’intervenant est embauché par un organisme communautaire. Cet acteur n’est pas présent dans tous les milieux ; lorsqu’il y est, il assure un rôle de liaison avec les intervenants et facilite la prise de décision concernant notamment la répartition des ressources. Finalement, on observe la présence d’une variété d’acteurs intersectoriels au sein des différentes structures, quoiqu’ils sont majoritairement issus du secteur communautaire.

La problématisation met en oeuvre la mobilisation des acteurs dans la formulation d’une définition commune d’une situation jugée problématique, définissant par le fait même le but du réseau (Callon, 1986 ; Lascoumes, 1996). Pour plusieurs participants, le but du réseau est de définir et de dégager une vision du travail dans les HLM, en créant un espace de partage et de mise en commun. Il ne s’agit pas nécessairement de mettre en place des actions à court terme, mais plutôt de développer un plan d’action collectif, où l’on dégage une compréhension commune du milieu et de ses besoins. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’un lieu d’échange et de partage d’informations. Pour certains, toutefois, ces comités sont « trop dans la théorie et pas dans la pratique », il n’y a pas assez d’action « c’est comme de tourner en rond » (Participant 2, Milieu 1). C’est également ce qu’affirme ce résident du milieu 4 :

Les gens se concertent, les gens essaient de chercher à améliorer les choses. C’est une bonne chose. Maintenant, est-ce que le pratico-pratique là, le concret, le visuel, le tangible et tout ça, bien il reste des choses à faire…

Résident 11, Milieu 4

L’intéressement et la mise en oeuvre de l’intervention

Les personnes rencontrées considèrent que l’intervention concertée offre une meilleure réponse aux besoins des résidents, car elle permet de multiplier les expertises de chacun et de mutualiser les ressources des organismes partenaires. Comme chaque acteur adopte un rôle qui lui est propre et déploie des stratégies en conséquence, les participants considèrent que le travail en réseau permet d’augmenter le recours aux intervenants de milieu et de faciliter le référencement. On constate ainsi que ces rôles favorisent le développement de projets communautaires dans le milieu de vie, permet d’éviter l’isolement des intervenants et voit à combler les lacunes en termes de financements et de personnel. De plus, comme les activités des organismes impliqués dans les réseaux sont offertes directement dans les HLM, les résidents sont plus facilement mobilisés et participent davantage.

La proximité physique et le partage de locaux, lorsque cela est jugé agréable par les partenaires et les résidents, influence positivement la collaboration. Comme le met en évidence dans la citation suivante une intervenante du milieu 3, l’utilisation de divers outils (ententes, grilles, etc.) facilite également le travail collectif :

Je pense qu’il y a une bonne entente, parce qu’il y a une bonne communication, pis y’a toujours eu une bonne communication quand même. On n’a jamais eu de difficultés, mais nos rôles par exemple ont été très bien campés au départ dans le projet. Je me souviens que l’on s’était fait comme une grille

Participante 10, Milieu 3

En outre, l’action en réseau fait connaître aux résidents les différentes ressources de la communauté et permet d’offrir un soutien collectif et efficace aux locataires qui connaissent des événements difficiles, traçant la voie à des interventions de meilleure qualité selon les partenaires et les résidents de différents milieux :

Les partenaires ont une meilleure réponse aux besoins ponctuels de locataires. En même temps, les locataires profitent et connaissent les organismes du quartier et ouvrent leurs perspectives pour éviter de tout faire sur place, pour les jeunes dans des milieux enclavés

Participant 16, Milieu 1

Le travail en partenariat, ça solidifie l’offre de services qui est offerte aux résidents. Pour moi, on est plus fort ensemble que quand on est seuls. Faque ça fait en sorte que y’a beaucoup moins de résidents qui tombent dans des craques, c’est-à-dire qu’on va pouvoir faire un suivi qui est pluridisciplinaire, qui est plus à long terme aussi, parce qu’on a des alliés qui ont différentes expertises, pis ça va faire en sorte qu’on va pouvoir vraiment aider les résidents dans toutes ces problématiques

Participant 6, Milieu 2

Je trouve que c’est des organismes qui nous appuient bien, qui sont là pour nous. Puis, sont très gentilles, en passant, c’est très agréable de travailler avec eux autres !

Résident 42, Milieu 4

Parce que l’on ne sent pas tout seul, parce que s’il y a quelque chose, s’il y a un problème, parce que juste venir, une conversation, on fait des blagues, parfois on rit, cela soulage. Parce que cela aide à débarrasser des problèmes qu’on vit, quotidiennement à la maison, cela aide beaucoup

Résident 10, Milieu 2

La dimension de l’intéressement au sein des réseaux associés aux HLM met en évidence l’importance pour chacun de situer son action au sein du réseau. Cela ne se fait toutefois pas sans heurt, et le travail collectif doit se faire sur le long terme, à travers des contacts et des rencontres régulières, comme le rappelle cet intervenant du milieu 1 :

Il y a une question de confiance qui faut qui se bâtisse aussi parce que, quand tu rentres en soutien à un organisme communautaire, il y a comme une proximité aussi qui … faut qu’ils nous fassent confiance là. Parce que là on rentre dans leurs affaires, on constate des choses, puis ça, ça prend du temps comme dans n’importe quelle relation en général là où il y a intervention avec une personne. Il faut établir ça d’abord, puis après ça tu peux aller plus loin. Moi je pense que ça s’est bâti au fil du temps, puis je pense qu’on en arrive à une relation qui va permettre à ce que je joue plus de rôles

Participant 1, Milieu 1

Ainsi, comme le montrent les deux extraits suivants, l’intéressement des groupes et des résidents est un enjeu clé de l’intervention dans les milieux HLM, pouvant occasionner des controverses, voire des conflits, liés à des divergences d’intérêts ou des visions différentes sur les possibilités et les contraintes dans les milieux.

Mais je peux dire qu’il y a un enjeu de la mobilisation de résidents autour des enjeux de démocratie et de participation citoyenne. Et ça, je pense que c’est un gros défi, et ça peut être un irritant. Car c’est toujours les mêmes qui participent pour les activités. Dans un HLM aussi grand que ça, il devrait y avoir plus de diversité, c’est ce que j’entends de personnes différentes qui participent aux activités

Participant 21, Milieu 2

Donc, pour nous, ça va on comprend pourquoi ça existe, mais les partenaires qu’on sollicite, au début c’est bien parti, les gens étaient là, étaient intéressés, puis après on dirait que l’objectif et la raison d’être de ce comité-là, soit s’oubliaient ou prenaient une interprétation différente par les partenaires, faque c’est venu donner un peu… Peut-être des déceptions, un désengagement, une incompréhension de pourquoi on est là

Participant 13, Milieu 1

De manière générale, les structures de concertation étudiées favorisent la mobilisation des organismes et la participation des résidents. On remarque que cela fonctionne bien quand les différents partenaires participent aux activités des uns et des autres (ex. Guignolée, fêtes, BBQ, etc.). La capacité à élaborer des projets collectifs dans le milieu est ainsi un bon indicateur de la mobilisation. Cependant, les intervenants rencontrés rappellent l’importance de concerter les partenaires et de mobiliser les locataires au même moment afin de créer davantage de liens dans le milieu. Pour ce faire, la stabilité du personnel doit être visée, que ce soit chez les partenaires ou les intervenants de milieu. Dans l’extrait d’entretien suivant, une participante du milieu 3 souligne les avantages d’avoir été présente dès le début de la démarche et d’avoir vu les partenaires principaux se maintenir tout au long du processus.

Puis on a la chance d’être là depuis longtemps toutes les trois. Y’a pas eu de variation dans… Personne n’est parti, remplacé et tout là. On a toujours été là les trois, faque il y a une belle synergie aussi qui s’est développée avec mes deux partenaires

Participante 5, Milieu 3

L’enrôlement des partenaires au sein du réseau

Comme l’enrôlement est le produit d’un intéressement réussi, cette dimension de la TAR rappelle que c’est l’alignement des intérêts des acteurs, en fonction de leur acceptation des rôles négociés à travers des autres dimensions, qui permet d’avancer dans l’action. On constate ainsi que les partenaires qui ont accepté la problématisation et s’intéressent au changement se voient attitrer un rôle et s’engagent dans l’atteinte des objectifs de changement souhaités. Dans les milieux étudiés, le degré d’enrôlement est variable d’un milieu à l’autre, et d’un acteur à l’autre. On constate que les milieux qui ont mis en place des structures souples, en réponse à des besoins nommés par les partenaires ou les résidents, tendent à favoriser la participation et l’engagement. En sus, la présence continue au sein du milieu favorise cette dimension, tout comme l’investissement des partenaires devant être assez important pour que l’intervention concertée fonctionne.

En se mettant disponible constamment comme ça, ça nous attire à y aller quand il y a quelque chose qu’on a besoin, ça nous attire d’aller la voir, parler de ce qui arrive…

Résident 41, Milieu 4

Donc c’est sûr que pour nous, le comité de partenaires, c’est pas une mince tâche, dans le sens qu’il faut s’impliquer à 150 % !

Participante 6, Milieu 2

La synergie créée par la combinaison d’une structure de concertation et l’intervention de milieu permet en outre de répondre aux besoins des locataires, qui sont diversifiés et multidimensionnels. Ils vont de la volonté de socialiser et de rencontrer ses voisins, de recevoir une écoute active ; au désir de connaître les ressources du quartier ou d’obtenir du soutien pour réaliser différentes démarches ou dans les tâches parentales comme le montrent les extraits suivants :

Briser la solitude, il faut briser la solitude ! C’est très le fun d’avoir des activités, oui ça brise l’isolement. Entre les femmes, on partage, on fait de la cuisine collective ensemble. Des fois on fait des plats de mon pays, y’en a qui viennent faire des plats de leur pays, on apprend à se connaître, on connaît la culture de l’autre…

Résident 11, Milieu 2

J’ai eu plus d’aide pour ma plus jeune parce qu’elle a quand même fait deux tentatives de suicide. […] Sans les procédures de [nom de l’intervenante] qui l’a inscrite à telle place, à certains services, je pense sans [nom de l’intervenante], j’aurais pas connu des services pour ma fille, puis finalement, pour elle, c’est beaucoup. Puis elle m’a beaucoup aidée quand même suite à un post-traumatique, elle m’a beaucoup aidée, elle m’a rencontrée souvent aussi. […] On a eu beaucoup de services. Comme ma plus jeune, j’ai eu accès à un psychologue rapidement grâce à ça. J’avais beaucoup d’aide. […] [Nom de l’intervenante] m’a accompagnée aussi dans ma démarche de l’IVAC[5] puis tout ça là. Elle m’accompagnait pour pas que j’y aille toute seule

Résident 38, Milieu 4

C’est un gros plus parce qu’ils nous aident dans nos démarches, on ne connaît pas tout le fonctionnement des fois, hein, fait que c’est un très gros plus qu’ils soient là pour nous guider dans nos démarches !

Résident 42, Milieu 4

La prise en compte des besoins exprimés par les résidents est essentielle dès le début de la démarche pour définir la raison d’être de la structure de concertation et les actions à mettre en place. Elle influence également l’enrôlement, qui s’exprime à travers le désir de s’engager et la capacité à intégrer de nouveaux acteurs. Une compréhension approfondie des besoins n’est cependant pas facile à atteindre et demande une collaboration importante avec le comité de locataires et les locataires en général. Les intervenants de milieu peuvent favoriser la création de ces liens de solidarité dans le milieu, comme le rappelle ce résident du milieu 3 :

C’était pour apprendre à connaître des gens puis à sortir de chez moi. Parce que quand on vit seul, on a tendance à se refermer sur soi-même. C’est très dur. Alors j’ai fait ça pour essayer de m’en sortir puis, effectivement, j’ai une belle vie maintenant

Résident 40, Milieu 3

Des controverses et des défis de nature variée entre les partenaires et leur résolution

On doit mentionner que, malgré tous les avantages présentés de ces démarches partenariales, les tensions entre les acteurs du réseau existent, souvent dues à des difficultés de communication. On constate que les controverses et les défis sont présents dans tous les milieux étudiés et qu’ils sont diversifiés. Ils concernent notamment le manque de clarté dans la définition des rôles des partenaires et des différentes structures. Certains participants soulignent des problèmes d’organisation interne et de clarification des rôles au sein des différents comités :

Pour moi, le comité de suivi s’il est fonctionnel, il doit avoir mandat, on doit revoir peut-être son mandat. Et peut-être, il n’a même pas besoin d’être là… Peut-on fonctionner sans comité de suivi ? Pour le moment, je dirais oui ! Parce que je n’ai pas encore perçu sa « plus-value »

Participant 14, Milieu 2

Le roulement du personnel au sein des organismes/institutions partenaires s’avère également un défi pour partager une compréhension commune du problème et une cohésion dans l’action.

C’est sûr il faut qui ait une intervenante, mais il faut qu’à reste permanent, il faut pas qu’elle change

Résident 3, Milieu 4

Par ailleurs, la présence de bailleurs de fonds et de résidents autour de la table ou encore le partage et la gestion des espaces collectifs, notamment du local communautaire utilisé par les différents organismes et les locataires, font aussi l’objet de controverses dans la plupart des milieux étudiés. Plusieurs de ces controverses n’ont pas été résolues pendant la période de collecte de données. Toutefois, on a observé la mise en place de solutions novatrices pour faire face à ces controverses et défis dans les différents milieux. Un exemple intéressant de résolution est l’utilisation des services d’un organisme communautaire partenaire du réseau pour faire le ménage du local communautaire dans le milieu 1. Il s’agit dans ce cas d’un partenariat entre le comité de locataires, l’organisme responsable du travail de milieu et l’organisme employant des jeunes pour faire le ménage. Autre exemple, pour régler les tensions entre les locataires autour de l’utilisation de la cour commune, l’agente de mobilisation et l’OC de l’OMH du Milieu 3 ont joué un rôle de médiatrices en organisant une rencontre qui a fixé des règles de vie pour l’utilisation de la cour. La mise en place d’une entente au sein du Milieu 2 pour la gestion et l’entretien du local communautaire entre les différents organismes partenaires est aussi vue comme une solution :

Ils demandent un montant au groupe utilisateur du local, une gestion qui est faite pour payer quelqu’un qui fait le ménage. Il a fallu établir ce fonctionnement-là parce qu’il y avait des irritants au niveau de l’entretien et de la fréquentation du local. Donc on a créé ça dans les dernières années, la gestion du local avec un contrat d’entente entre le CA et les groupes utilisateurs réguliers

Participant 3, Milieu 2

D’autres solutions ont été recensées dans les différents milieux étudiés. Par exemple, la mise en place de nouvelles structures, un comité Vivre Ensemble (résidents et intervenants) ou un comité de coordination (gestionnaires, coordonnateurs, directeurs), où il est possible de nommer et de discuter ouvertement des problèmes entre partenaires et locataires, comme cela s’est fait dans les milieux 2 et 3 :

On se ramasse avec beaucoup de partenaires qui ont tous des missions différentes, on a tous une façon de travailler qui est différente aussi, donc des fois, c’était difficile de s’entendre sur certains points. Justement, y a eu des outils qui ont été développés, on a eu des discussions communes, on a multiplié les rencontres pour arriver à quelque chose qui était commun pis qui faisait l’accord et l’unanimité de tous, justement !

Participant 6, Milieu 2

Il y a eu un projet Vivre Ensemble qui a été financé pendant trois ans et qui a débouché sur la formation d’un Comité Vivre Ensemble. C’est un comité qui réunit à la fois des partenaires et des résidents et résidentes, c’est super intéressant. C’est un milieu d’échanges, de circulation d’informations, mais c’est aussi un lieu pour organiser ensemble des activités

Participant 32, Milieu 4

Le renforcement du rôle d’animation et de médiation, souvent joué par l’OC du CIUSSS, a parfois permis de régler certaines controverses. Dans certains cas, cela a mené à la rédaction d’outils et de guides en cours de démarche. En outre, pour la plupart des participants, il est important de sonder les besoins des résidents tout au long de la démarche et de redéfinir continuellement les objectifs avec les partenaires afin de garder une vision collective unifiée, comme le souligne avec justesse un participant du Milieu 4.

Il faut que tout le monde accepte de revoir son rôle puis son mandat pour le faire converger vers un rôle collectif, vers une vision collective, vers notre objectif collectif

Participant 32, Milieu 3

Discussion

La concertation et la collaboration au sein des réseaux étudiés facilitent le recours aux services communautaires et institutionnels, tout en favorisant la participation des locataires au sein des organismes et des activités mises en place. Les résidents rencontrés mentionnent que l’accompagnement par les intervenants de milieu fait une différence importante dans l’accès aux services d’aide et le soutien des personnes. En fait, on observe que ce soutien s’appuie sur des liens existants entre les locataires et les facilite, voire les renforce. Ainsi, le soutien social formel et informel agit en complémentarité, et la responsabilisation des usagers, dans ce que Andreotti et Mingione (2013) nomment « un nouveau système de protection sociale », serait possiblement une forme de solidarité sociale issue de liens patiemment tissés dans les milieux étudiés. Le rôle des acteurs locaux, qu’ils soient issus des structures publiques, des organismes du milieu communautaire ou des locataires eux-mêmes, devient ainsi un rôle de facilitateur, visant principalement à mettre tous ces différents acteurs en relation. La TAR aura ainsi permis de mettre en évidence ces relations, en offrant une vision relationnelle de l’action, et de comprendre à quel point le contexte propre à chaque HLM est défini par les acteurs et leurs actions (Callon, 2006). Comme Callon le rappelle, l’action et le réseau sont ainsi les deux faces d’une même réalité. 

Tel que nous l’avons observé, les mécanismes de concertation et l’intervention de milieu sont complémentaires à l’intérieur de ce que les auteurs de la TAR nomment « les réseaux sociotechniques » (Akrich, Callon et Latour, 2006). C’est durant la constitution de ces réseaux sociotechniques, c’est-à-dire durant la conception, le développement et la diffusion des actions, qu’apparaissent le plus clairement les inévitables négociations et ajustements entre actants humains et non humains, soit les acteurs sociaux et les ressources, structures ou savoirs des milieux. Les quatre dimensions du processus de traduction ont ainsi pu être observées à des degrés différents selon les milieux. La problématisation est généralement définie collectivement au sein des comités et permet de dégager une vision rassembleuse, facilitant les autres dimensions de la traduction (intéressement, enrôlement et mobilisation). Cependant, si les dimensions de la problématisation, de l’intéressement et de l’enrôlement ont pu être documentées dans le cadre de ce projet de recherche, il a été plus difficile de documenter la dimension de la mobilisation. Cela peut s’expliquer de différentes façons, mais l’arrivée de la pandémie de la COVID-19 est certainement un événement important, qui a suspendu les activités collectives et les activités de recherche, notamment la mobilisation des connaissances, dans les HLM. On peut aussi émettre l’hypothèse que la progression de l’action en réseau est difficile à documenter en deux ans et qu’une étude rétrospective permettrait de mettre en lumière la dimension de la mobilisation.

On observe également que certains milieux ont plus de difficulté que d’autres à réaliser le processus de traduction et de résolution des controverses et que c’est souvent le rôle de l’OC du CIUSSS de le faciliter (Lachapelle, 2017). Il apparaît alors important non seulement de mettre en commun les partenaires et leurs intérêts, mais aussi, de s’appuyer sur une analyse du milieu et de ses besoins. En sus, dans le HLM où la travailleuse sociale du CIUSSS agit comme travailleuse de proximité, les interventions sont davantage perçues positivement par les résidents, contribuant à générer une image avantageuse du réseau de la santé et des services sociaux. Ainsi, dans le processus de problématisation et d’intéressement, il semble que la capacité de mettre à distance les intérêts des acteurs, pour leur proposer de nouveaux rôles dans des actions concertées, favorise leur engagement, ou plutôt, selon les termes de la TAR, leur enrôlement (Bilodeau et Potvin, 2016).

Ce processus ne se fait pas sans heurt. Tel que présenté dans les résultats, les acteurs font face à divers défis et controverses. Cependant, les structures, outils et guides développés semblent avoir permis leur résolution, consolidant les mécanismes de concertation et les partenariats. Ces acteurs non humains jouent ainsi un rôle crucial dans les cinq clés pour progresser dans l’action collective (Bilodeau, Parent et Potvin, 2019) : 1) composer un partenariat représentatif ; 2) définir ensemble un projet provisoire ; 3) travailler avec les rapports de pouvoir ; 4) travailler avec des logiques d’action différentes ; 5) valoriser la production d’intermédiaires et leur utilisation. Les défis pouvant se présenter dès la première étape, leur résolution, à travers la production de structures, outils ou guides, prend ainsi la forme d’intermédiaires qui permet au réseau d’évoluer et de se solidifier (Bilodeau et al., 2018). Les milieux étudiés n’ont pas encore tous adoptés ces cinq clés, mais leur progression dans le travail en réseau leur permet sans contredit de mettre de l’avant un « avantage collaboratif » (Keast et Mandell, 2014).

Le modèle d’intervention de proximité basée sur la collaboration intersectorielle et l’intervention de milieu (Parent et Tourillon-Gingras, 2019), correspondant aux différents cas étudiés dans ce projet, peut favoriser l’accès aux ressources, la cohésion sociale, la mobilisation communautaire, la création d’espaces collectifs et le soutien social. Il est reconnu que ces retombées sont non seulement favorables à l’échelle de la communauté, mais aussi, pour la santé des individus qui y vivent, à certaines conditions. Dans leurs travaux sur le développement communautaire en Angleterre, Popay et ses collaborateurs (2020) ont démontré le rôle de l’empowerment communautaire dans l’équité en santé des populations. Ces auteurs argumentent que le contrôle issu des projets communautaires a un rôle positif, dans la mesure où l’on encourage la transformation sociale et le changement politique, plutôt que la modification des caractéristiques psychosociales, des comportements individuels et des déterminants proximaux des conditions de vie dans les quartiers. On peut croire que l’intervention de proximité, permettant d’agir globalement avec une bonne intensité dans les milieux HLM, soit de nature à favoriser le contrôle communautaire dans les HLM. Toutefois, l’investissement en termes de ressources humaines et d’activités/projets dans le milieu doit être assez important pour contribuer à produire des intermédiaires qui permettront d’accroître le contrôle collectif et individuel des résidents. Pour l’instant, nos résultats portent à croire qu’il est possible d’atteindre cet objectif, mais que les structures mises en place doivent s’assurer que l’engagement des partenaires et des résidents dans les réseaux soit stable et offrir un investissement assez important en termes de ressources humaines et financières. Une étude longitudinale permettrait de compléter ce portrait, tout comme une évaluation formelle des démarches, afin d’aider les partenaires intersectoriels à évaluer précisément l’impact de l’intervention sur les résidents.

Conclusion

Cet article portant sur l’intervention de proximité auprès des résidents de HLM à Montréal et à Québec a permis de mieux comprendre comment se structurent les réseaux locaux et l’intervention dans les milieux et dans différents plans d’ensemble HLM au Québec. À partir des données empiriques résultant d’un travail d’observation et d’entretiens mené auprès de résidents et d’intervenants dans chacun des milieux et à travers le cadre théorique emprunté à la théorie de l’acteur-réseau, nous avons illustré les différents modes de collaboration, réunissant des organisations partenaires, des intervenants et des résidents. À partir de ces analyses, cet article montre que l’intervention de proximité fondée sur des modèles de collaboration intersectorielle augmente les retombées positives de l’intervention de milieu, en facilitant le recours aux services communautaires et institutionnels, tout en favorisant la participation des locataires. Dès lors, et dans le contexte de crise du logement qui sévit actuellement au Québec et qui contribue à une perte de pouvoir des locataires sur leur milieu de vie, il semble nécessaire de souligner l’importance de l’intervention de proximité et des réseaux locaux dans les HLM pour favoriser la reprise de pouvoir de ces résidents, tant sur le plan individuel que collectif.