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1. Problématique

Les adolescents grandissent désormais dans un monde où le numérique est omniprésent. Que l’on parle de « natifs du numérique » (Prensky, 2001), de « milléniaux » (Howe et Strauss, 2009) ou de la « génération du Net » (Jones, Ramanau, Cross et Healing, 2010; Kennedy, Judd, Dalgarnot et Waycott, 2010), les terminologies, des plus discutables aux plus heuristiques, révèlent toutes cette centralité du numérique dans les expériences culturelles des jeunes. En effet, la culture des adolescents tend dorénavant à se développer par le biais des écrans et sur le Web. Que ce soit la télévision, le cinéma, les jeux vidéo, Internet, les applications mobiles ou les réseaux sociaux, toutes ces sources de divertissements et de savoirs contribuent à façonner leur identité (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations [CEFRIO], 2013, 2017; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2007). Ainsi, les nouvelles technologies et les médias viennent à remplir la fonction d’outils d’expression et de communication pour les jeunes, les amenant à devenir des récepteurs et des producteurs de contenus médiatiques diversifiés (Lacelle, Boutin et Lebrun, 2017; Lebrun, Lacelle et Boutin, 2012). Il serait facile de croire que les nouvelles technologies, à travers leur évolution, simplifieraient la production-transmission-réception de messages et de leur contenu, mais ce n’est pas tout à fait le cas.

D’ailleurs, avec le développement marqué des supports rédactionnels et la multiplication des incitations à produire que procure l’ère numérique (Lebrun et al., 2012), la lecture et, tout particulièrement, l’écriture subissent des changements induits par l’apparition de divers outils de communication et de supports technologiques. Au-delà du changement de support, écrire avec les outils numériques comprend une reconfiguration du système de production de sens (Bachimont, 2000), puisque l’écrit numérique se définit à présent par une diffraction des contenus et par leur hétérogénéité, ainsi que par un détachement de la fixité des contenus, provoquant une esthétique particulière, multiple et éclatée (Audet et Brousseau, 2011). Ainsi, les nouvelles formes d’écriture qui découlent de ces pratiques sur divers supports font émerger la nécessité de développer de nouvelles compétences lectorales et scripturales. Ce faisant, dans ce nouveau paradigme de la communication, les jeunes doivent désormais être aptes à comprendre et à produire des messages constitués de plusieurs modes et langages à la fois avec les supports traditionnels et avec les supports numériques (Lacelle et al., 2017; Lebrun et al., 2012).

Dès lors, en négligeant l’évolution rapide de la communication multimodale des jeunes et en définissant peu ou pas la place des médias numériques dans le cursus scolaire, l’école québécoise ne semble pas tenir compte des finalités associées à la littératie médiatique multimodale en contexte numérique. Ainsi, le système éducatif semble incapable de réduire l’écart lorsqu’il s’agit des pratiques littéraciques numériques des élèves. Par conséquent, les apprentissages scolaires sont difficilement rattachés aux expériences des élèves qui sont exposés à une multitude de textes multimodaux sur des supports variés à l’extérieur de l’école (Gee, 2007; Jewitt, 2005; Penloup, 2017; Walsh, 2008) et ceux-ci ne sont pas amenés à développer des compétences et connaissances solides en écriture numérique. Cependant, Miller (2007) souligne qu’il serait possible de diminuer cet écart en engageant les enseignants dans des pratiques de littératie multimodale, tout particulièrement dans des activités de production, et ainsi faire le pont avec l’écriture scolaire. Toutefois, tandis que diverses ressources didactiques proposent des moyens de soutenir l’enseignement de l’écriture, très peu permettent aux enseignants d’accompagner leurs élèves dans l’écriture numérique. Par conséquent, notre recherche propose un exemple documenté et détaillé d’une intervention scolaire pour former les jeunes à l’écriture numérique. Plus spécifiquement, l’objectif principal de notre recherche est la conception et la validation par des experts d’un dispositif didactique de formation à l’écriture hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo. Pour ce faire, nous avons entrepris d’anticiper les savoirs et les compétences à développer pour rédiger un récit de jeu vidéo sous la forme d’un hypertexte multimodal. Le dispositif préliminaire résultant de cette recherche-développement a été soumis à une validation théorique par des experts en didactique des langues, de la littérature et de l’informatique, et d’enseignantes. À la lumière de ces commentaires, des modifications ont été apportées au dispositif didactique que nous exposerons dans cet article. Au préalable, les principaux concepts théoriques et la méthodologie seront brièvement présentés.

2. Cadre théorique

Lors de notre phase référentielle, nous avons entrepris un grand défrichage théorique pour bien comprendre, dans une perspective didactique, quels seraient les savoirs et les compétences à développer pour rédiger un récit de jeu vidéo sous la forme d’un hypertexte multimodal. À partir de ces notions et concepts, nous avons entrepris l’élaboration de notre dispositif didactique. Par souci d’efficacité, nous nous concentrerons principalement sur les concepts de la multimodalité, de l’hypertexte, de l’écriture hypertextuelle multimodale et du récit de jeu vidéo.

2.1. La multimodalité

Plus qu’un concept, la multimodalité est un domaine de recherche sur l’« environnement d’apprentissage multimodal » (Jewitt et Kress, 2003; Kress, 2003; Kress et Van Leeuwen, 2001), la « communication multimodale » (Kress, 2003) ou encore la « littératie multimodale » (Walsh, 2008). Kress et Van Leeuwen (2001) définissent la multimodalité comme l’usage, en contexte réel de communication médiatique, de plus d’un mode sémiotique pour concevoir un objet ou un évènement sémiotique. Pour le groupe de recherche en Littératie médiatique multimodale, fondé en 2009, la multimodalité renvoie « au fait que l’on peut non seulement parler de message sur différents supports (le “texte multimodal” ou “multitexte”), mais également d’environnement multimodal, de tâche multimodale et même de compétences multimodales. » (Lebrun et al., 2012). Le multitexte (Boutin, 2012, cité dans Lebrun et al., 2012) serait composé d’un amalgame d’informations provenant de plusieurs sources médiatiques ou alors d’une seule source combinant divers modes d’expression. Ses composantes sont diverses et peuvent regrouper du texte, des images, des liens hypertextuels, des sons, etc. Le texte multimodal, la plupart du temps, prend la forme de document numérique qui peut être consulté sur des supports variés. Selon Walsh (2008), la multimodalité se produit dans un environnement intégrant des médias traditionnels et des médias issus des nouvelles technologies. Lacelle et Lebrun (2011) abondent en ce sens, associant l’usage d’outils technologiques aux nouvelles formes d’écritures multimodales. Plusieurs recherches (Buckingham, 2003; Kress, 2003, pour ne nommer qu’eux) font le même constat et évoquent que l’écriture s’est transformée avec l’arrivée de ces technologies. Désormais, écrire ne réfère plus seulement au mode textuel, mais à un cosmos de modes mis en relation pour créer de nouvelles représentations du sens.

2.2. L’hypertexte

L’hypertexte est une forme textuelle non linéaire dont le contenu est organisé sous forme de réseau de noeuds et de liens. Cette forme textuelle est définie comme « une structure changeante, composée de blocs de textes (ou ce que Barthes nomme lexias) et de liens électroniques qui les relient » (Delany et Landow, 1991, p. 3). Chaque bloc ou ce que nous appellerons « noeud » est constitué de fragments d’information, et les liens entre ces différents contenus sont en fait les relations qu’ils entretiennent entre eux (Bromme et Stahl, 2002a, 2002b; Rouet, Levonen, Dillon et Spiro, 1996, cités dans Braaksma, Rijlaarsdam et Janssen, 2007). Ainsi, l’hypertexte permet d’afficher et de cartographier les connexions intertextuelles de ces contenus au moyen de liens électroniques. De plus, les noeuds peuvent être visualisés grâce à ces liens ou hyperliens qui se matérialisent sous forme de mots, de groupes de mots, d’icônes, d’image, etc. (Rouet, 1993). Qui plus est, lors de la production d’un hypertexte, ces connexions doivent également être considérées dans une perspective lectorale. En fait, l’auteur-concepteur doit prévoir et consigner les multiples potentiels de lecture qui en sera faite et l’interaction nécessaire par l’utilisateur-lecteur pour y avoir accès (Bromme et Stahl, 2002a; Talamo et Fasulo, 2002). De ce fait, l’écriture d’hypertextes sollicite beaucoup les activités cognitives pour interrelier les idées, représentées par divers modes, et leur combinatoire, dans une forme de réseau et pour considérer leur enchaînement dans ce dernier.

2.3. L’écriture hypertextuelle multimodale

À la lumière de ces concepts, ce que nous entendons par « écriture hypertextuelle multimodale » est défini par Lacelle et Lebrun (2015) comme :

[…] le processus visant à produire un hypermédia, soit une interface textuelle et/ou visuelle constituée d’hyperliens menant vers des documents de différentes natures : vidéo, image, texte. Elle implique l’élaboration d’une architecture textuelle (design/framing) non linéaire, par strate, qui pense en amont l’articulation des modes d’expression et des contenus (complément, redondance, relais, jonction, détournement), leur ancrage (degré, prédominance), l’effet des choix esthétiques, du support de diffusion et de la réception.

p. 22

Ce faisant, l’auteur-concepteur de l’hypertexte multimodal doit prévoir et consigner les parcours possibles de lecture, les articulations entre les modes et les usages techniques à l’intérieur de sa production. En outre, le processus d’écriture hypertextuelle multimodale est aussi caractérisé par la fragmentation, la juxtaposition, diversifiant les formes, la structure, le design et les représentations symboliques (Lacelle et Lebrun, 2015).

Par contre, copier les formes textuelles traditionnelles dans un environnement numérique ne serait pas une application adéquate pour travailler les textes non linéaires multimodaux (Dillon, 2002). C’est pourquoi nous avons considéré le jeu vidéo comme sujet pour la tâche d’écriture hypertextuelle multimodale puisque ce dernier est un média natif du numérique et qu’il constitue une addition de complexité de par son hybridité cohérente et composite de modes sémiotiques (Thabet, 2011), son importante interactivité et ses codes narratologiques et ludiques (Archibald et Gervais, 2006; Genvo, 2005).

2.4. Le récit de jeu vidéo

Comme l’évoque Arsenault (2009), le jeu vidéo est une forme textuelle très complexe aux articulations particulièrement fines. Il est donc difficile d’établir un modèle unique quant au design et à l’écriture du jeu vidéo, autant d’un point de vue théorique que pratique (Walter, 2010). Ainsi, pour les besoins de notre recherche, nous nous sommes engagées dans une forme de défrichage conceptuel pour créer une tâche d’écriture du récit de jeu vidéo adaptée à une clientèle néophyte. Ce faisant, nous avons retenu différentes composantes quant au jeu vidéo (composantes performative, représentationnelle et narrative). Par souci d’efficacité, nous nous concentrerons non pas sur les différentes composantes vidéoludiques, mais bien sur le concept de récit de jeu vidéo.

Tout d’abord, le concept de jeu est plus difficile à définir qu’il peut paraître. Plutôt que de présenter et d’analyser les propositions des auteurs qui ont tenté l’exercice, comme Salen et Zimmerman (2003) et Juul (2005), nous passerons immédiatement au modèle du jeu classique avancé par ce dernier. Un jeu est un système basé sur un ensemble de règles avec un résultat variable et quantifiable, où les différents résultats possibles sont associés à différentes valeurs, où les conséquences de l’activité sont négociables, et où le joueur, attaché au résultat, doit fournir un effort pour influencer le résultat. Ce jeu, lorsqu’il se retrouve sur support numérique ayant recours à un écran, devient un jeu vidéo puisque ce sont les capacités de la machine, de l’ordinateur, qui maintiennent les règles, et non pas l’être humain (Juul, 2005).

S’en suit le récit, un autre concept difficilement saisissable, et ce, bien avant de l’appliquer au jeu vidéo. Après un exercice complexe pour comprendre la place du récit dans la narrativité du jeu vidéo, Arsenault (2006) propose que le récit de jeu vidéo soit la synthèse d’un double récit, soit du récit enchâssé (un récit invariable et prédéfini) soit du récit vidéoludique (un récit variable qui est la résultante des actions effectuées par le joueur). Ces deux types de récits sont souvent mis en rapport de force, selon les genres vidéoludiques et les intentions des concepteurs. Plus spécifiquement, ces deux types de récits sont formés à même une plus grande catégorisation de récits élaborée par Jenkins (2004), où se retrouvent quatre types : le récit enchâssé, le récit actualisé, le récit vidéoludique et le récit émergent.

D’une part, le récit enchâssé met en lumière le récit qui est « préscripté », soit déjà écrit par les concepteurs, et qui ne peut être influencé par le joueur qu’indirectement. C’est ce même récit qui doit être reconstitué par le joueur, morceau par morceau, lors de la partie, à la manière d’un casse-tête. Toujours selon le genre de jeu, le récit enchâssé est parsemé de manière à ce que le joueur doive accéder à tous les évènements pour construire et saisir le récit complet. Sous le même concept d’Arsenault (2006) se trouve celui que Jenkins (2004) nomme le récit actualisé. Comme son nom l’indique, il s’agit de l’actualisation du récit enchâssé, soit du récit décidé par les concepteurs, jumelé à sa reconstitution à travers la partie. Ce type de récit peut être anticipé dans les choix de design faits par les concepteurs, mais ne peut être complètement « préscripté », anticipé. Le récit est déjà écrit, mais l’expérience du joueur ne peut être complètement prédite dans le récit actualisé, puisque le concepteur de jeu ne peut que partiellement l’anticiper grâce aux « miettes » de jouabilité et de récit qu’il parsème dans le jeu.

D’autre part, le récit vidéoludique est représenté comme étant le résultat de la suite d’actions réalisées par le joueur lors d’une partie, de ses choix de parcours et de son expérience de jeu (Jenkins, 2004). En fait, il n’existe pas une seule forme de récit vidéoludique puisque les parties, les joueurs et l’expérience sont différents à chaque fois. Ce type de récit est impossible à anticiper au-delà des choix faits par les concepteurs. Ainsi, les possibilités d’interaction que les concepteurs ont décidé d’éparpiller au gré du jeu sont toutes des occasions pour le récit vidéoludique de prendre forme. Le dernier type de récit de jeu vidéo pour Jenkins (2004) est le récit émergent (inclus dans le récit vidéoludique d’Arsenault en 2006). Il s’agit du résultat de l’amalgame d’un ensemble de règles et de mécaniques, qui n’a pas été anticipé par les concepteurs ni par le joueur. Le récit émergent est impossible à prévoir, et encore plus à écrire.

Au final, lorsque nous traiterons de l’écriture de « récit de jeu vidéo » pour les besoins de notre recherche et plus particulièrement par rapport à notre dispositif didactique, nous nous référerons à la combinaison des récits enchâssé, actualisé et vidéoludique. Nous écartons le concept de récit émergent de Jenkins (2004) puisqu’il ne peut être envisagé par le concepteur ni le joueur. Il est le reflet du phénomène d’émergence qui peut avoir lieu dans le jeu vidéo, phénomène spontané et singulièrement unique. Ce faisant, étant donné que l’objectif de notre dispositif est d’amener des élèves à produire un récit de jeu vidéo, il serait inopportun de demander à des élèves de rédiger un récit impossible à anticiper.

3. Méthodologie

Notre étude s’inscrit dans une démarche de recherche-développement, comme l’entendent Harvey et Loiselle (2009), une recherche qui ne se limite pas à la compréhension des phénomènes, mais qui a pour objectif premier de développer des alternatives utiles, sous forme d’interventions, d’outils et de modèles matériels ou conceptuels, pour agir sur une situation donnée. Dans ce contexte, l’intérêt de la recherche-développement est qu’elle vise à apporter aux praticiens des solutions validées aux problèmes rencontrés dans leur pratique, mais également qu’elle touche autant la réalisation d’un produit que l’avancement des connaissances générées par ce développement (Loiselle et Harvey 2007).

Nous avons choisi le modèle de recherche-développement d’Harvey et Loiselle (2009) puisqu’il possède la flexibilité de s’adapter aux divers contextes d’application, comme démontré par diverses thèses et mémoires en éducation telles que Bourassa Guimond (2013), Laurin (2015), Lortet (2016), etc. Cinq phases macroscopiques se retrouvent dans ce modèle, c’est-à-dire l’« origine de la recherche » qui correspond à la problématique du projet de recherche, le « référentiel » qui correspond au cadre théorique, la « méthodologie », ainsi que l’« opérationnalisation » et les « résultats » pour représenter le dispositif didactique et les résultats qui ont mené vers l’itération améliorée dudit dispositif. Nous nous intéresserons davantage ici à la phase méthodologique qui recoupe la collecte et l’analyse de données.

3.1. Mise à l’essai fonctionnelle et validation

Dans le cadre de notre recherche, il n’y a eu que la mise à l’essai dite fonctionnelle (Harvey et Loiselle, 2009), c’est-à-dire que le dispositif a été évalué par une équipe d’experts. Nous nous sommes donc restreintes à une validation théorique auprès d’experts du milieu puisque « la constitution d’une équipe regroupant le chercheur-développeur et des gens du milieu paraît souhaitable afin d’assurer une meilleure adéquation entre le produit développé et les besoins du milieu » (Loiselle et Harvey, 2007, p. 52). L’évaluation d’un dispositif didactique par un expert permet d’évaluer le cadre théorique qui étaye les choix effectués (Loiselle, 2001), de vérifier son adéquation avec les résultats des plus récentes recherches théoriques (Loiselle et Harvey, 2007) et d’identifier les améliorations à lui apporter par cette rétroaction.

3.1.1. Les experts

Afin d’évaluer notre dispositif didactique, nous avons sollicité cinq catégories d’experts, soit des didacticiens, des professionnels de la recherche spécialistes du domaine, des doctorants, des personnes enseignantes et de futurs enseignants. Plus précisément, huit experts ont été consultés pour valider notre dispositif didactique, soit une experte de la didactique du français, un expert de la littérature et du numérique, un expert en création à l’aide des technologies numériques, un expert de la littératie médiatique et du domaine vidéoludique, deux enseignantes de français comptabilisant près de 20 ans d’expérience et une future enseignante formée en littératie médiatique multimodale et adepte de jeux vidéo.

3.1.2. La collecte et l’analyse de données

Pour effectuer cette mise à l’essai fonctionnelle, nous avons développé un outil de collecte de données, soit le questionnaire de notre enquête écrite auprès d’experts. Le questionnaire avait pour objectif de mesurer la clarté, la pertinence, la cohérence et la complétude du dispositif didactique (Loiselle, 2001). Il est divisé en quatre sections, soit une section par critère, avec de trois à six questions préformées. Pour chacune d’entre elles, nous avons élaboré une échelle avec des niveaux d’appréciation (Thouin, 2014), suivi d’un espace pour commenter. Cette dernière possède quatre niveaux (« faible », « bon », « très bon » et « excellent »), ce qui permet d’obtenir davantage de nuances et de précisions de la part des experts.

Pour collecter les données, nous avons effectué une enquête écrite. Les commentaires critiques des experts ont été recueillis grâce aux documents qui leur ont été remis, soit le questionnaire ainsi que le document regroupant le dispositif didactique dans son entièreté, dans lequel il était possible de laisser leurs annotations et commentaires. Nous avons recueilli les commentaires des experts tout d’abord en les catégorisant selon les parties du questionnaire (clarté, pertinence, cohérence et complétude), puis nous avons inclus ceux laissés dans le dispositif didactique selon leur thématique dans les parties du questionnaire. Nous avons analysé les données selon une analyse de contenu, faisant émerger les éléments de réponses, puis nous les avons réunis dans un nouveau document synthèse. Finalement, nous nous sommes appuyées sur les réponses et les commentaires recueillis pour améliorer le dispositif didactique pour en faire une deuxième itération que nous présenterons dans la section suivante.

4. Dispositif didactique amélioré suite à la validation

Pour rappel, un dispositif didactique consiste en :

[…] une articulation d’éléments hétérogènes, matériels et symboliques (Charlier & Peter, 1999; Weisser, 2007), comme un ensemble de moyens mis en oeuvre dans un but explicite, du moins dans l’esprit de son concepteur (Meunier, 1999). C’est par lui que l’enseignant essaie de prévoir et de baliser le parcours de formation qu’il propose à ses apprenants, sous l’influence de ses choix didactiques ou pédagogiques.

Weisser, 2010, p. 292

En ce sens, le dispositif didactique est en quelque sorte la concrétisation d’une intention. Dans notre cas, il s’agit d’anticiper les savoirs sur les compétences à développer pour l’écriture hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo, à travers la mise en place de contenus articulés et à construire. Ce faisant, notre dispositif est le résultat d’un travail d’ingénierie axé sur le développement de savoirs et de compétences qui pourraient être mis à la disposition d’une personne enseignante pour favoriser l’enseignement du processus d’écriture hypertextuelle multimodale de récit de jeu vidéo.

Un point important à soulever, à notre sens, et qui a été évoqué par plusieurs des experts lors de leur évaluation, est que notre dispositif didactique n’est pas une séquence d’enseignement-apprentissage clé en main qu’une personne enseignante pourrait transposer directement en classe, mais bien un dispositif exhaustif quant aux connaissances et aux compétences pour écrire un récit de jeu vidéo sous forme d’hypertexte multimodal. Il s’agit davantage d’une échelle de progression de savoirs et de compétences qui pourraient s’enseigner au courant d’une année complète, voire d’un cycle de scolarité complet, dans laquelle la personne enseignante pourrait piger à la pièce des contenus enseignables qu’elle devrait adapter en séquences didactiques spécifiques pour sa classe.

Notre dispositif didactique est constitué de trois types de documents. Le premier, d’abord destiné aux personnes qui ont validé notre dispositif, explique rapidement notre recherche et présente le questionnaire à partir duquel nous avons recueilli nos données. Pour éviter toute lourdeur, nous omettrons de le présenter à nouveau. Le second document que nous avons intitulé Dispositif didactique, présentant la démarche de recherche et la démarche didactique, regroupe cinq parties : la « Présentation de la problématique et de l’objet de recherche », le « Dispositif didactique », les « Connaissances et savoirs procéduraux », le « Descriptif des activités » et le « Prototype » (où est expliqué son fonctionnement). Le dernier document du dispositif est le prototype que nous avons élaboré, soit une exemplification large et exhaustive de la production attendue de la situation d’écriture hypertextuelle multimodale de récit de jeu vidéo.

4.1. La présentation de la problématique et de l’objet de recherche dans le dispositif didactique

Le document Dispositif didactique débute avec une brève présentation de la problématique et de l’objet de recherche. Dans cette partie, nous faisons des liens avec l’origine de notre recherche, et quoique partiellement pour l’instant, avec le référentiel. De plus, cette section nous permet de contextualiser notre recherche et notre dispositif didactique, ainsi que son application possible dans le cadre scolaire.

4.2. Le dispositif didactique

Cette section sert à présenter le dispositif didactique dans son ensemble et s’appuie sur le Programme de la formation de l’école québécoise (MELS, 2007). Il présente les éléments qui encadrent les activités comme le domaine général de formation, les axes de développement, les intentions didactiques et pédagogiques, et surtout les compétences à développer. Deux compétences y sont décrites :

  1. produire un hypertexte multimodal,

  2. produire des annotations métatextuelles en référence à un texte donné (à sa structure, son récit, à ses éléments constitutifs, etc.) pour provoquer la réflexion du lecteur.

Toutes deux sont décomposées par la suite en sous-compétences et leurs composantes, puis mises en lumière par des illustrations. Par exemple, la compétence « Produire un hypertexte multimodal » et sa première sous-compétence sont présentées comme dans la figure 1.

Figure 1

Extrait de la compétence « Produire un hypertexte multimodal »

Extrait de la compétence « Produire un hypertexte multimodal »

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Les connaissances et les savoirs procéduraux sont, quant à eux, explicités davantage dans la section subséquente, étant donné leur grand nombre et les concepts théoriques qui y sont rattachés.

4.3. Les connaissances et les savoirs procéduraux

Dans cette section du dispositif, nous débutons en présentant le modèle procédural d’écriture d’Hayes et Flower (1980) ainsi que le modèle de Kress et Van Leeuwen (2006) sur la production multimodale. Tous deux sont rapidement esquissés et mis en relation avec l’écriture hypertextuelle multimodale, alors qu’on présente ensuite brièvement des savoirs procéduraux qui y sont rattachés. Par la suite, les connaissances à acquérir et à mobiliser sont présentées selon la grille synthèse résultant de la recension des concepts et savoirs en lien avec le processus d’écriture hypertextuelle multimodale de récit de jeu vidéo que nous avons effectuée lors de l’étape référentielle.

À la suite des commentaires de plusieurs de nos experts concernant la lourdeur de la grille synthèse, nous avons décidé de réduire cette dernière en effectuant un écrémage de la première version. Comme cette dernière, la nouvelle grille synthèse (dont la figure 2 présente un extrait) recoupe trois catégories de connaissances, soit hypertextuelle, narratologique et vidéoludique, qui se sous-divisent en notions et concepts clés, pour ainsi regrouper 120 notions et concepts (initialement, plus de 300), définis en connaissances à construire et à mobiliser. De plus, les notions et concepts sont arrimés au descriptif des activités grâce à des hyperliens qui les redirigent vers ce dernier, en plus de leur évocation dans les diverses séances.

Figure 2

Extrait de la notion « Récit de jeu vidéo » de la nouvelle grille de synthèse

Extrait de la notion « Récit de jeu vidéo » de la nouvelle grille de synthèse

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4.4. Le descriptif des activités

Il s’agit ici de la présentation des activités selon les quatre phases :

  1. Entrée dans la formation au design narratif et au design de jeu;

  2. Formation au design narratif et au design de jeu, phase d’idéation du récit de jeu vidéo et initiation à l’écriture hypertextuelle multimodale avec Twine;

  3. Phase de conception du récit de jeu vidéo et écriture hypertextuelle multimodale avec Twine;

  4. Retour sur la conception du récit de jeu vidéo et sur l’écriture hypertextuelle multimodale avec Twine, présentation des divers récits de jeu vidéo confectionnés par les élèves.

Les activités se déroulent sur un total de 11 moments où l’écriture hypertextuelle multimodale ainsi que le récit de jeu vidéo sont présentés et travaillés. Les séances sont réparties selon les phases (voir tableau 1).

Tableau 1

Répartition des séances selon les quatre phases du descriptif des activités

Répartition des séances selon les quatre phases du descriptif des activités

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Pour chaque séance, en plus des principales notions à l’étude mises en hyperlien, les savoirs procéduraux et les compétences à mobiliser ainsi que toutes leurs sous-composantes ont été rajoutés à cette itération et sont explicitement indiqués (voir figure 3).

Figure 3

Extrait de la Séance 1. Jeux vidéo et récit du descriptif des activités

Extrait de la Séance 1. Jeux vidéo et récit du descriptif des activités

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Au reste, les contenus ont été élaborés de manière progressive et logique, pour ainsi s’assurer que les élèves ont au minimum un socle commun à partir duquel il serait possible pour eux de développer de nouveaux savoirs arrimés au développement de leurs compétences en écriture hypertextuelle multimodale. Ainsi, les premières séances mobilisent davantage des concepts en lien avec ceux du domaine de la narratologie et de l’approche par les genres, permettant aux élèves de faire des liens entre leurs connaissances antérieures et les nouvelles connaissances vidéoludiques. Par la suite, les séances amènent des contenus plus complexes qui se basent sur des éléments vus antérieurement. De plus, la formation à l’écriture hypertextuelle multimodale, effectuée à l’aide d’illustrations tirées du prototype créé sur le logiciel Twine, se complexifie de façon similaire au cours des séances, permettant le développement d’un savoir-faire complexe qui mobilise de plus en plus les compétences hypertextuelles et multimodales, en plus de mettre en relief les contenus et d’arrimer ces derniers à l’activité d’écriture.

4.5. Le prototype

Dans cette section du dispositif, nous présentons un prototype exhaustif d’écriture hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo que nous avons élaboré à titre d’exemple et de référence pour le dispositif et ses séances. Nous expliquons particulièrement pourquoi nous avons retenu le logiciel Twine, comment accéder au logiciel et l’explorer, en plus de présenter un court procédurier que nous avons confectionné pour pouvoir utiliser le logiciel ou simplement l’hypertexte. Le fichier du prototype qui était joint au dispositif pouvait être lu en version .html comme un site Web dans un navigateur ou bien en version Twine s’il était ouvert avec le logiciel. Nous avons conseillé aux experts de consulter le prototype à l’aide de Twine puisque cela permettait de voir la représentation de la structure hypertextuelle qui se compose de « passage », de blocs de texte et d’autres modes.

4.5.1. Twine

Brièvement, Twine est un logiciel libre présenté comme un outil pour raconter des histoires interactives et non linéaires dans un format de page Web. Disponible gratuitement et pour tous les systèmes, Twine dispose d’une application Web et peut être téléchargé sur ordinateur. Ce logiciel met surtout l’accent sur la structure visuelle de l’hypertexte (voir figure 4), et ce, sans même avoir recours à des notions de programmation contrairement à la majorité des outils de développement similaires.

Figure 4

Structure visuelle du Prototype dans Twine

Structure visuelle du Prototype dans Twine

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Twine possède deux modes : celui d’édition que l’on pourrait dénommer « de travail », présenté plus haut, qui permet au scripteur d’élaborer son hypertexte, et le mode de publication, soit la version .html, comme présenté dans le comparatif dans la figure 5. Lorsque complet, il est possible d’exporter l’hypertexte ou le « Story » sous forme de page Web et de le consulter grâce à un navigateur Web. De plus, diverses modifications comme l’ajout de couleurs pour les textes, d’images, de sons et de vidéos, voire plus encore, sont possibles en ayant recours aux langages HTML5, CSS et JavaScript, selon les versions du logiciel.

Figure 5

Comparatif entre la version d’édition et la version publiée d’un passage du Prototype

Comparatif entre la version d’édition et la version publiée d’un passage du Prototype

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En résumé, nous avons utilisé le logiciel libre Twine puisqu’il s’agit d’un logiciel d’écriture hypertextuelle, mais aussi parce qu’il fournit une représentation visuelle de la structure de l’hypertexte à l’aide de ce que nous pourrions nommer une « carte de noeuds » (voir figure 4). L’architecture de l’hypertexte, tout d’abord, est plus aisée à comprendre et éventuellement à s’approprier. Ensuite, la carte nous permet de voir l’évolution et les transformations de l’hypertexte d’une manière concrète et donc d’avoir un repère clair et net lors de la rédaction hypertextuelle. De plus, nous avons retenu Twine puisque ce logiciel dispose d’une interface graphique simple et de contrôles plutôt intuitifs. Comme nous en avons fait l’expérience lorsque nous nous sommes approprié cet outil, les diverses fonctions pour rédiger (qui sont tout de même nombreuses une fois que l’on maîtrise bien le logiciel) sont aisées à comprendre et à effectuer, tout particulièrement parce qu’elles demandent à être répétées et réitérées lorsque l’on conçoit le récit de jeu vidéo. Nous savions également qu’il serait nécessaire d’avoir une plateforme qui soutient bien l’inclusion d’autres modes que celui textuel, et Twine nous le permettait avec un codage assez simpliste et auquel nous considérons que des élèves du secondaire pourraient être formés sans coup férir. Somme toute, le logiciel Twine nous paraissait bien approprié pour l’exercice d’écriture hypertextuelle multimodale que nous envisagions développer avec notre dispositif didactique.

4.5.2. Prototype

Lors de l’élaboration de notre dispositif didactique, il nous paraissait inévitable qu’un exemple de production hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo soit fourni avec ce dernier, comme point de référence pour les activités, mais également pour comprendre quel en serait le produit final possible. Ce faisant, nous avons conçu un prototype en utilisant Twine ainsi que les connaissances hypertextuelles, multimodales, narratologiques et vidéoludiques que nous avions recensées lors de la phase référentielle, ainsi que nos expériences personnelles avec les jeux vidéo, leur conception et développement, et l’élaboration de récits interactifs.

Tout d’abord, lorsque nous avons entrepris notre prototype, nous avons décidé de nous baser sur un genre vidéoludique que nous connaissons bien de par nos abondantes expériences personnelles avec celui-ci, ainsi que par nos connaissances académiques qui y étaient liées, soit le jeu de rôle japonais. Brièvement, le jeu de rôle japonais est extrêmement codé quant à ses thématiques, promulguant des scénarios qui se rapportent souvent aux mêmes thèmes : l’environnement, l’honneur, la vertu, l’amitié, l’humour potache (dans le style manga), l’innocence et la bienséance relative, et a recours à des personnages qui répondent à des archétypes récurrents (le héros jeune et naïf ou amnésique, la jeune prêtresse ou princesse, le guerrier ténébreux et flegmatique, etc.) (Picard, 2013; Schules, 2015). Du point de vue de la jouabilité, ce qui distingue le jeu de rôle dit japonais de son équivalant occidental est plus la segmentation des phases de combat et des phases de déplacement et d’exploration (Picard, 2013; Schules, 2015). Ainsi, le scénario est généralement une quête pseudo-épique où les personnages-joueurs se déplacent en temps réel. Toutefois lorsque survient un combat, le temps est dilaté et le lieu transposé (Schules, 2015), laissant les délais nécessaires pour commander les actions des personnages-joueurs. Étant donné qu’il s’agissait de notre première production de récit de jeu vidéo sous forme hypertextuelle multimodale, il nous semblait cohérent de nous référer à un genre vidéoludique dont nous considérions bien maîtriser les codes ludiques et narratifs, ainsi que le genre thématique qui lui est généralement associé, soit le fantasy. Dans tous les cas de figure, il nous paraissait logique de débuter notre prototype en choisissant un genre vidéoludique ainsi qu’un genre thématique puisque ces derniers allaient orienter nos choix quant à la jouabilité et à l’univers narratif à développer (Schell, 2010).

Par la suite, nous avons élaboré une première version du récit en relation avec les principales mécaniques et figures d’interactivité que le joueur viendrait à rencontrer, les élaborant côte à côte et de manière itérative selon les deux genres retenus. À titre d’exemple, nous avons pris un temps pour définir les actants du récit, les personnages-joueurs (autant leurs finalités que leur personnalité), et leur trouver des illustrations, typiques du style visuel de ces genres vidéoludique et thématique, pour présenter leur profil dans différents noeuds. Nous les avons également élaborés en considérant les classes de combat auxquelles les personnages-joueurs seraient associés, puisque l’aspect de neutralisation est l’une des figures principales de ce genre de jeu. En mettant en relation les personnages-joueurs et les classes de combat, nous avons déterminé les mécaniques de jeu que chacune des classes représentait, recherchant des images et des vidéos qui pourraient les exemplifier visuellement, déterminant ainsi la jouabilité associée à tout un chacun. C’est dans ce mouvement réitéré entre les contenus narratifs, vidéoludiques et multimodaux, nous amenant à intégrer plus d’images, de vidéos et de sons, et ainsi de suite, que nous en sommes venues à ériger un récit vidéoludique fort alimenté des concepts et notions que nous avons recensés.

Au final, pour cette itération de notre dispositif, le prototype présente 191 noeuds, dont plus de la majorité recoupe au moins un autre mode que celui textuel, et plus de 1 000 hyperliens. Bien que le récit enchâssé ne soit pas complet (dû à l’incapacité de Twine de traiter davantage de noeuds multimodaux sans difficulté technique sur notre ordinateur personnel), les mécaniques de jeu les plus importantes ont été évoquées, alors que la diégèse a été grandement raffinée au fil de l’élaboration du prototype. Somme toute, trois aspects ont attiré davantage notre attention : la nécessité d’élaborer les éléments narratifs en synchronicité avec les éléments ludiques, l’usage abondant des divers modes, autres que textuels, ainsi que la segmentation des séquences de jouabilité et la création des niveaux en simultané à la création des noeuds dans l’hypertexte. D’une part, les composantes narratives et ludiques devaient être en concomitance pour être cohérentes, ce qui orientait énormément la construction de notre hypertexte multimodal. D’autre part, le caractère multimodal du jeu vidéo nous amenait à avoir abondamment recours aux divers modes pour créer des effets. Le mode visuel fut particulièrement utilisé, et ce, à toutes les sauces. Autant pour la caractérisation des personnages, que pour la représentation de l’interface, de l’écran principal, des divers menus, ainsi que des exemplifications de plusieurs mécaniques, et nous en passons. Au reste, la segmentation des niveaux et des séquences de jouabilité s’est faite en correspondance à la création des divers noeuds où se retrouvait le récit. Ainsi, le récit et la jouabilité se combinaient et venaient à être répartis selon des évènements et des phases de jouabilité différentes dues, entre autres, à la progression du récit. Par exemple, dans un noeud, l’exploration d’un lieu était la figure principale d’interactivité, alors que le récit enchâssé était délaissé au profit du récit vidéoludique. Dans un autre, la tension dramatique menait vers un combat contre un boss, etc.

Après cet exercice de longue haleine, nous avons pu constater que le prototype représentait bien l’arrimage des savoirs sélectionnés avec les compétences visées. Bien que les notions ne soient pas toujours explicitement référées, nous avons constaté qu’une grande partie des concepts répertoriés dans notre grille synthèse étaient évoqués dans notre dispositif. Ce faisant, nous avons cru bon d’avoir recours au prototype comme exemplification d’une production (quoiqu’exhaustive) d’écriture hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo pour notre dispositif didactique.

Conclusion

En conclusion, à la lumière des résultats issus des commentaires des experts recueillis par le questionnaire, nous considérons avoir atteint l’objectif poursuivi par notre recherche-développement qui était la conception et la validation par des experts d’un dispositif didactique de formation à l’écriture hypertextuelle multimodale d’un récit de jeu vidéo. Nous considérons également avoir atteint le sous-objectif sous-entendu par la création dudit dispositif didactique, soit celui d’« anticiper les savoirs et les compétences à développer pour rédiger un récit de jeu vidéo sous la forme d’un hypertexte multimodal ». Les modifications apportées dans le dispositif en réponse aux commentaires nous ont aidées à produire un dispositif que nous croyons susceptible de répondre aux besoins des personnes enseignantes qui souhaitent accorder une place à l’écriture numérique en salle de classe.

Cependant, l’absence de mise à l’essai, comme le déplorent les experts, constitue certainement une limite importante à notre recherche. Devant l’ampleur de la tâche, nous n’avons pu réaliser que les premières étapes d’une recherche-développement. Sans expérimentation du dispositif, il est impossible de percevoir les réels effets de ce dernier sur le développement des compétences hypertextuelles multimodales d’élèves de niveau secondaire. Il nous paraît donc important de poursuivre notre étude en effectuant une éventuelle recherche collaborative afin d’expérimenter une nouvelle itération de notre dispositif didactique.

Enfin, ce dispositif a eu une retombée inattendue, soit celle d’ouvrir la discussion au sujet de l’enseignement-apprentissage de l’écriture numérique et du jeu vidéo en tant qu’objet d’apprentissage. Cet aspect de notre dispositif a suscité de nombreux commentaires de la part des experts. Il a également mis en évidence un certain intérêt pour l’enseignement et l’apprentissage de la programmation et des divers modes de développement en lien avec le jeu vidéo. Nous croyons également qu’il pourrait s’avérer intéressant de se pencher sur un volet de programmation de jeu vidéo dans une éventuelle expérimentation en classe, pour mobiliser ainsi l’aspect sémiotique du jeu vidéo comme nous le proposons déjà dans cette itération de notre dispositif et l’aspect cognitif mobilisé par les sciences informatiques en lien avec le codage.