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Actualité mutualiste

La santé : de toute évidence, un enjeu pour la présidentielle

La Mutualité française souhaite mettre la question de la santé au coeur de la présidentielle, comme elle l’a montré à l’occasion de ses journées de rentrée qui se sont tenues à Lille à la fin du mois de septembre. Pour la réalisation de cet objectif, la fédération organisera une plate-forme participative, Place de la santé, permettant aux adhérents d’évaluer les propositions des candidats. Notons qu’une telle initiative avait déjà été prise à l’occasion de l’élection de 2012. Elle a le mérite de rappeler que la protection sociale, vecteur majeur de qualité de vie pour l’ensemble des citoyens, ne peut être livrée à une expertise exclusivement technique et comptable.

Il s’agit d’un enjeu majeur pour l’élection présidentielle ; les réactions qu’a suscitées l’annonce par Marisol Touraine, ministre de la Santé, d’une réduction notable du déficit du régime général de la Sécurité sociale en sont la preuve. Nonobstant la prudence affichée par la Cour des comptes devant cette déclaration optimiste, la ministre souligne que les résultats financiers sont les meilleurs depuis 2001, laissant entrevoir à une échéance plus courte que prévu la résorption du fameux « trou de la Sécu », thème récurrent de la presse sociale depuis le milieu des années 1960.

Les mutuelles s’opposent…

Cependant, l’avenir de l’Assurance maladie n’est pas si dégagé, dans la mesure où il se construit au fil des compromis signés avec les professionnels de santé et les organismes complémentaires. L’envolée des dépenses dentaires et ophtalmologiques, et plus largement des dépassements d’honoraires, pèse lourdement sur les assurés. D’ores et déjà, les organismes gestionnaires de la complémentaire santé regroupés dans l’Unocam, dont les mutuelles, ont déclaré qu’ils ne signeraient pas en l’état la nouvelle convention médicale, car des incertitudes subsistent sur les modalités et l’ampleur de leur participation financière.

De la même façon, la Mutualité française a signifié son opposition aux contrats seniors, dont les dispositions sont inscrites dans l’article 33 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016. Ces contrats doivent offrir des garanties santé minimales (sous la forme d’un panier de soins) à des tarifs plafonnés pour les plus de 65 ans. Les mutualistes s’opposent d’abord à une nouvelle segmentation de la protection sociale qui constitue, selon Thierry Beaudet, président de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) [1], une atteinte au principe de la solidarité entre les générations et entre malades et bien-portants, le seul à même de garantir la viabilité financière d’une mutuelle.

Ensuite, les mutuelles critiquent l’effet de dumping de ces contrats proposant des prestations inadéquates aux besoins de la population visée, et à un tarif non soutenable sur le long terme.

Les mutuelles expriment la crainte que ces mesures, qui ne leur laissent guère de latitude pour établir leur politique tarifaire, fragilisent leur modèle économique.

Mutualisme et économie collaborative

Le monde mutualiste se penche sur l’économie collaborative, dite aussi (parfois à tort) économie « du don » ou « du partage », qui impacte à la fois les relations sociales et des secteurs d’activité de plus en plus nombreux, en lien avec l’essor du numérique. Pour autant, si « collaboratif » et « mutualiste » semblent étymologiquement et éthiquement compatibles, il convient d’y regarder à deux fois avant d’établir des partenariats. Les mutuelles-assurances (notamment la Maif et la Macif) ont été les premières à se saisir du sujet. De fait, elles sont concernées au premier chef par le développement de plates-formes comme BlaBlaCar, Airbnb, etc., qui interpellent le contenu des contrats d’assurance automobile et habitation. L’économie collaborative était aussi à l’ordre du jour des journées de rentrée de la Mutualité française, avec deux questions fondamentales résumant le dilemme auquel est confrontée l’ESS dans son rapport à l’économie collaborative :

  • S’agit-il avant tout d’une alternative au consumérisme ?

  • N’est-elle pas porteuse d’un risque de régression des acquis sociaux attachés aux contrats de travail traditionnels ?

Dans une optique volontariste, les mutualistes estiment qu’ils doivent contribuer à infléchir ce nouveau modèle économique dans le sens du progrès social.

Poursuite des stratégies de groupe en mutualité

Cet automne verra la naissance d’un nouvel ensemble stratégique mutualiste organisé autour de trois unions. Au coeur de ce groupe se trouve l’union mutualiste de groupe (UMG) MGEN-Istya-Harmonie, composée d’Harmonie Fonction publique, de la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN), de la mutuelle Mare-Gaillard (Guadeloupe), de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) et de la Mutuelle générale de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (MGEFI). Sa feuille de route est ainsi définie : « L’UMG devra définir et faire appliquer la politique et les orientations stratégiques du groupe dans des domaines nécessaires à son développement tels que : les grands comptes collectifs publics et privés, la prévoyance, l’offre de soins et les réseaux conventionnés [2]. »

En complément de cette UMG prudentielle seront créées une union des services de soins et d’accompagnement mutualistes (SSAM) et une union de groupe mutualiste (UGM) accueillant des partenaires de la MGEN et d’Harmonie mutuelle qui n’auront pas pu (pour des raisons juridiques) ou pas souhaité intégrer l’UMG.

De par l’alignement de ses records numériques (10 millions de personnes protégées, près de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires et environ 38 000 salariés), ce groupe sera le plus grand groupe français de protection sociale et le premier réseau privé et non lucratif d’offres de soins et de services.

Le deuxième groupe de protection sociale, dénommé Aesio, se positionnera sur le podium de la complémentaire maladie dès le 1er novembre. Cette nouvelle UMG prudentielle regroupera les organismes Adréa, Apréva et Eovi-MCD. Selon le journal Les Echos [3], jamais avare de chiffres, il protégera environ 3 millions de personnes, représentera un portefeuille de 40 000 entreprises et un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros.

A l’énoncé des éléments juridiques composant ces structures mutualistes qui semblent vouées à une extension continue, à la lecture vertigineuse de leurs exploits quantitatifs, on imagine la perplexité de l’adhérent… D’autant que l’appellation des organismes, complètement banalisée, ne peut désormais lui être d’aucun appui pour en comprendre l’origine. Une certaine continuité est néanmoins assurée par la permanence des personnalités dirigeantes à la tête de ces entités en perpétuelle recomposition.

Quoi qu’il en soit, avant même d’être formellement constituée, l’UMG MGEN-Istya-Harmonie a déjà lancé une opération d’envergure, en reprenant la gestion des 43 établissements et services de la Fondation hospitalière Sainte-Marie, créée en 2005 en Ile-de-France pour les soins d’accompagnement au handicap et à la dépendance. Selon la fondation, ce transfert d’activités se fonde sur une conception partagée des principes qui doivent guider l’action sanitaire : « Une volonté de répondre aux besoins de santé dans une logique de proximité, de valoriser et de fluidifier les parcours de soins, d’encourager la coordination entre les professionnels et le travail en réseau et de défendre le secteur non lucratif, ses valeurs associées et ses enjeux [4]. »

Par ce biais, l’UMG MGEN-Istya-Harmonie pourra, en accord avec la loi sur l’ESS de 2014, conclure des partenariats avec des fondations ou des associations.