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La société industrielle a érigé le couple travail et sécurité comme grand compromis de la question sociale. Aujourd’hui, nous assistons à la métamorphose de ce couple pour laisser place aux désaffiliations et aux exclusions. Pour ce numéro, en faisant écho aux propos de Castel (1994), nous cherchions à explorer le lien entre le travail et l’insertion ou l’intégration sociale. Dans le contexte économique actuel, marqué par la mondialisation des marchés, l’âpreté de la concurrence internationale, la progression des nouvelles technologies, la remise en cause des interventions de l’État dans les domaines social, de santé et communautaire, il faut se demander si le travail demeure au centre des stratégies d’insertion et d’intégration en vue de favoriser le mieux-être des collectivités. Dans notre monde, l’idéologie dominante de la réussite économique met de l’avant l’épanouissement de l’homme grâce au travail. Pourtant, la souffrance au travail existe et si le travail peut être source de bonheur, il semble bien que sa face cachée y figure aussi.

Deux exemples nous viennent immédiatement à l’esprit pour illustrer les difficultés d’intégration au marché du travail qu’éprouvent de nombreuses personnes.

Premier exemple : l’augmentation du salaire minimum

Récemment, le gouvernement ontarien annonçait qu’il augmenterait le salaire minimum. En 2003, le taux horaire de 6,85 $ permet à une personne seule travaillant quarante heures semaine, de disposer d’un revenu annuel avant impôt de 14 248 $. Ce revenu est déjà inférieur de près de 700 $ au seuil estimé de faible revenu avant impôt pour une personne seule dans une agglomération de moins 30 000 habitants, soit 14 940 $ en 2001 (Conseil national de bien-être social 2002: 161), faut-il le souligner. Et même en haussant le taux horaire à 7,15$ en 2004 et en l’amenant graduellement à 8,00 $ l’heure en 2007, le gouvernement sait très bien, que le fossé entre le revenu réel de base et le seuil de faible revenu se creusera davantage. Ainsi, cette augmentation du salaire horaire réduit à la pauvreté les travailleurs. Aux dires du Conseil national du bien-être social, «le fait d’occuper un emploi est loin de constituer une pleine garantie contre la pauvreté. Plus de 40 pour cent des familles canadiennes vivant dans la pauvreté en 1999 […], avaient comme chef de famille une personne qui occupait un emploi. Les mères seules travaillant à temps plein et à l’année avaient un taux de pauvreté de 19,7 pour cent » (2002: 8). Le processus de marginalisation est déjà bien visible à ce niveau. Selon Castel (1994), dans une typologie qui distingue un processus de décrochage comportant trois zones (intégrée, vulnérable, désaffiliée), nous serions ici dans une zone de vulnérabilité. «Cette zone de vulnérabilité, en particulier, occupe une position stratégique. C’est un espace social d’instabilité, de turbulences, peuplés d’individus précaires dans leur rapport au travail et fragiles dans leur insertion relationnelle. D’où le risque de basculement dans la dernière zone, qui agit ainsi comme une fin de parcours. C’est la vulnérabilité qui alimente la grande marginalité ou la [zone de] désaffiliation», caractérisée par l’absence de travail et l’isolement relationnel» (Castel 1994: 16). Un programme comme Ontario au travail vise particulièrement cette dernière «clientèle».

Sans rappeler les origines d’un tel programme, que la revue Reflets a évoqué à plusieurs reprises, soulignons que la réforme de l’aide sociale, initiée par le gouvernement Harris, établissait une distinction entre les aptes et les inaptes au travail. Pour les personnes aptes au travail, on les obligeait pour recevoir des prestations, à prendre part à certaines mesures d’employabilité propres à favoriser leur intégration rapide au milieu du travail, d’où le nom évocateur du programme Ontario au travail[1] . Cela dit, le but politique de la réforme était de réduire le nombre de prestataires en brisant le cycle de la dépendance et en rendant moins attrayant l’aide sociale (réduction des montants alloués de 21,6 %), mais également en enjoignant les prestataires désireux de retourner aux études à demander des prêts et bourses de RAFEO (Régime d’aide financière aux étudiants de l’Ontario). Aux dires du gouvernement Harris, l’objectif a été atteint grâce à une opération de maquillage qui n’a fait que déplacer une partie des bénéficiaires d’un programme vers un autre. C’est dans ce contexte qu’il faut situer notre second exemple.

Deuxième exemple : le cas de Kimberly Rogers

Le second exemple est le cas de Kimberly Rogers. L’enquête du coroner, suite au décès de Kimberly Rogers, a mis en relief les effets drastiques des politiques provinciales relatives à l’aide sociale. Rappelons brièvement les faits.

Kimberly Rogers, enceinte de huit mois, est décédée dans son appartement durant une vague de chaleur en août 2001[2] . Elle avait été condamnée à une peine d’assignation à domicile pour fraude de l’aide sociale parce qu’elle avait reçu à la fois des prestations d’aide sociale et un prêt étudiant. Sa condamnation a été sévère:

  1. six mois d’assignation à résidence;

  2. autorisation de sortir de son appartement trois heures seulement à tous les mercredis;

  3. remboursement du montant excédentaire reçu à titre de prêt étudiant de 13 648,31 $;

  4. période de probation de 18 mois;

  5. déchéance du droit d’être dispensée du remboursement partiel de son prêt étudiant et,

  6. pas de revenu pendant trois mois.

Suite à cette condamnation, les prestations qu’elle recevait aux termes du programme Ontario au travail ont été suspendues pour trois mois et on lui a retiré sa carte médicament. Elle a ainsi été laissée sans aucun soutien financier, sa période de détention à domicile la privant de toutes possibilités de gagner un revenu. Selon Hancock et Cressey-Forsyth, pendant l’enquête, «la nature paralysante et répressive des structures et du processus de l’aide sociale, y compris les règlements au sujet de l’admissibilité au Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario, était évidente dans les preuves données, de même que l’indifférence face aux besoins spéciaux d’une femme enceinte laissée sans moyens de subsistance adéquats (2003: 11). De toute évidence, en regardant les recommandations du jury à l’enquête du coroner, celui-ci n’a pas été insensible aux preuves décrivant les conditions de vie des assistés sociaux et des politiques en matière d’aide sociale qui avaient joué un rôle dans la mort de Kimberly Rogers.

Certaines recommandations ont été reprises par de nombreuses coalitions qui se battent pour la justice sociale en Ontario :

  • que l’on cesse d’exclure temporairement ou à vie ceux qui ont été reconnus coupables de fraude à l’endroit de l’aide sociale;

  • que l’on détermine si les sommes accordées par l’aide sociale sont suffisantes et que l’on fixe le taux des prestations en fonction du coût de la vie dans une ville ou une région donnée;

  • que l’on n’interrompe pas le remboursement de médicaments prescrits pour le traitement des maladies graves du programme Ontario au travail durant les suspensions;

  • que l’on donne aux administrateurs locaux du programme Ontario au travail un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les suspensions de prestations;

  • que l’on mette sur pied un comité formé de diverses parties intéressées en vue de concevoir une formule permettant de mesurer la pertinence d’entamer des poursuites en cas d’allégations de fraude à l’endroit de l’aide sociale (une telle formule devrait prévoir une évaluation de la situation du prestataire et des conséquences d’une condamnation sur lui et sur toute personne à charge).

Bien plus que la fraude, le cas de Kimberly Rogers met en lumière les changements des politiques du gouvernement de l’Ontario par rapport à l’intégration au travail et l’employabilité des personnes. Or, nous savons que «le risque d’être pauvre décroît avec la hausse du niveau de scolarité et varie selon la situation familiale. Les mères seules n’ayant pas de diplômes d’études secondaires avaient le plus haut taux de pauvreté, soit 82,3 pour cent» (Conseil national du bien-être, 2002 : 8). C’est la filière scolaire qu’avait choisie Kimberly Rogers pour sortir de l’aide sociale. En faisant des études collégiales pour lesquelles elle avait reçu une mention de A, elle cherchait à s’intégrer au marché du travail. Dans cette tentative, elle a été prise au piège.

En fait, le gouvernement offre aux assistés sociaux trois filières en vue d’améliorer leur employabilité. La première est la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi, la rédaction d’un curriculum vitae, la façon de se préparer à une entrevue, etc. En somme, il s’agit d’une recherche intensive d’emploi. La seconde comporte un volet éducatif, où on permet au bénéficiaire de compléter sa scolarité secondaire de base, de parfaire ses compétences linguistiques, etc. Notons qu’environ 40 % des participants au programme Ontario au travail ont un niveau de scolarité ne dépassant pas le secondaire. De plus, une large proportion d’entre eux a reçu leur éducation à l’extérieur du Canada. Or, ces nouveaux arrivants font face à des difficultés énormes afin de faire reconnaître leur éducation (Lightman, Mitchell et Shillington 2003). De plus, cette seconde filière comprend aussi l’acquisition d’habiletés parentales ou la formation requise (certificat) pour occuper un emploi précis. La troisième filière prend la forme de placement dans la collectivité, auprès d’organismes communautaires, dont le but est d’offrir aux participants une opportunité d’acquérir de l’expérience, de créer des réseaux de contacts et d’accroître sa confiance. À ce niveau, rappelons que la majorité des assistés sociaux n’est pas dépourvue d’expériences de travail. Par ailleurs, il existe théoriquement aussi des placements en entreprise, mais ceux-ci sont plus limités en raison des conflits avec le marché du travail officiel. La répartition des participants entre ces différentes filières était approximativement la suivante: 50 % dans la filière recherche intensive d’emploi, 20 % dans la filière éducative et 30 % dans les placements communautaires. Si la filière recherche intensive d’emploi est valorisée dans le cadre du programme Ontario au travail, c’est qu’elle permet une sortie rapide de l’aide sociale à moindre coût. «L’idée derrière Ontario au travail est simple : sortir les gens de l’assistance le plus rapidement possible et à moindre coût, réduisant ainsi les investissements publics requis pour accomplir cet objectif — rien de moins, rien de plus que ce qui est exigé pour favoriser le déplacement des gens vers un emploi et son maintien » (traduction libre, Workfare Watch Project 1999: 2). Dans un tel contexte, le choix de Kimberly Rogers de poursuivre des études avancées cadraient mal avec la politique du gouvernement. Les diverses études montrent les déficits dans les politiques de l’aide sociale afin de promouvoir et améliorer véritablement le statut économique des prestataires.

Ces deux exemples d’une pauvreté intégrée (une pauvreté travailleuse) et d’une indigence intégrée (qui relève des secours, liée à l’insertion communautaire), pour reprendre les catégories de Castel (1994), montrent bien que le travail occupe une place centrale dans nos sociétés, malgré les prophètes comme Jeremy Rifkin (1997) qui en prédisent la fin. Pourtant, le travail a toujours été socialement contradictoire. Enjeu essentiel de la domination sociale, il est aussi un médiateur de l’émancipation. Tantôt source de plaisir, tantôt cause de souffrance, ce numéro de Reflets cherchera à élucider certains processus qui se nouent à partir du travail.

Et le contenu du numéro

Dans ce numéro de Reflets, le travail est la toile de fond qui permet aux auteures et auteures de montrer les difficultés et les obstacles rencontrés dans ce milieu. Au terme de ce numéro, ce fil conducteur permet de se demander dans quelle mesure le travail conduit au mieux-être? La réponse n’est pas aisée, comme vous le constaterez.

D’emblée, Louis Durand, dans un court billet remplaçant la traditionnelle entrevue, discute du sens du travail à l’heure actuelle. Il constate que nous travaillons effectivement plus qu’auparavant, les heures de travail informelles ayant augmenté afin de répondre aux exigences d’efficience. Il questionne l’idée que le travail soit une source d’épanouissement. Selon lui, il est davantage teinté d’insécurité dans la conjoncture économique actuelle[3] . L’insécurité «réfère à l’incertitude entourant la situation d’emploi, à la menace de perdre un emploi ou à l’impossibilité pour les nouveaux arrivants, notamment, de s’insérer dans le marché du travail» (Malenfant, LaRue, Mercier et Vézina 2002). De plus, selon Durand, la course effrénée au succès professionnel, gage d’un statut social, mène à la consommation, voire à la surconsommation. Dans un tel contexte, la frange sociale des moins nantis, compte tenu des règles sévères en place, fait face à des conditions qui se détériorent rapidement.

Reflets de plusieurs réalités, les articles du Dossier et des Pratiques à notre image de ce numéro touchent différentes problématiques qui soulèvent des questions sur la difficile conjugaison entre le travail et le mieux-être des personnes dans le contexte sociopolitique et économique actuel. Les articles présentés offrent des pistes de réflexions orientées vers deux pôles. Le premier questionne les pratiques en milieu de travail et le second, les changements à effectuer afin d’améliorer les différentes situations.

À partir d’une observation des obstacles liés à l’intégration au marché du travail, Pascale Houle nous invite à connaître la réalité socio-économique des femmes francophones monoparentales à faible revenu de la ville d’Ottawa et leurs besoins en matière de services en français. Pour les femmes interrogées, le travail est le vecteur de leur intégration. Aptes au travail, elles font face à plusieurs obstacles : faible rémunération, discrimination à l’embauche, conciliation travail et famille, unilinguisme et manque de formation dans leur langue. Pour Houle, la réponse à cette situation se situe à la fois au niveau personnel et collectif. D’une part, elle montre que les femmes interrogées font des efforts considérables afin de s’intégrer, et de l’autre, elle rappelle l’obligation qui nous incombe comme société d’offrir les conditions propres à supporter leurs efforts en leur permettant de participer pleinement au développement de la collectivité.

Au plan de l’analyse des situations de travail, l’article de Marie-Luce Garceau, celui de Sika Eliev et Christiane Bernier et enfin, celui de Marie Drolet et Denise Ouellette abordent la problématique des conditions de travail dans des milieux forts différents.

Ainsi, Garceau montre que le harcèlement sexiste et sexuel existe en milieu postsecondaire dans les institutions du Nord de l’Ontario et qu’il teinte les relations de nombreuses femmes qui y étudient ou y travaillent. L’auteure montre que le milieu d’éducation postsecondaire de cette région est empreint de formes de harcèlement instaurant un climat sexiste et un climat empoisonné de travail et d’études. On imagine aisément le quotidien intolérable des femmes aux prises avec des personnes affichant ouvertement des comportements sexistes ou sexuels. Or, il existe, selon elle, une résistance à reconnaître le harcèlement sexiste et sexuel, voire une forte tentation à le banaliser ou à le taire. Par conséquent, le mieux-être des femmes de ces institutions passe, selon Garceau, par la promotion d’un milieu exempt de ces types de comportements.

De par son approche théorique sur le sexisme ambiant en milieu du travail, l’article d’Eliev et Bernier fait écho à celui de Garceau. En effet, elles montrent que le sexisme, malgré les efforts organisationnels pour l’enrayer, continue son bonhomme de chemin. Selon Eliev et Bernier, il est primordial que les femmes aient accès au marché du travail afin d’obtenir leur indépendance économique et l’égalité véritable. Elles doivent aussi pouvoir occuper des emplois exempts de discrimination. Or, leur réflexion sociologique apporte un éclairage intéressant sur les trajectoires de femmes qui occupent des postes de cadres supérieures dans une entreprise majoritairement masculine. Les relations de travail y sont teintées d’ambiguïtés. Ces femmes cadres sont fortement éduquées, leur performance surpasse celle de certains de leurs collègues masculins, elles possèdent la détermination et les qualifications nécessaires pour occuper de tels postes. Pourtant, elles se heurtent continuellement à la culture traditionnelle masculine empreinte de stéréotypes sexistes, qui leur rappelle qu’elles ne sont pas à leur place. Par conséquent, l’avancement des femmes dans ce milieu de travail nécessite une transformation de l’idéologie patriarcale des entreprises. L’accession des femmes en plus grand nombre dans les postes de pouvoir et le développement d’une solidarité entre femmes gestionnaires seront-ils garants de cette transformation?

Si les effets de structures sont visibles dans les textes de Garceau et d’Eliev et de Bernier, celui de Drolet et Ouellette analyse les innovations technocratiques liées à la réforme ontarienne de la protection de l’enfance et leurs impacts sur les conditions de pratique des intervenantes des Sociétés d’aide à l’enfance (SAE). Les difficultés inhérentes à l’application de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille et la mise en place de nouvelles grilles standardisées servant à l’évaluation des risques d’abus et à la planification permanente des services destinés aux enfants placés sous leurs soins, manifestent une volonté gouvernementale d’encadrer le travail des intervenantes. Certes, le mieux-être des enfants demeure encore l’objectif des intervenantes et la mission des SAE, mais les transformations questionnent le mieux-être des intervenantes et leur capacité réelle de répondre à des demandes toujours plus complexes. En effet, le travail des intervenantes en SAE peut se situer sur un axe qui oppose d’un côté, l’art de la profession et la sagesse qui accompagne leurs pratiques, et de l’autre, la science et la technocratie, imposée par la légalité et les obligations qui leur incombent. Clairement, le gouvernement semble avoir opté pour la science dans les transformations en cours. Mais que reste-t-il alors aux intervenantes? Sont-elles en train d’être dépossédées de leur savoir ou sont-elles devenues la proie d’un système qui les exclue d’une pratique professionnelle qui est la leur?

Ces questions nous forcent à nous pencher sur le travail social comme travail du social. Saisissant sa propre pratique d’intervenant social comme une sorte de parcours initiatique, Nérée St-Amand nous invite à une réflexion personnelle et professionnelle sur les limites et les contradictions de la pratique du service social. Fervent défenseur des pratiques de résistance et d’action sociale, St-Amand se pose en porte faux contre les logiques et les pratiques dites efficaces qui ne font que répondre aux besoins de contrôle et d’administration d’un système, au détriment des besoins humains.

Les besoins humains, pour Alice Home et Stéphanie Pierce, sont au coeur de l’exercice de conciliation travail-famille pour les femmes qui vivent avec des enfants atteints du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA). Constamment aux prises entre le fardeau des soins à offrir, l’insuffisance des services et leur activité de travail, non seulement ces femmes vivent-elles de nombreux défis mais elles le font souvent au prix de leur propre santé. Certes, lorsque ces femmes occupent un emploi, elles n’ont vraiment pas le loisir de pouvoir penser à «une carrière». Plutôt, elles doivent la sacrifier pour se concentrer sur les besoins des enfants et de la famille. Dans un tel contexte, la réalisation de soi est mise de côté au profit de l’urgence qui s’impose. Ceci dit, on ne peut que «lever le chapeau» au courage, à la volonté et à la ténacité de ces femmes.

Dans la Péninsule acadienne comme dans certains coins de la ville d’Ottawa, plusieurs personnes sont ballottées entre l’aide sociale, l’emploi temporaire, l’assurance-chômage et l’aide sociale, et rares sont les emplois qui leur permettent de sortir de la précarité, voire de la pauvreté. Encore ici, alors que les personnes sont aptes au travail, la faiblesse de leur scolarité les rend vulnérables, leurs gains demeurent fragiles, le travail salarié permanent est absent de leur vie et leur intégration économique est limitée. Dans un contexte de sous-développement, il n’est pas surprenant de constater les difficultés qu’éprouvent les personnes pour surmonter leur isolement social et réintégrer le marché du travail. Dans le but de contrer la précarité, deux projets sont mis de l’avant. Pour Isabelle Légère, l’approche de «Familles et communautés d’abord», organisme qui favorise l’émergence de projets d’économie sociale, peut aider à solutionner une partie du problème. Quant à Pascale Houle et Magnolia Soutyrine, c’est par le biais des «Ailes francophones» que l’on soutient les femmes francophones canadiennes et néo-canadiennes. Les deux projets sont fondés sur l’empowerment, comme moyen de développement des capacités des individus dans leur quête de réintégration à l’emploi.

Nous avons déjà souligné que le contexte économique actuel est marqué par la progression des nouvelles technologies. Dans son texte, Julie Boissonneault aborde la façon dont on conjugue avec ces technologies. Elle analyse l’impact des nouvelles technologies de la communication sur les représentations qu’on se fait d’être professeur, sur le métier d’enseigner.

Sur une note bien différente et qui touche davantage l’intervention que le travail, Francine Ouellet et Gilles Forget invitent les travailleurs et les travailleuses sociales francophones de l’Ontario à réfléchir à la place des pères et à celle que nous leur faisons dans nos pratiques auprès des familles. Le programme Pères en mouvement / Pratiques de changement promeut l’engagement paternel dans le développement social, intellectuel et psychologique des enfants. Si le problème du désengagement des pères, voire leur absence, dans la sphère domestique a fait l’objet de nombreux travaux, tout particulièrement dans la littérature sur les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, l’idée d’offrir une formation sur l’importance de l’engagement paternel ne peut être que la bienvenue à une époque marquée par le divorce.

Finalement, Gilles Renault nous souligne l’importance du Consortium national de formation en santé et quel rôle, l’Université Laurentienne, est appelé à y jouer. La santé s’étant imposée graduellement comme un enjeu de société majeur, il est important que la francophonie hors Québec y fasse sa place.