Article body

Les personnes qui se passionnent pour la généalogie le font habituellement par curiosité pour connaître leurs ancêtres. Ainsi, un peu de leur histoire familiale leur est révélé. Bien qu’elle soit intéressante, la lignée paternelle traditionnelle est loin d’être satisfaisante, pour les femmes en particulier, car on sait pertinemment que la vie ne vient pas que du père.

La recherche de Pierre-Yves Dionne apporte un éclairage nouveau. Elle met en avant l’idée de transmettre à de futures générations le nom d’un ancêtre commun aux filles de la famille qui transmettraient ce nom à leurs filles et ainsi de suite.

Le livre De mère en fille résume cette recherche qui converge vers une méthode originale : le fait de développer la lignée maternelle pour transmettre le nom de la première femme (p. 17). Cinq courts chapitres résument la question : le premier, « Patronyme et identification personnelle » (p. 3), traite des us et coutumes ainsi que des particularités et insuffisances des traditions anglaise, espagnole et québécoise. Le deuxième, « Comment y parvenir ? », démontre le bénéfice majeur, pour les femmes en particulier, de faire un arbre généalogique à partir de la lignée maternelle. C’est à cet exercice que sont consacrés les trois chapitres suivants, où l’auteur prend pour exemple le cas de ses propres ancêtres.

Au xviiie siècle, selon l’auteur (p. 15), « Antoine Dionne et Catherine Yvory [ont] quatorze enfants dont seulement un fils et quatre filles [laissent] une progéniture. Alors […] si tous les Dionne d’Amérique […] se réclament d’Antoine et conséquemment de son fils Jean, unique descendant mâle, comment se fait-il que personne ne se réclame de Catherine Yvory ? » De plus, poursuit l’auteur, « théoriquement les descendantes de Catherine […] sont même plus nombreuses que les descendants mâles car les quatre filles ont laissé une vaste progéniture » (p. 15).

L’auteur présente ensuite, au moyen de tableaux, un procédé qui permet de remédier au problème de l’absence coutumière des noms de femmes dans la filiation. On y montre qu’un tableau d’ascendance maternelle se lit de bas en haut, jusqu’à la première mère, celle qui est à l’origine des mères de l’ascendance. Les descendances successives de cette première mère donnent ce que l’auteur appelle « la lignée maternelle ».

Cette façon de faire, « vraiment novatrice », comme le souligne Claire L’Heureux-Dubé dans sa préface (p. vii), ne prétend pas régler tous les problèmes. Il est vrai que l’on peut l’adapter assez facilement à un pays de petite taille comme le Québec où, pour la plupart des familles, il est possible de retourner aux sources et de garder ainsi une trace de ses origines. Cependant, quel nom prendraient les personnes d’origine amérindienne ou inconnue ? La recherche affirme que, lorsqu’il n’est pas possible de remonter le fil du temps, la transmission du nom de la mère pourrait se faire, à partir d’aujourd’hui, en donnant le nom de la mère aux nouveau-nés et en exigeant la conservation de ce nom pour les générations futures. Cette solution découle d’une approche qui « confère à la femme [une] identité propre et complète » (p. 30).

Selon nous, plusieurs questions demeurent, comme la difficulté que peut entraîner une juxtaposition de noms. Un autre problème, qui existe aussi du côté de la lignée directe paternelle, est le fait que la méthode laisse tomber toutes les familles intermédiaires entre l’ancêtre commun et l’individu actuel. La mère ne transmet à ses filles qu’une partie de son nom de famille. Elle laisse dans l’oubli toute sa parenté masculine. On sait qu’il sera toujours impossible de conserver tous les noms de nos ancêtres, mais comment peut-on retrouver, par exemple, la lignée sanguine (ADN) d’une personne si l’on ne connaît pas celle de sa grand-mère ou de son arrière-grand-mère ni celle de son grand-père ou de son arrière-grand-père ? Nous rejoignons l’auteur lorsqu’il affirme qu’il sera toujours nécessaire de connaître, pour toute personne, la filiation la plus complète possible, à la fois masculine et féminine.

Le livre de Pierre-Yves Dionne donne plusieurs informations pertinentes sur la généalogie, l’ADN, les dispositions du Code civil du Québec concernant les naissances, les mariages et les décès. Enfin, il explique où et comment commencer une recherche généalogique.

L’aspect particulièrement original de cette recherche est sa contribution à la prise de conscience de l’importance de la lignée maternelle. En suivant les nombreux exemples et les instructions claires de l’auteur, les lectrices et les lecteurs sont invités à découvrir la véritable identité de la première mère à l’origine de leur existence dans ce pays. Si plusieurs personnes adhéraient à la recherche de leur lignée maternelle, et choisissaient ainsi de porter et de transmettre le nom de leur première mère, cette pratique, comme l’affirme la préface, causerait un choc dans le monde de la généalogie (p. vii) et dans la société. N’est-ce pas, d’ailleurs, souvent le cas lorsqu’on prend d’abord le point de vue des femmes ? Le livre de Pierre-Yves Dionne donne le goût de provoquer ce choc !