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En refermant le livre d’Huguette O’Neil, on se demande comment l’auteure a pu rendre fascinant le récit d’une vie aussi diversifiée… qu’un répertoire ! Comment a-t-elle pu décrire, sans ennuyer la lectrice ou le lecteur, ce dévidoir (pour emprunter une expression de Rilke) de tâches, d’emplois multiples, d’essais, de recommencements, qui ont mené Yvette Rousseau, jeune enseignante d’école de rang, au poste prestigieux de sénatrice ? Il est long le chemin de Saint-Éleuthère (Témiscouata) jusqu’à Ottawa.

Huguette O’Neil a réussi ce tour de force dans une langue belle et simple qui sait cultiver l’intérêt et même quelquefois le suspense. Mis à part une introduction un peu lente, retraçant la lignée des ancêtres, le récit démarre et nous entraîne d’un événement à l’autre vers la réussite de cette vie remarquable, pour ne pas dire extraordinaire, qu’a été celle d’Yvette Rousseau.

Le talent de l’auteure sait habilement lier la vie professionnelle de son héroïne à sa vie de famille. Il serait facile d’oublier cette dernière au profit de l’ascension étonnante de cette femme passionnée et ambitieuse vers les sommets. En effet, la trajectoire d’Yvette Rousseau ne manque pas de surprendre : institutrice, ouvrière, syndicaliste, sénatrice.

Dès son enfance, on sent que le but d’Yvette Rousseau est d’améliorer son sort, de se libérer d’une condition modeste et limitée qu’elle ne méprise pas, mais qui convient nullement à ses aspirations. Elle rêve de s’instruire et, plus tard, de faire instruire ses enfants, quel qu’en soit le prix.

À mesure qu’elle prend connaissance de la montée du féminisme, Yvette sent le besoin d’agir. Elle veut changer la vie des femmes qu’elle côtoie et qu’elle voit trimer dans le rôle difficile et résigné d’épouse de colon ou dans celui non moins exigeant d’ouvrière du textile dont elle expérimente elle-même le quotidien.

Yvette Boucher naît en 1917, à Saint-Éleuthère, sur les rives du lac Pohénégamook. C’est un lieu de colonisation. Son père, Alexis, bûche pour les grandes compagnies forestières. Il se marie à Bernadette Marchand qui lui donne douze enfants dont Yvette est l’aînée.

L’auteure décrit bien la vie misérable de ces familles contraintes à suivre le père dans les différents chantiers ou à défricher une terre souvent ingrate pour s’y bâtir une maison. Elle montre à quel point les femmes de ces colons tiennent avant tout à faire instruire leurs enfants. La mère d’Yvette, Bernadette, était de celles-là. Elle obtient enfin d’ancrer sa famille, pour un temps, à Saint-Éleuthère afin que les petits puissent aller à l’école.

Au dire de sa biographe, Yvette est très intelligente et réussit bien en classe. L’institutrice se rend compte du talent de la petite fille et l’encourage à poursuivre ses études au-delà du primaire.

En 1929, l’économie de la province vacille. L’auteure fait découvrir avec un réalisme prenant l’impact de la crise des années 30 sur les plus pauvres. Elle révèle, en même temps, le courage et l’ingéniosité des femmes de l’époque. Que n’ont-elles pas inventé pour subvenir aux besoins d’une famille nombreuse ?

À 15 ans, Yvette s’exile pendant les mois d’été, de l’autre côté de la frontière toute proche, et travaille comme domestique. Il lui faut gagner un peu d’argent pour payer ses études au couvent de Rivière-Bleue.

En 1933, la jeune fille obtient avec succès son brevet d’enseignement qu’elle appellera plus tard « son petit diplôme ». La municipalité lui confie l’école du rang Huit de Saint-Athanase. À 16 ans, Yvette est responsable d’une classe de 45 élèves, du cours préparatoire à la sixième année. La biographe, qui a pu consulter les notes intimes de son amie, révèle « que ces deux années d’enseignement apprennent à Yvette à servir. Servir dans sa dimension la plus large. Cet apprentissage la suivra toute sa vie » (p. 73).

Au milieu des années 30, vient l’heure des choix. Yvette est jolie, pleine d’entrain, habile couturière. Quand arrive le printemps, le retour des bûcherons donne lieu à de joyeuses retrouvailles. C’est au cours d’une de ces soirées de rigodon qu’Yvette Boucher rencontre son futur époux, Benoît Rousseau. Elle a 18 ans, il en a 30, mais l’amour comble tout. Ils se marient le 20 juin 1935 et Yvette abandonne son poste d’enseignante. Comme le veut la tradition, une femme mariée ne peut travailler qu’à la maison.

O’Neil met en lumière les états d’âme de son héroïne : ses difficultés à côtoyer sa belle-famille où les circonstances l’obligent à demeurer, sa solitude lorsque son mari la quitte pour les chantiers, son dédain des travaux de la ferme. Sa morosité aussi. Bien qu’elle soit heureuse d’être enceinte dès la première année, Yvette vit une grossesse difficile. Au retour de son mari, en mars, Yvette lui confie « que son plus grand rêve est de vivre en ville où sont accessibles le savoir et le travail » (p. 89). Pour Benoît, très peu instruit, la chose est impensable, car son métier de cuisinier de chantier se transforme tous les étés en celui d’agriculteur.

Au mois d’août 1936, la jeune femme accouche d’une petite fille : Chantal. Yvette se sent revivre, note l’auteure. Une amie institutrice lui apporte journaux et revues. De mieux en mieux informée, Yvette applaudit de loin au succès de Laure Gaudreault et aux luttes fructueuses de Léa Roback et de Rose Pesotta.

Son désir d’habiter la ville s’accentue. Elle essaie en vain de rallier son mari à ses élans d’émancipation. Ce dernier souhaite plutôt acheter une ferme pour continuer la tradition familiale. Huguette O’Neil nous décrit la crise intérieure de la nouvelle maman. Révoltée, Yvette ? Non, mais de plus en plus consciente de la différence entre la condition des femmes et celle des hommes.

En plein Jour de l’An, Yvette accouche d’un deuxième enfant sans la présence de son mari, toujours aux chantiers. Au printemps, Benoît cède à son attirance de retour à la terre et loue une petite ferme à Saint-Antonin. Il y déménage sa famille. Yvette, contre son gré, y vivra douze ans. C’est à travers de lourdes tâches, précise l’auteure, que l’apprentie fermière mettra au monde ses six autres enfants.

En 1950, Benoît quitte la terre et tâte du métier de boulanger à Saint-Antonin. O’Neil décrit les difficultés de l’après-guerre. Les progrès de plus en plus exigeants de la mise en marché (on demandait que les pains soient enveloppés et scellés) mettent fin aux ambitions de Benoît. La boulangerie doit fermer ses portes : « La famille Rousseau se retrouve une fois de plus sans argent et endettée » (p. 132).

Ce que nous racontons ici n’est qu’un aperçu de ce que la biographe permet de découvrir, car, à travers l’histoire du couple, tous les événements politiques et sociaux de l’époque sont relatés. On assiste notamment à la rude montée du féminisme à laquelle Yvette Rousseau s’intéresse de plus en plus.

En octobre 1952, Benoît se trouve un emploi dans l’État de New York. Le cuisinier est un homme vaillant qui accepte les heures supplémentaires. A-t-il abusé de ses forces ? Le voilà victime d’une hémorragie cérébrale à son travail. Il est transporté d’urgence dans un hôpital de Sherbrooke. Yvette accourt pour constater que son mari est paralysé du bras et de la jambe gauches. Son langage est aussi affecté. La jeune femme de 35 ans, dit O’Neil, doit faire face à une triste réalité : se décider à accepter du gouvernement une allocation de mère nécessiteuse. Pour cet esprit fier, c’est une honte.

L’auteure raconte qu’Yvette souhaite tenter sa chance ailleurs et risquer le tout pour le tout. Une amie de Coaticook lui vante l’expansion économique de la petite ville. Les usines se multiplient, semble-t-il, et le travail est à portée de main. Yvette en parle à son mari qui accepte le défi. Un voyage, une entrevue chez Penman’s (industrie du textile), et Yvette est embauchée comme femme de plancher (inspectrice) à 20 dollars par semaine. Les événements se précipitent, O’Neil le rappelle avec humour. Yvette achète une maison, grâce à la générosité d’un oncle qui accepte de lui prêter de l’argent. Le déménagement est une véritable épopée. Pour Benoît, Yvette et leur famille, la petite ville prospère fait l’effet d’une Terre promise (p. 136). Ainsi commence la vie publique d’Yvette Rousseau.

Le nouveau travail est exigeant, la jeune femme se rend compte de la condition pénible des ouvrières de Penman’s, et leur sort, hélas, est celui de toutes les ouvrières du textile de la province. Sa biographe raconte qu’Yvette apprend à aimer son métier. Elle n’a pas le choix. À travers ses épreuves, elle trouve sa consolation dans la religion et prie pour que la nouvelle maison, vieille, sale et sans commodités, devienne un endroit « vivable » où la famille pourra s’épanouir.

Un incident se présente un jour à l’usine. Yvette décide de troquer ses responsabilités de femme de plancher pour celles d’une ouvrière forcée d’abandonner son poste de couturière. Yvette s’empare de la machine sophistiquée et plus payante, et déclare : « C’est moi qui la garde » (p. 149). Le patron n’est pas d’accord et lui ordonne de reprendre ses fonctions. L’auteure dépeint bien la scène. Yvette se plie aux décisions de son supérieur, mais elle dépose un grief au président du tout nouveau syndicat. Elle gagnera sa cause. C’est le début de son engagement dans le syndicalisme. Elle occupe bientôt chez Penman’s les fonctions de secrétaire du conseil exécutif et connaît de près toutes les luttes inhérentes à l’implantation des syndicats dans la province ; « Yvette devient militante et le syndicalisme deviendra pour elle une école » (p. 155). En 1960, au prix d’efforts répétés et tenaces, naît la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Yvette Rousseau, à ce moment, occupe le poste de présidente du comité féminin de la Penman’s.

O’Neil raconte qu’« un temps nouveau pointe à l’horizon, grâce à une équipe d’intellectuels dirigée par Jean Lesage qui se retrouve à la direction du parti libéral du Québec au pouvoir de 1960 à 1966 » (p. 165). Une première femme, Claire Kirkland Casgrain, est élue députée libérale en 1961. Elle sera l’artisane du projet de loi 16, qui sera une victoire éclatante pour les femmes. « La loi 16 modifie le statut légal de la femme mariée.  Une femme n’est plus tenue de présenter la signature de son mari pour effectuer des transactions courantes […]  On lui reconnaît enfin le droit d’être une personne autonome à l’intérieur de la société conjugale. » (cf. L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles. Collectif Clio.  Le Jour éditeur, 1992 : 443.)

Au même moment, Yvette Rousseau vient d’accéder au poste de responsable du Service d’économie familiale de la CSN et travaille avec André Laurin (p. 166). Non satisfaite de cette promotion importante, Yvette « se lance dans une autre arène » (p. 168), souligne O’Neil, et se fait élire au conseil d’administration de la caisse populaire de Coaticook. Elle réussit à y obtenir un budget pour instaurer des cours de crédit à la consommation. Ce poste la fera connaître dans toute la province.

La voilà qui fréquente Jean Marchand et Marcel Pepin. Huguette O’Neil révèle qu’Yvette Rousseau, devant ces universitaires chevronnés, se sent en position d’infériorité. Elle souhaiterait se scolariser davantage, mais en a-t-elle le temps ?

Dans le cinquième volet de son livre, l’auteure décrit les circonstances qui ont mené Yvette Rousseau au poste envié de sénatrice en prenant comme tremplin un passage à la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Il faut se souvenir qu’en 1966 Thérèse Casgrain fonde cet important organisme en regroupant les associations féministes existantes. Le congrès de fondation a lieu à Montréal au mois d’août. On aura compris, souligne O’Neil, que, « toujours aussi décidée, Yvette devine, par instinct, qu’avec la Fédération des femmes du Québec, elle pourrait aller loin » (p. 188). Faut-il s’en surprendre ? Elle sera du premier conseil exécutif.

L’année 1967 est une année marquante dans la vie de cette femme déterminée. Elle quitte son emploi chez Penman’s pour habiter Sherbrooke où elle accepte les fonctions de conseillère en budget familial et en éducation de la population, à l’Union régionale des Caisses Desjardins. Ce nouvel engagement nécessite de nombreux déplacements. Yvette est bientôt débordée de travail et se voit dans l’obligation d’offrir sa démission à la vice-présidence de la CSN.

Le temps s’écoule, les enfants poursuivent leurs études et se marient, alors que leur mère s’occupe activement à asseoir les bases de la FFQ. Sa biographe laisse entendre que les idées d’avant-garde d’Yvette Rousseau cadrent difficilement avec celles du mouvement Desjardins. Pressée de toutes parts d’accéder à la présidence de la FFQ; Yvette hésite à cause de son travail. Pourra-t-elle concilier les deux tâches ? Elle accepte enfin, en 1970, la présidence de la FFQ ; toutefois, la publicité qui accompagne son élection alerte la direction des caisses qui lui reproche cette dichotomie. Notre héroïne se défend bien et regarde sa nomination nouvelle comme faisant partie de sa vie personnelle (!). La même année, l’état de santé de son mari s’altère, ce qui la préoccupe. Le 11 mars, le cher Benoît, compagnon de sa vie, succombe à un infarctus. Yvette se retrouve seule. Après une période de deuil triste et pénible, elle reprend ses activités.

Le rapport de la Commission d’enquête sur la situation de la femme vient alors de paraître et pousse la FFQ à se lancer dans une série de revendications féministes que Huguette O’Neil décrit comme déterminantes.

Pour sa part, la présidente est en période de réflexion sur sa vie professionnelle. L’Union régionale des caisses populaires la regarde toujours comme une avant-gardiste trop liée au syndicalisme et au féminisme. L’auteure souligne que ces deux « ismes » ne plaisent vraiment pas aux dirigeants. Yvette s’en rend compte et quitte son emploi à l’Union régionale pour entrer à la Société de service social aux familles de Montréal : « Les nouveaux défis ne lui ont jamais fait peur, bien au contraire » (p. 217).

Une fois dans la métropole, Yvette Rousseau consacre plus de temps à la FFQ et met en place une structure régionale selon le modèle syndical (p. 219). Une idée constante la tenaille : celle de créer un « office de la femme ». Elle présente son projet dans un rapport détaillé, oeuvre de ses coéquipières de l’époque, au congrès annuel de la FFQ, en juin 1972. L’année suivante, ce rêve devient réalité : le projet de loi 63 crée le Conseil du statut de la femme. Yvette, confie l’auteure, sera directement engagée dans l’élaboration de son pendant fédéral qui deviendra le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (CCCSF). Elle en devient l’une des 30 membres et sera désignée pour représenter les femmes francophones du Canada. Ce nouvel emploi l’oblige à faire le saut vers Ottawa.

Après avoir créé un prix qui portera son nom, le prix Yvette-Rousseau, elle quitte, en décembre 1973, la FFQ pour devenir vice-présidente du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme. Elle participera désormais à un grand nombre de congrès et de colloques à l’échelle mondiale.

Arrive 1975, l’Année internationale de la femme. O’Neil dresse un tableau palpitant des nouveaux projets qui naîtront de cette effervescence. Yvette Rousseau se rend compte qu’elle a atteint le palier des gens d’influence. Elle saura bien en profiter pour elle-même et pour la cause des femmes qui lui est si chère. Yvette accède bientôt à la présidence. O’Neil parle de sa lutte « pour que les réformes proposées par le CCCSF ne traînent pas sur la liste des différents ministères et elle transmet un message non équivoque au Premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, avec copie conforme au ministre responsable, Marc Lalonde » (p. 282).

En dépit des efforts incessants pour améliorer la condition féminine, la présidente du CCCSF voit son poste contesté. On lui reproche, entre autres, « une approche trop pragmatique des dossiers de recherche » et de ne pas s’être familiarisée avec la langue anglaise » (p. 292). Yvette ne fait peut-être pas l’unanimité, mais elle a quand même des appuis. Une admiratrice, que la biographe ne nomme pas, écrit au premier ministre pour recommander la nomination d’Yvette Rousseau au Sénat, à l’un des deux postes vacants réservés à la région de Québec (p. 203). La lettre met en exergue les qualités de la présidente du CCCSF et l’impressionnante liste de ses réalisations touchant la promotion de la femme et l’amélioration du sort des familles.

O’Neil fait remarquer qu’au même moment, à une réunion importante du CCCSF, la présidente adresse de sévères reproches au gouvernement Trudeau dans ce domaine. Le premier ministre se sent visé et réplique en Chambre que « ni Mme Rousseau pas plus que les députés de l’opposition n’ont la moindre preuve pour appuyer les accusations » (p. 306). La presse s’empare de cette assertion, mais Yvette Rousseau déclare avec aplomb : « Je suis certaine de ne pas avoir tort. » L’auteure raconte très bien l’escarmouche et dépeint en même temps l’admirable désinvolture de son héroïne.

Au cours des semaines qui suivent l’incident, Yvette prend de plus en plus ses distances avec le CCCSF et se rapproche plutôt de son plan d’action bien à elle pour faire accepter sa candidature au Sénat par le premier ministre Trudeau avec qui elle a croisé le fer de nombreuses fois ! Marc Lalonde sert d’intermédiaire entre l’intrépide Yvette et le redoutable Pierre Trudeau.

Heureux dénouement : Yvette est nommée au Sénat. « Elle est surprise, mais ravie » (p. 311). Elle choisit d’appuyer… le Parti libéral ! Le 27 mars 1979, « la nouvelle est sortie dans les médias et diffusée de l’Atlantique au Pacifique » (p. 311). Yvette a quitté « sans amertume » (p. 313) la présidence du CCCSF une journée auparavant. Comme la nouvelle sénatrice représente le district de Salaberry (sud-ouest de Montréal), Yvette doit déménager au Québec, de l’autre côté de la rivière des Outaouais. L’auteure décrit avec soin les fonctions qu’exercera désormais son héroïne. Mme Rousseau se fera appeler « Honorable » et sera plus que jamais une femme du monde. Son nouveau poste l’oblige à voyager et à prendre part aux campagnes électorales.

En 1980, c’est l’année cruciale du référendum. O’Neil y plonge en nous offrant le récit détaillé de tous les événements qui s’y sont succédé dans la fièvre et la tension des enjeux. Celui des Yvette est rempli d’émotion. Au cours d’une allocution, Lise Payette, du parti québécois, a comparé la femme au foyer à l’Yvette, la petite fille modèle des manuels scolaires d’autrefois.  L’incident provoque un tollé chez ses adversaires, partisanes du NON, qui organisent d’urgence une assemblée monstre à Montréal en réaction à cette malheureuse allusion.

La nouvelle sénatrice, on le devine, se prononce en faveur du NON. Les discours d’Yvette Rousseau au Sénat sont remarqués. On la délègue partout dans le monde. L’auteure conclut qu’Yvette vit ses plus belles années.

Au milieu de ses nombreuses activités, Yvette éprouve des ennuis de santé qu’elle cherche à minimiser. Au mois de février 1988, elle doit entrer à l’hôpital. Après une série d’examens, le diagnostic demeure imprécis, mais son état s’aggrave. Chantal, sa fille aînée, note l’auteure, de concert avec ses frères et soeurs, décide de faire transporter Yvette à l’Hôpital Saint-Luc, de Montréal. Jeanne-Mance, une autre de ses filles, y travaille comme infirmière. Un médecin annonce à la famille que leur mère souffre d’un cancer du foie. L’évolution est rapide.

Le jeudi 17 mars 1988, Yvette s’éteint, entourée de ses huit enfants, qu’elle a tant aimés. Elle est partie sereine, rassurée sur le destin de ses quatre filles et de ses quatre fils. L’auteure décrit la peine et la consternation des membres du Sénat au moment où le président de la Chambre haute leur apprend le décès de la sénatrice Yvette Rousseau. Sur la colline du Parlement, le drapeau est en berne. Le monde syndical, comme le monde politique, de même que toutes les femmes du Québec expriment leurs regrets et lui rendent hommage.

Pour évoquer son souvenir, ses enfants ont choisi un verset du Livre des Proverbes qui dépeint bien leur mère, « Une femme de valeur » (p. 412). En voici la dernière phrase :

Nombre de femmes ont accompli des exploits, mais toi, tu les surpasses toutes !

Merci à Huguette O’Neil d’avoir présenté cet ouvrage bien fait, émouvant, documenté et intéressant. La lectrice et le lecteur découvriront, en même temps que l’histoire d’une vie exceptionnelle, tout un pan du cheminement des Québécoises et des Québécois comme peuple.

Nous pouvons y mesurer le travail prodigieux accompli depuis plus d’un demi-siècle par celles qui ont contribué à l’amélioration de la condition des femmes. On trouve dans ces pages un élan vers les objectifs encore nombreux que nous cherchons à atteindre.

Yvette Rousseau, la réussite d’une vie, un livre à lire absolument.