Article body

Introduction

Au cours des 20 dernières années, la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), c’est-à-dire l’intégration des enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance dans les stratégies et les pratiques des entreprises, est devenue une préoccupation majeure du débat public et de la recherche en sciences sociales. La multiplication des démarches RSE dans les entreprises de toutes tailles et tous secteurs a nécessairement un impact sur les différentes parties prenantes qui sont amenées à réagir à ce changement de discours et de pratiques ou qui peuvent se saisir des opportunités offertes par ce changement.

C’est vrai, en particulier pour les syndicats de salariés, qui voient une partie de leurs revendications reprises par les employeurs et qui doivent donc se positionner. Soit les syndicats encouragent les démarches RSE, en cherchant à influencer les contenus des actions menées et les conditions de leur mise en oeuvre. Soit ils dénoncent ces démarches, en critiquant un manque de mise en pratique de la responsabilité, voire une volonté de diluer les intérêts des salariés et le pouvoir des syndicats dans un dialogue élargi à des enjeux environnementaux et de gouvernance. Quel que soit leur positionnement, les syndicats peuvent être considérés comme des parties prenantes « évidentes » sur les enjeux de RSE (Delbard, 2011; Morin, 2012).

Plusieurs recherches ont, en effet, été menées sur l’impact de la RSE sur les syndicats (Justice, 2003; Dawkins, 2010; Harvey et al., 2017) et sur le rôle et les activités des syndicats dans ce domaine (Bory et Lochard, 2008; Preuss et al., 2014; Bouderbala et Adnane, 2017). Ces recherches sont le plus souvent ancrées en sociologie, en droit ou dans le champ des relations industrielles. Fondées sur des approches qualitatives, elles décrivent la plupart du temps les positions et les actions des syndicats, sans toujours montrer les évolutions dans ce domaine ni, surtout, en donner une lecture stratégique. Pourtant, comme pour les entreprises, la RSE peut être l’occasion pour les syndicats de repenser leurs stratégies afin de mieux atteindre leurs objectifs.

Cet article a pour objectif d’apporter un éclairage sur la manière dont les stratégies des syndicats en matière de RSE se construisent. À cette fin, il mobilise les travaux de Boxall (2008) en relations industrielles sur les stratégies syndicales, complétés par ceux de Whittington (2006) du courant de la stratégie comme pratique (strategy as practice en anglais). Le premier courant met l’accent sur les facteurs internes et externes influençant les stratégies syndicales en matière de RSE. Le second courant qui n’a, à notre connaissance, pas encore été appliqué aux organisations syndicales permet de mieux comprendre la manière dont se construisent les stratégies. Sur le plan théorique, l’article permet donc d’élargir le potentiel de ce courant théorique et d’ouvrir de futures perspectives de recherche.

Notre analyse se fonde sur une étude longitudinale menée entre 2006 et 2016 auprès des cinq Confédérations syndicales françaises représentatives1 : Confédération française démocratique du travail (CFDT), Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Confédération générale du travail (CGT), Confédération générale du travail-Force Ouvrière (CGT-FO). Le contexte français est particulièrement intéressant à étudier, et ce à plusieurs titres. D’un point de vue institutionnel, le cadre juridique français (à travers les Lois NRE de 2001 et Grenelle 2 de 2010, puis l’Ordonnance sur la déclaration de performance extra-financière) rend obligatoire aux entreprises de plus de 500 salariés de publier des informations sur leurs démarches RSE (Kühn, Stiglbauer et Heel, 2014), offrant ainsi aux syndicats des éléments de comparaison sur les pratiques des entreprises dans ce domaine et des arguments pour le dialogue social. En parallèle, le gouvernement français s’emploie depuis plusieurs années à organiser un dialogue sur la RSE et le développement durable (DD) qui rassemble différentes parties prenantes (Boy et al., 2012), dont les syndicats, afin de dégager des consensus et définir des stratégies collectives sur les enjeux sociaux et environnementaux (Stanziola Vieira et Bétaille, 2008; Desbarats, 2018). Ces concertations ont amené les syndicats français à se positionner et à formuler des avis sur la RSE, afin d’influencer les stratégies des entreprises et la législation dans ce domaine. Par ailleurs, en France, de nombreuses initiatives dans le domaine de la notation extra-financière et de l’investissement socialement responsable (ISR) ont été prises et ont permis aux syndicats de s’y engager. Enfin, le paysage syndical français présente une pluralité intéressante à analyser du point de vue de la RSE, tant les histoires et les positionnements des organisations syndicales françaises diffèrent (Pernot, 2005; Andolfatto et Labbé, 2011).

Pour éclairer la manière dont les Confédérations françaises ont construit leur stratégie en matière de RSE, nous rappelons d’abord l’apport des différentes recherches menées en Europe sur les positions syndicales à l’égard de la RSE. Nous présentons, ensuite, notre cadre théorique. Puis, la méthodologie adoptée est explicitée, avant de restituer les résultats de l’étude longitudinale. Enfin, nous discutons les résultats de notre recherche. En conclusion, nous mettons en évidence les principales contributions de cet article, précisons les limites de la recherche et esquissons quelques perspectives de recherche.

Les positions des syndicats à l’égard de la RSE

Depuis le début des années 2000, plusieurs études ont été menées en Europe sur le positionnement des syndicats à l’égard de la RSE. Elles montrent la diversité et l’évolution des positionnements syndicaux (Seguin et al., 2013). Ceux-ci peuvent aller d’un scepticisme avéré à une posture d’engagement réel en passant par des comportements d’attente (Beaujolin, 2004; Preuss et al., 2006; Bory et Lochard, 2008). Certains syndicats se montrent très proactifs (Preuss et al., 2006; Seguin et al., 2013; Preuss et al., 2014), tandis que d’autres se limitent à participer à des débats, voire à des négociations d’entreprise sur la RSE sans pour autant signer d’accords, et se montrent très réticents à l’égard des organisations non-gouvernementales (ONG) qui promeuvent des actions en matière de droits humains ou de transition écologique. Ces prises de position différentes reflètent souvent des orientations politiques plus générales de chaque syndicat, notamment l’importance attachée à une régulation imposée par l’État par rapport à la liberté laissée à une autorégulation négociée par les partenaires sociaux. Elles peuvent également être influencées par le niveau d’engagement européen et international des syndicats dans la mesure où la Confédération européenne des syndicats (CES) et plusieurs fédérations syndicales internationales sont fortement mobilisées dans la négociation d’accords transnationaux d’entreprise en matière de RSE.

Les principales actions déployées par les syndicats les plus actifs en matière de RSE concernent le dialogue social, voire la négociation d’accords avec les employeurs au niveau international, national, de la branche ou de l’entreprise, ou encore, l’engagement dans des débats institutionnels sur la RSE, ces actions dépendant bien-sûr de l’engagement des entreprises et des pouvoirs publics et de leur volonté d’y associer les syndicats. De manière plus autonome, certains syndicats mènent aussi des actions de promotion de la RSE et de l’ISR (Penalva Icher, 2008), voire la conception d’indicateurs de suivi de la RSE (Seguin et al., 2013). Enfin, certains syndicats s’impliquent dans l’évaluation des pratiques des entreprises à travers la mise en place de reportings institués dans différents pays européens (Seguin et al., 2013). Les syndicats les plus engagés ont aussi développé des actions communes avec des ONG, afin d’avoir plus d’impact sur les citoyens ou les pouvoirs publics. Les ressources internes syndicales consacrées à la RSE sont variables. Certains syndicats n’ont aucune personne dédiée à ces questions alors que d’autres ont créé des équipes composées de plusieurs personnes (Preuss et al., 2014).

Ces différents travaux de recherche mettent en lumière huit éléments-clés du positionnement des syndicats en matière de RSE que nous retenons pour analyser ceux des syndicats français : 1- la définition et les principes associés à la RSE; 2- les enjeux que représente la RSE; 3- les actions RSE engagées en interne; 4- les ressources internes dédiées; 5- les actions d’information et de formation menées auprès des militants; 6- les actions RSE menées avec des acteurs externes; 7- l’implication dans des instances multi-partites de concertation et de réflexion sur la RSE; et 8- la négociation d’accords collectifs.

Les travaux sur les positions syndicales face à la RSE insistent surtout sur l’impact du contexte national des relations professionnelles et des modèles socio-économiques (Preuss et al., 2014). En revanche, hormis l’étude menée par Seguin et al. (2013), elles ne mettent pas réellement en lumière les transformations de ces positions au cours du temps, alors que celles-ci sont significatives. Dès lors, cet article propose de creuser la manière dont les positions syndicales face à la RSE ont évolué, en nous concentrant sur un pays particulier, la France, ce qui permet de réduire les variations contextuelles. Cet article souhaite aussi approfondir la manière dont la RSE peut devenir un axe stratégique pour des syndicats.

Cadre théorique

La littérature sur la stratégie des syndicats est relativement récente et en cours de développement (Fiorito et Gall, 2012). Elle s’appuie largement sur les recherches réalisées en management stratégique et souligne certaines spécificités propres aux activités et à l’environnement syndical. Toutefois, les développements récents en management stratégique relevant de la stratégie comme pratique n’ont pas encore été intégrés aux recherches en relations professionnelles sur les stratégies syndicales. Nous développons donc un cadre qui permet de combiner ces deux approches théoriques complémentaires.

Comme d’autres organisations, les syndicats développent des stratégies. Pour aborder les stratégies des syndicats, Boxall (2008) propose de considérer les manières dont leurs membres interagissent avec leurs environnements, les objectifs qu’ils se donnent et les ressources qu’ils mobilisent pour les atteindre.

Les processus stratégiques des syndicats reposent, comme pour d’autres organisations (Pettigrew, 1997), à la fois sur des processus formels (des structures administratives, des processus politiques de décision collective comme les congrès), mais aussi informels (des échanges entre les différents acteurs ou des actions opérées à différents niveaux de l’organisation, voir Boxall, 2008). La stratégie du syndicat est étroitement liée à son fonctionnement interne (Fiorito, Jarley et Delaney, 2001). Elle dépend de ses capacités organisationnelles : de sa structure organisationnelle, des ressources humaines dédiées et de la manière dont elles sont gérées (allouées, coordonnées, incitées et contrôlées, voir Weil, 2005).

Mais la stratégie syndicale repose aussi sur des « leviers stratégiques » que le syndicat peut mobiliser dans son environnement externe (Weil, 2005; Fiorito et al., 2001; Hall et al., 2011). L’environnement des syndicats est composé d’éléments contextuels clés (Boxall, 2008; Preuss etal., 2014) : le contexte socio-politique (les systèmes de régulation du travail nationaux et internationaux, les liens avec le système politique, l’intensité des activismes de la société civile, …); le contexte économique (le niveau d’emploi, les conditions productives, la structuration du marché des capitaux, …); mais, aussi, le contexte directement lié aux relations industrielles (la nature des relations avec les employeurs et leurs représentants, les liens avec les salariés et les formes de leur représentation). Les syndicats sont inscrits dans un réseau d’acteurs (Boxall, 2008) qui s’influencent mutuellement (salariés, employeurs, ONG, autres OS – Caroll et Burke, 2010; Sobczak et Havard, 2015). Ces approches minimisent, toutefois, l’importance des actions menées par les acteurs qui n’ont pas nécessairement des visées stratégiques, mais qui peuvent contribuer à construire les stratégies.

En effet, les choix stratégiques des syndicats ne résultent pas seulement de décisions issues de congrès internes (Weil, 2005) qui définissent les grandes orientations pour plusieurs années (Béroud et Pernot, 2015). Ils sont aussi l’aboutissement de plusieurs décisions mineures qui finissent par modifier l’orientation stratégique du syndicat (Hall et al., 2011). Cette manière de considérer la stratégie renvoie au courant processuel de la stratégie (Pettigrew, 1997; Whittington, 2001) qui met l’accent sur la manière dont se construit la stratégie dans le temps, dans un contexte donné et selon une logique qui peut être émergente. Dans un syndicat, les choix stratégiques s’opèrent à différents niveaux (Confédération, fédérations sectorielles ou unités territoriales) et pas seulement de manière descendante. Plus encore que dans d’autres types d’organisations, les instances syndicales décentralisées peuvent faire évoluer la stratégie syndicale d’une Confédération.

Le courant de la stratégie comme pratique propose un cadre analytique mettant justement l’accent sur les pratiques des différents acteurs (internes et externes) qui font évoluer la stratégie des organisations (Whittington, 1996; Jarzabkowski, 2005; Whittington, 2007). Ce cadre repose sur trois éléments-clés inter-reliés (Jarzabkowski, 2005; Whittington, 2006; Seidl et al., 2006; Jarzabkowski et Spee, 2009) :

  • Les praticiens sont les acteurs proprement dits individuels ou collectifs, internes ou externes à l’organisation;

  • Les pratiques sont un ensemble d’actions enracinées dans des « routines » ou des supports matériels et qui sont en interaction;

  • La praxis renvoie aux interconnexions entre les personnes qui peuvent se produire à différents niveaux (équipe, organisation, institution) et qui se concrétisent par des lieux d’échanges et de rencontres formels ou informels au cours desquels les praticiens agissent, mobilisent des ressources, voire prennent des décisions.

L’application de ce cadre théorique aux stratégies syndicales présente plusieurs intérêts :

  1. Par rapport à la perspective processuelle, ce courant est moins holistique et se concentre davantage sur les acteurs de la stratégie (Whittington, 1996; Chia et McKay, 2007) et leur diversité. Les acteurs syndicaux peuvent, en effet, être appréhendés aux différents niveaux (confédéré, fédéré et décentralisé);

  2. Ce courant met l’accent sur les actions mais, aussi, les interactions entre les acteurs et leurs contextes (Jarzabkowski, 2003). Or, les syndicats s’inscrivent souvent à l’intersection de différents contextes et peuvent mener des actions conjointes pour exercer davantage d’influence;

  3. Cette approche reconnaît la nécessité de l’encastrement des acteurs dans des environnements pluriels qui ne sont pas simplement considérés comme des contraintes externes (Whittington, 2007). Elle permet de « décentrer » la stratégie de l’organisation (ibid.) et d’examiner la création et la transformation de la stratégie aussi à travers ce que font les praticiens en dehors de l’organisation. L’analyse de la construction stratégique dépasse ainsi la simple influence des facteurs internes ou externes mise en avant par la littérature en relations professionnelles (Boxall, 2008; Hall et al., 2011) ;

  4. Enfin, l’accent sur les pratiques permet de considérer les ressources que peuvent mobiliser les militants syndicaux pour agir comme des éléments-clés de l’action syndicale (Lévesque et Murray, 2010).

La Figure 1 propose un cadre d’analyse de la « fabrique de la stratégie » des syndicats en matière de RSE s’inspirant de la schématisation de Whittington (2006 : 621). Les trois éléments-clés du courant de la stratégie comme pratique (praticiens, pratiques et praxis) sont adaptés au contexte syndical. Ces trois éléments sont inter-reliés, dans le sens où les différents acteurs syndicaux au niveau confédéré, fédéré et décentralisé entrent en relation (exprimés par des lignes continues) avec d’autres acteurs internes et externes (représentés par des carrés). Ces rencontres s’opèrent dans le cadre de différents espaces de concertation et d’action (les praxis qui se trouvent dans l’interstice des acteurs et des pratiques). Et les acteurs mobilisent des ressources cognitives et matérielles (représentés par des ronds) pour agir et, ainsi, construisent au cours du temps leurs stratégies (les flèches expriment les trajectoires stratégiques). À titre d’ exemple, les fédérations (acteurs) engagées dans des campagnes communes (praxis) avec d’autres fédérations ou des ONG pour dénoncer les pratiques irresponsables des entreprises, mobilisent des ressources cognitives et humaines (internes et externes) et construisent progressivement leurs stratégies fédérales.

Figure 1

La construction de la stratégie syndicale en matière de RSE

La construction de la stratégie syndicale en matière de RSE

-> See the list of figures

Méthodologie

Pour comprendre la construction des stratégies des syndicats français à l’égard de la RSE, nous avons mené une étude qualitative longitudinale (Pettigrew, 1990) s’appuyant sur des entretiens et des documents syndicaux permettant de révéler les perceptions et les initiatives syndicales en matière de RSE.

Un total de 31 responsables de cinq Confédérations syndicales françaises ont été rencontrés, lors de 28 entretiens semi-directifs, menés pendant trois grandes périodes (voir Tableau 1). En 2006, les personnes interrogées étaient en charge de la RSE, du DD ou des affaires économiques au sein des Confédérations nationales ou avaient été impliquées dans la négociation d’Accords-cadre transnationaux sur la RSE. Les entretiens semi-directifs ont été menés en face-à-face. En 2012 et 2013, les cinq Confédérations syndicales représentatives au niveau national ayant pris part au processus de concertation du Grenelle de l’environnement ont été interrogées. En 2012, tous les interlocuteurs interrogés en 2006 avaient changé au niveau national, mais étaient souvent les mêmes en 2013, à l’exception de la CFE-CGC. Les entretiens de 2012 ont été menés en face-à-face alors que ceux de 2013 ont été menés par téléphone. Enfin, en 2016, les cinq Confédérations syndicales représentatives ont, à nouveau, été interrogées par téléphone sur les évolutions produites entre 2013 et 2016 et sur la manière dont la RSE était intégrée à la stratégie globale de leur Confédération.

En complément de ces entretiens, nous avons procédé à une analyse thématique des propos tenus par les membres syndicaux du Conseil économique social et environnemental (CESE), en juin 2013, lors de la présentation de la proposition d’avis du CESE sur la RSE et des publications syndicales sur le sujet (voir Tableau 2). Les documents internes ayant un caractère structurant ou contraignant tels que les Rapports des Congrès pluri-annuels ont fait l’objet d’une attention particulière du fait de leur dimension normative.

Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscris. Les données issues des entretiens et des documents ont été encodées à l’aide du Logiciel N’Vivo 10, selon une méthode thématique. La revue de littérature sur les perceptions des organisations syndicales en matière de RSE nous a permis de sélectionner les éléments suivants dans ce matériau empirique très riche : les perceptions de la RSE par les syndicats (historique de ces perceptions, dimensions de la RSE, positionnements stratégiques); les ressources et moyens internes dédiés à la RSE; les relations avec les autres parties prenantes (ONG et autres syndciats principalement); et les espaces de rencontres multi-parties-prenantes qu’ils soient mis en place par les pouvoirs publics (CESE2, CNTE3, Plateforme RSE4) ou les acteurs de la société civile (Forum Citoyen5, CIES6).

Tableau 2

Entretiens menés auprès de représentants syndicaux de 2006 à 2016

Entretiens menés auprès de représentants syndicaux de 2006 à 2016

-> See the list of tables

Tableau 2

Publications syndicales ayant fait l’objet d’une analyse de contenu

Publications syndicales ayant fait l’objet d’une analyse de contenu

-> See the list of tables

Nous avons adopté une démarche méthodologique abductive (Dubois et Gadde, 2002; Ong, 2012). La sélection des données collectées sur une période longue s’inscrit dans une perspective inductive; les perceptions de la RSE et leurs facteurs explicatifs ont émergé du matériau riche collecté. Ensuite, dans une perspective déductive, nous avons mobilisé le cadre théorique pour effectuer le classement, puis l’interprétation des données. Les premiers résultats de la recherche ont été soumis aux représentants syndicaux et leurs retours ont permis d’affiner les analyses et de renforcer la validité externe des résultats (Saunders et al., 2009).

Résultats

Nous présentons d’abord les stratégies RSE des cinq Confédérations françaises représentatives et leurs évolutions au cours des dix dernières années. Puis, nous examinons la manière dont les Confédérations ont construit ces stratégies RSE, en mettant en lumière, tant les contextes externes (espaces d’échanges et acteurs avec lesquels les syndicats interagissent) et internes (ressources), que les acteurs syndicaux mobilisent. Les pratiques déployées après la formulation de la stratégie ne sont pas présentées ici; l’accent est plutôt mis sur les pratiques ayant contribué à la construction de la stratégie. Enfin, nous mettons en avant les éléments permettant d’expliquer les positionnements stratégiques de ces Confédérations syndicales.

Les positions stratégiques des organisations syndicales françaises sur la RSE

Les perceptions de la RSE et de ses enjeux diffèrent sensiblement parmi les OS françaises et ont plus ou moins évolué entre 2006 et 2016.

La diversité et l’évolution des perceptions de la RSE

La CFDT présente la RSE comme une préoccupation ancienne que ce soit dans ses dimensions sociales et environnementales. Cette Confédération s’est vite montrée très active dans le domaine de la RSE, ce qui reflète sa volonté de prendre une place dans la gouvernance des entreprises ou, au moins, de négocier de nouvelles régulations sociales avec les entreprises plutôt que d’attendre nécessairement des régulations par l’État, ainsi que sa stratégie de prendre en compte l’ensemble des conditions de vie des salariés et non seulement leurs conditions de travail au sens étroit. Elle attache une importance particulière à l’association des différentes parties prenantes dans la mise en oeuvre de la RSE.

La notion de RSE apparaît dans les discours de la CGT au début des années 2000. La CGT a choisi de s’engager dans la RSE pour illustrer une transformation de son positionnement général, désormais plus ouverte à des négociations avec les entreprises et des coopérations avec les autres syndicats. La CGT met surtout l’accent sur la manière dont les entreprises s’acquittent de leurs responsabilités. En 2009, dans la continuité du Grenelle de l’environnement, la CGT développe la notion de « développement humain durable » qui articule les dimensions économiques, sociales et environnementales et vise à remettre l’humain au coeur du DD.

La CFTC associe la RSE à la défense indispensable des parties prenantes. Elle établit un lien très direct entre la RSE et ses valeurs chrétiennes et humaines, tout en la situant dans le contexte de la mondialisation : « Le respect de la personne humaine, le respect de la nature, ce ne sont pas des choses très nouvelles pour la CFTC » (CFTC-2016). La Confédération a proposé, en 2010, de développer un label de « traçabilité sociale et écologique » qui permettrait de faire certifier les produits et services par un label social et environnemental reconnu. Cependant, l’organisation n’a pas encore réussi à convaincre d’autres acteurs syndicaux ou les pouvoirs publics autour de cette notion qu’elle a initiée.

La CFE-CGC engage, au début des années 2000, quelques actions en matière de RSE, mais jusqu’en 2012, le discours du Secrétaire confédéral reste sceptique : « La RSE, pour l’instant, on fait du social washing, […] Au-delà de beaux colloques et de théories, la mise en pratique dans les entreprises me semble quand même assez rare » (CFE-CGC-2012). Illustrant l’importance du rôle joué par les individus, la véritable impulsion confédérale sur la RSE ne se produit qu’à partir de 2013 lorsqu’un nouveau Secrétaire confédéral prend la tête du projet RSE. Depuis, cette Confédération multiplie les initiatives en matière de RSE dont les principes renvoient à sa stratégie de partenariat avec les entreprises. La CFE-CGC place les salariés au coeur du déploiement de la RSE : « Notre conviction, c’est que les salariés […] sont les principaux moteurs pour que la RSE se traduise dans les actes et dans la conviction au quotidien » (CFE-CGC-2013).

Si les positions stratégiques des Confédérations syndicales se sont ainsi construites à des rythmes et sur des trajectoires différents, il existe aujourd’hui, malgré certaines divergences à la marge, un certain consensus parmi ces quatre organisations syndicales qui cherchent à s’appuyer sur la RSE pour défendre les salariés.

Seule la CGT-FO a, depuis le début des années 2000, « une approche critique, méfiante sur l’aspect RSE » (FO-2012), qu’elle maintient depuis. Pour cette Confédération, la RSE correspond, au mieux, à une stratégie de marketing de la part des entreprises et, au pire, à une volonté de leur part de minimiser l’importance de la dimension sociale au profit des autres dimensions, notamment économiques et environnementales. Cette position critique, développée déjà en 2006 (Sobczak et Havard, 2009), a été exprimée clairement dans une circulaire en 2012 : la RSE est alors considérée comme « un danger pour l’organisation syndicale et les salariés » et comme « un risque de fragilisation du droit du travail » (Circulaire confédérale, 2012).

La stratégie critique de la CGT-FO peut s’expliquer par sa posture idéologique qui s’est radicalisée au cours des années 1990. La CGT-FO s’est montrée de moins en moins réformiste et de plus en plus critique à l’égard des entreprises et de la construction européenne (Andolfatto et Labbé, 2011), ce qui l’a amené assez logiquement à construire une posture critique par rapport à la RSE. Le lien entre la stratégie et la posture idéologique est, toutefois, moins évident pour d’autres Confédérations. Ainsi, la CGT, malgré une posture historiquement contestataire, a adopté relativement tôt une position proactive sur la RSE. Et la CFTC, caractérisée par une tradition chrétienne et humaniste pouvant justifier la nécessité de « remettre l’homme au coeur » des activités économiques et sociales (Andolfatto et Labbé, 2011), n’a pas adopté une stratégie pionnière en matière de RSE.

L’intégration progressive des enjeux environnementaux

Si le volet social de la RSE rejoint les préoccupations et les champs d’expertise historiques des syndicats, il en va autrement pour le volet sociétal et, surtout, pour le volet environnemental. Pour maîtriser les enjeux environnementaux et les articuler avec les enjeux sociaux, les syndicats ont progressivement élargi leurs champs d’intervention et développé de nouvelles compétences. La prise de conscience des enjeux environnementaux est présente, dès 2006, dans les propos des représentants de la CGT et de la CFDT et s’est renforcée depuis. La CFDT va jusqu’à parler d’urgence écologique. Par comparaison, la position de la CFTC a évolué plus tard sur ce sujet. En 2012, l’un de nos interlocuteurs considérait de manière clairement différenciée la dimension environnementale et la RSE : « Moi, je n’associerais pas autant l’environnement et la RSE, je crois que ce sont deux choses différentes » (CFTC, 2012). En 2016, la question environnementale est mieux intégrée dans le discours sur la RSE de ce syndicat : « À la CFTC, on s’est toujours intéressé à la personne humaine. Les questions qui sont montées en puissance depuis quelques années, ce sont les questions environnementales » (CFTC, 2016).

Aujourd’hui, les cinq Confédérations syndicales reconnaissent l’importance des enjeux environnementaux et leur impact sur les conditions de travail et de vie des salariés et sur l’emploi. Pour la CGT, la notion de « développement humain durable » vise à redonner toute sa place à la qualité de l’emploi. La CFDT considère que l’articulation entre les enjeux sociaux et environnementaux doit être au coeur de l’action syndicale et s’intéresse, en particulier, aux transitions professionnelles qui doivent accompagner les transitions écologiques. La Confédération CGT-FO, qui s’était toujours montrée très réticente sur les enjeux environnementaux, affirme, en 2016, s’y intéresser, dès lors qu’ils viennent questionner les questions d’emploi et de travail : « On ne vient pas sur les champs purement environnementaux, mais tous les impacts […] que l’aspect environnemental peut avoir sur le droit social, on s’en préoccupe […] si on constate que le pilier environnemental est en train de se payer sur le pilier social » (CGT-FO, 2016).

Ces positionnements stratégiques cherchent à dépasser la controverse entre protection de l’emploi et protection de l’environnement qui a pu exister dans les débats confédéraux au cours des décennies précédentes (Bécot, 2012), en mettant l’accent sur la construction de politiques sociales intégrant des problématiques écologiques. Ainsi, la CGT et la CFDT (depuis son Congrès de 2016) ont engagé une réflexion sur la manière dont le DD amène à repenser le « modèle de consommation et de production » ou le « modèle industriel » (CGT-2016) pour qu’ils intègrent davantage la problématique des transitions écologiques (CFDT, CGT) et numériques (CFDT). Pour la CFTC, les enjeux climatiques doivent également être l’occasion de formuler un nouveau contrat social.

L’impact des relations avec des acteurs externes sur les stratégies syndicales

Les différents acteurs avec lesquels les Confédérations sont en contact contribuent à construire leurs stratégies en matière de RSE.

Les instances de consultation/concertation pilotées par les pouvoirs publics : des praxis

Plusieurs instances multi-acteurs de consultation et de concertation ont été mises en place par les pouvoirs publics français sur la période étudiée. Elles constituent des praxis permettant aux Confédérations syndicales de tester et d’affirmer leurs positions stratégiques.

Au début des années 2000, certaines consultations à l’initiative du gouvernement ont donné aux Confédérations l’occasion de s’exprimer sur la RSE, notamment la consultation sur la RSE organisée par le ministère des Affaires sociales en 2002. Cependant, l’instance la plus marquante pour les syndicats a été le « Grenelle de l’environnement » de 2007 qui a donné lieu, ensuite, à plusieurs comités de suivi dont le Comité national du DD et du Grenelle Environnement (en 2010), puis le Conseil national de la transition écologique (en 2013). Ces Conseils, composés de plusieurs Collèges (employeurs, syndicats, associations, collectivités territoriales…), rendent des avis sur différentes thématiques liées au DD. À cette occasion, les syndicats peuvent échanger et exprimer leurs positions.

Pour la CFDT et la CGT déjà engagées dans la RSE et le DD, le Grenelle les a amenées à renforcer leurs ressources, leurs actions et à exprimer davantage leur positionnement :

Au Grenelle de l’environnement, on a été obligé de travailler de manière un peu plus intensive, […] l’évènement nous a amené à préciser nos propositions, à travailler sur les contenus, etc, y compris à travailler sur les propositions des autres. Donc, ça a été un moment d’accélération de notre réflexion et de notre pratique là-dessus.

CGT-2012

Pour la CFE-CGC, le Grenelle de l’environnement a permis de prendre conscience que les champs de la RSE et du DD devaient être investis. La CGT-FO participe régulièrement aux instances de consultation et de concertation, et cherche à marquer la différence de son positionnement.

Le CESE a, également, été l’occasion pour les cinq Confédérations syndicales d’exprimer leurs stratégies en matière de RSE puisqu’un avis rédigé par la CGT a été rendu en 2013. De même, la « Plateforme RSE nationale » instituée en 2013 offre la possibilité aux Confédérations syndicales de discuter de la RSE entre elles et avec les autres parties prenantes, mais aussi d’affirmer des positions. La « Plateforme » a été présidée successivement par la CFDT (en 2013), puis la CGT (en 2014), et la CGT a été animatrice du groupe de travail qui a formulé le Plan national RSE adopté en 2016. Ceci témoigne de l’importance accordée par ces deux organisations syndicales à la RSE, mais toutes les Confédérations syndicales ont l’occasion d’y porter un discours sur la RSE. Si la CGT-FO affirme sa différence, les avis des quatre autres OS sont souvent assez convergents.

Les relations avec les autres organisations syndicales

Certaines Confédérations ont développé des relations entre elles, voire mènent des actions communes sur la RSE. Le Comité intersyndical pour l’épargne salariale (CIES), créé en 2002, et auquel participent la CFDT, la CGT, la CFE-CGC et la CFTC depuis sa création, a pour objectif de faire pression sur les entreprises cotées et à orienter les choix d’investissement et de placement, notamment de l’épargne salariale. Cette action commune est un moyen pour les syndicats de rendre concrètes les stratégies syndicales en matière de RSE et de développer des positions communes à l’égard des investissements responsables. Le CIES a également permis aux quatre Confédérations syndicales concernées de renforcer leurs liens : « Le fait qu’on ait l’habitude de se voir, depuis maintenant 13 ans au sein du CIES, ça crée des habitudes de travail » (CGT, 2016).

D’autres actions communes rendent concrètes les stratégies confédérales. La CGT et la CFDT ont, par exemple, participé à la délégation française chargée de la négociation de la norme ISO 26000 et réalisé une action commune pour lutter contre la révision générale des politiques publiques au Ministère de l’Environnement. Elles ont formulé des propositions communes dans le Rapport Perthuis (2011) sur la transition écologique qui a été porté, ensuite, sur la scène internationale lors de la COP 17 à Durban. Les syndicats membres de la Confédération européenne des syndicats et de la Confédération syndicale internationale (CFDT, CGT, CGT-FO et CFE-CGC) ont, aussi, l’occasion d’échanger et de mener des actions communes, par exemple lors de la préparation de la COP 21.

L’intensité et la fréquence différenciées des relations entre les organisations syndicales est le reflet de l’engagement et de l’état d’avancement des stratégies syndicales, la CFDT et la CGT étant les plus engagées.

Les relations avec des ONG

Les Confédérations syndicales ont développé des relations plus ou moins nombreuses et concrètes avec les ONG. Seule la CGT-FO ne souhaite pas s’allier aux ONG et reste très critique vis-à-vis de celles-ci, en contestant leur indépendance vis-à-vis des entreprises et leur légitimité représentative. Elle accepte, cependant, de les rencontrer dans les instances consultatives ou de s’exprimer devant elles pour défendre son point de vue critique sur la RSE.

La CFDT et la CGT ont commencé, dès le début des années 2000, à nouer des relations avec les associations environnementales et de défense des droits humains, relations qu’elles ont accrues progressivement. Les relations les plus significatives avec les ONG se déroulent au sein du Forum Citoyen pour la RSE, fondé en 2004, avec la CGT et la CFDT. Cet espace (praxis) composé de plusieurs ONG est un lieu d’échanges et de débats permettant aux deux Confédérations de confronter leurs avis. Mais les relations avec les ONG peuvent aussi prendre la forme d’accords, tels que celui signé par la CFDT et France Nature Environnement, ou d’actions communes, telles que celle portée autour du drame du Rana Plazza de 2013. Les actions communes avec les ONG leur permettent de faire pression sur les entreprises pour qu’elles exercent réellement leur RSE. Ainsi, la CGT s’est engagée dans des actions communes avec Sherpa7 auprès du point de contact national de l’OCDE. Les partenariats avec les ONG permettent aussi aux deux organisations syndicales de porter plus largement leur stratégie auprès de la société civile et des pouvoirs publics. C’est le cas avec la Coalition Climat 218, créée en 2014, dont la CGT est membre fondateur et dans laquelle la CFDT s’est impliquée fortement en 2014-2015.

À la CFTC et la CFE-CGC, les relations avec les ONG ont été moins institutionnalisées et moins soutenues. Historiquement, la CFTC a, surtout, noué des relations avec des associations de droits humains et avec des associations internationales pour concrétiser son concept de traçabilité sociale, et, plus récemment, avec des ONG environnementales. La Confédération chrétienne reconnaît manquer de moyens pour développer davantage de relations avec les ONG. La CFE-CGC a commencé à établir des relations avec les ONG au début des années 2000, mais ne les a pas poursuivies dans les années suivantes jusqu’à ce qu’un nouveau Secrétaire confédéral en charge de la RSE, en 2012, considère nécessaire d’écouter les associations environnementales et essaie de restaurer ou d’établir des partenariats avec les ONG. Cependant, pour cette organisation syndicale, l’établissement d’un véritable dialogue avec les ONG est encore à construire.

Les quatre Confédérations favorables au développement des relations avec les ONG trouvent chez les associations environnementales une expertise sur les sujets environnementaux. Plus généralement, elles trouvent dans les échanges (praxis) et les actions communes (pratiques) avec les ONG des ressources cognitives qui leur ont permis de construire des argumentations stratégiques et d’agir en commun avec davantage d’effets attendus.

Les actions et ressources internes mobilisées pour formuler et déployer les stratégies syndicales

La manière dont les stratégies syndicales sur la RSE se sont construites peut aussi s’analyser à travers les ressources déployées par les Confédérations, les pratiques émergentes des acteurs aux niveaux des fédérations sectorielles et des unions territoriales, et les Congrès confédéraux qui ont entériné les orientations stratégiques.

Des ressources mobilisées différenciées correspondant aux ambitions stratégiques confédérales

La question des ressources est une problématique-clé dans la manière dont les différentes Confédérations ont construit leur stratégie en matière de RSE. Les ressources dédiées à la RSE au sein des Confédérations sont récapitulées dans le Tableau 3.

La CFDT et la CGT, les deux Confédérations syndicales les plus puissantes en termes d’adhérents et de représentativité et les plus dotées financièrement (Andolfatto et Labbé, 2011; Radé, 2014), ont, assez tôt, constitué des équipes au niveau confédéral, ce qui leur a permis de construire une stratégie relativement élaborée en matière de RSE. La CFTC ou la CFE-CGC, disposant de moyens plus limités, ont dû créer des fonctions dédiées suite au Grenelle de l’environnement de 2007, mais ont eu du mal à les maintenir ou à développer davantage leurs ressources dédiées à la RSE.

Au-delà des ressources, des différences existent dans la manière de structurer les équipes engagées dans la RSE, y compris entre la CGT et la CFDT. La CGT mobilise un réseau d’experts dans différents domaines qui peuvent avoir des liens avec la RSE, comme l’épargne salariale, les transports, la fiscalité ou l’international. Au contraire, la CFDT a choisi de créer une équipe dédiée dont l’activité est consacrée pleinement à la RSE et qui s’appuie sur différents interlocuteurs internes. Ces deux choix de structure correspondent à des cultures syndicales différentes et à des poids stratégiques différents. L’option structurelle choisie par la CFDT lui permet de couvrir un large éventail de domaines relatifs à la RSE, de fournir des réponses coordonnées et de garantir la cohérence de ses prises de positions dans ce domaine. Le choix de la CGT de développer un réseau interne lui a permis d’essaimer la RSE dans les différents unités de la Confédération, mais ne permet pas toujours de mener des réflexions de fond et met, parfois, les acteurs ressources dans des potentielles situations de conflit de rôle, ce qui ne facilite pas la mise en cohérence d’une politique forte en matière de RSE.

Tableau 3

Ressources dédiées à la RSE et au DD par Confédération syndicale

Ressources dédiées à la RSE et au DD par Confédération syndicale

-> See the list of tables

Les ressources dédiées aux questions de RSE diffèrent ainsi d’une Confédération à l’autre et peuvent expliquer, en partie, la formulation plus ou moins tardive de leur stratégie en matière de RSE.

Des stratégies s’appuyant sur les pratiques des unités fédérales et décentralisées

Conformément à la manière dont les Confédérations sont structurées en tant que méta-organisations (organisations d’organisations), celles-ci laissent une place importante aux initiatives des fédérations et des militants syndicaux au niveau des entreprises ou des unités décentralisées (Giraud, Yon et Béroud, 2018). Elles profitent alors de ces expériences pour enrichir leurs connaissances des différentes dimensions de la RSE. Il s’agit réellement d’un processus de bas en haut (bottom up en anglais), comme le précise, en 2006, le Secrétaire confédéral de la CGT-FO : « C’est plus dans les fédérations d’industrie que l’on a des discussions avec les employeurs en particulier […]. Dans ce cadre-là, effectivement, il y a des discussions et il y a des prises de position […]. Ensuite, on en discute au niveau de la Confédération et on prend des positions ».

Les Confédérations syndicales s’appuient sur certaines fédérations particulièrement engagées dans des actions de RSE (historiquement les Fédérations de la métallurgie, du commerce, de l’énergie, de la chimie et des transports, et, depuis 2015-2016, les Fédérations de la banque et des collectivités locales). Les fédérations syndicales se sont, depuis longtemps, engagées dans certaines thématiques sociales relevant de la RSE (égalité professionnelle ou discriminations au travail).

Au niveau des entreprises, certaines unités syndicales s’engagent en signant des Accords-cadre transnationaux en matière de RSE. Certaines unités syndicales de la CGT ou de la CFDT mobilisent également le reporting extra-financier pour mettre en avant la RSE. Par ailleurs, les représentants de la CFDT, de la CGT et de la CGT-FO ont souligné qu’ils s’étaient largement appuyés sur des militants impliqués sur la thématique du DD lors de la COP 21 en 2015.

Une des difficultés rencontrées par les Confédérations syndicales est de recenser les différentes actions menées aux niveaux des entreprises, des unités territoriales ou fédérales, afin de s’en inspirer. En 2012-2013, la CGT a organisé une telle remontée d’informations, mais cela reste difficile dans les Confédérations disposant de faibles moyens. La CFE-CGC a souhaité dépasser cette difficulté, en créant son réseau de référents. Quant à la CFTC, elle compte sur l’organisation de « Comités nationaux » pour faire remonter les initiatives des fédérations et des unions régionales et départementales.

La CFE-CGC a été confrontée à une autre difficulté dans l’élaboration de sa stratégie sur la RSE à partir des expériences des fédérations. En 2010, la Confédération a constitué un groupe de travail pour réfléchir aux axes à développer dans le domaine de la RSE, mais a constaté alors des conceptions de la RSE très spécifiques à chaque fédération et n’a pu élaborer une politique cohérente en suivant cette méthodologie. À l’arrivée d’un nouveau Secrétaire confédéral, la Confédération a alors décidé de procéder de manière plus centralisée pour définir sa stratégie en matière de RSE.

Les Congrès confédéraux, des espaces inscrivant la RSE ou le DD dans les orientations stratégiques

Pour tous les syndicats, les Congrès confédéraux sont des espaces qui permettent la discussion, l’élaboration et la validation des orientations stratégiques. La question du DD est mentionnée pour la première fois dans les Actes des Congrès de la CGT, en 1999, et de la CFDT, en 2000. Les Congrès suivants de ces deux syndicats ont permis de développer davantage la notion de DD. À la CFDT, les Congrès de 2002, 2006 et 2010 ont défini les ambitions sociétales de la confédération. Le Congrès de 2010 de la CGT a adopté la notion de « développement humain durable ». La CFTC a inscrit la notion de « traçabilité sociale » dans son Programme confédéral en 2011, puis dans la « Motion d’orientation » de son Congrès confédéral de 2015. Le Congrès confédéral de la CFE-CGC de 2016 a présenté « le sens » comme étroitement lié à la RSE. Pour la CGT-FO, la notion de DD n’apparaît que de manière très anecdotique dans les Actes du Congrèsconfédéral de 2011 et pas du tout en 2016.

Au-delà des écrits, les Congrès sont présentés par les interlocuteurs comme de véritables lieux de consolidation des orientations stratégiques confédérales. Un important travail de préparation est effectué en amont des Congrès dans différentes instances de gouvernance confédérale afin d’identifier les axes sur lesquels des discussions vont être organisées lors des congrès. Entre les congrès, les Confédérations ont d’autres instances de concertation interne qui facilitent la préparation des décisions stratégiques. À la CFDT, les bureaux nationaux discutent et préparent des notes d’orientation. Des Conseils nationaux ou confédéraux réunissent les Fédérations et les unités décentralisées pour échanger sur les expériences respectives. La CFDT a organisé, en 2006, une « université d’été » dédiée au DD qui précédait le Grenelle de l’environnement de 2007, révélant ainsi sa réflexion proactive sur le sujet. La CFTC organise aussi des Congrès des unions régionales, départementales ou des fédérations pour faire circuler les réflexions.

Les Congrès confédéraux sont, ainsi, des espaces de praxis permettant de faire émerger la stratégie confédérale, d’échanger sur celle-ci et de l’expliciter aux militants syndicaux. Ces orientations vont, ensuite, guider les plans d’action des différentes unités décentralisées et des fédérations avec un degré de liberté différent selon les Confédérations.

Des actions de sensibilisation pour faire vivre la stratégie syndicale

Les Confédérations les plus actives ont, rapidement, pris conscience de l’importance de sensibiliser les militants autour de la RSE et de rendre cette thématique concrète (en 2006 déjà). Certaines Fédérations, engagées dans des négociations d’Accords transnationaux d’entreprise sur la RSE, ont dû communiquer et expliciter très tôt leur engagement auprès des Confédérations. Mais les actions de sensibilisation ont réellement commencé à se structurer au niveau des fédérations et des unités régionales lorsque le positionnement stratégique sur la RSE a été clairement affirmé (entre 2009 et 2012 selon les Confédérations). Ces actions sont généralement de trois natures :

  • Des supports d’information et de communication ont été créés à mesure que les Confédérations formulaient explicitement leur stratégie : dès le début des années 2000 pour la CFDT et la CGT, au début des années 2010 pour la CGT-FO (Circulaire confédérale de 2012), la CFTC (Livret sur la traçabilité sociale) et la CFE-CGC (Charte DD en 2011, une Bible RSE en 2015, et un document sur les administrateurs salariés et la gouvernance responsable, également en 2015);

  • Des outils ou des guides opérationnels à destination des militants syndicaux ont été conçus pour savoir comment aborder la RSE concrètement (la CFDT sur le reporting extra-financier en 2012, sur le DD en 2014-2015, sur la RSE en 2016 et sur les administrateurs salariés en 2016; la CFE-CGC en 2016);

  • Des actions de formation ponctuelles ont été déployées par la CFDT et la CGT dès le début des années 2000 et se sont prolongées ces dernières années selon les besoins formulés par les fédérations ou les unités décentralisées. La CFE-CGC a commencé à développer des formations concrètes en 2015, une fois que l’orientation volontariste en faveur de la RSE a été prise.

La sensibilisation aux enjeux de la RSE auprès des militants syndicaux reste toujours une priorité pour les quatre Confédérations syndicales engagées dans ce domaine, même si la compréhension de la stratégie RSE par les militants progresse selon les représentants CFDT et CGT (2016). Celle-ci est une étape nécessaire pour permettre l’appropriation des stratégies confédérales par les unités territoriales en particulier, même si certaines fédérations n’ont pas attendu l’impulsion confédérale.

Discussion

Les résultats de notre étude permettent de tirer quelques enseignements tant en ce qui concerne l’impact des facteurs externes et internes sur la construction des stratégies syndicales en matière de RSE que la construction plus générale des stratégies syndicales par rapport à la littérature sur les entreprises.

Impact des facteurs externes et internes sur la construction des stratégies syndicales en matière de RSE

Nos résultats mettent en lumière l’importance des contextes externes et internes (Boxall, 2008) qui contribuent à définir progressivement la stratégie de chaque organisation syndicale en matière de RSE.

Concernant les facteurs externes, cette recherche révèle, tout d’abord, l’importance des lieux de concertation (praxis) dans la formulation des propositions sur la RSE. Elle souligne plus particulièrement que la construction des positions syndicales est influencée par les parties prenantes externes de ces instances, comme le soulignent certaines recherches (Hall et al., 2011; Saincy, 2015). De même, on démontre que l’intensité et la diversité des relations que les organisations syndicales ont noué avec les autres syndicats et les ONG (Lévesque et Murray, 2010), voire leurs actions communes, ont influencé leur positionnement en matière de RSE (Sobczak et Havard, 2015; Saincy, 2015). Ces relations ont permis aux Confédérations de tester certains argumentaires stratégiques, de les affûter, puis de les affirmer. Elles ont, aussi, permis d’élargir les connaissances sur les problématiques environnementales et de mener des actions concrètes promouvant la RSE considérées comme des opportunités de « pratiques » (au sens de la strategy as practice). La CFDT et la CGT se distinguent sur ce point par rapport à la CFE-CGC ou la CFTC.

D’autres facteurs externes plus institutionnels (encastrés) viennent expliquer la construction des stratégies syndicales. Ainsi, la Loi du 20 août 2008 sur la rénovation de la démocratie sociale qui oblige les syndicats à obtenir au moins 8% des suffrages lors des élections professionnelles pour pouvoir négocier au niveau national a poussé certains syndicats comme la CFDT à se démarquer à travers la RSE dans un contexte de concurrence entre Confédérations syndicales et à développer un certain leadership par rapport à la CGT. De même, la mise en avant de la notion de « traçabilité sociale » de la CFTC au début des années 2010 a permis à celle-ci de se rendre plus visible avant les élections professionnelles de 2012. De même, la Loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale a poussé les quatre organisations syndicales à créer le CIES pour labelliser des produits financiers responsables, dont la CGT qui était pourtant initialement hésitante, mais qui a saisi l’opportunité d’influencer l’élaboration d’un cadre de l’ISR.

Parmi les facteurs internes, la mise en place de ressources dédiées et la mobilisation de pratiques déployées aux niveaux fédéraux et décentralisés influencent fortement les stratégies syndicales en matière de RSE. Alors que la CFTC et la CFE-CGC sollicitent ponctuellement un ou deux experts de la RSE, la CGT et la CFDT ont constitué un collectif, voire une véritable équipe, leur permettant de développer une véritable expertise collective (pratiques) pour formuler la stratégie syndicale en matière de RSE, la porter et l’inscrire dans le long terme. Ceci conforte l’importance des « ressources organisationnelles » et des aptitudes mises en avant par Lévesque et Murray (2010) dans la capacité des organisations syndicales à se mobiliser et à influer des changements institutionnels.

Par ailleurs, les stratégies des syndicats se sont, aussi, construites à partir des expériences (pratiques) de certaines fédérations ou des militants syndicaux qui ont négocié des accords RSE dans les entreprises dans une logique ascendante. À l’inverse, les liens avec les unités fédérales et territoriales permettent aussi de décliner les stratégies confédérales et de les rendre plus concrètes. Là encore, la puissance relative de la CFDT et de la CGT, par rapport à celle de la CFTC et de la CFE-CGC, donne un avantage aux premières. De même, les structures internes des Confédérations, comme les Congrès, mais aussi les Bureaux, ont constitué des lieux d’élaboration et d’affirmation des stratégies syndicales des quatre Confédérations favorables à la RSE. Enfin, la fabrique de la stratégie s’est prolongée avec les actions de sensibilisation et de formation que certaines Confédérations ont mises en place afin d’assurer une certaine coordination entre les niveaux. Ces différentes pratiques nécessitent des « aptitudes d’articulation » (Lévesque et Murray, 2010) entre les différents niveaux d’action syndicale qui distinguent les organisations syndicales entre elles. Sur ces points, les ressources mobilisées (humaines et financières) sont déterminantes et distinguent clairement la CFDT et la CGT, d’une part, et la CFTC et la CFE-CGC, d’autre part (Andolfatto et Labbé, 2006; Radé, 2014).

Spécificités dans la construction des stratégies au sein des organisations syndicales

Au-delà de la thématique de la RSE, nos résultats confortent l’importance d’adopter des analyses longitudinales pour comprendre les stratégies syndicales et la manière dont celles-ci se construisent (Ibsen et Thelen, 2017). Ils permettent aussi de souligner les spécificités de la construction des stratégies au sein des organisations syndicales et les différences avec ce qui se passe au sein des entreprises.

Tout d’abord, les syndicats se caractérisent par une culture démocratique de la prise de décision (Hartcourt et Wood, 2009). Si des approches participatives et de bas en haut (bottom-up en anglais) y sont a priori plus développées que dans les entreprises (Boxall et Haynes, 1997), des recherches récentes ont démontré que le changement est souvent piloté grâce une forte coordination et un certain centralisme (Voss, 2010). Notre étude révèle, en effet, l’existence des deux approches. Certaines actions concrètes en matière de RSE correspondent clairement à des approches de bas en haut, notamment la négociation des Accords transnationaux d’entreprise par certaines fédérations syndicales. En revanche, les stratégies plus affirmées en matière de RSE sont souvent le résultat d’une approche plus centralisée et le reflet de la volonté et de l’engagement de membres de la direction des centrales syndicales. Ainsi, les changements au sein de la direction peuvent conduire à des modifications de stratégies dans ce domaine révélant l’importance de la discrétion managériale au sein des organisations syndicales (Hall et al., 2011).

De même, le fait que les Confédérations soient des méta-organisations a nécessairement un impact sur la manière dont se construisent les stratégies syndicales au niveau des Confédérations. Il s’agit, pour elles, de trouver l’équilibre entre une certaine liberté laissée aux fédérations et unions territoriales qui les composent conformément aux fondements démocratiques syndicaux, tout en assurant une cohérence nécessaire à l’image globale de la Confédération (Giraud, Yon et Béroud, 2018) et aux membres qui peuvent potentiellement appartenir à une fédération et une union territoriale. Pour répondre à cet enjeu, plusieurs Confédérations ont mis en place des réseaux de correspondants RSE dans les fédérations et les unions territoriales, permettant une certaine coordination, à défaut d’un contrôle interne (Hall et al., 2011).

Ces particularités posent la question-clé (qui pourrait être approfondie dans de futurs travaux) de l’identification du leadership syndical (Boxall et Haynes, 1997; Hall et al., 2011; Gumbrell-McCormick et Hyman, 2013) et des praticiens de la stratégie syndicale (au sens de la théorie de la « stratégie comme pratique ») qui peuvent prendre plusieurs visages (des dirigeants élus ou des permanents au sein des Confédérations, des fédérations ou des unités territoriales, voire dans les entreprises).

Conclusion

Cet article analyse la manière dont les cinq Confédérations syndicales françaises ont progressivement construit leurs stratégies en matière de RSE sur une décennie. Sur le plan théorique, nos résultats et leur discussion confirment l’intérêt de mobiliser le cadre théorique de Boxall (2008), ainsi que celui de la « stratégie comme pratique », habituellement utilisé dans le contexte des entreprises. Ces approches combinées permettent de comprendre la construction de stratégies syndicales en matière de RSE, en distinguant l’impact des facteurs externes et internes et en soulignant le rôle des différents niveaux au sein des organisations syndicales. Sur le plan pratique, l’article contribue à une meilleure connaissance du processus stratégique développé au sein des centrales syndicales. Il apporte, également, un éclairage complémentaire à la dynamique du positionnement des syndicats en matière de RSE. Ces éléments sont utiles, tant pour les acteurs syndicaux, que pour ceux qui interagissent avec eux. Ils permettent, en effet, de prendre du recul sur les actions mises en oeuvre, pour les placer dans le contexte plus large de la construction des stratégies syndicales.

Malgré son intérêt théorique et pratique, notre recherche présente des limites d’ordre méthodologique. Notre méthodologie ne nous a pas permis d’observer directement les pratiques des acteurs comme pourrait le recommander le courant de la « stratégie comme pratique » (strategy as practice en anglais). Cependant, l’analyse complémentaire des discours portés dans les entretiens et dans les documents syndicaux apporte une vision éclairée des dynamiques développées. La période couverte par nos entretiens (2006-2016) est, certes, importante, mais les actions engagées antérieurement par les syndicats français en matière de RSE (Sobczak, 2008) n’ont été analysées que de manière rétroactive, sans parfois pouvoir s’appuyer sur des entretiens avec ceux qui les ont menées.

Cette recherche ouvre surtout plusieurs perspectives de recherche pour l’avenir. D’un point de vue théorique, cet article ouvre un nouveau champ d’application du courant de la « stratégie comme pratique » aux organisations syndicales, qu’il conviendrait de compléter à propos d’autres stratégies syndicales. Cette perspective permet de mettre en lumière les expérimentations et les actions des syndicats dans la construction de leur renouveau (Dufour et al., 2010). Par ailleurs, la construction des stratégies syndicales pourrait également être analysée à l’aune de la théorie néo-institutionnelle mettant en lumière le « travail institutionnel » articulant des logiques micro- et macro-sociales (Kaghan et Lounsbury, 2011) que peuvent jouer les organisations syndicales sur les questions de RSE et de DD, à différents niveaux et sur plusieurs années (Micelotta, Lounsbury et Greenwood, 2017).

D’un point de vue empirique, plusieurs pistes sont possibles. Tout d’abord, il serait intéressant d’analyser comment les fédérations et les unions territoriales des Confédérations les plus engagées s’approprient progressivement ou non la RSE. Ceci permettrait de montrer davantage l’importance des pratiques dans le déploiement de la stratégie syndicale et dans son évolution, tout comme de révéler d’éventuelles différences entre les fédérations et entre les unités territoriales au sein des mêmes organisations syndicales (Giraud, Yon et Béroud, 2018). Ensuite, la question de la controverse entre les dimensions sociales, économiques et environnementales serait probablement mieux éclairée à travers les discours des militants syndicaux dans les fédérations et les unités territoriales qui la vivent au concret. Enfin, de futures recherches pourraient être conduites sur certains facteurs particuliers, l’influence des ONG ou des organisations patronales sur les stratégies syndicales ou, encore, l’impact des différents lieux de dialogue mis en place aux niveaux national et régional, notamment la Plateforme nationale d’action globale pour la RSE.