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Introduction

La recherche d’information est une activité essentielle pour les étudiants réalisant un mémoire de maîtrise ou une thèse de doctorat (Romelaer et Kalika, 2011). En effet, elle intervient dans la rédaction de la plupart des travaux des étudiants aux cycles supérieurs et est d’ailleurs considérée comme une compétence visée dans les formations concernées par l’Association des doyens des études supérieures au Québec (2018). De ce fait, la recherche d’information accompagne à la fois le travail de recherche à réaliser et sa structuration, étant donné que plusieurs éléments et fondements théoriques viennent alimenter et enrichir la problématique ainsi que les cadres conceptuel et méthodologique (Bertrand Baschwitz, 2010). Toutefois, cet aspect essentiel de tout travail réalisé aux cycles supérieurs a fait l’objet de rares études en contexte universitaire québécois. Cet article vise donc à présenter les pratiques de recherche d’information d’étudiants aux cycles supérieurs en éducation afin de déceler les stratégies et outils qu’ils emploient en plus des principales difficultés rencontrées.

Afin de contextualiser notre étude, nous définissons d’abord l’activité de recherche d’information à des fins d’études aux cycles supérieurs, en particulier l’élaboration de stratégies de recherche et de gestion de l’information. Nous enchaînons ensuite avec la méthodologie de recherche employée, la présentation des résultats et leur discussion.

Contexte

L’activité de recherche d’information est complexe et comporte plusieurs étapes empreintes d’itérativité (Bertrand Baschwitz, 2010; Boubée et Tricot, 2010). Parmi celles-ci, notons la circonscription d’un sujet, le choix des outils de recherche, la formulation de requêtes de recherche, la sélection des documents et l’évaluation de l’information. Par conséquent, avant de procéder à toute recherche d’information, il s’avère important d’élaborer des stratégies de recherche (Létourneau, 2006) en plus de comprendre le processus de recherche d’information (Kuhlthau, 2004). Ces stratégies s’articulent autour des éléments principaux suivants : un problème bien cerné, un projet d’étude délimité par rapport aux travaux existants, un objet de recherche précis, une question bien formulée, une hypothèse opérationnelle, une méthodologie solide, une évaluation lucide des limites de l’étude et l’annonce des étapes du plan d’administration de la preuve. La mise en forme d’une stratégie de recherche constitue donc une étape primordiale de la démarche de réalisation d’un travail de recherche scientifique. De plus, l’étudiant s’attend à ce que sa recherche d’information lui offre des résultats, parmi le volume important de documents accessibles, qui correspondent le mieux à ses besoins. Dans cette optique, il est nécessaire que l’étudiant déploie une méthodologie documentaire dont la recherche d’information représente le préalable incontournable. Plus particulièrement, à l’heure où se développent un grand nombre de contenus documentaires et divers supports d’information en format tant papier que numérique (rapport, article de périodique, livre, etc.), il est primordial d’appréhender cette diversité pour mieux comprendre les modes d’adaptation et d’appropriation de ces contenus documentaires (Chartron et al., 2012). Par ailleurs, selon Medzegue M’akuè (2009), l’accès à l’information documentaire demande une attention toute particulière, car celle-ci n’est pas recherchée « gratuitement » pour le plaisir, la distraction ou dans un but de culture et de curiosité, comme c’est le cas de la lecture d’un roman ou du journal. De ce fait, la recherche d’information a toujours une fonction d’utilité, soit pour répondre à un besoin, pour résoudre un problème ou pour accomplir une tâche dans le cadre d’études ou d’un contexte professionnel.

Par ailleurs, des lacunes dans les connaissances en recherche d’information peuvent affecter les productions d’étudiants universitaires, car une bonne rédaction scientifique dépend de ce qui a été trouvé comme références pour appuyer un texte (Létourneau, 2006). Il importe donc que ces étudiants possèdent d’abord des méthodes, des stratégies de recherche efficaces et des connaissances liées à l’utilisation des outils accessibles pour accéder à des informations pertinentes (Cook, 2014). À cette quête d’information s’ajoute un travail de recherche bibliographique et d’analyse des informations trouvées (Dumez, 2011). Les stratégies de lecture, d’évaluation et de sélection de l’information s’avèrent alors indispensables pour déterminer la pertinence des références trouvées.

En ce qui a trait aux outils de recherche employés par des étudiants aux cycles supérieurs pour obtenir des informations, la littérature révèle que ces derniers ont tendance à utiliser plus souvent Internet que les ressources physiques et électroniques de la bibliothèque universitaire (Spezi, 2016). D’ailleurs, la majorité́ des étudiants au doctorat se tournent vers les moteurs Google et Google Scholar pour chercher de l’information dans le cadre de leurs études puisqu’ils les considèrent comme étant faciles d’accès, conviviaux et rapides (Delaney et Bates, 2018). Malgré́ tout, Wu et Chen (2014) notent que les doctorants font usage des ressources offertes tant sur Internet que par les bibliothèques, appréciant autant la convivialité des moteurs de recherche que la qualité des informations contenues dans les bases de données rendues accessibles par leur établissement.

Par ailleurs, dans le contexte des études supérieures, plusieurs étudiants emploient des logiciels de gestion bibliographique tels que EndNote, Mendeley et Zotero en raison de divers avantages à la fois techniques et organisationnels (Melles et Unsworth, 2015; Rempel et Mellinger, 2015; Speare, 2018). En effet, ces outils aident les étudiants à stocker leurs références, à les gérer, à les partager et à créer automatiquement des bibliographies dans différents styles de présentation ou à les citer dans un document réalisé à l’aide d’un logiciel de traitement de texte. En utilisant un logiciel de gestion bibliographique, ils peuvent gagner du temps en insérant automatiquement les références dans leur bibliographie. De plus, ces outils peuvent aussi les aider à gérer leur flux de travail dans un contexte de plus en plus numérique et créer un environnement mieux intégré à leur processus de recherche.

Ce survol des étapes et des outils qui servent à réaliser une recherche d’information dans le cadre d’études supérieures démontre l’importance de bien former les étudiants pour mener à bien leurs projets de recherche. Or, tant la méta-analyse de Catalano (2013) que la revue de la littérature de Spezi (2016) sur les compétences en recherche d’information des étudiants aux cycles supérieurs relèvent de nombreuses lacunes chez la majorité d’entre eux. Parmi celles-ci, on note une certaine méconnaissance des stratégies et des outils de recherche en plus de difficultés pour trouver de l’information, l’évaluer et l’intégrer dans leur réseau de connaissances.

De plus, ce constat ne semble pas avoir évolué grandement puisque des études plus récentes relèvent des lacunes similaires. De ce fait, Click (2018) note que la majorité des étudiants étrangers réalisant un doctorat aux États-Unis affirmaient rencontrer des difficultés pour trouver et évaluer de l’information pour leurs travaux. De son côté, Hebert (2018) constate des lacunes chez la plupart des étudiants des cycles supérieurs en sciences de l’information dans la maîtrise des options de recherche avancée offertes par les moteurs de recherche. Pour leur part, Hsin et al. (2016) ont démontré que les doctorants moins expérimentés réalisaient davantage des recherches d’information en surface, c’est-à-dire centrées sur les meilleurs résultats de requêtes offerts par les moteurs de recherche, que leurs pairs plus expérimentés, soulignant du même coup l’importance de la formation à la recherche d’information pour ces étudiants. À ces nombreuses lacunes qui semblent perdurer, ajoutons que la littérature relève une tendance chez plusieurs des étudiants aux cycles supérieurs à surestimer leurs compétences en recherche d’information (Delaney et Bates, 2018; Hebert, 2018; Michalak et al., 2017; Robertson et Felicilda-Reynaldo, 2015; Spezi, 2016). En somme, si la recherche d’information représente la base de toute recherche menée par un étudiant de 2e ou de 3e cycle universitaire, il s’avère qu’elle n’est pas toujours bien maîtrisée.

D’ailleurs, dans l’une des rares études qui concernent des étudiants québécois, Bégin (2013) a constaté que les étudiants à la maîtrise et au doctorat qui avaient eu recours au service d’aide à l’apprentissage de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) présentaient une absence de méthodes et d’outils de recherche d’information, ce qui en faisait une des difficultés les plus fréquemment rencontrées par ledit service. C’est donc à la lumière de l’importance que revêtent les compétences en recherche d’information pour les étudiants aux cycles supérieurs et de la rareté des études québécoises à ce sujet que nous avons effectué la présente recherche.

Le contexte de notre étude ayant été présenté de manière sommaire, nous pouvons désormais préciser la question de recherche à laquelle elle tentera de répondre : Quelles sont les pratiques de recherche d’information des étudiants aux cycles supérieurs des facultés d’éducation d’universités québécoises francophones?

Objectif

En ayant pour objectif général de mieux comprendre les pratiques de recherche d’information de ces étudiants, nous souhaitons plus particulièrement analyser les lieux physiques où ils effectuent leurs recherches d’information, les outils employés à cette fin, leur niveau d’expertise dans l’usage des bases de données, leur utilisation des logiciels de gestion bibliographique ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de leurs recherches d’information.

Méthodologie

Cette section détaille la méthodologie employée pour répondre à l’objectif de notre recherche, c’est-à-dire les caractéristiques des participants recrutés, le processus de validation des instruments utilisés (questionnaire en ligne et entrevue semi-dirigée), ainsi que la collecte et l’analyse des données.

Participants

La population de référence de notre étude est composée de 879 étudiants inscrits aux 2e et 3e cycles en sciences de l’éducation dans quatre universités francophones du Québec à l’automne 2013 (tableau 1). Parmi ces derniers, 268 étudiants ont participé à notre étude, c’est-à-dire en répondant à notre questionnaire, tandis que 54 d’entre eux ont aussi participé à des entrevues téléphoniques d’une durée approximative de 45 à 60 minutes. Notre échantillon (n = 268) représente un taux de réponse de 30,4 %, ce qui en fait un échantillon de convenance, puisque ce sont des étudiants volontaires qui ont été recrutés par l’entremise d’un courriel d’invitation transmis par les décanats des universités visées.

Tableau 1

Échantillonnage par université

Échantillonnage par université

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Connaissant le paramètre de la population de référence, nous avons pu calculer la taille minimale n de l’échantillon en tenant compte d’une proportionnalité p de 50 % permettant le contrôle de la marge d’erreur m de 4,99 % (donc 5 %) avec un intervalle de confiance de 95 % (correspondant à t = 1,96), selon l’équation classique (ce qui s’avère représentatif; Statistique Canada, 2010) :

Instruments de collecte des données

Lorsque nous cherchons à étudier un phénomène encore mal connu, par exemple dans la cadre de la recherche exploratoire et descriptive, il est nécessaire d’accumuler le plus d’informations possible caractérisant le phénomène en cause, de manière à en cerner les divers aspects. Dans les études descriptives quantitatives, on privilégie le questionnaire (Fortin et Gagnon, 2016). Il est à préciser que le nôtre a servi à recueillir des données sur divers aspects liés à la recherche d’information chez les étudiants du Québec aux cycles supérieurs en éducation, notamment les critères d’évaluation de l’information dont ils font usage (voir Soung, 2017). Toutefois, dans le cadre de la présente étude, nous allons nous limiter aux questions qui portent sur leurs stratégies de recherche, plus précisément les outils employés pour trouver de l’information, ainsi que sur les difficultés rencontrées dans leurs démarches de recherche. Ce questionnaire est composé d’items quantifiables en tant que variables ordinales et nominales. Ces variables peuvent être mises en relation afin de voir si certaines des catégories sont associées de façon plus ou moins systématique, permettant chaque fois de préciser le portrait des caractéristiques qui sont particulières à un profil initial ou à l’évolution d’un profil chez une catégorie distincte de sujets.

Il est à préciser qu’une section se trouvant à la fin du questionnaire a servi à convier les répondants à participer à une entrevue téléphonique d’une durée d’environ 45 à 60 minutes. L’échantillon d’entrevues est donc un sous-échantillon dérivé de l’échantillon d’enquête conformément à la démarche méthodologique développée par Larose et al. (2009). Dans le contexte de notre étude, nous avons opté pour l’entrevue semi-dirigée. Le choix de cette entrevue est justifié par sa pertinence qui permet de compenser certaines limites du questionnaire, notamment lorsque celui-ci est formulé, dans la plus grande partie, sous forme de questions fermées. Ces entrevues permettent notamment aux sujets d’expliciter librement leurs expériences, leurs opinions et leurs suggestions à l’égard de l’objet d’étude.

Le guide d’entrevue semi-dirigée employé se focalise sur des questions ouvertes. Ces dernières permettent l’expression des sentiments ou des opinions des répondants. Elles ne limitent pas l’étendue possible des réponses et elles peuvent finalement, par les réponses fournies, apporter des idées, des suggestions ou des pistes d’études auxquelles nous n’avions pas pensé (Lamoureux, 1992). Contrairement à une autre étude centrée sur les critères d’évaluation de l’information réalisée par un des auteurs (Soung, 2017), le présent article fait usage des données recueillies par l’entremise des questions du guide d’entrevue qui portent sur les stratégies de recherche d’information et l’utilisation de la documentation scientifique chez les étudiants du Québec aux cycles supérieurs en éducation.

Processus de validation des instruments

La validation du questionnaire a été réalisée lors d’un séminaire étudiant du Centre de recherche sur l’intervention éducative et socioéducative (CRIÉSÉ) à l’Université de Sherbrooke, auprès de huit étudiants et de deux professeurs. Les discussions et les commentaires durant cet atelier de travail ont permis d’élargir les contextes explorés par certaines questions, notamment par rapport aux pratiques de recherche d’information. Dans l’ensemble, nous avons eu des commentaires positifs et des suggestions de modifications mineures de certaines consignes ainsi que de certaines modalités du format de réponse aux items. Une fois les modifications apportées, nous avons soumis le questionnaire pour évaluation à six étudiants aux cycles supérieurs avant d’inviter la population de référence à y répondre.

Analyse des données

Les données d’enquête par questionnaire ont été analysées avec le logiciel SPSS (version 17). Compte tenu de la nature des variables que nous avons, soit les variables nominales et ordinales, ces données qualitatives (catégorielles) ont été analysées selon des modèles statistiques essentiellement descriptifs. D’une part, elles ont été traitées à l’aide du calcul des fréquences et des pourcentages liés aux catégories des divers items. Ce calcul a pour objectif de documenter des nombres et des pourcentages de chaque énoncé et de mettre en valeur l’ensemble des données brutes issues de l’enquête. Nous avons également eu recours aux modèles bivariés, comme le calcul des mesures d’association, et multivariés, telle l’analyse des correspondances multiples (ACM) permettant d’obtenir des représentations graphiques des interactions entre différentes catégories de variables.

Résultats

Dans cette section, nous présentons les principaux résultats de notre recherche obtenus auprès des répondants aux cycles supérieurs dans des facultés d’éducation d’universités québécoises francophones. Ces résultats portent plus précisément sur les lieux physiques où ils réalisent leurs recherches d’information dans le cadre de leurs études, les outils de recherche qu’ils utilisent et à quelle fréquence, les logiciels de gestion bibliographique qu’ils emploient, leur niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent dans la recherche d’information et les solutions qu’ils envisagent pour y répondre.

Lieux physiques de recherche d’information

Plus de la moitié (56 %) des 241 répondants ont signalé qu’ils effectuaient leurs recherches d’information depuis leur domicile dans le cadre de leurs études. À l’opposé, environ le tiers d’entre eux (31,5 %) les font de leur bureau à l’université alors que seulement 12,5 % les effectuent dans la bibliothèque de leur établissement.

Outils de recherche d’information

Deux cent quarante-trois répondants au questionnaire ont précisé les outils de recherche qu’ils préfèrent employer dans le cadre de leurs études supérieures (figure 1). Il ressort de cela que les bases de données représentent l’outil de prédilection à cette fin (88,4 %). Plus des trois quarts des répondants (76,5 %) recourent à Internet, notamment au moteur de recherche Google. Enfin, deux tiers (66,2 %) consultent le catalogue de bibliothèque alors que plus du quart (27,9 %) utilisent les ouvrages de référence.

Figure 1

Outils de recherche préférés des étudiants aux cycles supérieurs

Outils de recherche préférés des étudiants aux cycles supérieurs

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Fréquence d’utilisation de diverses bases de données

Nous avons demandé aux répondants de nous indiquer la fréquence de leur utilisation des principales bases de données documentaires en sciences de l’éducation. Comme l’illustre le tableau 2, les bases de données les plus fréquemment consultées sont principalement ERIC (71,5 %) et Érudit (61,1 %). À l’opposé, la majorité des étudiants affirment ne jamais utiliser certaines bases de données, notamment celles de MLA International Bibliography (79,3 %), Scopus (77 %), Pascal (69,1 %) et CBCA Complete (63,6 %). Enfin, on remarque que seule une minorité d’étudiants utilisent occasionnellement ou rarement les bases de données en sciences de l’éducation, les taux de fréquentation représentant en moyenne environ le quart des répondants.

Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données

Nous avons interrogé les répondants sur leur niveau d’expertise quant à l’utilisation de différentes bases de données documentaires. Une autoévaluation de ce niveau a été faite par un format de réponse de type Likert se développant sur cinq échelles allant de « aucune expertise » à « expert ». Le calcul des mesures d’association croisant les variables « Cycles/parcours d’études » et « Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données » permet de constater un niveau d’expertise significativement élevé au regard de l’utilisation de différentes bases de données, chez les étudiants tant de 2e que de 3e cycle (L2 = 14,391 [4], p < 0,005; V = 0,246, p < 0,005). Nous constatons que près de la moitié des répondants (48,8 %) déclarent avoir atteint un niveau « intermédiaire » (figure 2). À l’inverse, environ le quart (28,3 %) se déclarent « avancé » en la matière alors que 19,6 % tendent à se dire « débutant ». Enfin, notons que très peu estiment n’avoir « aucune expertise » (2,1 %) ou se considèrent comme étant « expert » (1,3 %).

Tableau 2

Fréquence d’utilisation de diverses bases de données documentaires

Fréquence d’utilisation de diverses bases de données documentaires

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Figure 2

Niveaux d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données

Niveaux d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données

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Afin d’observer la relation entre les variables « Cycle/parcours d’études » et « Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données », nous avons eu recours à l’ACM (figure 3). Cette analyse a fait ressortir que les étudiants du 2e cycle en début de parcours se considèrent comme « débutant » (cf. bloc 1). Quant à ceux du 2e cycle à mi-parcours et du 3e cycle en début de parcours, ils s’évaluent comme étant de niveau « intermédiaire » (cf. bloc 2). À l’opposé, on note que ceux du 2e cycle qui sont en fin de parcours ainsi que ceux du 3e cycle à mi-parcours et en fin de parcours se considèrent comme « avancé » (cf. bloc 3). Le dernier niveau, « expert », n’a été déclaré que par trois répondants au Ph. D., dont deux étaient en début de parcours contre un en fin de parcours. Enfin, les sujets estimant n’avoir aucune expertise en recherche d’information sont marginaux par rapport aux autres niveaux sur le plan de l’ACM réalisée.

Figure 3

ACM sur les variables « Cycles/parcours d’études » et « Q.19) Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données »

ACM sur les variables « Cycles/parcours d’études » et « Q.19) Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données »

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Utilisation des logiciels de gestion bibliographique

La moitié des répondants (62,4 %) affirment utiliser un logiciel de gestion bibliographique dans le cadre de leurs études supérieures alors que plus d’un tiers d’entre eux (37,6 %) ne le font pas. De plus, parmi les 151 répondants qui ont confirmé utiliser un tel logiciel, 128 l’ont précisé (figure 4). Il en découle que les principaux logiciels de gestion bibliographique employés par ces étudiants sont EndNote (52,3 %), RefWorks (20,3 %) et Mendeley (17,1 %).

Figure 4

Logiciels de gestion bibliographique utilisés par les étudiants

Logiciels de gestion bibliographique utilisés par les étudiants

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Difficultés rencontrées dans la recherche d’information

Deux cent trente-six répondants à notre questionnaire ont précisé les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils effectuent des recherches d’information dans le cadre de leurs études supérieures. Ce faisant, on note que plus de la moitié d’entre eux (58,5 %) affirment avoir des difficultés à trouver de la documentation pertinente pour leurs études comme des livres, des revues et des articles scientifiques, alors que 41,5 % constatent qu’ils n’ont pas de difficulté à le faire.

L’analyse factorielle des correspondances (AFC) du discours des sujets provient des entrevues et permet certains constats à propos des limites et des difficultés que les sujets ont rencontrées lorsqu’ils recherchaient de l’information (figure 5). En fait, trois idées distinctes ont été observées dans la zone de discours partagés produits par la variable « Sujet » (cf. encadré gris à la figure 5). Les 47 mots retenus (fréquence de coupure = 7) sont rapportés selon les axes factoriels qui représentent respectivement 28,79 % de l’inertie expliquée (axes 1-2).

En premier lieu, on retrouve le choix des mots-clés. Lors du processus de recherche d’information, les sujets devaient choisir des mots-clés (correspondant à leur thème spécifique) pour interroger les bases de données afin d’obtenir des résultats pertinents par rapport à une recherche. En second lieu, les étudiants interrogés ont évoqué des problèmes concernant la perte de temps : d’une part, au moment de la recherche d’information dans des voies différentes avant de rassembler de l’information pertinente et, d’autre part, au moment de la lecture d’un certain nombre de documents avant d’arriver à ne conserver que ceux qui sont essentiels. D’autres problèmes peuvent être liés à la numérisation des documents. Lorsqu’un document, par exemple une monographie ou une thèse, n’était pas disponible dans leur bibliothèque, il fallait passer par le prêt entre bibliothèques (PEB), donc attendre un certain temps avant l’arrivée du livre, qui ne pouvait d’ailleurs être gardé très longtemps (trois semaines maximum sans renouvellement). Donc, au besoin, les étudiants étaient contraints de numériser les parties importantes avant de retourner le livre obtenu par l’entremise du PEB.

Figure 5

AFC du discours des sujets portant sur les limites et les difficultés rencontrées lors de la recherche d’information (variable Sujet)

AFC du discours des sujets portant sur les limites et les difficultés rencontrées lors de la recherche d’information (variable Sujet)

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Par ailleurs, certains sujets (cf. encadré rouge à la figure 5) soulignent que dans le travail de construction de leur projet de recherche, certaines limites et difficultés peuvent être liées à la langue, notamment la maîtrise de la langue anglaise. En ce qui concerne les outils de recherche d’information sur le Web, les différentes banques de données ont chacune leur propre interface de recherche et souvent, elle est en anglais, ce qui rend difficile le choix des mots-clés décrivant le mieux le sujet avant de lancer la requête. De plus, pour la traduction des principaux termes, les étudiants trouvent parfois difficile de traduire du français à l’anglais pour trouver le terme vraiment approprié correspondant à leur champ de recherche spécifique, étant donné qu’il y a des nuances de langue lorsqu’ils traduisent des éléments de recherche. Enfin, d’autres difficultés majeures sont relevées quant à la compréhension des références en anglais lors de la lecture du document, et encore plus lors de l’exercice du jugement critique.

Par ailleurs, certains participants ont mentionné qu’il existe peu d’écrits dans la langue française à propos de leur sujet de recherche, la plupart se trouvant en anglais. Il est parfois difficile de comprendre des termes techniques et de saisir l’idée de l’auteur, étant donné que les mots-clés ne sont pas les mêmes qu’en français, ce qui nécessite une traduction. En outre, avoir accès à l’information dans une langue seconde, voire tierce, est évalué comme étant plus compliqué et plus exigeant. Dans un autre ordre d’idées, certains répondants ont souligné leurs difficultés par rapport à la quantité et à la pertinence de l’information trouvée. De ce fait, ils se questionnent quant à la sélection et au tri de celle-ci, de manière à ne conserver que ce qui est pertinent et correspond à leurs attentes.

Deux participants (S11 et S20) ont mentionné leurs propres difficultés quant au lieu de travail. Ainsi, lorsqu’ils travaillaient à partir de chez eux, ils étaient plus limités en matière d’accès au système ou au site de la bibliothèque de l’université. Inversement, quand ils travaillaient à partir de la bibliothèque ou de leur bureau universitaire, ils avaient accès, sans payer, à davantage de documents et de publications, car les bibliothèques universitaires sont abonnées à beaucoup plus de revues scientifiques, connues et reconnues. S’ils avaient voulu avoir accès à ces revues de leur domicile, il aurait fallu qu’ils paient (cf. encadré vert à la figure 5).

Outre le plan factoriel produit par la variable « Sujet », nous décrivons ensuite ce qui ressort du plan factoriel produit par la variable « Parcours d’études » quant aux limites et difficultés rencontrées lorsque nos répondants recherchent de l’information (figure 6). Les 47 mots retenus (fréquence de coupure = 7) sont rapportés selon les axes factoriels qui représentent respectivement 15,90 % de l’inertie expliquée (axes 1-3).

Figure 6

AFC du discours des sujets portant sur les limites et les difficultés rencontrées lors de la recherche d’information (variable Parcours d’études)

AFC du discours des sujets portant sur les limites et les difficultés rencontrées lors de la recherche d’information (variable Parcours d’études)

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Ce plan permet d’observer le discours propre à chaque catégorie de répondants. En fait, les participants du bloc 1 à la figure 6 sont des étudiants en début de parcours. On dénote qu’ils font mention des difficultés de la langue (traduction des termes du français à l’anglais), de la connaissance et de l’utilisation des bases de données, du choix des mots-clés et de l’accès au document. Les étudiants à mi-parcours (cf. bloc 2), soulignent quant à eux des problèmes liés à la compréhension des articles scientifiques, à la disponibilité des documents par rapport à leur sujet ainsi qu’à la lenteur et à l’inaccessibilité du site de la bibliothèque de l’université. Pour les étudiants en fin de parcours (cf. bloc 3), les difficultés rencontrées sont plutôt liées à la perte de temps au moment de la recherche d’information, à la construction du cadre conceptuel, à l’abonnement aux revues scientifiques payantes ainsi qu’à la lecture et à la sélection des références.

Discussion

Nous présentons ici une discussion des résultats à la lumière de la littérature concernée, plus particulièrement sur les lieux où les étudiants des cycles supérieurs réalisent leurs recherches d’information, les outils de recherche et de gestion bibliographique employés, l’autoévaluation de leur niveau d’expertise ainsi que les difficultés rencontrées dans le cadre de leurs études.

Lieu de prédilection pour chercher de l’information

Nos résultats montrent que plus de la moitié des étudiants aux cycles supérieurs en sciences de l’éducation réalisent leur recherche d’information à partir de leur domicile, alors que seule une minorité d’entre eux réalisent cette recherche dans les locaux de la bibliothèque universitaire. L’accès à distance aux ressources électroniques en passant par les services de la bibliothèque est considéré comme étant pratique et d’utilisation facile. Plusieurs recherches ont d’ailleurs noté une situation similaire quant à la forte fréquentation à distance de la bibliothèque universitaire par les étudiants aux cycles supérieurs (Cooper et Hugues, 2017; Dukić et Strišković, 2015; Tracy et Searing, 2014). La bibliothèque semble donc devenue un endroit où ces étudiants, en particulier ceux qui sont rendus à l’étape de la rédaction de leur mémoire ou de leur thèse, ne vont s’y rendre en personne que pour obtenir des livres ou des périodiques sur support papier qui ne sont pas accessibles en ligne. Cette complémentarité documentaire n’est pas appelée à disparaître, d’autant plus que les bibliothèques universitaires transforment de plus en plus leur espace en un milieu de vie étudiante très dynamique (Adams Becker et al., 2017). Toutefois, force est de constater que les mesures sanitaires mises en place par le gouvernement du Québec en 2020 pour contrer la pandémie du coronavirus auront une nette incidence – du moins momentanément – sur la présence physique de ces étudiants dans certaines bibliothèques universitaires québécoises. De ce fait, en date de juillet 2020, certaines entament l’ouverture graduelle de leurs installations tout en imposant de strictes mesures sanitaires visant à assurer la sécurité des membres de la communauté universitaire et du personnel (voir Service des bibliothèques de l’Université du Québec à Montréal, s.d.; Service des bibliothèques et archives de l’Université de Sherbrooke, s.d.) alors que d’autres se limitent à un accès à distance pour leurs services et collections (voir Bibliothèque de l’Université Laval, s.d.; Bibliothèques de l’Université de Montréal, 2020).

Outil de prédilection pour chercher de l’information

Nos résultats montrent que la majorité des étudiants affirment chercher de l’information par l’entremise de bases de données documentaires, d’Internet (ex. Google) et du catalogue de leur bibliothèque universitaire. Cette primauté des bases de données rejoint les résultats de l’étude de Thomas et al. (2017) où la plupart des doctorants ont déclaré que les bases de données représentaient leur principale source d’information. Cependant, l’usage aussi fréquent de moteurs de recherche comme Google chez les étudiants de notre enquête indique qu’ils semblent faire preuve d’une approche complémentaire dans leurs recherches. Cela concorde entre autres avec l’étude de Wu et Chen (2014) qui note que les étudiants aux cycles supérieurs appréciaient tant la convivialité de Google Scholar que la qualité de l’information trouvée avec des bases de données.

Par ailleurs, soulignons que les participants de notre étude déclarent chercher principalement dans des bases de données documentaires spécialisées en éducation, et ce, qu’elles soient en anglais (ex. ERIC) ou en français (ex. Érudit), un constat intimement lié à leur appartenance à des universités québécoises francophones. On constate aussi qu’ils sont plusieurs à utiliser la base de données ProQuest Dissertations and Theses qui se spécialise dans les mémoires de maîtrise et les thèses de doctorat. Cet usage peut leur permettre d’avoir une meilleure idée des plus récentes études connexes à leur sujet de recherche et d’élaborer leur mémoire ou leur thèse. Il est à souligner que certaines bases de données étaient très fréquemment utilisées par les étudiants d’une université alors que d’autres ne l’étaient pas du tout. C’est le cas notamment de la base de données Academic Search Complete où les répondants de l’Université de Sherbrooke sont surreprésentés pour l’usage fréquent alors que majoritairement, ceux de l’Université de Montréal et de l’Université Laval ne l’utilisent jamais. Cette disparité pourrait être liée aux abonnements de chaque établissement, un critère qui n’avait pas été pris en compte lors de l’élaboration de nos outils de collecte, mais qui démontre que l’usage des bases de données peut être influencé par l’accès offert aux étudiants d’un établissement. Toutefois, il est rassurant de constater que les participants de notre recherche affirment utiliser diverses bases de données puisqu’un chercheur qualifié se doit de connaître diverses bases de données pertinentes à son domaine afin d’obtenir des résultats efficaces (Gullbekk et al., 2013).

Niveau d’expertise par rapport à l’utilisation des bases de données

Pour le niveau d’expertise par rapport à l’utilisation de différentes bases de données documentaires, nos résultats démontrent que près de la moitié des étudiants interrogés s’estiment d’un niveau intermédiaire (48,8 %). Les autres se perçoivent comme étant soit avancés ou experts (29,6 %), soit débutants (19,6 %). D’une part, les étudiants aux cycles supérieurs en éducation semblent globalement démontrer une certaine humilité dans leur autoévaluation, ce qui ne semble pas être le cas chez d’autres collègues davantage enclins à surestimer leurs compétences en recherche d’information (Delaney et Bates, 2018; Hebert, 2018; Michalak et al., 2017; Robertson et Felicilda-Reynaldo, 2015; Spezi, 2016). Il serait intéressant de vérifier si des facteurs tels que leur domaine d’études (sciences de l’éducation) sont en jeu. D’autre part, cette répartition du sentiment d’autoefficacité permet de relever un besoin de formation pour la majorité des étudiants afin d’améliorer leur utilisation des bases de données documentaires dans le cadre de leurs recherches d’information. De ce fait, maîtriser l’usage des bases de données représente une compétence-clé aux études supérieures puisqu’elles sont souvent un des premiers outils de recherche d’information employés par les étudiants (Thomas et al., 2017). De plus, même si certains étudiants amorcent leurs recherches d’information sur Google, il reste que leurs quêtes mènent souvent à des bases de données dont l’accès est rendu possible par les services électroniques de la bibliothèque de leur établissement. Par conséquent, savoir chercher directement dans une base de données demeure essentiel pour leurs études et une formation à cet effet est requise.

Usage de logiciels de gestion bibliographique

Seulement le tiers des étudiants consultés ont affirmé se servir d’un outil pour gérer leurs références bibliographiques. La littérature présente pourtant des résultats opposés à ce sujet. De ce fait, dans sa recherche auprès de 138 étudiants aux cycles supérieurs de l’Université du Manitoba, Speare (2018) a constaté que 70 % d’entre eux utilisaient un tel logiciel. Un constat similaire a été établi par Melles et Unsworth (2015) indiquant qu’environ 70 % des 81 étudiants de 3e cycle de la Monash University en Australie ont affirmé utiliser ces logiciels dans le cadre de leur recherche. Quelques pistes pourraient expliquer cette disparité. D’une part, ces recherches portaient sur des étudiants dans des domaines autres que l’éducation, comme l’ingénierie et les sciences sociales où l’usage de tels logiciels est possiblement plus courant. D’autre part, les données recueillies pour notre étude datent de 2013 et il est possible que l’utilisation de logiciels de gestion bibliographique ait augmenté dans les établissements universitaires concernés. Malgré cette différence dans la fréquence d’usage, on note toutefois que les quatre logiciels les plus souvent employés dans les études susmentionnées (Melles et Unsworth, 2015; Speare, 2018) demeurent les mêmes que ceux indiqués dans notre recherche, c’est-à-dire Mendeley, EndNote, Zotero et RefWorks. Parallèlement, la popularité d’un logiciel pourrait être liée à la disponibilité des licences dans un établissement ainsi qu’à la formation offerte par ses bibliothèques. Mais pour bien répondre à de telles interrogations et mieux adapter les formations à cet effet, il faudrait étudier plus finement l’utilisation des logiciels de gestion bibliographique par les étudiants aux cycles supérieurs en éducation, ce qu’aucune étude empirique d’envergure n’a – à notre connaissance – encore fait en contexte universitaire québécois.

Difficultés rencontrées lors de la recherche d’information

Plus de la moitié des étudiants (58,5 %) ont déclaré rencontrer des difficultés lorsqu’ils cherchaient de l’information dans le cadre de leurs études supérieures. Dans un premier temps, le choix des mots-clés ou la traduction des concepts en mots-clés est perçu comme étant complexe puisque la plupart des bases de données documentaires ont une interface en anglais. Nous constatons que la maîtrise de l’anglais, principale langue de l’information scientifique publiée au niveau international, varie considérablement chez les étudiants en recherche au Québec. Bien qu’ils réalisent des mémoires et des thèses dans des établissements francophones, il apparaît essentiel que ces étudiants maîtrisent au moins la lecture de textes en anglais pour s’assurer d’asseoir leur production sur une littérature scientifique plus exhaustive. Au Québec, les personnes unilingues francophones qui effectuent leurs études supérieures en éducation se trouvent à être désavantagées par rapport à leurs collègues bilingues. Les établissements québécois francophones auraient donc intérêt à tenir compte de la barrière linguistique rencontrée par une partie de leur clientèle et à trouver des solutions pour l’aider dans la quête et la lecture de publications scientifiques anglophones.

Parallèlement, certains mentionnent aussi avoir de la difficulté à trouver de l’information quand un sujet de recherche est peu étudié dans la littérature scientifique puisque cela ralentit l’élaboration de leur problématique de recherche. Inversement, d’autres éprouvent des problèmes devant la grande quantité de références trouvées, ce qui exige de faire des choix difficiles axés sur la pertinence. À ce sujet, Spezi (2016) constate que la littérature démontre que les doctorants ne semblent pas encore avoir atteint le niveau de compréhension requis pour choisir adéquatement les critères sur lesquels ils devraient baser leur sélection d’informations dans le cadre de leurs recherches. Nos résultats dénotent aussi que certains étudiants sont souvent confrontés à de la documentation scientifique qui n’est pas récente, ce qui ne les aide pas à contextualiser leur problématique. Enfin, la difficulté d’accéder à des articles en version électronique fait également partie des obstacles rencontrés au moment de la recherche d’information. Il faut dire que devant la hausse continuelle du prix des abonnements institutionnels à des revues scientifiques, de plus en plus de bibliothèques universitaires n’ont eu d’autres choix que de délaisser certains abonnements (Scott et Eva, 2016). D’autres ont cependant réussi à renégocier leurs abonnements avec les géants de l’édition scientifique, ce qui est désormais le cas de certaines universités québécoises (McKenzie, 2018). Bref, l’accès aux articles demeure actuellement un obstacle institutionnel hors de contrôle des étudiants aux cycles supérieurs en quête d’information en éducation, mais il reste que la formation à la recherche d’information demeure un élément essentiel pour les aider dans leurs démarches.

D’autres solutions sont d’ailleurs envisageables pour faire face à de telles difficultés, notamment discuter avec les membres de leur comité de recherche, consulter des bibliothécaires et s’entraider entre collègues étudiants.

Dans un premier temps, la directrice ou le directeur de mémoire ou de thèse joue un rôle très important dans le travail d’encadrement et d’orientation de la recherche d’un étudiant pendant tout son parcours, et ce, de l’étape initiale jusqu’à l’évaluation finale des travaux de recherche (Jutras et al., 2010). Or, dans sa revue de la littérature, Spezi (2016) note que si certaines études montrent que les doctorants consultent leur direction pour les aider dans leurs recherches d’information, d’autres signalent qu’ils ne le font pas vraiment. Il serait donc important que les étudiants soient davantage conscientisés au sujet de l’apport de leur direction dans l’élaboration de leurs stratégies de recherche d’information afin qu’ils puissent en profiter.

Une seconde personne-ressource sur qui l’étudiant aux cycles supérieurs compte souvent en cas de difficulté lors de sa recherche d’information est le bibliothécaire de référence (Spezi, 2016). Son rôle est a priori d’optimiser et de faciliter l’accès à l’information scientifique dans un domaine d’études. Il possède une expertise propre à la bibliothéconomie qui se retrouve rarement chez leur direction de recherche ou leurs collègues aux études supérieures. Mais comme le souligne Catalano (2013), il importe que les bibliothèques universitaires fassent la promotion efficace de leurs services et de leur expertise auprès de ces étudiants afin que ceux-ci en soient informés.

Enfin, les personnes-ressources indiquées en troisième lieu sont leurs collègues à la maîtrise ou au doctorat. En effet, ils échangent avec eux lors des cours universitaires aux cycles supérieurs ou lors d’événements comme les colloques en éducation, et ce, même si certains d’entre eux n’ont pas les mêmes champs d’intérêt. Ce recours aux collègues semble plus fréquent ces dernières années, notamment grâce aux communautés virtuelles d’entraide entre étudiants aux cycles supérieurs sur les médias sociaux, tels que les groupes Facebook créés de manière informelle et spontanée, et à la création de retraites de rédaction universitaires. De ce fait, des organismes à but non lucratif québécois comme Thèsez-vous (Tremblay-Wragg et al., 2020) et des associations étudiantes en éducation comme l’Association des étudiantes et étudiants aux études supérieures en éducation de l’Université de Montréal (2018) organisent des événements ou des espaces où des étudiants des cycles supérieurs se rassemblent ailleurs qu’à leur université pour se concentrer sur la rédaction de leurs travaux, le tout dans une ambiance décontractée, avec un encadrement plus souple et un accent mis sur l’entraide entre collègues. Ces nouveaux espaces de rédaction apportent certes leur lot d’avantages et de défis (voir Kornhaber et al., 2016), et leur apport pour contribuer au développement des compétences en recherche d’information des étudiants des cycles supérieurs représente une voie intéressante à emprunter à cette fin.

Conclusion

Notre étude visait à mieux comprendre les pratiques de recherche d’information des étudiants aux cycles supérieurs de quatre facultés d’éducation québécoises francophones. Les résultats obtenus nous ont permis de constater qu’ils réalisaient majoritairement leurs recherches à domicile plutôt qu’à l’université. Nous avons aussi pu observer qu’ils utilisaient principalement les bases de données comme outil de recherche même si seulement le tiers d’entre eux se considèrent comme étant très à l’aise pour les utiliser. Quant aux logiciels de gestion bibliographique, ils ne sont l’apanage que d’une minorité. Nos résultats montrent enfin que plus de la moitié des étudiants rencontrent des difficultés lors de leurs recherches d’information, notamment pour des raisons linguistiques, de rareté de l’information, de surinformation et de problèmes d’accès.

Certes, notre recherche présente des limites. Parmi celles-ci, notons que les données recueillies datent quelque peu, que les résultats ne permettent pas de déceler des différences entre étudiants francophones québécois et étudiants francophones venus d’ailleurs ou entre universités à cause de leurs politiques documentaires respectives et que les pratiques de recherche recueillies sont déclarées et non effectives (Maubant, 2007). En effet, nos données proviennent de questionnaires et d’entrevues (pratiques déclarées) plutôt que d’observations (pratiques effectives), ce qui signifie que nous n’avons pas observé concrètement comment les participants réalisaient leurs recherches d’information dans le cadre de leur formation. Toutefois, cette étude représente l’une des seules qui offrent des données empiriques sur les pratiques de recherche d’information des étudiants francophones aux cycles supérieurs au Québec. De plus, nos résultats démontrent que ces derniers présentent des lacunes en recherche d’information. La détermination de ces difficultés peut donc guider l’élaboration des formations qui sont données aux étudiants à la maîtrise et au doctorat en éducation au sein des établissements universitaires, tant par les bibliothèques que par les facultés. Notre étude peut aussi servir de point de repère empirique à de nouvelles études sur les pratiques de recherche des étudiants aux cycles supérieurs du Québec qui prendraient entre autres en compte l’apport de l’entraide étudiante rendue possible par les communautés virtuelles et les retraites de rédaction aux cycles supérieurs. Cette collaboration informelle entre étudiants semble d’ailleurs en voie de devenir un pilier complémentaire dans leur parcours de recherche et il serait donc bénéfique de l’étudier conjointement avec l’encadrement et le soutien que leur offrent leurs établissements universitaires afin de bonifier le cheminement des futurs chercheurs en éducation.