Article body

Au Québec, le trouble du spectre de l’autisme (TSA) constitue le diagnostic le plus prévalent parmi les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) dans le milieu scolaire et la proportion d’enfants présentant cette condition est en constante augmentation (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014; Noiseux, 2014). Les données du ministère de l’Éducation et du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ) indiquent que 1,2 % des enfants et adolescents âgés de 1 à 17 ans présentaient un diagnostic de TSA en 2014-2015 (Diallo et al., 2018). Or, les besoins de ces enfants identifiés comme étant en situation de handicap par les commissions scolaires peuvent être multiples et importants, et leur parcours scolaire atypique. Parmi les troubles associés au TSA se retrouvent l’anxiété, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) (Diallo et al., 2018), la déficience intellectuelle et les troubles langagiers (Zablotsky, Boswell et Smith, 2012), en plus de difficultés comportementales (Ahmedani et Hock, 2012). Ainsi, pour répondre à ces besoins multiples, différents types de scolarisation sont offerts à ces élèves : la classe ordinaire avec ou sans accompagnement, la classe spécialisée homogène (regroupement d’élèves présentant le même handicap) ou hétérogène (regroupement d’élèves présentant différents types de handicaps) (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2011). Les modèles d’interventions comportementales utilisés en autisme impliquent les parents de façon très concrète : observation des comportements de l’enfant, enseignement individuel, modelage, entraînement in vivo (Burrell et Borrego, 2012). En ce qui a trait à l’implication parentale en contexte d’intervention comportementale intensive (ICI) offerte par les centres de réadaptation au Québec, l’implication parentale vise à maximiser l’intervention dans le quotidien de l’enfant (Lovaas, 1987). Le rôle des parents et les objectifs poursuivis sont ainsi bien définis, ils visent la généralisation des apprentissages et le maintien des acquis. Ce type d’implication parentale, soit dans l’intervention directe auprès de l’enfant ayant un TSA bénéficiant d’un programme d’intervention spécifique a donc bien été étudié. À l’inverse, malgré différentes théories et modèles portant sur l’engagement parental dans les apprentissages de l’enfant et l’implication parentale dans le milieu scolaire régulier, l’engagement des parents dans l’éducation de l’enfant ayant un TSA et son environnement scolaire, quoique valorisé, a fait l’objet de peu d’études.

Définition et mesure de l’engagement parental

La participation des parents dans la réussite éducative de l’élève est jugée comme importante et essentielle dans notre système scolaire prônant le partenariat, école et famille (ministère de l’Éducation, 1999) et le soutien des parents (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2013). Toutefois, il y a confusion concernant les termes implication parentale, participation parentale et engagement parental (Goodall et Montgomery, 2014) et les auteurs des écrits recensés ne s’entendent pas sur la définition et la mesure de ces concepts. Ceci rend difficile l’application des modèles existants au contexte d’autisme, ce qui contribue possiblement à maintenir l’incompréhension des rôles des parents dans la réussite éducative de leur enfant. Selon Epstein (2018), l’utilisation des termes participation parentale et engagement parental réfère aux actions entreprises par les parents et évacue les actions et responsabilités prises par les milieux scolaire et communautaire pour faciliter cette implication. L’auteure privilégie ainsi le concept de partenariat, école, famille et communauté, afin d’accorder une place égale aux différents milieux dans la réussite de l’élève et de favoriser un respect mutuel des rôles de chacun. Plusieurs auteurs utilisent ainsi la classification d’Epstein selon laquelle il y a six catégories de pratiques qui impliquent les parents, les enseignants, les élèves et les partenaires du milieu communautaire : la parentalité, la communication, le bénévolat, l’enseignement à la maison, la prise de décision et la collaboration avec la communauté[2] (Epstein, 2018). D’autres utilisent les trois dimensions de l’implication parentale de Fantuzzo et collègues (Fantuzzo, Tighe et Childs, 2000; Fantuzzo, McWayne, Perry et Childs, 2004), soit l’implication à la maison, l’implication à l’école et la communication maison-école[3]. Dans d’autres cas, les auteurs ne définissent pas le concept d’implication parentale qu’ils utilisent sur la base d’une théorie ou d’un modèle existant, mais ciblent plutôt des tâches qu’ils considèrent comme étant représentatives de l’implication des parents dans l’éducation de l’enfant ayant un TSA, telle que la participation aux rencontres de plan d’intervention, ou catégorisent de façon plus inductive les tâches liées directement ou indirectement au milieu scolaire. Quant au vocable, bien que le concept d’implication parentale soit davantage utilisé que le concept d’engagement, des auteurs utilisent ces deux termes de manière interchangeable. Dans le cadre de cet article, le concept d’engagement parental a été retenu puisqu’il implique un sentiment d’appropriation de l’implication plutôt que la simple participation à une activité déconnectée du contexte ou de l’importance que prend celle-ci pour le parent (Goodall et Montgomery, 2014). Comme l’indiquent Goodall et Montgomery (2014) : « […] parental engagement will involve a greater commitment, a greater ownership of action, than will parental involvement with schools. » (p. 400) Nous nous intéressons en ce sens à l’engagement des parents dans la réussite éducative de l’enfant ayant un TSA au sens large plutôt qu’à l’engagement ou l’implication parentale auprès des intervenants de l’école.

Ensuite, en fonction du modèle théorique et de la définition de l’engagement ou de l’implication parentale utilisée par les auteurs s’intéressant à la scolarisation des enfants ayant un TSA, différentes façons de mesurer l’engagement sont retrouvées dans les écrits. Des questionnaires, portant sur l’implication parentale validée auprès de parents dont l’enfant ne présente pas de handicap particulier sont utilisés : le Family Involvement Questionnaire – Elementary version (FIQ-E), de Manz, Fantuzzo et Power (2004), une adaptation du Family Involvement Questionnaire (FIQ) de Fantuzzo et al. (2000) et des sous-échelles du Parent-Teacher Involvement Questionnaire : Parent (PTIQ-P; Corrigan, 2002). Benson (2015) a quant à lui modifié le FIQ afin de l’adapter au contexte de l’autisme. Autrement, des chercheurs et chercheuses ont ciblé des tâches et ont demandé aux parents à quelle fréquence ils les réalisaient. Ainsi, les connaissances actuelles sur le sujet, portent majoritairement sur des études quantitatives mesurant des dimensions différentes de l’engagement ou de l’implication parentale, celles-ci mesurées en termes de fréquence, à partir de questionnaires initialement validés auprès de populations de parents dont l’enfant ne présente pas de diagnostic tel que le TSA. De ce fait, ces études ne rendent pas compte de la dimension émotionnelle associée à l’engagement des parents d’enfants présentant ce trouble développemental.

Prédicteurs de l’engagement parental

Quelques recherches ont porté sur l’identification des prédicteurs de l’engagement parents d’enfants ayant un TSA. Benson, Karlof et Siperstein (2008) ont démontré que l’engagement des mères dans l’éducation de leur enfant présentant un TSA était fortement influencé par le type et le niveau de soutien offert par le milieu scolaire, soit la façon dont le personnel de l’école les encourageait, les assistait et leur donnait l’opportunité de s’investir. Parmi un ensemble de variables, le soutien du milieu scolaire ressortait en fait comme étant le meilleur prédicteur de l’implication parentale à la maison et à l’école (Benson et al., 2008). D’autres ont plutôt observé que le soutien informel des proches était associé à une plus grande implication de la part des mères, alors que le soutien formel, soit offert par des professionnels, était positivement lié à l’implication des pères (Sharabi et Marom-Golan, 2018).

Les caractéristiques de l’enfant et le statut socio-économique des parents sont également liés à l’engagement parental dans plusieurs études. Le fait d’avoir un enfant ayant un TSA présentant de meilleures capacités sur le plan du langage ou de la communication, plutôt qu’un enfant dit « non verbal », était positivement lié à l’engagement de façon générale (Benson et al., 2008; Garbacz, McIntyre et Santiago, 2016). Dans le même sens, plus l’enfant présente de conditions associées au TSA, moins les parents seraient impliqués dans le milieu scolaire (Zablotsky et al., 2012). Autrement, plus le statut socio-économique du parent est élevé, plus le niveau d’implication à la maison le serait également (Benson et al., 2008).

Effets de l’engagement parental sur l’enfant, le parent et la famille

Deux études ont mesuré les effets de l’engagement parental en contexte d’autisme. Les résultats de l’étude longitudinale de Benson (2015) sur les effets à long terme sur les mères et sur le fonctionnement familial (détresse psychologique de la mère, efficacité parentale, cohésion familiale), de trois types d’implication parentale (implication à l’école, implication à la maison, communication maison-école), ont démontré que ceux-ci avaient tous un lien avec la diminution de la détresse chez les mères. L’implication à la maison avait également un effet positif sur le sentiment d’efficacité parentale et la cohésion familiale, et cet effet était plus élevé lorsque l’enfant présentait des difficultés comportementales plus sévères. En plus d’être liée à la détresse des mères, la communication entre la maison et l’école était aussi positivement liée au sentiment d’efficacité parentale. Autrement, la détresse des mères était associée aux événements de vie stressants, à la sévérité des comportements de l’enfant et à la multiplication des facteurs de stress de la mère. Il est ainsi possible de se demander quel est l’effet réel des différents facteurs de stress en lien avec l’implication des mères et des pères dans le milieu scolaire de l’enfant, et comment cette détresse peut être vécue différemment par les parents dont l’enfant présente un TSA.

Rôles des parents d’enfants ayant un TSA

De façon plus descriptive, Meadan, Stoner et Angell (2015) et de Potter (2016) ont analysé qualitativement les rôles des pères dans l’éducation de leur enfant ayant un TSA. Potter (2016) a classifié les tâches des pères en deux catégories : les tâches liées au soutien indirect apporté à l’enfant, et les tâches liées au soutien direct à l’enfant dans les apprentissages. Il s’agit respectivement d’assurer un environnement éducatif approprié, de préparer l’enfant à aller à l’école, de participer aux rencontres, de s’impliquer dans un comité ou une association de l’école, et d’aider aux devoirs, de travailler les objectifs liés à l’école avec l’enfant, et de soutenir l’apprentissage de la lecture. Ces études ont de plus permis de faire ressortir les défis liés à l’implication des pères. Les résultats de Potter (2016) font état de problèmes structurels tels que l’horaire des rencontres à l’école et les problèmes d’attitude du personnel scolaire. Des pères avaient ainsi l’impression que ce dernier ne prenait pas en considération les répercussions à la maison des événements stressants que l’enfant vivait à l’école. Dans le même sens, les résultats de l’étude de Meadan et collaborateurs (2015) indiquent que les pères sont confrontés à des défis liés au temps, soit concilier l’horaire de travail avec l’implication à l’école. Plus encore, les résultats montrent qu’en plus du temps et de l’énergie consacrée à l’éducation de l’enfant ayant un TSA, l’intensité des tâches était considérable (Meadan et al., 2015).

Au Québec, les résultats de l’étude qualitative de Boucher-Gagnon, des Rivières-Pigeon et Poirier (2016) permettent de mieux comprendre le rôle des mères d’enfants ayant un TSA intégrés en classe ordinaire. Les auteurs relèvent en effet sept formes d’implication : préparer l’enfant à l’entrée à l’école, rechercher et transmettre de l’information, des connaissances et du savoir-faire au personnel scolaire, participer aux rencontres de plan d’intervention, négocier et revendiquer les services nécessaires pour l’enfant, poursuivre les apprentissages et les interventions à la maison, investir du temps et de l’argent et accompagner l’enfant à l’école.

Cette revue de la littérature permet de constater un consensus entre les auteurs sur l’importance de l’engagement parental dans la réussite éducative de l’élève ayant un TSA. Toutefois, plusieurs limites ressortent dans les écrits quant à la façon de mesurer ce concept et les connaissances qui en découlent permettent difficilement de bien saisir l’ampleur de l’engagement des pères et des mères d’enfants ayant un TSA auprès de leur enfant et du milieu scolaire. À la lumière de cette recension des écrits, il est possible de dégager trois grands constats. Dans un premier temps, nous pouvons constater qu’il y a une augmentation récente de l’intérêt de mieux comprendre le rôle des pères dans l’éducation de l’enfant ayant un TSA (Meadan et al., 2015; Potter, 2016). Toutefois, plusieurs études portant sur l’engagement parental analysent les données des pères et des mères de façon confondue, sans distinguer ou porter une attention particulière à l’expérience des mères et des pères. Dans un deuxième temps, les études québécoises actuelles nous ont permis d’en savoir davantage sur le rôle des mères en contexte d’intégration en classe ordinaire, mais nous en savons toujours très peu sur le rôle des parents dont l’enfant est scolarisé en milieu spécialisé. Dans un troisième temps, une grande partie des connaissances actuelles portant sur l’engagement des parents d’enfants ayant un TSA sont limitées aux données quantitatives, et ne permettent pas de bien saisir et comprendre la dimension émotionnelle du rôle des mères et des pères dans l’éducation de leur enfant présentant un TSA. Il est en ce sens difficile de saisir la charge émotive qui ne peut être égale pour l’ensemble des tâches, certaines entrainant une lourdeur certainement plus importante, par exemple faire des démarches pour obtenir des services spécialisés dans un contexte de services limités à un nombre d’élèves HDAA grandissant. Plus encore, les connaissances actuelles sur l’engagement parental en contexte d’autisme sont basées sur la fréquence autorapportée de tâches ciblées par les experts. Nous ne croyons pas qu’il soit possible de bien cibler et comprendre la charge émotive dans ce contexte et il y a lieu d’utiliser une méthodologie qualitative afin de mieux cerner l’ampleur de l’engagement des mères et des pères dans la réussite éducative de leur enfant ayant un TSA. En effet, si le soutien du milieu scolaire ressort comme étant un des meilleurs prédicteurs de l’engagement des parents à l’école et à la maison (Benson et al., 2008), il est de mise d’approfondir les connaissances concernant l’expérience particulière des pères et des mères d’enfants ayant un TSA.

OBJECTIF

Bien que l’intégration en classe ordinaire soit le type de scolarisation privilégié par le milieu scolaire québécois et que l’engagement parental soit encouragé, une proportion importante d’élèves présentant un TSA se retrouve en classe spécialisée, que ce soit dès le début de la scolarisation ou après quelques années de scolarisation en classe ordinaire, et nous en savons encore très peu quant à l’engagement des pères et des mères dans ce contexte. L’objectif de cette recherche est donc de documenter qualitativement la nature des tâches des mères et des pères d’enfants ayant un TSA dans différents types de classe, et l’ampleur de ces tâches afin de mieux comprendre leur engagement dans la réussite éducative de leur enfant.

MÉTHODE

Les données qui ont été utilisées pour cette analyse qualitative provenaient d’entretiens semi-dirigés effectués auprès de 12 des 15 familles rencontrées dans le cadre d’un projet de recherche plus large[4] portant sur le travail domestique et de soin des parents d’enfants présentant un TSA (des Rivières-Pigeon et Courcy, 2017; des Rivières-Pigeon, Courcy, Boucher, LaRoche et Poirier, 2015). Trois familles ont été exclues afin de ne conserver que les familles dont l’enfant était d’âge scolaire.

Échantillon

L’échantillon était composé de 12 familles provenant de différentes régions du Québec : Québec, Montréal, Montérégie, Lanaudière et les Laurentides. Ces 12 familles représentaient 15 enfants ayant un TSA fréquentant une école primaire. Sur la base des informations rapportées par les mères et les pères lors des entretiens, les enfants des familles de notre échantillon ont tous reçu un diagnostic d’autisme, de trouble envahissant du développement (TED), de trouble envahissant du développement non spécifié (TED-NS) ou de syndrome d’Asperger. Dans le souci d’alléger la lecture de ce texte et de respecter la nouvelle nomenclature du DSM-5 concernant cette catégorie diagnostique (APA, 2013), le terme TSA a été utilisé de façon indifférenciée dans la présentation des résultats. Les parents ont également fait part de différents troubles associés au TSA chez les enfants de notre échantillon. En plus du TSA, certains enfants présentaient également : un syndrome de Gilles de la Tourette, un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), un trouble langagier, un trouble anxieux, un trouble du comportement et une déficience intellectuelle. Quatre enfants avaient également une condition médicale ou neurologique : un diabète, de l’épilepsie, une trisomie 21 et une dysphagie.

Parmi les 15 enfants de notre échantillon, 11 étaient scolarisés en classe spécialisée homogène ou hétérogène. Plusieurs appellations étaient utilisées par les parents pour faire référence à ce type de classe : classe TED, classe langage, classe relation et classe LINKS. Trois enfants étaient scolarisés en classe ordinaire et recevaient un certain nombre d’heures d’accompagnement par semaine. Un autre enfant était scolarisé en classe spécialisée dans une école privée. Parmi les enfants de notre échantillon, un seul n’avait jamais fréquenté de classe spécialisée.

Procédures

Après avoir eu l’accord des modérateurs de quatre groupes Facebook destinés aux parents d’enfants ayant un TSA, un appel à la participation a été publié sur ces sites. Les parents désirant participer à cette recherche étaient redirigés vers le site Internet de l’équipe de recherche.

Les entrevues ont été conduites par madame Isabelle Courcy, doctorante en sociologie, et la première auteure, doctorante en psychologie. Les parents ont été interrogés séparément, à tour de rôle, et à deux reprises. Une semaine d’intervalle était prévue entre chaque entrevue, au cours de laquelle les participants étaient invités à documenter l’ensemble de leurs tâches en lien avec l’enfant ayant un TSA, à l’aide d’un iPod avec lequel il était possible de prendre des photos, des enregistrements vidéo et des enregistrements audio. Ce dispositif méthodologique, élaboré par Courcy et des Rivières-Pigeon (Courcy, des Rivières-Pigeon et Modak, 2016), était basé sur la méthode participative des photovoix (Gervais et Rivard, 2013). Il avait pour objectif de dépasser les limites méthodologiques traditionnelles rencontrées lors de l’utilisation de grilles d’entretien en facilitant l’accès aux dimensions cognitives et affectives des tâches qui sont discutées lors de l’entrevue. Voici un exemple de la procédure d’une famille où les deux parents ont accepté de participer à l’étude : la répondante à l’appel de participation à l’étude a été rencontrée pour une première entrevue, une semaine s’est écoulée et nous l’avons revue pour la deuxième entrevue afin de discuter du matériel recueilli avec le iPod. Ensuite, un rendez-vous pour une première entrevue était fixé avec le conjoint s’il désirait également participer, et il était interrogé une seconde fois la semaine suivante. Les photos, vidéos et enregistrements audio n’ont donc pas été analysés indépendamment des entrevues. Ils ne constituaient pas des résultats en soi, mais étaient vus comme un moyen pour permettre aux familles de parler de leur quotidien en s’appuyant sur des éléments concrets. Le choix du lieu de l’entretien a été laissé à la convenance des participants. La majeure partie a eu lieu au domicile familial (10 familles), quelques entrevues ont eu lieu dans une salle de conférence de l’Institut de recherche et d’études féministes (IREF) (4 familles) et quelques entrevues se sont tenues dans un lieu public (1 famille), soit près de leur lieu de travail. La durée des entretiens a varié entre 45 et 120 minutes, pour une moyenne de 90 minutes par entrevue. Pour les 15 familles de ce projet, cette procédure nous a permis de composer un corpus de 42 entrevues puisque certaines familles étaient monoparentales ou un seul des deux conjoints a accepté de participer à la recherche. Les entrevues ont ensuite été transcrites par des assistantes de recherche. Ces transcriptions ont été passées en revue afin de modifier les données nominatives et de changer les informations pouvant identifier les participants afin de préserver la confidentialité. Considérant le critère d’exclusion de la présente étude, le corpus de données de cette recherche était composé de 32 entretiens représentant 10 mères, cinq pères et un beau-père.

Analyse des données

Le logiciel N’Vivo dixième édition pour Mac a été utilisé afin d’effectuer l’analyse thématique des données des entrevues semi-dirigées réalisées auprès des 12 familles sélectionnées. Comme Braun et Clarke (2006) le proposent, ce type d’analyse, en six grandes étapes, permet de faire ressortir les thèmes en lien avec l’objectif de cette recherche et d’analyser plus en profondeur les propos des pères et des mères d’enfants présentant un TSA quant à leur engagement dans le milieu scolaire de leur enfant. Tel que le soulèvent Meadan et al. (2015), le rôle des pères dans l’éducation de l’enfant ayant un handicap étant peu étudié, une attention particulière a été apportée à ne pas utiliser à outrance le terme « parent ». L’objectif poursuivi était de ne pas invisibiliser le travail des parents, mères ou pères.

RÉSULTATS

L’analyse thématique de l’engagement des pères et des mères dans l’éducation de leur enfant nous a permis de constater que des tâches sont effectuées à quatre niveaux : les tâches effectuées directement auprès de l’enfant, les tâches effectuées auprès de l’enseignant-e, les tâches effectuées auprès de la commission scolaire et les tâches effectuées auprès d’intervenants externes au milieu scolaire. Une attention particulière à la charge émotive impliquée dans la réalisation de ces tâches a été portée.

Tâches effectuées directement auprès de l’enfant

Les entrevues nous ont permis de dégager sept types de tâches effectuées directement auprès de l’enfant. Ces sept tâches plus descriptives sont réparties en trois catégories : les tâches liées à la réussite académique (la généralisation des apprentissages et l’accompagnement de l’enfant dans ses devoirs), les tâches organisationnelles (la préparation de l’enfant pour l’école et le transport à l’école) et les tâches plus spécifiques à la problématique de l’enfant (la préparation aux changements et transitions à venir, le retour sur la journée avec l’enfant et l’intervention lors de désorganisation comportementale. À l’exception des tâches liées aux particularités de l’enfant, il s’agissait de tâches normalement attendues pour l’ensemble des parents, que l’enfant présente une situation de handicap ou non. Pourtant, les propos des parents rencontrés démontraient bien comment le fait d’avoir un enfant présentant un TSA complexifiait ce travail d’un point de vue pratique, mais également émotif. L’ensemble des tâches effectuées auprès de l’enfant ayant un TSA étaient en effet particulières par leur lourdeur ou leur intensité.

Les tâches liées à la réussite académique

Les propos des mères et des pères que nous avons rencontrés nous ont permis de constater que la réussite académique de leur enfant constituait une priorité et que plusieurs tâches concrètes y étaient associées. Par exemple, des pères nous ont dit qu’ils travaillaient avec leur enfant les notions apprises à l’école durant les vacances d’été, que ce soit pour rattraper le retard pris durant l’année scolaire ou pour préparer l’enfant à la prochaine année. Dans un cas, le père a mentionné avec déception qu’il était nécessaire de « rattraper le retard et les mauvais plis pris à l’école cette année, parce que ça ne s’est pas bien passé. Ils n’ont pas fait un bon travail. » (Père de Charles, 7 ans, classe spécialisée). Il expliquait vouloir travailler les notions d’anglais avec son fils, puisque celui-ci était en échec, malgré le fait que cette matière était selon lui une de ses forces.

Généraliser les apprentissages à la maison. Plusieurs familles ont indiqué avoir, en plus, la tâche de généraliser les apprentissages académiques à d’autres situations du quotidien. Une mère nous a dit faire cette tâche avec son fils afin de s’assurer qu’il comprenne concrètement à quoi lui serviront les notions apprises à l’école. Elle pouvait par exemple faire des soustractions ou des fractions avec son fils sous forme de jeu, ou lui expliquer plus concrètement certains concepts, afin qu’il puisse les comprendre et les appliquer dans d’autres contextes que l’école.

Aider l’enfant à faire ses devoirs. Comme toutes les familles, les parents ayant participé à notre recherche devaient encadrer leur enfant lors des devoirs à faire à la maison. Dans plusieurs familles, la période des devoirs et leçons était vécue difficilement, le parent ne pouvant se contenter de jeter un oeil sur l’enfant de temps à autre ou simplement le laisser travailler de façon autonome. Une mère nous a expliqué comment cette tâche pouvait être particulièrement exigeante, car elle nécessitait de se placer dans un rôle d’intervenante, ce qui pouvait générer de la culpabilité. Au sujet de cette tâche, elle nous racontait :

Je suis très stricte. Ça fait que oui je suis raide, puis des fois je me dis : « T'es trop raide. Tu n’es pas assez fine. » C'est tough pour mon gars, C'est tough pour moi. Souvent, je me lève puis je vais pleurer.

Mère de Mathieu, 6 ans, école spécialisée

Dans deux autres familles, les devoirs étaient considérés comme étant facultatifs. Cette tâche était si exigeante en termes de temps et d’énergie, que ces mères et ces pères avaient choisi de maintenir un climat familial positif en refusant d’effectuer cette tâche. Une autre mère disait avoir tout simplement choisi de ne pas faire de devoir avec ses garçons ayant tous deux un TSA, tant en raison de leur faible disponibilité en fin de journée que des répercussions négatives importantes que cette période pouvait avoir sur le reste du déroulement de la soirée.

A-t-il vraiment besoin de faire des devoirs? Des devoirs qui vont faire en sorte qu'il va partir en crise, que mon autre va se frapper et qu'il ne voudra plus souper? Il va étendre [ses selles] tout partout parce que l'autre crie et pleure. Je gagne quoi?

Mère d’Adam, 10 ans, et d’Elliot, 8 ans, classe spécialisée

Les tâches liées à la planification et à l’organisation

Plusieurs familles nous ont aussi fait part de tâches de planification et d’organisation afin de préparer l’enfant pour l’école. Il s’agissait d’organiser le transport de l’enfant à l’école, mais aussi de s’assurer qu’il ait le matériel et les outils nécessaires à son bon fonctionnement en milieu scolaire.

Transporter l’enfant à l’école et aller le chercher à la demande de l’école. Les propos tenus par des pères et des mères assurant le transport de leur enfant à l’école démontraient à quel point cette tâche est contraignante, car elle entrainait fréquemment plusieurs autres tâches, prévisibles ou non. Pour les enfants qui étaient scolarisés en classe spécialisée, le transport était parfois assumé par la commission scolaire, mais certaines familles ne bénéficiaient pas de ce service. Dans ce cas, le fait de devoir scolariser l’enfant ailleurs qu’à son école de quartier augmentait substantiellement la tâche du parent. Une mère nous a ainsi indiqué comment la scolarisation de ses deux fils dans des classes spécialisées de deux écoles différentes augmentait de façon importante le temps dédié à cette tâche, en plus de nécessiter une organisation particulière lors des journées pédagogiques. Par exemple :

L’un est sur la Rive-Sud et l'autre dans l’ouest de la ville [de Montréal]. Ils sont loin. C'est trois heures d'auto quand les deux sont au service de garde, pendant une journée pédagogique par exemple. C'est toute qu'une logistique, car il ne faut pas aller les chercher ensemble [puisqu’un ne tolère pas les bruits de l’autre].

Mère d’Adam, 10 ans, et d’Elliot, 8 ans, classes spécialisées

Aller chercher l’enfant à l’école pouvait également être nécessaire en dehors des heures de classe, soit lorsque le parent était appelé par les intervenants du milieu scolaire qui ne parvenaient pas à gérer une crise de l’enfant, ou lui fournir les interventions spécialisées nécessaires. Une mère a dû quitter son emploi pour être plus disponible dans ces conditions :

Oui, ça fait 6 ou 7 ans [que j’ai arrêté de travailler], je ne m’en rappelle plus. Parce qu’il était dans une école avec une classe régulière et ça ne fonctionnait pas. À tout bout de champ, ils m’appelaient pour que j’aille le chercher, ils ne savaient plus quoi faire avec. Et là, en plus, à l’école, ils m’ont dit que je ne pourrais plus le mettre au service de garde parce que ça leur en demandait trop.

Mère d’Enzo, 10 ans, classe spécialisée

Pour une autre mère, c’était le fait d’être en congé de maladie pour épuisement, et donc disponible pour aller chercher l’enfant à la demande de l’école qui a été facilitant : « Il y avait aussi tous les rendez-vous. Ça n'arrêtait pas. Par chance, j'étais en congé de maladie, car j'étais en burn out. L'école nous appelait tous les jours pour nous dire de venir chercher James. » (Mère de James, 8 ans, classe spécialisée)

Préparer l’enfant pour l’école. Les parents que nous avons rencontrés réalisaient également un ensemble de tâches visant à préparer l’enfant pour aller à l’école, soit préparer les vêtements, la boîte à lunch, acheter les effets scolaires, etc. Bien qu’il s’agissait pour la plupart de tâches généralement effectuées pour l’ensemble des familles. Pour quelques familles que nous avons rencontrées, ces tâches nécessitaient un travail d’organisation et de préparation important et complexe. La mère d’un garçon de 10 ans devait ainsi acheter un type particulier de pantalons et les modifier pour permettre à son fils d’être autonome à la salle de bain :

[À chaque rentrée scolaire] il fallait toujours que je lui trouve des pantalons trop grands puis que je pose des élastiques à la taille, parce qu’il n’était pas capable d’attacher et de détacher ses boutons. Donc, si je veux qu’il soit capable d’aller aux toilettes tout seul à l’école, bien l’idéal c’est que les pantalons descendent sans détacher les boutons.

Mère d’Enzo, 10 ans, classe spécialisée

Pour le père d’un enfant se préparant à entrer au secondaire, aller magasiner le matériel scolaire, avec ce dernier, était considéré comme un travail d’intervention visant à favoriser le développement de son autonomie. Même si l’activité ne plaisait pas à l’enfant et que plusieurs interventions devaient être réalisées, il était important pour le père de lui montrer à faire des choix raisonnables, par exemple respecter un budget.

Les tâches spécifiques aux particularités de l’enfant ayant un TSA

Le troisième type de tâches qui est ressorti de notre analyse thématique renvoyait à des tâches plus spécifiquement en lien avec les particularités diagnostiques de l’enfant. Il était question de faciliter les transitions pour l’enfant ayant de la difficulté à vivre des changements dans leur routine, d’essayer de comprendre ce que l’enfant avait pu vivre dans sa journée et d’intervenir auprès de l’enfant présentant des difficultés comportementales.

Préparer l’enfant aux changements et transitions à venir. Une des tâches réalisées, concernait la préparation de l’enfant aux changements et transitions qui sont considérés comme des sources d’anxiété chez les enfants présentant un TSA pour les familles rencontrées. Plusieurs pères et mères nous ont confirmé devoir préparer leur enfant de multiples façons, que ce soit pour préparer la rentrée scolaire ou un changement d’école, ou pour préparer l’enfant à vivre un changement mineur dans sa routine quotidienne. Dans les deux cas, les propos des parents nous permettaient de percevoir l’importance de cette préparation, sans quoi l’enfant pouvait être grandement bouleversé, ce qui augmentait le travail d’intervention du parent.

Interrogée sur les conséquences possibles du fait de ne pas préparer l’horaire quotidien de l’enfant avant qu’il aille à l’école, une mère expliquait que les conséquences pour son fils n’étaient pas prévisibles et qu’elles pouvaient même arriver plus tard dans la journée : « Ça peut le mélanger. Si tu n’as pas mis qu’il allait à l’école et que tu l’embarques dans l’auto... Ça peut ne pas déranger comme ça peut déranger. La crise peut arriver plus tard, à l’école. » (Mère d’Adam, 10 ans, et d’Élliot, 8 ans, classes spécialisées)

Néanmoins, dans certains cas, même la mise en place d’interventions spécialisées par le parent n’était pas suffisante. Cette mère de deux fillettes ayant un TSA indiquait à quel point ce travail entrainait une charge émotive importante en raison de l’épuisement associé à la mise en place d’interventions structurées et spécialisées :

À toutes les transitions : l’entrée scolaire, recommencer l’école après, les vacances de Noël… […] je paye pour. Pour elles, c’est une transition encore, c’est un gros changement. […] Et j’ai beau essayer de mettre une routine ici pour qu’elles voient qu’il y a une routine « congé », une routine « école », une routine « camp de jour », mais ça reste qu’il faut qu’elles soient encore plus encadrées serré, et un moment donné c’est moi qui ne suis plus capable [de mettre en place cette routine].

Mère d’Ariane, 8 ans, et de Juliette, 6 ans, classes spécialisées

Discuter de la journée avec l’enfant. Une autre tâche fréquemment mentionnée concernait les « retours » avec l’enfant au sujet de la journée qu’il avait passée ou d’un événement particulier. Bien que cette tâche puisse sembler banale, il s’agissait pour certaines mères d’une des tâches les plus exigeantes et difficiles à réaliser, car elle exige de s’assurer d’avoir bien compris les événements qu’il avait vécus ou d’identifier ses inquiétudes, ce qui nécessitait de trouver de multiples façons de lui expliquer la situation.

Des fois, c'est une demi-heure avant [le coucher] ou des fois, c'est même une heure avant. On va à la chambre, on fait la conversation, on parle beaucoup de ce qui se passe. C'est là qu'il me demande des explications, il me pose des questions. Si c'est nécessaire, je vais à l'ordinateur pour lui expliquer un concept différemment, pour chercher des images, des vidéos.

Mère de Cédric, 8 ans, classe spécialisée

Intervenir lors de crises de colère ou de comportements inappropriés. Pour trois des familles que nous avons rencontrées, les tâches réalisées par les mères et les pères visaient à intervenir lors de crises et de comportements inappropriés, qui étaient selon eux, causés par un milieu scolaire mal adapté à leur enfant. Un des pères indiquait devoir compenser les lacunes du milieu scolaire en allant notamment chercher des ressources en milieu privé. Une autre mère expliquait que les sorties « spéciales » de fin d’année pouvaient entrainer des répercussions négatives à la maison :

La semaine dernière, nous avons eu une sortie de fin d’année, ça s’est super bien passé, mais il y a des conséquences, parce qu’on déroge de la routine, alors c’est clair que le lendemain, on paie pour.

Mère d’Ariane, 8 ans, et de Juliette, 6 ans, classes spécialisées

Tâches effectuées auprès des intervenants de l’école

En plus des tâches réalisées directement auprès de l’enfant, l’analyse des entrevues a permis de relever des tâches réalisées auprès des différents intervenants de l’école, qu’il s’agisse des enseignants, des éducatrices ou éducateurs spécialisés, des éducateurs ou éducatrices du service de garde ou de la direction.

Trouver des solutions et interventions pour les problématiques vécues à l’école

Une mère nous a indiqué tenter de trouver des solutions pour certaines problématiques vécues à l’école, par exemple l’autonomie liée à la propreté, puisque son fils avait besoin d’accompagnement, mais que l’école soutenait que le garçon devait être autonome à la salle de bain considérant son âge. Malgré une recherche de solution, une charge émotive liée à un sentiment d’impuissance était vécue par la mère.

Mon fils ne voit pas le but de se laver, s’essuyer quand il va à la toilette… Quand il fait caca, c’est difficile, donc là, on pense… Je me dis que je vais lui acheter des lingettes humides parce qu’à l’école, c’est problématique.

Mère de Clément, 7 ans, intégration en classe ordinaire avec accompagnement

Participer aux rencontres avec les enseignants et la direction

Que l’enfant ayant un TSA soit scolarisé en classe spécialisée ou intégré en classe régulière, les mères et les pères devaient participer à différents types de rencontres, que ce soit pour rencontrer l’enseignant lors de la remise du bulletin, pour la révision du plan d’intervention ou pour une rencontre visant à faire un bilan à la fin d’année. Chacune de ces rencontres pouvait susciter une charge émotive liée à des sentiments d’appréhension. Le père de Jonathan, 11 ans, nous expliquait : « On est habitué d’avoir beaucoup de négatifs. » Une autre mère, elle-même enseignante, nous indiquait que les commentaires reçus pouvaient susciter beaucoup d’émotions : « Il [l’enseignant] a dit [...] : « Je m’attendais à un gros paquet de troubles! » Là, j’ai fait comme : « Ouf! » […] Il dit : « Mais je suis agréablement surpris. Clément est vraiment génial, il répond bien aux interventions. » (Mère de Clément, 7 ans, intégration en classe ordinaire avec accompagnement)

Non seulement les propos tenus par les intervenants pouvaient affecter les parents, le contenu des rencontres pouvait également être source de malentendu et de mésentente. Une mère dont l’enfant était scolarisé dans une école privée spécialisée soulignait la déception et la colère qu’elle a ressenties suite à une rencontre de fin d’année :

J'étais fâchée. On est sorti de cette rencontre-là, j'ai dit à mon conjoint : « Je sors amère. » Je n’étais pas satisfaite. Pas de prof, pas de plan d'intervention, pas vraiment de compte-rendu...

Mère de Mathieu, 6 ans, classe spécialisée

La forme que pouvait prendre la rencontre et la place accordée au parent pouvaient aussi avoir un effet important sur son déroulement, notamment sur la possibilité qu’avaient les parents de s’exprimer. Comme l’indiquait une mère :

C'est impressionnant [une rencontre de plan d’intervention]. Tu as 17 personnes qui se sont « pré-consultées » avant, alors ils sont tous du même avis! C'est difficile.

Mère de Vincent, 6 ans, classe spécialisée

Communiquer avec l’école

Une autre tâche fréquemment réalisée consistait à communiquer, sur une base régulière, avec le personnel de l’école. Pour les parents que nous avons rencontrés, ces échanges prenaient différentes formes : un message dans l’agenda, un appel ou une discussion au moment où le parent déposait son enfant à l’école. Plus que de savoir si l’enfant avait passé une « bonne journée », il s’agissait pour ces pères et ces mères d’être informés de ce qu’il avait fait, de savoir si les comportements pour lesquels des interventions étaient mises en place s’amélioraient, ou de discuter de nouvelles interventions dans les périodes où l’enfant éprouvait plus de difficultés. Ce suivi quotidien pouvait toutefois entrainer une charge émotive importante pour le parent, car celui-ci était confronté aux difficultés de son enfant ainsi qu’à son impuissance en ce qui avait trait aux comportements de ce dernier. Une mère dont l’intégration de l’enfant en classe ordinaire était particulièrement difficile nous disait : « Avant [le placement], l'école m'écrivait qu'il avait fait ça, ça et ça. En détail. Il avait dit ça, il avait frappé, ça avait duré tant de temps. Tu reçois ça comme courriel, tu te mets à pleurer dans ton bureau! » (Mère de James, 8 ans, classe spécialisée)

Les parents pouvaient également intervenir pour demander à l’école de mettre en place différentes interventions. Une mère nous a dit avoir demandé à l’enseignant-e de son enfant de mettre en place certaines interventions comme la mise en place d’une séquence d’habillage, son fils ne mettant pas ses bottes avant de sortir à l’extérieur. Une autre mère a demandé à l’enseignant-e de vérifier que l’enfant amenait tout le matériel nécessaire pour faire ses devoirs à la maison. Cette dernière a indiqué apprécier ce suivi entre les deux milieux et l’ajustement des interventions, qui en résultait de part et d’autre : « On est vraiment impliqués. Ça, c’est le fun. On n’est pas mis de côté. » (Mère de Clément, 7 ans, intégration en classe ordinaire avec accompagnement)

Il arrivait que ce suivi entre les parents et les enseignants soit urgent, par exemple lorsque l’enfant tenait des propos suicidaires. Dans l’extrait suivant, la mère de Cédric, 8 ans, scolarisé en classe spécialisée, faisait référence au travail de collaboration avec les intervenants du milieu scolaire ainsi qu’à la rapidité avec laquelle ceux-ci avaient répondu à son appel à l’aide, lorsqu’elle avait compris que son fils n’avait plus envie de vivre en raison des conflits vécus avec les autres élèves de sa classe : « […] j'ai appelé tout de suite à l'école et l'école a bien répondu heureusement et... Le lendemain le psychologue a rencontré Cédric pour faire un plan d'intervention avec les autres élèves. On a beaucoup travaillé avec l'école. »

Expliquer la condition de l’enfant et démontrer les besoins

Malgré les communications régulières avec l’école, la recherche de solutions et la mise en place d’interventions spécialisées, certains parents devaient travailler à démontrer que la condition de l’enfant n’était pas le résultat de mauvaises pratiques parentales. Une mère décrivait ainsi l’absence de soutien de la part du milieu scolaire et le blâme que les parents pouvaient ressentir :

Il faisait des crises. On l'a fait évaluer par l'école. Les spécialistes de l'école ne voyaient rien. C'était seulement un enfant. Ils blâmaient la famille. C'était nous. Tout, tout, tout, tout, tout.

Mère de James, 8 ans, classe spécialisée

Malgré le diagnostic, d’autres parents ont aussi dû interpeler les enseignants pour qu’ils ou elles prennent en considération les besoins spéciaux de leur enfant. En parlant d’une conversation qu’elle avait eue avec l’enseignante de son fils, une mère racontait avoir dû lui expliquer que ses interventions ne pouvaient pas fonctionner avec un enfant comme le sien.

Lui, il a un diagnostic! C’est un TSA, alors si tu lui dis : Clément, va te placer en rang, il va se placer en rang! Il est capable de la faire, ta consigne, mais il ne se sentira jamais interpelé si tu fermes les lumières pour qu’il se place en rang. Il va continuer à jouer!

Mère de Clément, 7 ans, intégration en classe ordinaire avec accompagnement

Une autre mère avait dû faire appel aux médecins d’une clinique spécialisée pour expliquer à l’école qu’il était possible que l’enfant ayant une trisomie 21 ait aussi un TSA, puisque les intervenants de l’école refusaient de compléter les questionnaires que la mère leur avait remis, ne croyant pas au diagnostic de TSA chez cet enfant.

La clinique des troubles complexes de développement a dû faire une rencontre avec l'école, les médecins avec l'école pour expliquer que oui, ça se peut un double diagnostic. Et non seulement il est autiste, mais l'autisme prime sur la trisomie. Il est plus autiste que trisomique.

Mère de Vincent, 6 ans, classe spécialisée

Au contraire, des difficultés à faire valoir leur point de vue au sujet des besoins de l’enfant ont mené certaines familles, à choisir de ne plus intervenir. Après avoir eu une mauvaise expérience avec les éducatrices du service de garde de son fils l’année précédente, une mère avait choisi de ne plus proposer aux éducatrices d’intervenir différemment afin d’éviter d’empirer la situation : « Oui, j’attends! Ça ne donne rien de monter au front avec eux autres. Ils vont se braquer plus qu’autre chose! » (Mère de Clément, 7 ans, intégration en classe ordinaire avec accompagnement)

Tâches effectuées auprès de la commission scolaire

Bien que moins nombreuses que les tâches effectuées directement auprès de l’enfant ou du personnel intervenant quotidiennement auprès de celui-ci, plusieurs parents réalisaient des tâches auprès de la commission scolaire. Il s’agissait majoritairement de démarches visant à s’assurer que l’enfant obtienne un type de scolarisation qu’ils considéraient optimal ou adapté. Dans tous les cas, ces démarches entrainaient beaucoup d’anxiété de la part des parents qui n’étaient pas certains de la manière dont leurs demandes seraient perçues et qui anticipaient les répercussions des décisions prises par la commission scolaire. Les parents faisaient aussi part d’une fatigue importante en raison de l’ampleur de ces démarches, et parfois du découragement, quant à l’avenir de l’enfant lorsque la décision rendue ne correspondait pas à ce qu’ils souhaitaient.

Faire des démarches pour que l’enfant soit intégré en classe ordinaire avec accompagnement

Trois familles nous ont indiqué avoir entamé des démarches pour que leur enfant puisse être scolarisé dans une classe ordinaire avec l’accompagnement d’une éducatrice spécialisée. Dans ces trois familles, les démarches impliquées dépassaient grandement le fait de devoir remplir une demande à la commission scolaire. En plus d’y mettre un temps considérable, les mères y étaient investies émotionnellement. Dans le premier cas, une mère a dû trouver une autre école pour son fils, car l’école lui avait dit que son fils avait les capacités pour être intégré en classe ordinaire, mais qu’ils n’avaient plus de place dans leur école. Cette mère a dû rédiger des courriels, faire de nombreux appels, sans nécessairement avoir de retour, ce qu’elle a vécu difficilement : « J’ai contacté l’ATEDM, la commission scolaire de Montréal, une autre école dont on m’avait parlé, j’ai contacté une autre référence qu’on m’avait donnée aussi. J’attends un rappel parce que personne ne m’a répondu à date. » (Mère de Cédric, 8 ans, classe spécialisée)

Dans le second cas, la mère d’un enfant pour qui une transition en classe spécialisée était prévue nous a dit devoir le changer de commission scolaire, puisqu’après en avoir discuté avec son médecin, ils en étaient venus à la conclusion que le niveau de capacité de l’enfant était plus élevé que le niveau d’enseignement qu’il allait recevoir en classe spécialisée. Bien qu’effectuées dans le meilleur intérêt de l’enfant selon la mère, ces démarches comportaient une dimension émotive importante et généraient de l’anxiété. Cette mère mentionnait qu’elle appréhendait la façon dont le niveau académique de son fils serait perçu et ignorait le type de services dont il pourrait bénéficier.

Dans le troisième cas, les parents ont dû entreprendre des mesures légales et aller chercher le soutien de l’Office des personnes handicapées du Québec pour demander une intégration en classe régulière auprès de l’école du quartier. Cet exemple démontrait bien l’aspect émotif de ces démarches et la difficulté qu’avaient les familles qui devaient se battre pour que les droits de leur enfant soient respectés.

[…] C'est pour ça que je vous disais, au niveau de ce qui nous est offert comme aide [au public], il y a vraiment juste l'OPHQ qui est 100 % de notre bord.

Mère de Mathieu, 6 ans, école spécialisée privée

Faire des démarches pour que l’enfant soit scolarisé en classe spécialisée

Une mère nous a aussi expliqué avoir fait les démarches pour que son enfant soit scolarisé en classe spécialisée. Il est à noter que ce processus inverse, soit le passage au milieu ordinaire au milieu spécialisé, lorsque fait à la demande du parent, n’était pas plus simple. C’est ce que nous a démontré une mère dont la fillette était intégrée en classe régulière durant certaines périodes de la journée. Voyant les conséquences négatives de cette intégration sur les comportements de sa fille, cette mère a dû s’imposer auprès de la direction de l’école pour que sa fille intègre une classe spécialisée. Cette démarche s’était avérée prenante émotivement : « J’ai donc poussé énormément, j’ai chicané fort, j’ai fait une T-Rex de moi-même et je sais maintenant qu’en première année, elle va être en [classe] TED. » (Mère de Mère d’Ariane, 8 ans, et de Juliette, 6 ans, classes spécialisées)

Faire appel à des ressources et partenaires externes au milieu scolaire

Enfin, notre analyse a permis de constater que les mères et les pères semblaient ressentir le besoin d’être soutenus dans leurs démarches ou leurs demandes auprès des intervenants de l’école et de la commission scolaire. Dans plusieurs familles, les parents que nous avons rencontrés avaient fait appel à des professionnels externes pour leur venir en aide, que ce soit pour les appuyer dans leurs démarches ou les conseiller dans les interventions à mettre en place. Une mère mentionnait à cet effet : « On a un psychoéducateur qui nous suit au CSSS. On n’a vraiment pas eu besoin de lui ces derniers temps, mais il était là quand on avait le plan d’intervention à l’école, par exemple. » Ce type d’aide pouvait ainsi être ponctuel ou à la demande du parent.

DISCUSSION

L’analyse des tâches rapportées par les mères et les pères d’enfants ayant un TSA avait pour objectif de dresser un portrait détaillé de leur rôle dans la réussite éducative de leur enfant, en plus d’en dégager la dimension émotionnelle, afin de mieux comprendre les différentes dimensions de l’engagement de ces parents dans le milieu scolaire. L’analyse thématique que nous avons réalisée a permis de constater que les parents effectuent des tâches auprès de différents acteurs tels que l’enfant, le personnel de l’école, de la commission scolaire et des professionnels du milieu de la santé. L’analyse des propos des pères et des mères rencontrés nous a également permis de mettre en lumière une dimension émotionnelle importante de leur engagement parental, et ce, peu importe le type de scolarisation ou l’âge de l’enfant.

D’abord, concernant l’éventail des tâches présentées, nous pouvons émettre l’hypothèse que les tâches réalisées auprès du personnel de la commission scolaire et des professionnels externes au milieu scolaire s’ajoutent aux rôles que jouent les parents d’enfants ne présentant pas de situation de handicap, puisque ces tâches sont plus spécifiquement en lien avec les défis auxquels font face les parents d’enfants ayant un TSA, pour s’assurer que les services répondent aux besoins et particularités de leur enfant. Les tâches relevées dans cette étude présentent d’ailleurs des similarités importantes avec les résultats obtenus par Boucher-Gagnon et collaborateurs (2016), quant au rôle des mères d’enfants présentant un TSA en contexte d’intégration en classe ordinaire. Ainsi, le type de classe et les différents services spécialisés qui y sont offerts ne semblent pas jouer un rôle déterminant quant à la nature de l’engagement des mères d’enfants ayant un TSA, dans la scolarisation de leur enfant. Les résultats de Potter (2016) se retrouvent également dans les propos des pères et des mères de la présente analyse en ce qui a trait aux contraintes auxquelles les parents sont confrontés, et ce, tant au niveau organisationnel, qu’interpersonnel. En effet, les tâches réalisées par les parents que nous avons rencontrés sont teintées par les demandes et limites structurelles du milieu scolaire. Les tâches des parents sont également influencées par les attitudes des intervenants des différents niveaux hiérarchiques du milieu scolaire. Alors qu’une mère nous a dit apprécier être très impliquée et ne pas avoir le sentiment d’être mise à l’écart par les intervenants de la classe de son fils, d’autres parents ont plutôt fait valoir la difficulté de travailler en collaboration avec l’école, ce qui a été récemment documenté dans la littérature portant sur la collaboration entre les familles d’enfants ayant un TSA et le milieu scolaire (Azad et Mandell, 2016; Hodges, Joosten, Bourke-Taylor et Cordier, 2020; Kurth, Love et Pirtle, 2020).

Ensuite, la présente étude est la première à s’intéresser à l’ensemble des tâches des mères et des pères en lien avec le milieu scolaire, et à en dégager la dimension émotionnelle. Ceci a été facilité par l’utilisation d’un dispositif méthodologique particulier, soit la prise de photos, de vidéos et d’enregistrements audio à l’aide d’un iPod. Le matériel recueilli a par la suite permis aux participants de discuter des tâches qu’ils effectuent en lien avec la scolarité de leur enfant, en s’appuyant sur des souvenirs concrets chargés d’émotions (Courcy et al., 2016). Outre l’intensité de certaines tâches telle que soulevée par Meadan et collaborateurs (2015), nous avons pu dégager les sentiments de culpabilité, de colère, d’insatisfaction, de déception, d’anxiété et d’incertitude. Ces émotions prédominantes qui teintaient le discours des parents peuvent en partie être expliquées par la grande disponibilité et la flexibilité qui pouvaient être demandées aux mères et aux pères par le milieu scolaire, par exemple, pour aller régulièrement chercher son enfant à l’école en raison de difficultés comportementales. Dans le même sens, en plus de démontrer la charge émotionnelle de l’engagement de ces mères et ces pères, nous pouvons constater que les intervenants du milieu scolaire ne sont possiblement pas conscients des répercussions à différents niveaux que peuvent avoir leurs interventions sur les parents. Dans le même sens, le fait que des pères et des mères sollicitent l’aide de professionnels externes au milieu scolaire pour les appuyer dans leurs démarches en lien avec l’école, est un résultat inattendu et particulièrement intéressant qui renvoie à la difficulté des parents d’être entendus et aux limites du milieu scolaire, dans le soutien offert aux parents. Alors qu’il a été démontré que plus les enfants présentent des conditions associées au TSA, moins les parents seraient impliqués dans le milieu scolaire (Zablotsky et al., 2012), les résultats de cette étude montrent plutôt que les conditions associées au TSA amplifient et complexifient la charge de travail du parent, en lien avec la scolarisation de leur enfant, alors que les intervenants ne parviennent pas à soutenir les parents, pour différentes raisons que nous n’avons pas explorées. Il est par ailleurs possible que la nature de l’implication des pères et des mères soit différente dans le temps, que l’enfant soit au primaire ou au secondaire, et que les outils utilisés pour la mesurer doivent être mieux adaptés aux familles d’enfants présentant un TSA. De façon congruente à ce que nous avons obtenu, les résultats d’une étude quantitative mesurant l’implication de parents d’enfants ayant un TSA, en contexte d’ICI, n’ont pas permis de conclure à un lien significatif entre la sévérité de l’autisme de l’enfant et le degré d’implication des mères et des pères (Courcy, Granger et des Rivières-Pigeon, 2014). Comme les auteurs le mentionnent, il est possible que les parents soient davantage engagés lorsqu’ils perçoivent les résultats de leurs efforts, donc les effets positifs d’un tel engagement malgré l’ampleur des difficultés de l’enfant ou la charge émotive qui y est associée. Autrement, comme l’ont démontré les résultats de Benson et collaborateurs (2008), le soutien du milieu scolaire constitue un élément central dans l’étude de l’implication parentale, et les résultats présentés ci-haut permettent de soutenir le constat que les pratiques des intervenants du milieu scolaire influencent l’engagement des mères et des pères, notamment dans sa dimension émotionnelle. De façon plus large, cela renvoie à l’importance du réseau de soutien formel des familles d’enfants ayant un TSA ainsi qu’à la nécessité pour les intervenants du milieu scolaire, d’être à l’écoute des besoins de l’enfant, mais également de la vision éducative à court, moyen et long terme des parents. Ces résultats permettent ainsi de souligner l’importance du rôle des différents acteurs du milieu scolaire.

Limites

L’étude qualitative présentée a été menée auprès de familles d’enfants ayant un TSA et différentes conditions associées. Il n’est donc pas possible de conclure que l’ensemble des tâches présentées sont spécifiques au TSA, ni que les résultats sont généralisables à l’ensemble des familles dont un ou plusieurs enfants présentent un TSA. Toutefois, plusieurs comorbidités sont associées au TSA et il est possible de supposer que l’échantillon hétérogène de l’étude apporte une valeur ajoutée aux résultats, puisqu’il représente une diversité de familles et de contextes.

Implications et retombées

Malgré ces limites, les résultats présentés ont des retombées importantes. Sachant que des changements seront instaurés dans la gouvernance scolaire en raison de l’adoption du projet de loi 40 par l’Assemblée nationale du Québec en février 2020 (PL 40, Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires, 1re sess, 42e lég), il sera important de tenir compte des réalités des familles d’enfants ayant un TSA. Il sera ainsi nécessaire de porter une attention particulière à la représentation des parents de ces enfants dans les prises de décision les concernant afin de ne pas alourdir leurs réalités, tout en étant sensible à l’engagement qu’ils ont envers le milieu scolaire. Ensuite, en lien avec le concept d’engagement parental, cette étude permet également de constater que la compréhension du rôle parental dans le milieu scolaire est à clarifier afin de rendre compte des multiples dimensions auxquelles il renvoie, dont la charge émotionnelle. Dans une perspective critique, porter une attention particulière aux concepts employés dans le cadre des recherches qualitatives et quantitatives menées auprès de familles vivant des réalités particulières, permettrait également d’apporter un regard plus sensible sur ces réalités et de ne pas réduire l’engagement parental à certaines tâches plus concrètes. Comme Deslandes et Bernard (2004) l’ont démontré, la compréhension du rôle parental varie grandement d’un parent à l’autre. À la lumière de la recension des écrits et des résultats exposés dans la présente étude, il y a tout lieu de croire que la compréhension du rôle parental en autisme varie également chez les membres du personnel scolaire. En termes de perspectives de recherches futures, il serait intéressant de poursuivre cette analyse qualitative des rôles et défis des pères et des mères d’enfants ayant un TSA du point de vue des parents, mais également de la perspective des intervenants scolaires tels que les enseignants, des directions d’école et des représentants de la commission scolaire, puisque les tâches réalisées par les mères et les pères montrent que leur rôle dépasse largement le travail réalisé auprès de l’enfant ou la collaboration avec l’enseignant-e. Les parents d’enfants ayant un TSA sont en effet également impliqués dans les décisions portant sur le type de scolarisation, soit des démarches visant à obtenir les services nécessaires pour répondre aux besoins particuliers touchant différentes sphères du développement de leur enfant.

CONCLUSION

En somme, les résultats de la présente étude montrent que l’engagement des parents d’enfant ayant un TSA inclut également des démarches auprès de la commission scolaire de façon plus large, et non simplement la participation auprès de l’école de l’enfant. Ces démarches revêtent une dimension émotive particulièrement importante en raison des répercussions des décisions qui sont prises, par exemple la poursuite du cheminement scolaire dans un milieu spécialisé, plutôt que dans un environnement plus inclusif comme la classe ordinaire. Plus largement, les résultats montrent un engagement auprès de professionnels externes, donc un travail de coordination des services ou une recherche de soutien et de communication entre les différents services professionnels dispensés à l’enfant. Il apparait donc que le rôle parental en contexte de TSA puisse être bien différent de celui des enfants tout venant, une hypothèse à laquelle une analyse comparative pourrait s’intéresser. Tel que recommandé par Deslandes et Bernard (2004), favoriser une compréhension positive du rôle parental s’avère essentiel, et plus encore, en contexte d’autisme. Sur le plan de la recherche, les résultats présentés montrent qu’il serait pertinent de concevoir et mesurer l’engagement des parents d’enfants ayant un TSA dans ses différentes dimensions, soit en tenant compte de la charge émotionnelle associée aux tâches, ce qui permettrait une meilleure reconnaissance du travail effectué par les parents, et un ajustement dans les pratiques et l’organisation des services en soutien aux enfants et aux familles.