Article body

INTRODUCTION

Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions et de compulsions entrainant une perte de temps de plus d’une heure par jour et une détresse significative (American Psychiatric Association, 2013). Les obsessions se définissent comme des pensées, des pulsions ou des images récurrentes, persistantes, intrusives et non désirées (American Psychiatric Association, 2013), celles-ci entrainant généralement de l’anxiété ou un sentiment d’inconfort. Les compulsions se définissent par des comportements ou des actes mentaux répétitifs que l’enfant se sent obligé d’effectuer afin d’ignorer ou de neutraliser les obsessions (American Psychiatric Association, 2013). L’anxiété étant un stimulus désagréable, le retrait temporaire de cet état par la manifestation d’une compulsion, augmente la probabilité de réapparition de la compulsion la prochaine fois que le jeune ressentira de nouveau l’anxiété induite par une pensée obsessionnelle. Par conséquent, il s’agit d’un processus de renforcement négatif (Mowrer, 1960; Rachman, 1977).

La prévalence du TOC chez les jeunes varie de 0,5 % à 2 % (Barrett, Farrell, Pina, Peris et Piacentini, 2008; March et Mulle, 1998; Mullick et Goodman, 2005). Au Québec, cette prévalence signifie qu’entre 2000 et 8000 jeunes de 10 à 14 ans présenteraient un trouble obsessionnel-compulsif (Statistique Canada, 2017). Les symptômes obsessionnels compulsifs débutant généralement à l’enfance ou à l’adolescence sont associés à un TOC qui persisterait à l’âge adulte (American Psychiatric Association, 2013).

Le TOC entraine une altération du fonctionnement dans plusieurs sphères de vie notamment les sphères personnelle, scolaire, sociale et familiale (American Psychiatric Association, 2013; Peris et al., 2012; Piacentini, Bergman, Keller et McCracken, 2003; Weidle, Jozefiak, Ivarsson et Thomsen, 2014). Les enfants peuvent éviter certaines situations (p. ex., les toilettes publiques, l’autobus ou être en contact avec des objets par peur d’être contaminé), certains contacts sociaux avec leurs pairs (p. ex., par peur de faire du mal aux autres) ou certains endroits qui déclenchent leurs obsessions et leurs compulsions. Ces symptômes peuvent être des défis au quotidien et à l’établissement de relations interpersonnelles (Stewart et al., 2004).

La sphère familiale est particulièrement affectée lorsqu’un enfant présente un TOC (American Psychiatric Association, 2013; Peris et al., 2012; Weidle et al., 2014). Les enfants ayant un TOC tentent d’imposer des rituels et des « règles » aux membres de leur famille en fonction de leurs obsessions et leurs compulsions, ce qui peut entrainer des frustrations et une augmentation des conflits (Peris et al., 2008). Ces conflits familiaux peuvent générer une détresse parentale, une irritabilité envers l’enfant et une tendance à le blâmer, ce qui exacerbe alors le dysfonctionnement familial (Peris et al., 2012; Renshaw et al., 2005; Stewart et al., 2017). Ainsi, l’environnement familial serait plus critique et moins chaleureux et se caractériserait par davantage de reproches et de punitions (Calvocoressi et al., 1995; Chambless et Steketee, 1999; Peris et al., 2008; Peris et al., 2017; Vikas et al., 2011; Wu et al., 2019; Wu et al., 2014). Une altération du fonctionnement familial caractérisé par une détresse parentale représente 60 % à 90 % des familles ayant un jeune présentant un TOC (Piacentini et al., 2003; Renshaw et al., 2005). Les parents d’enfants qui présentent un TOC montrent davantage de faibles habiletés de résolution de problèmes et de communication entre les membres de la famille (Peris et al., 2008; Boileau, 2011; Franklin et al., 2018; Lebowitz, 2013; Lebowitz et al., 2016).

Accommodation familiale

Les parents ayant un enfant atteint de TOC présenteraient davantage de comportements permissifs, de surprotection et d’accommodation (Peris et al., 2012). L’accommodation familiale se définit comme la participation des membres de la famille aux rituels du jeune présentant un TOC. Cette participation peut se manifester de différentes façons, notamment, par la modification de la routine en fonction des symptômes obsessionnels compulsifs du jeune ou par certains comportements d’évitement ou de réassurance (p. ex., répondre constamment à leurs préoccupations ou questions) (Freeman et al., 2008). Le TOC entraine des taux élevés d’accommodation familiale (Peris et al., 2012). Selon une étude de Flessner, Freeman et al. (2011), 77,1 % (n = 74) des parents d’un enfant ayant un TOC rapportent s’engager quotidiennement dans des comportements d’accommodation, plus précisément, 63,5 % des parents rapportent procurer du réconfort à leur jeune quotidiennement en lien avec leurs obsessions et leurs compulsions. De prime abord, ces comportements semblent positifs. Cependant, puisque l’accommodation familiale diminue temporairement l’anxiété du jeune (retrait d’un évènement aversif/négatif), elle renforce insidieusement les obsessions/compulsions, ce qui maintient le cycle obsessionnel-compulsif (voir Figure 1). Par conséquent, il s’agit également d’un processus de renforcement négatif comme la compulsion de l’enfant lui-même (Mowrer, 1960; Rachman, 1977).

Par ailleurs, un taux élevé d’accommodation familiale dans l’environnement d’un enfant ayant un TOC est associé à une pauvre réponse au traitement psychothérapeutique (Garcia et al., 2010; Peris et al., 2008). L’accommodation familiale est une barrière au traitement, puisqu’elle renforce les comportements d’évitement, ce qui diminue l’effet des exercices proposés (Merlo et al., 2009; Piacentini et al., 2011). Certaines études suggèrent que l’accommodation familiale est un médiateur entre la sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs et les difficultés de fonctionnement (Peris et Piacentini, 2013; Peris et al., 2017; Piacentini et al., 2011; Rosa-Alcázar et al., 2019; Storch et al., 2007). Par conséquent, la réduction de l’accommodation familiale devrait précéder l’amélioration des symptômes obsessionnels compulsifs dans les traitements du TOC chez les enfants.

Interventions parentales pour le toc

Au début des années 2000, les études privilégient des traitements individualisés pour le TOC chez les enfants où la présence des parents est limitée aux dernières minutes de chaque rencontre, afin d’avoir un résumé de l’évolution de l’enfant et des exercices hebdomadaires (POTS, 2004). L’efficacité des traitements psychothérapeutiques dont la thérapie cognitive comportementale (TCC) pour le traitement du TOC chez les enfants et les adolescents est établie depuis plusieurs années (Franklin et al., 2011; POTS, 2004; Thienemann et al., 2001). Les résultats de méta-analyses examinant les taux d’efficacité de la TCC à travers divers essais cliniques pour le traitement du TOC, indiquent une robuste et large taille d’effet variant entre d = 0,998 et d  = 1,45 (Olatunji, Davis, Powers et Smits, 2013; Watson et Rees, 2008).

Une dizaine d’années plus tard, les études montrent l’importance d’engager directement les membres de la famille dans les traitements psychothérapeutiques pour le TOC et de s’intéresser au fonctionnement familial (Freeman et al., 2008; Lewin et al., 2005; Peris et al., 2012; Piacentini et al., 2011). En effet, les protocoles impliquant la famille visant la diminution des symptômes obsessionnels compulsifs montrent une large taille d’effet (κ = 28, d = 1,68, SE = 0,14, IC 95 % = 1,41–1,95, z = 12,23, p < 0,001) (Thompson-Hollands, Edson, Tompson et Comer, 2014).

Figure 1

Cycle du trouble obsessionnel-compulsif et rôle de l’accommodation familiale

Cycle du trouble obsessionnel-compulsif et rôle de l’accommodation familiale

-> See the list of figures

Un constat se dégage de la méta-analyse de Thompson-Hollands et al. (2014); les protocoles utilisés dans ses études (n = 29) sont variables quant à l’approche du traitement, la forme de l’engagement des parents, le nombre de rencontres avec les parents et le contenu des rencontres.

L’approche du traitement se définit par les traitements individuels par famille, c’est-à-dire, une seule famille avec le psychothérapeute ou les traitements de groupe, c’est-à-dire, plusieurs familles avec le psychothérapeute. Les traitements individuels (κ = 11, d = 1,10, SE = 0,17, IC 95 % = 0,76–1,43, z = 6,41, p < 0,001) montrent des effets supérieurs sur le fonctionnement global de l’individu avec le TOC que les traitements de groupe (κ = 3, d = 0,56, SE = 0,07, IC 95 % = 0,42–0,70, z = 7,79, p < 0,001) (Thompson-Hollands et al., 2014). La forme de l’engagement des parents se définit par la présence des parents aux rencontres. Les parents peuvent assister en totalité à chaque rencontre ou à une portion de chaque rencontre, à des rencontres d’introduction ou à des rencontres prédéfinies. Le nombre de rencontres avec les parents varie entre 1 et 17 rencontres, selon les études. Plus le nombre de rencontres est élevé, plus les résultats sur les symptômes obsessionnels compulsifs sont significatifs (κ = 28, β = 0,09, SE = 0,04, IC 95 % = 0,02–0,16, z = 2,55, p < 0,01) (Thompson-Hollands et al., 2014). Le contenu des rencontres peut comprendre une éducation psychologique sur le TOC, un entrainement aux habiletés parentales, des exercices d’exposition avec prévention de la réponse, une éducation psychologique sur accommodation familiale, des techniques de relaxation ou des techniques de gestion de l’anxiété. Il y a un effet significatif quant à l’inclusion de l’accommodation familiale comme élément du traitement. Les protocoles ayant accordé une attention spécifique à la réduction de l’accommodation familiale montrent des améliorations supérieures du fonctionnement global de l’individu atteint de TOC, mais pas sur les symptômes obsessionnels compulsifs (κ = 12, d = 1,09, SE = 0,16, IC 95 % = 0,76–1,41, z = 6,58, p < 0,001), comparativement aux protocoles qui n’abordent pas cet élément (κ = 3, d = 0,58, SE = 0,09, IC 95 % = 0,41–0,76, z = 6,52, p < 0,001). Ces résultats sont consistants avec les résultats des études qui suggèrent qu’une réduction de l’accommodation familiale devrait précéder une amélioration des symptômes obsessionnels compulsifs. En aidant les parents à élaborer des stratégies afin de réduire progressivement l’accommodation familiale, l’enfant peut utiliser ses propres stratégies ou outils thérapeutiques enseignés en traitement, ce qui semble entrainer une amélioration du fonctionnement global des enfants.

À notre connaissance, aucune étude n’a envisagé la possibilité d’évaluer les effets de rencontres éducatives et thérapeutiques portant sur le TOC destinées aux parents, sans la présence de l’enfant, afin de les soutenir et de favoriser de bonnes habiletés parentales pour faire face aux symptômes du TOC. Des rencontres similaires sont offertes dans le traitement de problématiques telles que les troubles de comportements et le trouble du déficit d’attention, avec ou sans hyperactivité, et les résultats se sont avérés prometteurs et intéressants sur les comportements problématiques (Antshel et Barkley, 2008; Barkley, 2013; De Graaf et al., 2008; Dretzke et al., 2009; Hauth-Charlier, 2009). En aidant les familles à développer des stratégies pour réduire graduellement l’accommodation familiale, une amélioration du fonctionnement de la famille et une amélioration des symptômes de l’enfant se développent en contingence (Thompson-Hollands et al., 2015). De plus, les études suggèrent que l’engagement actif des parents ne réduit pas seulement l’accommodation familiale, mais permet également le maintien et la généralisation des bénéfices cliniques secondaires, sur les problèmes comportementaux internalisés et externalisés des enfants (Rosa-Alcázar et al., 2019). De ce fait, Surprenant et Leclerc (2017) ont créé un guide « Parents, parlons TOC ! » de 10 rencontres parentales éducatives et thérapeutiques visant à cibler la compréhension du TOC de leurs enfants, ainsi que l’amélioration du soutien et du fonctionnement familial. Les rencontres étaient offertes de manière individuelle à chaque parent (seul ou en couple).

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

L’objectif principal de cette étude de cas est de mesurer l’effet de rencontres parentales éducatives et thérapeutiques sur l’accommodation familiale, rapportée par 3 mères ayant un enfant atteint de trouble obsessionnel-compulsif. Le deuxième objectif est de présenter l’effet de ces rencontres sur les conflits familiaux, les attitudes parentales négatives (hostilité et blâme), les habiletés parentales (résolution de problème et communication) ainsi que le fonctionnement familial.

MÉTHODE

Critères d’inclusion et d’exclusion

Les participants répondent aux critères d’inclusion suivants : Être un parent ayant un enfant âgé de 9 à 16 ans présentant un TOC, et il doit s’agir du motif principal de consultation. Si l’enfant prend une médication, la posologie doit être stable durant le mois précédent l’évaluation, et la famille devait s’engager à la maintenir stable durant les rencontres.

Les participants ne présentaient pas les critères d’exclusion suivants : Selon les dires et à la connaissance des parents, les parents et les enfants présentant une dépression majeure, une affection médicale générale, une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, ne peuvent participer à l’étude en raison de l’impact particulier de ces troubles sur le fonctionnement intellectuel et social.

Instruments de mesure

Instruments descriptifs des participants

Un questionnaire socio démographique ainsi que le Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale (CY-BOCS) (Goodman et al., 1991; Scahill et al., 1997) ont également été utilisés afin de décrire les participants. Le questionnaire socio démographique comprenait les informations suivantes : âge des parents, état civil des parents, antécédents de problèmes psychologiques des parents, date de naissance de l’enfant, sexe de l’enfant, des renseignements généraux sur la fratrie et une description des suivis antérieurs de l’enfant. Le CY-BOCS est une mesure semi-structurée évaluant la sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs chez les enfants et les adolescents âgés de 6 à 17 ans. Les propriétés psychométriques de la version française du CY-BOCS sont excellentes (Mollard et al., 1989). Le score total du CY-BOCS (α = 0,87 – 0,90) et les scores de sévérité des obsessions et des compulsions (α = 0,80 et 0,82) présentent une consistance interne élevée (Mollard et al., 1989). Cette mesure permet d’évaluer si les critères du TOC présentés dans le DSM-5 sont satisfaits. Par ailleurs, la version du Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive-Parent Report (CY-BOCS-PR) a également été utilisée dans cette étude, puisqu’elle permet d’avoir en complément, le point de vue des parents en ce qui concerne la sévérité du TOC de leur enfant. Le CY-BOCS-PR présente une bonne consistance interne dans le score total et le score de la sévérité des obsessions ( = 0,86 et α = 0,83) (Storch et al., 2005). L’alpha de Cronbach pour le score de la sévérité des compulsions est acceptable (α = 0,70) (Storch et al., 2005).

Accommodation familiale

Le Family Accommodation Scale parent report (FAS-PR) est une mesure autorapportée par les parents, créée par Calvocoressi et collaborateurs (1995), qui permet de mesurer le niveau d’accommodation familiale. Le FAS-PR comprend 13 items afin de déterminer la fréquence des comportements d’accommodation familiale dans la dernière semaine, à l’aide d’une échelle de Likert (jamais, 1 jour, 2-3 jours, 4-6 jours et tous les jours). Flessner, Sapyta et al. (2011) rapportent une consistance interne excellente (α = 0,90).

Conflits familiaux

Le Family Environment Scale (FES) est un questionnaire de 90 items (vrai ou faux) mesurant l’environnement social et le climat de la famille (Moos et Moos, 1994). La traduction de ce questionnaire a été effectuée par l’Équipe de recherche en intervention psychoéducative de l’Université du Québec à Trois-Rivières (Mailloux, 1992). Dans le cadre de cette étude de cas, et dans le but de raccourcir la durée de passation des questionnaires, seuls les items de l’échelle des rapports familiaux ont été administrés. L’échelle des rapports familiaux comprend les sous-échelles : (1) cohésion, (2) expression et (3) conflits. Le FES montre une consistance interne adéquate (variant entre α = 0,61 et α = 0,78) (Mailloux, 1992).

Attitudes parentales négatives (hostilité et blâme)

Le Parental Attitudes and Behaviors Scale (PABS) permet de mesurer les perceptions des parents concernant les symptômes obsessionnels compulsifs ainsi que les comportements spécifiques des parents en lien avec le TOC (Peris et al., 2008). Le PABS comprend 42 items mesurant l’accommodation familiale et les attitudes parentales positives et négatives où trois échelles se dégagent soit: l’accommodation, l’autonomisation et l’hostilité/blâme. Selon Peris et al. (2008), l’alpha de Cronbach de chaque échelle montre une très bonne consistance interne pour l’échelle d’accommodation (α = 0,85), d’hostilité/blâme (α = 0,82) et d’autonomisation (α = 0,71).

Fonctionnement familial

Le McMaster Family Assessment Device (FAD) est un questionnaire créé par Epstein, Baldwin et Bishop (1983) afin d’évaluer le fonctionnement de la famille selon le modèle de fonctionnement familial de McMaster. Le FAD contient 60 items représentant 7 échelles, dont les consistances internes (α) sont bonnes soit la résolution de problèmes (α = 0,74), la communication (α = 0,70), les rôles (α = 0,72), la sensibilité affective (α = 0,83), l’engagement affectif (α = 0,78), le contrôle comportemental (α = 0,72) et le fonctionnement général (α = 0,92) (Epstein et al., 1983).

Procédure

Recrutement et séances d’évaluation

Les participants ont été recrutés par des affiches publicitaires, des références de professionnels de la santé et les réseaux sociaux. Une entrevue téléphonique était effectuée afin de donner les principales informations de l’étude, ainsi que pour vérifier le respect des critères d’inclusion et d’exclusion.

Les parents et les enfants ont signé le formulaire d’information et de consentement afin de participer à cette étude. Le consentement du jeune est nécessaire afin de procéder à l’évaluation de la sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs. Avant les rencontres parentales (prétraitement) et après les rencontres parentales (post-traitement), les parents ont complété les instruments de mesure, tandis qu’une évaluatrice formée par l’équipe de recherche évaluait la sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs du jeune par l’entremise du CY-BOCS (Goodman et al., 1991; Scahill et al., 1997).

Traitement

Les rencontres éducatives et thérapeutiques ont été animées auprès des parents par la première auteure. Les 10 rencontres éducatives et thérapeutiques sont de 60 minutes et ciblent la compréhension du TOC, ainsi que l’amélioration du soutien et du fonctionnement familial (voir Tableau 1). Les rencontres sont destinées aux parents de jeunes de 9 à 16 ans ayant un TOC. Les rencontres sont effectuées avec un ou les deux parents, selon la disponibilité. Si les parents assistent aux rencontres en couple, les deux parents remplissent les instruments de mesure.

Tableau 1

Thèmes et objectifs des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques

Thèmes et objectifs des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques

-> See the list of tables

Études de cas

Les études de cas présentées dans cet article correspondent aux trois premiers participants, selon un recrutement chronologique, dans le cadre d’une étude se déroulant au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (Projet 2018-1231 – Évaluation des effets du programme « Parents, parlons TOC ! » chez les parents de jeunes présentant un trouble obsessionnel-compulsif). De manière à uniformiser le portrait des participants, seuls les résultats des mères seront présentés dans cet article. De ces trois participantes, deux sont venues en couple assister aux rencontres parentales, tandis qu’une participante était seule.

Description du cas 1. Nathalie[2], 40 ans, est la mère de deux enfants dont l’ainé, Alex, présente un TOC. Alex est âgé de 13 ans et sa soeur est âgée de 11 ans. Nathalie a un diplôme d’études collégiales en communication. Elle a cessé ses activités professionnelles lors du déclenchement du TOC de son fils, et ce, depuis 6 mois. Nathalie est mariée; son mari et père de ses enfants, 53 ans, est ingénieur (diplôme universitaire de deuxième cycle). Les deux parents ont effectué toutes les rencontres du programme ensemble.

Diagnostic et suivis antérieurs. Six mois avant le début de l’intervention, Alex a reçu un diagnostic de TOC sans trouble concomitant, à la suite d’une évaluation en pédopsychiatrie au sein d’un hôpital pour enfant de la région de Montréal. Alex prend une médication (Sertraline/Zoloft ®, 75 mg) et il a rencontré une psychologue d’approche cognitive comportementale à quelques reprises. Selon la mère, les thèmes abordés par la psychologue ciblaient l’anxiété et la relation fusionnelle mère-enfant et non les symptômes de TOC. Les premiers symptômes obsessionnels compulsifs sont apparus à la suite d’un épisode d’intimidation à l’école. Ses obsessions se caractérisaient par la peur d’attraper une maladie, d’être contaminé ou d’avoir un accident. Ses compulsions se caractérisaient par des gestes répétitifs de type superstition, des rituels dans la salle de bain (douches excessives) et des rituels au niveau de la routine (ouvrir/fermer les lumières). À la suite de l’apparition du TOC, Nathalie rapporte la présence de conflits entre les membres de la famille, de comportements d’accommodation familiale, d’inquiétudes et des difficultés à obtenir des services en lien avec le TOC de son fils. Selon Nathalie, Alex et leur famille auraient vécu de l’isolement social.

À la suite de l’évaluation dans le cadre de cette étude, l’indice de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs de Alex était : modérée importante.

Description du cas 2. Carole, 50 ans, est la mère de deux enfants dont l’ainé, Tristan, présente un TOC. Tristan est âgé de 13 ans et son frère de 11 ans. Le niveau de scolarité de la mère correspond à des études universitaires de 3e cycle et elle travaille à temps plein comme pathologiste dans un centre hospitalier. Le conjoint de fait de Carole a 50 ans et est le père de ses enfants. Il est ingénieur (diplôme universitaire de deuxième cycle). Le père présente un diagnostic de TOC et le frère de Tristan présente des symptômes obsessionnels compulsifs. Seule la mère a assisté aux rencontres parentales, puisque le père était anxieux et se sentait confronté par certains thèmes abordés durant les rencontres.

Diagnostic et suivis antérieurs. Selon la mère, Tristan a des symptômes obsessionnels compulsifs depuis l’âge de 7 ans et il ne présente aucun trouble concomitant. Tristan ne prend aucune médication. Il rencontre une psychologue utilisant la thérapie cognitive comportementale pour diminuer l’anxiété à raison d’une fois par mois depuis 7 mois avant le début de l’intervention. La mère précise que les rencontres avec la psychologue n’impliquent pas la participation des parents. Les symptômes obsessionnels compulsifs de Tristan se seraient exacerbés à la suite de l’entrée au secondaire. Les obsessions étaient caractérisées par la peur d’être malade que quelque chose de terrible arrive aux autres et par une préoccupation excessive pour la propreté. Les compulsions étaient caractérisées par des rituels superstitieux (p. ex., éviter de toucher les carreaux de couleurs ou les lignes), besoin de toucher, frotter et frapper, besoin de répéter des activités routinières (p. ex., fermer/ouvrir les lumières et les portes), besoin de faire des choses jusqu’à ce qu’elles soient « parfaitement effectuées ». Au cours des dernières années, les symptômes ont fluctué jusqu’à atteindre une pointe de sévérité à l’entrée du secondaire. Selon la mère, ce sont les rituels impliquant la salle de bain (p. ex., lavage des mains à répétition, lavage des dents durant plus de 15 minutes, rituels dans la douche de 30 minutes) qui entrainent des adaptations importantes dans le fonctionnement familial, telles que la mise en place d’une salle de bain supplémentaire et exclusive à Tristan.

À la suite de l’évaluation dans le cadre de cette étude, l’indice de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs de Tristan était : modérée.

Description du cas 3. Valérie, 41 ans, est la mère de deux enfants, dont le cadet, Zachary présente un TOC depuis 3 mois avant le début de l’intervention. Zachary est âgé de 12 ans et son frère de 15 ans. Le niveau de scolarité de Valérie correspond à des études universitaires de 1er cycle et elle travaille à temps plein comme gestionnaire. Valérie est mariée à Roger, 46 ans, et père des enfants. Ce dernier a effectué des études universitaires de 1er cycle en enseignement. Le père a également rapporté des symptômes obsessionnels compulsifs durant les rencontres. Les deux parents ont effectué toutes les rencontres du programme.

Diagnostic et suivis antérieurs. Selon la mère, le TOC de Zachary semble apparaitre de façon soudaine 3 mois avant le début de l’intervention. Les symptômes rapportés par l’enfant caractérisaient un TOC de type phobie d’impulsion, notamment la peur de faire du mal aux autres ou à soi-même. Ces obsessions envahissantes et dysfonctionnelles nécessitent habituellement une prise en charge rapide, parce qu’elles sont accompagnées d’une détresse importante. Les compulsions se caractérisaient par une demande de réassurance de la part de ses proches. Zachary n’a pas de trouble concomitant. Le diagnostic a été émis à la suite d’une évaluation en psychiatrie au sein d’un hôpital de la région de Québec. Des suivis médicaux et psychologiques ont été proposés à Zachary; médication (Sertraline/Zoloft®, 50 mg) et traitement psychothérapeutique avec une psychologue en parallèle pour les symptômes obsessionnels compulsifs par la restructuration cognitive. Les rencontres avec la psychologue n’impliquaient pas la participation des parents, bien qu’ils aient rapporté à la thérapeute, des exemples d’accommodation familiale et qu’ils cherchaient spontanément à diminuer le niveau de réassurance qu’ils apportaient à leur fils.

À la suite de l’évaluation dans le cadre de cette étude, l’indice de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs de Zachary était : modérée.

Considérations éthiques

Ce projet de recherche a été évalué et approuvé par le comité d’éthique de la recherche du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Les chercheurs de l’étude, ainsi que les auxiliaires de recherche, se sont engagés à respecter les règles éthiques en lien avec le projet de recherche. De plus, le comité d’éthique de la recherche pour les projets étudiants, impliquant des êtres humains (CERPE 4: sciences humaines) de l’Université du Québec à Montréal, a examiné le projet de recherche et le juge conforme aux pratiques habituelles ainsi qu’aux normes établies par la Politique No 54 sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

RÉSULTATS

Pour répondre à l’objectif principal de cette étude de cas, les mères ont rempli un questionnaire (FAS-PR) où elles rapportent les comportements d’accommodation familiale effectués face aux symptômes obsessionnels compulsifs de leurs enfants. Chaque comportement est compilé afin d’obtenir un score global qui représente le degré d’accommodation familiale de la mère. Le Tableau 2 présente les comportements d’accommodations rapportés par les participantes avant et après les rencontres.

Afin de déterminer si la diminution des comportements d’accommodation familiale est significative, par rapport à chaque participante respectivement, la méthode de Jacobson et Truax (1991) a été utilisée. Dans un premier temps, la méthode consiste à déterminer si le changement observé est statistiquement fiable, c’est-à-dire si la différence observée entre les scores peut être attribuée à un changement réel. La méthode de Jacobson et Truax (1991) permet d’examiner si le changement observé est plus grand que ce qui pourrait être attendu étant donné la fiabilité des instruments de mesure. Cet indice de changement fiable est calculé en divisant la différence entre le score global rapporté par la mère après les rencontres (post-traitement), et le score global rapporté par la mère avant les 10 rencontres (prétraitement), par l’erreur standard des différences obtenues à l’aide de l’indice de la consistance interne (alpha de Cronbach) ou du coefficient test-retest de l’instrument de mesure (Jacobson et Truax, 1991). S’il est disponible pour les instruments de mesure, l’indice de la consistance interne est privilégié. La deuxième étape du calcul de la signification clinique consiste à estimer les seuils de changement d’une population clinique, c’est-à-dire deux écarts-types sous la moyenne d’un échantillon clinique. Ces seuils sont calculés en fonction des données de la population clinique et des caractéristiques de la distribution. Ainsi, la moyenne (MOY. = 31) et l’écart-type (S.D. = 9) du niveau d’accommodation familiale de l’échantillon de parents (n = 74) de l’étude de Flessner, Sapyta et al. (2011) ont été utilisés afin de calculer l’erreur standard et l’indice de changement fiable.

Une diminution significative du score global avant et après les rencontres parentales est observée pour les trois participantes (voir Figure 2). Les comportements d’accommodation familiale de la participante 1 ont diminué de 51,72 %. Les comportements d’accommodation familiale de la participante 2 ont diminué de 57,14 %. Les comportements d’accommodation familiale de la participante 3 ont diminué de 100 %. Par conséquent, l’indice de changement considère que la participante 1 s’est améliorée et que les participantes 2 et 3 sont en rémission.

Tableau 2

Comportements d’accommodations rapportés par les participantes

Comportements d’accommodations rapportés par les participantes

-> See the list of tables

Figure 2

Figure représentant la diminution du niveau d’accommodation familiale des participantes

Figure représentant la diminution du niveau d’accommodation familiale des participantes

-> See the list of figures

Le deuxième objectif de cette étude de cas est de présenter l’effet de ces rencontres sur les conflits familiaux, les attitudes parentales négatives (hostilité et blâme), les habiletés parentales (résolution de problème et communication) ainsi que le fonctionnement familial des 3 premières mères. Afin de déterminer si un changement significatif est observé, selon les différentes variables familiales par rapport à chaque participante, la méthode de Jacobson et Truax (1991) a été utilisée. Les Tableaux 3, 4 et 5 présentent les résultats rapportés par les participantes avant et après les rencontres. Après les rencontres parentales, les résultats rapportés par les participantes 2 et 3 sont stables. Aucun changement significatif n’est observé pour l’ensemble des variables familiales. En ce qui concerne les variables familiales, les résultats rapportés par la participante 1 sont majoritairement stables. Néanmoins, après les rencontres parentales, la participante 1 rapporte une augmentation des conflits familiaux, ce qui représente une détérioration significative. Parallèlement, les résultats de la participante 1 montrent une amélioration significative des habiletés de communication à la suite des rencontres parentales. Par ailleurs, toutes les mères participantes rapportent une diminution significative des symptômes obsessionnels compulsifs de l’enfant; diminution respective de 35 %, 35,5 % et 33,3 %.

Tableau 3

Scores globaux avant et après le programme des variables familiales et parentales de la participante 1

Scores globaux avant et après le programme des variables familiales et parentales de la participante 1

S = significatif; NS = non-significatif

-> See the list of tables

Tableau 4

Scores globaux avant et après le programme des variables familiales et parentales de la participante 2

Scores globaux avant et après le programme des variables familiales et parentales de la participante 2

S = significatif; NS = non-significatif

-> See the list of tables

Tableau 5

Scores globaux avant et après le programme, des variables familiales et parentales de la participante 3

Scores globaux avant et après le programme, des variables familiales et parentales de la participante 3

S = significatif; NS = non-significatif

-> See the list of tables

DISCUSSION

L’objectif principal de cette étude de cas était de mesurer l’effet de rencontres parentales éducatives et thérapeutiques, sur l’accommodation familiale, rapporté par des mères d’enfants atteints de trouble obsessionnel-compulsif. Une diminution significative du niveau d’accommodation familiale est observée chez les 3 participantes à la suite de l’intervention. L’accommodation familiale représente un thème abordé dans le guide des 10 rencontres parentales éducatives et thérapeutiques. Durant les rencontres, plus précisément lors de la rencontre 5, le rôle de l’accommodation familiale et les différents types de comportements caractérisant l’accommodation familiale sont présentés aux parents. De ce fait, la prise de conscience des comportements d’accommodation de la part des mères est augmentée. L’un des objectifs de cette rencontre est également de proposer des comportements alternatifs à l’accommodation familiale. Au fil des rencontres, les mères sont invitées à modifier leurs comportements. Une rétroaction sur leurs comportements est offerte à chacune des rencontres afin de favoriser le changement. Ces objectifs précis ont pu contribuer à la diminution significative du niveau d’accommodation familiale. Par ailleurs, les trois participantes ont ciblé dans le questionnaire d’appréciation du programme parental, l’accommodation familiale comme l’un des thèmes les plus importants et pertinents des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques.

Bien que les comportements d’accommodation familiale aient diminué chez les participantes, certaines mères ont rapporté de nouveaux comportements lors de la complétion des questionnaires après les 10 rencontres. Il se peut que les mères rapportent ces nouveaux comportements en raison de l’augmentation de la prise de conscience des comportements d’accommodation familiale. Par exemple, la participante 2 rapporte après les 10 rencontres : « regarder l’enfant alors qu’il complète des rituels (2-3x/sem.) », « attendre l’enfant (1x/sem.) » et « se retenir de dire ou de faire des choses (2-3x/sem.) ».

En ce qui concerne l’indice de changement de l’accommodation familiale, les participantes 2 et 3 sont considérées en rémission, tandis que la participante 1 s’est améliorée. Cette distinction peut s’expliquer par l’indice de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs du fils de la participante 1 qui est modérée importante, tandis que les indices de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs des deux autres enfants étaient modérés. Ainsi, les écarts cliniques des indices de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs peuvent avoir une incidence à plus long terme sur le niveau d’accommodation familiale.

Après les 10 rencontres parentales, l’enfant de la participante 3 présente toujours un indice de sévérité des symptômes obsessionnels compulsifs modéré, tandis que la participante 3 présente un niveau d’accommodation nul. L’absence d’accommodation familiale chez la participante 3 signifie un gain thérapeutique intéressant et majeur des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques. La prise de conscience des comportements d’accommodation familiale des parents était déjà élevée, et a pu faciliter la mise en place des stratégies visant à diminuer l’accommodation familiale. De plus, l’enfant de la participante 3 présente un TOC de type phobie d’impulsion, c’est-à-dire des pensées caractérisées par la peur de faire du mal aux autres de quelconque façon. En général, les interventions thérapeutiques dans ce type de TOC sont particulièrement difficiles, parce que les compulsions consistent à l’évitement de certains contacts sociaux et/ou la réassurance de la part des parents. Par conséquent, la cessation de certains comportements d’évitement ou de réassurance de la part de la participante 3 limite le processus de renforcement négatif et le maintien du cycle obsessionnel-compulsif. De ce fait, cela favorisera potentiellement l’utilisation et la mise en application des exercices et des outils travaillés dans la psychothérapie individuelle de l’enfant.

L’ampleur de la diminution du niveau d’accommodation familiale de la participante 2 est plus faible que celles des participantes 1 et 3. Les participantes 1 et 3 étaient accompagnées par le père de l’enfant durant les rencontres, ce qui a pu avoir un effet sur la motivation et la congruence des interventions des deux parents et ainsi, favoriser la diminution de l’accommodation familiale.

Le deuxième objectif de cette étude de cas était de présenter l’effet de ces rencontres sur des variables liées au fonctionnement familial. Les conflits familiaux, les attitudes parentales négatives (hostilité et blâme), les habiletés parentales (résolution de problème et communication) ainsi que le fonctionnement familial ont été évalués chez 3 mères d’enfants atteints de TOC. La première observation est qu’avant les rencontres parentales, les familles ne présentent pas de difficulté de fonctionnement particulière. En conséquence, une diminution significative des symptômes est difficile à obtenir et la plupart des comportements parentaux demeurent stables. Néanmoins, une participante rapporte une augmentation des conflits familiaux et, paradoxalement, une amélioration significative des habiletés de communication à la suite des rencontres parentales. Les rencontres parentales ciblent notamment l’accommodation familiale et les habiletés parentales (p. ex., les habiletés de résolution de problème et les habiletés de communication). Les habiletés de résolution de problèmes et les habiletés de communication permettent de réduire l’accommodation familiale en fournissant aux parents des moyens alternatifs afin d’éviter de se soumettre aux symptômes obsessionnels compulsifs de leurs enfants. Cependant, la mise en place de ces moyens peut augmenter temporairement les conflits familiaux. Par ailleurs, les comportements d’accommodation rapportés par cette participante étaient plus nombreux et sévères. Par conséquent, ils peuvent demander plus d’efforts et plus de temps avant d’être modifiés.

Plusieurs parents ont également admis être dépassés face au TOC de leur jeune et ressentir de la culpabilité, un sentiment d’impuissance et une fatigue aigüe. La participante 1 témoigne : « Au début, le sentiment de culpabilité prend le dessus. On se questionne. On se dit que tout est à cause de nous, qu’est-ce que qu’on a fait de mal avec notre enfant, est-ce que le TOC est arrivé à cause de comment on a élevé notre fils. Les rencontres aident à diminuer ce sentiment. » La participante 1 nomme que les rencontres parentales permettent de diminuer la présence des sentiments de culpabilité et d’impuissance face au TOC de son enfant. Les rencontres parentales offrent un soutien psychologique aux familles, ce qui permet de normaliser leur vécu émotionnel et d’en discuter. À la suite des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques, les participantes rapportent également de manière qualitative une meilleure compréhension du TOC, plus précisément, le rôle du renforcement négatif des compulsions et de l’accommodation familiale. Les mères précisent que les rencontres aident à identifier les comportements appropriés en contexte du trouble obsessionnel-compulsif. La participante 3 témoigne : « J’ai beaucoup apprécié ces rencontres. J’en ai retiré une compréhension du TOC de mon enfant que je n’aurais jamais eu autrement. Je suis maintenant outillée à faire face à ses comportements. Je sais plus quoi faire et ne pas faire. Lorsqu’une problématique de santé mentale touche notre enfant, en tant que parent, on se sent démuni et isolé. Je suis passée d’un état de grande détresse à un état de relative acceptation. ». Toutes les participantes recommandent les rencontres parentales. La participante 1 verbalise : « Nous avons que du bon à dire sur notre expérience. Ce fut de « A à Z » une belle et grande aventure. Je crois qu’il est essentiel d’offrir ce programme à tous les intervenants sociaux et scolaires et, surtout, à toutes les familles qui vivent le TOC à la maison. Ce projet a fait une vraie et grande différence dans nos vies. ».

Limites et forces de l’étude

Bien que les trois participantes montrent des similarités sur le plan personnel, familial et socioéconomique, les résultats ne peuvent être généralisés à toutes les familles ayant un enfant atteint de TOC. Une limite à cette étude est que les enfants des trois participantes avaient également un suivi en psychologie. Par conséquent, il est difficile pour des raisons éthiques et déontologiques d’isoler les effets du suivi parallèle de la psychothérapie individuelle de l’enfant et des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques. Bien que les parents précisent ne pas être impliqués dans les rencontres psychothérapeutiques de leurs enfants, il se peut que la concomitance des suivis de l’enfant et du parent influence la diminution des comportements d’accommodation familiale.

Une force de cette étude est d’établir la faisabilité et la pertinence de proposer des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques dans le trouble obsessionnel-compulsif chez les enfants. Les rencontres ont reçu un accueil positif de la part des parents et ces derniers ont mentionné leur appréciation de l’intervention. En plus des effets empiriques sur l’accommodation familiale, les rencontres parentales permettraient des gains cliniques secondaires. Il semble que les rencontres améliorent la compréhension des parents de cette problématique et offrent à ceux-ci un soutien psychologique en diminuant la présence de sentiments de culpabilité et d’impuissance.

Perspectives futures

Les prochaines études viseront à évaluer les effets de ces rencontres dans un protocole d’essai clinique à plus grande échelle. De plus, il serait intéressant d’observer si un changement similaire est observé auprès des symptômes obsessionnels compulsifs de l’enfant, tels que mesurés par une évaluatrice clinique, ainsi que d’autres variables familiales (p. ex., détresse parentale et cohésion entre les membres de la famille). Ultimement, une étude viserait à évaluer les effets de ces rencontres dans un essai clinique à répartitions aléatoires selon deux modalités, soit avec des rencontres parentales éducatives et thérapeutiques et sans rencontre parentale.

Les principales retombées de l’étude sont de déterminer les répercussions des rencontres sur les variables familiales. Si les rencontres s’avèrent efficaces et si elles permettent les avantages anticipés, la composante parentale pourrait être intégrée aux traitements psychothérapeutiques visant à traiter les jeunes atteints de symptômes obsessionnels compulsifs, pour optimiser les effets et augmenter la qualité de vie.

CONCLUSION

Il est primordial d’offrir des interventions afin de soutenir les familles ayant un enfant atteint de trouble obsessionnel-compulsif. Bien que le trouble obsessionnel-compulsif chez les enfants génère des conséquences fonctionnelles dans la sphère familiale, il faut noter que la famille peut influencer les symptômes obsessionnels compulsifs de leur enfant par leurs attitudes et leurs comportements. De ce fait, le rôle et l’engagement des parents dans le traitement de cette problématique ne sont pas à négliger. Si aucun changement n’est apporté dans les interventions des parents face au TOC, ce dernier risque de se maintenir et de se renforcer, empêchant ainsi les enfants, d’utiliser leurs propres outils et stratégies thérapeutiques. Cette étude montre la faisabilité et la pertinence de proposer aux parents une intervention novatrice de rencontres éducatives et thérapeutiques ciblant la compréhension du TOC, l’amélioration du fonctionnement familial et de bonnes habiletés parentales.