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INTRODUCTION

Le placement de l’enfant est une mesure exceptionnelle qui survient dans le cadre d’une entente sur mesure volontaire ou à la suite de la judiciarisation de la situation d’un enfant dont le développement et la sécurité sont jugés compromis ou à risque d’être compromis (Association des centres jeunesses du Québec, 2020). Les premiers objectifs visés par la Loi de la protection de la jeunesse du Québec sont le maintien de l’enfant dans son milieu familial et la réunification familiale lorsque la mesure de placement est requise. Ainsi, quand le parent met fin à la situation de compromission, le projet de réunification familiale peut être envisagé. À l’opposé, lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de retourner dans son milieu familial, des mesures de continuité de soin doivent être mises en place pour assurer la stabilité du placement de l’enfant (Gouvernement du Québec, 2007). Au Québec, près de 77 % des enfants retournent dans leur famille biologique à la suite de leur placement (Hélie et al., 2011).

Au cours de sa vie, l’enfant placé cumule de nombreux facteurs de risque, dont les expériences adverses vécues dans le milieu d’origine, le retrait du milieu d’origine et le placement, qui mettent significativement à l’épreuve ses capacités adaptatives ainsi que son développement (Maaskant et al., 2016). Ainsi, les études à ce sujet démontrent que les enfants ayant vécu de la maltraitance souffrent davantage de problèmes de comportement et de santé mentale que la population générale (Lawrence et al., 2006; Mennen et al., 2010; Vasileva et Petermann, 2018). Ces difficultés sur les plans du fonctionnement comportemental et de la santé mentale perdurent, que l'enfant soit maintenu placé (Dubois-Comtois et al., 2021) ou qu'il soit réunifié à son milieu d'origine (Vanderfaeillie, Van Holen, De Maeyer et al., 2017). S'il a été démontré que la sensibilité parentale des parents d’accueil favorise l'adaptation et le développement des enfants à la suite de leur placement (Auger et al., 2019; Raby et al., 2019), peu d’études examinent la sensibilité des parents d’origine dans le contexte du placement de l’enfant.

Ainsi, les parents biologiques et les enfants vivant une mesure de placement affichent une grande vulnérabilité qui, d’emblée, met à l’épreuve l’actualisation de la réunification familiale et son succès (Baker et al., 2016; Farmer et Wijedasa, 2013; Fuller, 2005; Malet et al., 2010; Schofield et al., 2011). Les défis qui attendent les parents biologiques et l’enfant au moment de la réunification familiale sont si importants, qu’une nouvelle mesure de placement est nécessaire dans 15 à 30 % des situations (Berrick et al., 1998; Biehal et al., 2015; Wulczyn, 2004). Plusieurs travaux de recherche suggèrent que la réapparition de la maltraitance chez les familles réunifiées survient davantage lorsque les parents d’origine souffrent de problèmes de santé mentale et vivent dans des conditions de vie adverses, dont la pauvreté et la présence de violence interpersonnelle, en plus que les enfants présentent des difficultés comportementales (Biehal et al., 2015; Kimberlin et al., 2009). En contrepartie, les comportements parentaux positifs ont des effets favorables sur l’adaptation de l’enfant à son milieu d’origine à la suite d’une mesure de placement et améliorent les probabilités de succès de la réunification familiale (Balsells et al., 2018; Chaffin et al., 2011; Franks et al., 2013; Vanderfaeillie et al., 2017). Cependant, très peu de recherches explorent les comportements parentaux spécifiques, dont la sensibilité maternelle, et leurs liens avec la survenue ainsi que le succès de la réunification familiale.

Pendant la mesure de placement, la majorité des enfants maintiennent des contacts avec leurs parents biologiques (Poitras et al., 2021) et il s’avère nécessaire de qualifier les comportements parentaux qui permettent d’offrir une meilleure qualité des contacts, un sentiment de sécurité pour l’enfant et une relation positive avec son parent biologique (Beek et Schofield, 2004; Leathers et al., 2010; Maaskant et al., 2016; Salas et al., 2021; Schoppe-Sullivan et al., 2007). Ainsi, l’étude de Salas-Martinez et al. (2021) démontrent que les comportements parentaux sensibles ont une incidence sur la qualité des contacts parent-enfant et sur le maintien du lien parent-enfant à la suite du placement. D’ailleurs, Sinclair et al. (2005) soutiennent l’idée que le comportement parental permet d’offrir une meilleure qualité des contacts, une expérience des contacts plus satisfaisante pour l’enfant, un sentiment de sécurité pour l’enfant et une relation positive avec son parent biologique.

Ces retombées positives sont à considérer puisque les contacts parent-enfant sont mis en place spécifiquement dans le but de favoriser et maintenir le lien parent-enfant lors du placement de l’enfant, en plus de soutenir le projet de réunification familiale (Gouvernement du Québec, 2007). Bien que les comportements parentaux jouent un rôle déterminant dans le développement de l’enfant, de même que sur les probabilités de réunification familiale à la suite d’une mesure de placement (Oxford, Spieker, et al., 2016), rares sont les études qui examinent plus particulièrement la sensibilité maternelle dans ce contexte.

La sensibilité maternelle

Depuis les cinq dernières décennies, la sensibilité maternelle a été étudiée abondamment par les chercheurs dans le domaine de l’attachement et ces travaux démontrent clairement l’impact favorable de cette composante de la parentalité sur le développement de l’enfant. La sensibilité maternelle se définit par la capacité à reconnaître les signaux émis par l’enfant, à les interpréter adéquatement et à y répondre de façon appropriée par la reconnaissance des signaux émis par l’enfant, la capacité́ à les interpréter de façon juste, et enfin, l’habileté à offrir une réponse contingente dans un délai raisonnable (Ainsworth et al., 1978). En outre, la sensibilité maternelle sollicite chez la mère la compétence affective et la réciprocité dyadique favorable à l’établissement de relations saines et positives avec l’enfant. (Ainsworth et al., 1978; Deans, 2018; van Huisstede et al., 2019).

La sensibilité maternelle a un impact positif sur le développement de l’attachement mère-enfant et contribue au développement cognitif, langagier et socioaffectif de l’enfant, dont des relations positives avec les pairs et les parents (Ainsworth et al., 1978; Deans, 2018; De Wolff et van Ijzendoorn, 1997). La recherche démontre que la sensibilité maternelle est associée positivement à une bonne capacité de régulation émotionnelle et à un meilleur fonctionnement comportemental chez l’enfant – un plus faible niveau de symptômes internalisés et externalisés chez l’enfant (De Wolff et van Ijzendoorn, 1997; Fearon et al., 2010; Groh et al., 2012).

Différents éléments de vie peuvent fragiliser la sensibilité maternelle. L’étude de Bystrova et al. (2009), effectuée auprès de dyades mère-enfant de la population générale, montre qu’une séparation physique tôt dans la vie de l’enfant a des effets négatifs tant sur la sensibilité maternelle que sur la relation mère-enfant. Ainsi, il est fort à parier que la rupture parent-enfant, inhérente à la mesure de placement, puisse avoir un impact sur la sensibilité parentale. Enfin, d’autres facteurs de risque peuvent compromettre la sensibilité maternelle dont la présence de dépression au cours de la vie de la mère, la pauvreté, la perte d’emploi, les difficultés conjugales et le jeune âge de la mère (Bödeker et al., 2019; Moran, et al. 2008).

Dans le contexte de la protection de l’enfance, la disponibilité des parents d’origine à répondre aux besoins de l’enfant s’avère généralement compromise. La sensibilité des parents maltraitants est significativement plus faible, comparativement à la population générale. Ces parents démontrent également plus d’hostilité ainsi que moins d’implication auprès de l’enfant. (Valentino et al., 2011; Zajac et al., 2018). La présence de traumatismes vécus pendant l’enfance (Fuchs et al., 2015), le jeune âge de la mère biologique lors de la naissance de l’enfant (Demers et al., 2010) et les problèmes de santé mentale ainsi que la détresse psychologique dont les symptômes anxieux, dépressifs et d’hostilité (Schechter et al., 2015), sont liés à une diminution de la sensibilité maternelle. Ainsi, les mères moins sensibles démontrent des comportements plus hostiles et intrusifs envers leur enfant. Ces dernières caractéristiques ont un impact dévastateur sur l’émergence de la maltraitance et l’augmentation de la vulnérabilité de l’enfant (Pratt et al., 2019).

Les caractéristiques des mères biologiques et la sensibilité maternelle

Plusieurs recherches antérieures étudient les liens entre la sensibilité maternelle, le jeune âge de la mère, le développement de l’enfant et le fonctionnement de la dyade mère-enfant. En effet, le jeune âge de la mère à la naissance de l’enfant est associé également à plusieurs facteurs de risque, dont la pauvreté, le faible réseau de soutien social et les problèmes de santé mentale; ces facteurs ayant un impact significatif sur les comportements parentaux (Demers et al., 2010; McFadden et Tamis-LeMonda, 2013; Moran et al., 2011). Plusieurs études ont démontré que les jeunes mères sont plus à risque d’adopter des comportements parentaux moins sensibles, d’émettre moins de commentaires positifs et de manifester davantage de comportements effrayants, effrayés, autoritaires ou stricts (Demers et al., 2010; Moran et al., 2011).

D’autres études examinent l’impact de la santé mentale et de la détresse psychologique de la mère sur sa sensibilité à l’égard de l’enfant. Quant aux indices de détresse psychologique d’anxiété, de dépression et d’hostilité, ils sont associés négativement à la sensibilité maternelle et ont des impacts considérables sur le développement de l’enfant (Badovinac et al., 2018; Campbell et al., 2004). Ainsi, les mères souffrant de problème de santé mentale ou vivant une grande détresse psychologique adoptent des comportements de soins moins sensibles, sont moins engagées face à leur enfant, sont moins positives, ont de la difficulté à identifier les émotions de leur enfant, et ce dernier tend davantage à développer des relations d’attachement insécurisant ou désorganisé (Badovinac et al., 2018; Schechter et al., 2015; Yoo et al., 2014). De plus, ce facteur de risque est associé à davantage de comportements maltraitants envers l’enfant ainsi qu’à son placement (Acri et al., 2015; Kohl, Jonson-Reid et Drake, 2011; Marcenko, Lyons et Courtney, 2011). Considérant que les parents suivis par les services de la protection de l’enfance présentent davantage de problèmes de santé mentale et de détresse psychologique (Acri et al., 2015), il convient de considérer ces facteurs dans le cadre d’études portant sur la sensibilité maternelle.

De même, les expériences traumatiques de la mère ont un impact sur les comportements parentaux et la transmission intergénérationnelle des abus est bien établie (Bailey et al., 2012; Zvara et al., 2015). Les mères ayant vécu des traumatismes à l’enfance ont une sensibilité maternelle plus faible comparativement à la population générale (Bailey et al., 2012; Ehrensaft et al., 2015; Fuchs et al., 2015; Milot et al., 2014). Des études plus récentes démontrent l’impact des traumatismes pendant l’enfance sur les comportements parentaux, dont une faible régulation émotionnelle chez ces mères les prédisposant à répéter par la suite des comportements abusifs, hostiles ou rejetant envers l’enfant (Ehrensaft et al., 2015; Zajac et al., 2018). Les difficultés dans les relations interpersonnelles en général sont des conséquences des traumatismes vécus pendant l’enfance non résolus, et ont un impact significatif sur les comportements parentaux, dont la sensibilité maternelle (Milot et al., 2014). La littérature scientifique actuelle démontre bien l’impact des mauvais traitements sur l’enfant et sur la sensibilité maternelle en considérant les facteurs de risque de la mère biologique, mais peu d’études documentent l’impact de cette composante parentale lors de la réunification familiale après le placement de l’enfant.

Les défis relationnels en lien avec la réunification familiale et les contacts

La réunification familiale amène de grandes exigences adaptatives chez les parents biologiques présentant des vulnérabilités quant à leur parentalité. Ainsi, les mères récupérant la responsabilité parentale de leur enfant sont plus à risque de répéter des comportements négligents ou abusifs (Biehal et al., 2015; Kimberlin et al., 2009; Malet et al., 2010) et il est démontré que la qualité des comportements parentaux prévient la réapparition de la maltraitance (Sinclair et al., 2005; Valentino et al., 2011). Or, même lorsque le placement perdure, il demeure que la sensibilité maternelle est une composante pertinente à étudier en tenant compte de divers facteurs pouvant l’influencer (Chaffin et al., 2011; Wulczyn, 2004).

D’ailleurs, l’étude de Schoppe-Sullivan et al. (2007) intègre les problèmes de santé mentale des mères biologiques, les problèmes d’abus de substances, les traumatismes vécus dans l’enfance, ainsi que la qualité des comportements maternels observée, lors des contacts entre 29 enfants âgés entre deux à six ans avec leur mère biologique. Les enfants sélectionnés pour cette étude sont placés en famille d’accueil depuis moins d’une année et la fréquence moyenne des contacts entre les mères, ainsi que leur enfant, est d’une durée de deux heures à l’occurrence d’une fois par semaine. L’équipe de recherche a adapté la grille d’Egeland et Sroufe (1983) afin de mesurer la qualité des comportements maternels. Les résultats démontrent que les mères ayant des problèmes de consommation et de santé mentale ont des comportements moins sensibles envers leur enfant lors des contacts supervisés, alors que les mères ayant un meilleur état d’esprit face à leur vécu traumatique sont plus chaleureuses et affectueuses. Cette étude est la seule à démontrer l’impact de la sensibilité maternelle dans les contacts parent-enfant et les caractéristiques pouvant l’influencer. Cependant, elle ne considère pas l’impact de la qualité des comportements parentaux sur la survenue de la réunification familiale. Or, les liens entre la sensibilité maternelle et la réunification familiale demeurent méconnus. De plus, nous connaissons peu les caractéristiques personnelles qui sont associées à la sensibilité maternelle des mères biologiques dont l’enfant a été placé.

OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

Les objectifs de la présente étude sont de 1) décrire la sensibilité maternelle des mères dont l’enfant a été placé et documenter les facteurs qui y sont associés (âge de la mère, traumatismes vécus pendant l’enfance et détresse psychologique) et 2) comparer la sensibilité maternelle des mères biologiques qui vivent une réunification familiale après une mesure de placement, de celles dont l’enfant est maintenu en placement. Ainsi, il est attendu que le jeune âge de la mère, les traumatismes vécus pendant l’enfance et le niveau de détresse psychologique – symptômes anxieux, dépressifs ou d’hostilité - soient associés à la sensibilité maternelle. Nous nous attendons que la sensibilité des mères réunifiées soit significativement plus élevée que les mères qui ne sont pas réunifiées avec leur enfant.

MÉTHODE

Participants

Cette étude exploratoire s’inscrit dans un projet de recherche plus large, dont un premier temps de l’étude a été réalisé lorsque les enfants étaient placés en milieu substitut (Poitras et Tarabulsy, 2017). Dans le cadre de cette étude, nous avons rencontré 76 parents dont l’enfant de moins de 42 mois était placé en famille d’accueil. De ceux-ci, 46 parents ont consenti à être recontactés pour le deuxième volet de l’étude. Toutefois, 20 parents n’ont pas pu être rejoints, 19 n’ont pas voulu participer à l’étude et 13 ont eu des contacts difficiles ou n’ont pas eu de contacts avec leur enfant.

Ainsi, 15 dyades mères-enfants ont été rencontrées dans la présente étude et les enfants sont âgés entre 41,7 et 119,48 mois (M = 83,75 mois; ÉT = 20,62). Au total, 11 dyades mères-enfants maintiennent des contacts réguliers, mais ne sont pas réunifiées, alors que quatre dyades mères-enfants sont réunifiées. Les mères dont l’enfant est toujours placé maintiennent des contacts avec eux à raison de deux à 48 heures par mois (M = 11,6, ÉT = 15,59) et ces enfants sont hébergés dans leur famille d’accueil actuel depuis 24 à 64 mois (M = 49,86, ÉT = 16,29). Les informations liées à la situation sociodémographique des mères biologiques sont inscrites dans le Tableau 1. Quant au revenu moyen obtenu dans la dernière année, les mères réunifiées se situent entre 30 000 $ à 40 000 $ alors que les mères non réunifiées se situent entre 20 000 $ et 30 000 $. Pour l’ensemble des informations sociodémographiques, les comparaisons entre les deux groupes de mères indiquent des différences non significatives.

Nous avons comparé également l’ensemble des parents ayant pris part à l’étude de plus grande envergure avec l’échantillon de cette présente étude sur les variables d’intérêt, les traumatismes vécus pendant l’enfance, l’âge de la mère à la naissance de l’enfant et les symptômes de détresse psychologique. Notre échantillon ne diffère pas de l’échantillon de mères ayant participé au Temps 1 de l’étude, en ce qui a trait aux variables d’intérêt de la présente étude, soit les traumatismes vécus pendant l’enfance, les indices de dépression, d’anxiété et d’hostilité ainsi que l’âge de la mère à la naissance de l’enfant. Cependant, pour les symptômes de détresse psychologique en lien avec l’hostilité, la différence est significative et notre échantillon présente des indices d’hostilité plus élevés (M = 1,14, ÉT = 0,77) comparativement à celle issu du projet de plus grande envergure (M = 0,71, ÉT = 0,73, t (74) = -2,033, p < 0,05).

Tableau 1

Comparaison des dyades réunifiées et celles non réunifiées sur les informations sociodémographiques des mères biologiques

Comparaison des dyades réunifiées et celles non réunifiées sur les informations sociodémographiques des mères biologiques

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Procédure

Pour cette présente étude, survenant 24 à 48 mois plus tard, les familles ont été rencontrées lors des contacts supervisés dans divers milieux : domicile de la mère biologique ou du parent d’accueil, ou différents points de services au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de leur région. Les familles ayant une absence de contacts ont été exclues. Pour les dyades non réunifiées, les visites réalisées dans le cadre de ce projet de recherche ont lieu lors des contacts entre la mère et l’enfant. Ces contacts varient en fonction des ordonnances judiciaires quant à la tenue des contacts, au lieu et à la supervision de ces contacts par un intervenant de la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ). Pour les mères réunifiées, la rencontre a eu lieu au domicile de celles-ci. La conformité éthique de ce projet a été confirmée par le comité d'éthique de recherche du CIUSSS Capitale-Nationale, (CIUSSS) (MP-CJM-IU-15-017). Le consentement des mères biologiques à la recherche a été obtenu avant de débuter la rencontre d’une durée d’une heure trente minutes.

Au cours de ces rencontres, le protocole des visites à domicile de Pederson et Moran (1995) a été appliqué et adapté à l’ensemble des contacts mère-enfant afin de solliciter la sensibilité maternelle et l’observer. Deux auxiliaires de recherche graduées ont mené les contacts entre la mère biologique ainsi que son enfant, et ont reçu une formation sur les protocoles à domicile de Pederson et Moran (1995) et le Tri-de-cartes de sensibilité maternelle (Tarabulsy et al., 2009). Lorsque les mères ont deux enfants participant à l’étude et qu'ils sont présents simultanément au contact, les deux auxiliaires de recherche effectuent le contact ensemble.

Après la présentation et l’obtention du consentement, une séquence de 30 minutes a été proposée afin d’observer les interactions entre la mère et l’enfant librement, et de créer un effet d’habituation en lien avec la présence de l’auxiliaire de recherche. L’entrevue effectuée par l’auxiliaire de recherche avec les mères a porté sur les changements dans la situation sociodémographique et de la trajectoire de l’enfant. Enfin, une séquence supplémentaire de 10 minutes d’interaction avec ou sans jouet entre la mère et l’enfant a permis de solliciter davantage la sensibilité maternelle des mères biologiques en interaction avec leur enfant. Les participantes ont obtenu une compensation monétaire de 15 $ pour la participation à l’étude. Toutes les observations recueillies lors de cette visite sont considérées dans la codification de la sensibilité maternelle.

Instruments de mesure

Le Tri-de-cartes de sensibilité maternelle, version courte (Maternal Behavior Q-Sort; Tarabulsy et al., 2009)

Pour la sensibilité maternelle, le Tri-de-cartes de la sensibilité maternelle version courte est utilisé dans le contexte du contact afin de décrire les comportements maternels pendant les interactions avec l’enfant. Cet outil consiste à codifier les 25 items du Tri-de-cartes tels que « Les interactions se centrent autour de bébé et de son état émotionnel actuel (typique à la sensibilité) » et « Mère donne peu d’opportunité à bébé de contribuer à l’interaction (atypique à la sensibilité) » qui sont les plus représentatifs des comportements de la mère. Ces items sont répartis dans cinq colonnes allant des comportements plus atypiques (1) aux plus typiques (5) de la mère lors du contact avec son enfant. Après la codification de l’auxiliaire de recherche ayant effectué la rencontre, le score de sensibilité de la mère est comparé à des scores-critères d’une mère parfaitement sensible et cela permet d’obtenir une corrélation de Pearson. Les corrélations peuvent varier entre une corrélation de -1 (faible sensibilité) à une corrélation de +1 (sensibilité élevée).

Les construits de la sensibilité maternelle utilisés dans le Tri-de-cartes sont également présents auprès des enfants d’âge scolaire (Bernard et al., 2012; Bradley, 2009). Toutefois, peu d’outils observationnels ont permis d’examiner la sensibilité des mères dont leur enfant est dans la période scolaire (Bradley et Pennar, 2011). La validité et la fidélité du Tri-de-cartes de sensibilité maternelle sont bien établies dans la recherche, justifiant l’utilisation de l’outil auprès des mères biologiques d'enfants d'âge préscolaire à scolaire (Lindhiem et al., 2011; Pederson et Moran, 1995; Tarabulsy et al., 2009). La première auteure de cette présente étude a codifié la majorité des contacts entre les mères biologiques et leur enfant (n = 12). Cet outil est généralement utilisé auprès des mères d’enfants âgés entre l’âge de 0 à 6 ans et la stabilité dans le temps des comportements sensibles est bien démontrée (Bernard et al., 2012; Tarabulsy et al., 2009). L’accord interjuge obtenu par notre équipe de recherche est de 0,85 (Poitras et al., 2021).

L’Inventaire de détresse psychologique (Symptom Checklist- 90-Revised; Derogatis, 1975)

L’Inventaire de détresse psychologique permet de dépister, au cours des sept derniers jours, la présence de symptômes de détresse psychologique dans un questionnaire autorapporté. Dans la présente étude, 29 items ont été administrés en lien avec les échelles de l’hostilité, la dépression et l’anxiété. Les scores attribués à chacun des items vont de 0 (pas du tout) à 4 (extrêmement). Un score composite comprenant les échelles d’hostilité, de dépression et d’anxiété est calculé en additionnant le score items composant les sous-échelles, puis en divisant la somme obtenue par le nombre d’items. Plus le score composite à chacune des sous-échelles est élevé, plus les symptômes de détresse psychologique sont grands et plus la sévérité est importante. L’outil présente une bonne validité, une bonne fidélité ainsi qu’une bonne consistance interne (Derogatis et Fitzpatrick, 2004).

Le Questionnaire de traumatisme à l’enfance (Childhood Trauma Questionnaire; Bernstein et al., 2003)

Le Questionnaire sur les traumatismes à l’enfance est un questionnaire autorapporté comprenant 28 items en lien avec les expériences traumatisantes à l’enfance auxquels les participantes doivent établir une cote allant de 1 (pas du tout vrai) à 5 (souvent très vrai). Dans le projet de recherche de plus grande envergure, les mères ont complété la version courte du Questionnaire sur les traumatismes pendant l’enfance (Bernstein et al., 2003). Un score composite provenant des 28 items permet d’obtenir cinq types de traumatismes vécus pendant l’enfance chez les mères biologiques. Les cinq types de traumatismes vécus à l’enfance sont l’abus émotionnel, l’abus physique, l’abus sexuel, la négligence émotionnelle et la négligence physique. Un score élevé obtenu dans les types de traumatismes indique une plus grande sévérité des traumatismes vécus pendant l’enfance. Les types de traumatismes ne sont pas exclusifs; les participantes peuvent rapporter avoir vécu plus d’un traumatisme pendant l’enfance.

La validité, la fidélité et la consistance interne du questionnaire sont bien établies dans la recherche (Bernstein et al., 2003). La stabilité dans le temps sur plusieurs années des données issues de ce questionnaire, ainsi que le rapport des traumatismes vécus pendant l’enfance de manière rétrospective, sont bien démontrés à la fois dans une population clinique que générale (Simpson et al., 2019; Yancura, et Aldwin, 2009).

Entrevue sur les données sociodémographiques de la mère biologique

Une entrevue auprès des mères biologiques nous a permis de décrire les changements dans la situation sociodémographique de la mère. Plusieurs éléments ont été recueillis afin d’avoir davantage d'informations sur les mères biologiques, dont leur âge, leur emploi, leur revenu et leur statut conjugal.

Entrevue sur la trajectoire de placement de l’enfant

Cette entrevue a pour but de colliger de l’information sur la trajectoire de placement de l’enfant à l’étude. Le moment de la réunification familiale et leur estimation de la survenue de la réunification familiale, la fréquence des contacts et l’âge de l’enfant sont des informations recueillies auprès des mères biologiques.

Analyse des données

Dans le cadre de cette étude exploratoire, l’utilisation des analyses de type non paramétrique, dont les corrélations de Spearman et les tests de Mann-Withney sur des échantillons indépendants, permet d’examiner les relations entre des variables et de comparer deux groupes indépendants entre eux, lorsque la taille de l’échantillon est inférieure à 25. De plus, la taille de l’échantillon de cette présente étude ne respecte pas les postulats d’une distribution normale justifiant le recours à ces analyses.

De plus, des analyses corrélationnelles bisériales de point de Spearman sont réalisées, afin d’examiner les relations entre les caractéristiques maternelles, – l’âge de la mère lors de la naissance de l’enfant, les symptômes de la détresse psychologique et les différents types de traumatisme vécus à l’enfance – la réunification familiale ainsi que la sensibilité maternelle. Les corrélations bisériales de point de Spearman permettent de calculer des liens entre des variables dichotomiques, catégorielles ou échelles pour un petit échantillon ou un échantillon ayant une distribution qui n’est pas normale. Enfin, des analyses non paramétriques de Mann-Withney sur des échantillons indépendants sont réalisées afin de comparer les différences entre les dyades mères-enfants réunifiées, de celles qui ne sont pas réunifiées eu égard à la sensibilité et aux caractéristiques maternelles.

RÉSULTATS

Près de 67 % des enfants de l’échantillon sont réunifiés avec au moins un de leur parent biologique; père ou mère. Quant à la sensibilité des mères biologiques, elle se situe entre -0,24 (faible sensibilité) à 0,76 (sensibilité élevée) avec un score moyen de 0,25 (ÉT = 0,28).

Pour les scores à l’Inventaire de détresse psychologique, les mères obtiennent des scores variant entre 0 à 2,77 pour l’échelle de dépression (M = 1,09, ÉT = 0,89), de 0 à 2,90 pour l’échelle d’anxiété (M = 0,71, ÉT = 0,86) et de 0 à 1,33 pour l’échelle d’hostilité (M = 0,53, ÉT = 0,48). Cela réfère à des niveaux de détresse psychologique oscillant de faibles à moyens (Derogatis, 1975).

Quant aux résultats provenant du Questionnaire des traumatismes à l’enfance, les scores composites pour chaque sous-type de traumatisme varient entre 4 à 25 pour l’abus émotionnel (M = 12,33, ÉT = 5,58), l’abus physique (M = 9,07, ÉT = 6,42), l’abus sexuel (M = 11,80, ÉT = 8,39), la négligence émotionnelle (M = 15,87, ÉT = 6,61) et la négligence physique (M = 12,07, ÉT = 4,88). À partir des barèmes du manuel de cotation (Bernstein et al., 2003), il ressort que les résultats aux sous-échelles Abus sexuel, Négligence émotionnelle et Négligence physique atteignent le niveau modéré, alors que les sous-échelles Abus émotionnel et Abusphysique atteignent un niveau de sévérité entre faible et modéré. Les statistiques descriptives pour chaque groupe pour l’ensemble des variables sont dans le Tableau 2.

Le Tableau 3 résume les différentes corrélations examinant les liens entre la réunification familiale, les caractéristiques maternelles et la sensibilité maternelle. Parmi les résultats, la sensibilité maternelle est négativement associée aux abus sexuels vécus pendant l’enfance de la mère biologique (rs = -0,53, p < 0,05), et positivement associée à l’âge de la mère à la naissance de l’enfant (rs = 0,53, p < 0,05).

Un test non paramétrique de Mann-Withney pour échantillons indépendants ne révèle aucune différence significative entre les mères réunifiées et celles n’étant pas réunifiées pour les différentes caractéristiques maternelles, dont l’ensemble des sous-types de traumatisme à l’enfance, l’âge de la mère à la naissance de l’enfant et les trois sous-échelles à l’Inventaire de détresse psychologique. Quant à la sensibilité maternelle, les résultats de la comparaison indiquent qu’il n’y a pas de différence significative entre les mères biologiques réunifiées (M rangs = 10,50) et celles qui ne sont pas réunifiées avec leur enfant (M rangs = 7,18, U = 13,00, p = 0,24) (voir Tableau 4).

DISCUSSION

Le premier objectif de cette présente étude est de documenter la sensibilité maternelle des mères biologiques ayant vécu le placement de leur enfant et de mesurer les liens avec les caractéristiques individuelles suivantes : âge de la mère à la naissance de l’enfant, traumatismes à l’enfance et détresse psychologique. Le second objectif est de comparer la sensibilité maternelle des mères réunifiées avec leur enfant après une mesure de placement et celles dont le placement de l’enfant est maintenu.

Quant au premier objectif, notre étude expose des liens significatifs entre la sensibilité maternelle, l’âge de la mère à la naissance de l’enfant et le traumatisme d’abus sexuel dans l’enfance. D’abord, l’association entre la sensibilité maternelle et l’âge de la mère à la naissance de l’enfant est positive, ce qui va dans le même sens de ce qui se retrouve dans la littérature. En effet, les mères adultes sont significativement plus sensibles aux besoins de leur enfant en comparaison aux mères adolescentes (Demers et al., 2010; Dworsky, 2015; McFadden et Tamis-LeMonda, 2013; Moran, Pederson et Tarabulsy, 2011; Valentino et al., 2012).

Tableau 2

Caractéristiques des mères biologiques rencontrées comparant les dyades réunifiées et non réunifiées

Caractéristiques des mères biologiques rencontrées comparant les dyades réunifiées et non réunifiées

b = Les catégories ne sont pas mutuellement exclusives

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Tableau 3

Corrélations de Spearman entre les caractéristiques maternelles, la sensibilité maternelle et la réunification familiale

Corrélations de Spearman entre les caractéristiques maternelles, la sensibilité maternelle et la réunification familiale

** p < 0,05. *** p < 0,01.

c = Tient compte de la réunification familiale avec la mère biologique ayant participé à l’étude.

d = Considère seulement les 11 dyades mères-enfants qui ne sont pas réunifiées, sauf pour la réunification familiale où cela n’est pas applicable.

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Tableau 4

Comparaison entre la sensibilité maternelle et les caractéristiques maternelles des dyades réunifiéesd et celles qui ne sont pas réunifiées

Comparaison entre la sensibilité maternelle et les caractéristiques maternelles des dyades réunifiéesd et celles qui ne sont pas réunifiées

** p < 0.05. *** p < 0.01

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Notre étude confirme également l’association négative entre la sensibilité maternelle et l’expérience d’abus sexuel pendant l’enfance pouvant être expliquée par les représentations mentales des premières expériences d’attachement du parent (Moran et al., 2011). D’autres études démontrent que les mères ayant vécu de l’abus sexuel à l’enfance ont une sensibilité maternelle plus faible et sont moins engagées envers leur enfant comparativement à la population générale (Ehrensaft et al., 2015; Zvara et al., 2015). Cependant, il existe un faible consensus quant à l’impact significatif des expériences traumatiques sexuelles sur les comportements interactionnels des mères (Bailey et al., 2012).

Par ailleurs, les résultats ne démontrent pas la présence de liens significatifs entre les indices de détresse psychologique et la sensibilité maternelle, ce qui va dans le sens opposé de la littérature auprès des parents dans les services de la protection de la jeunesse (Badovinac et al., 2018; Bodeker et al., 2018; Schoppe-Sullivan et al., 2007; Schechter et al., 2015; Yoo, Popp et Robinson, 2014). Ces parents sont généralement exposés à davantage de problèmes de santé mentale et de détresse psychologique (Acri et al., 2015; Kohl et al., 2011; Marcenko et al., 2011). Ainsi, deux hypothèses peuvent être envisagées pour comprendre les résultats : 1) les mères rapportent un faible niveau de détresse psychologique ou 2) la variance dans les données est trop petite pour détecter la présence importante de détresse psychologique.

En outre, notre étude ne révèle pas d’association significative entre la sensibilité maternelle et la fréquence de contacts pour les dyades non réunifiées. Ce dernier résultat est étonnant considérant que les études démontrent les liens positifs entre le maintien des contacts et la qualité des interactions parent-enfant (McWey et al., 2010; McWey et Cui, 2017; McWey et Mullis, 2004). Son association positive avec la survenue de la réunification familiale est démontrée (Davis et al., 1996). Ainsi, il peut être expliqué par l’objectif sous-jacent ces contacts. En effet, ces contacts permettent peu ou pas l’intervention et visent plutôt le maintien des liens entre le parent et l’enfant. De plus, les études de McWey et ses collaborateurs (2004, 2010, 2017) s’intéressent particulièrement aux enfants en processus de réunification familiale et ces biais d’échantillonnage peuvent expliquer les résultats contradictoires (Poitras et al., 2021).

La comparaison entre les dyades réunifiées et celles non réunifiées sur la sensibilité maternelle, dont le résultat est non significatif, infirme l’hypothèse de départ. Le niveau de sensibilité observé auprès des mères de cette étude-ci, est comparable aux mères maltraitantes et celles suivies par les services de protection de la jeunesse (Forbes et al., 2007; Oxford, Spieker et al., 2016; Schoppe-Sullivan et al., 2007). Ce résultat demeure étonnant considérant que la sensibilité maternelle a des impacts favorables sur les capacités parentales et la sécurité de l’environnement de l’enfant (Bodeker et al., 2018; Pratt et al., 2019; Zajac et al., 2018). Le second étonnement en lien avec ce résultat réside dans le fait que les risques de maltraitance chez les mères moins sensibles sont bien connus, en plus d’augmenter les défis dans la réunification familiale (Biehal et al., 2015; Kimberlin et al., 2009; Valentino et al., 2011; Zajac et al., 2018). Ainsi, les motifs de compromission peuvent être résolus par la modification substantielle des comportements parentaux et du milieu familial (Balsells et al., 2018; Chaffin et al., 2011; Franks et al., 2013; Vanderfaeillie et al., 2017; Oxford, Spieker et al., 2016). Donc, en absence d’une sensibilité maternelle améliorée, il semble que le projet de réunification familiale est fragilisé (McWey et Cui, 2017; McWey et Cullis, 2004; Salas et al, 2021; Sinclair et al., 2005).

Cette étude possède des limites et des forces dans le devis. La faible taille de l’échantillon est une limite ne nous permettant pas d’explorer les différentes relations entre la sensibilité maternelle, les caractéristiques maternelles, les contacts et la réunification familiale, ainsi que de comparer les groupes. L’attrition des participants dans le projet de plus grande envergure peut contribuer à un biais d’échantillonnage important qui nous empêche de généraliser les résultats. Ce biais d'échantillonnage est important et l’absence de dyades parent-enfant ayant des contacts difficiles ou une absence de contact, exerce une influence significative sur les résultats obtenus. Il est possible que l’hostilité chez les mères de notre étude, qui est significativement plus élevée que l’échantillon du plus grand projet, puisse expliquer la présence d’une sensibilité moindre. Ainsi, cela ne nous permet pas de documenter avec plus de précision la trajectoire des enfants placés ainsi que de leur mère biologique. Enfin, une autre limite réside dans le fait que le contexte observationnel varie chez les dyades réunifiées et les dyades non réunifiées pouvant avoir un impact sur les résultats.

Le caractère unique de la présente étude est d’examiner, pour la première fois, la sensibilité maternelle dans le contexte de la réunification familiale. Peu d’études ont exploré ces associations et celle-ci vient pallier partiellement cette limite. Plusieurs défis sont présents dans le contexte de la réunification familiale, dont les difficultés comportementales et affectives de l’enfant au retour dans sa famille d’origine (Farmer et Wijedasa, 2013; Malet et al., 2010; Schofield et al., 2011). Ces mêmes difficultés mettent à l’épreuve la qualité des comportements parentaux et mettent à risque l’enfant de vivre un nouveau placement (Berrick et al., 1998; Fuller, 2005; Biehal et al., 2015; Wulczyn, 2004; Vanderfaeillie et al., 2017). Enfin, l’échantillon utilisé dans notre étude est représentatif de ce que nous pouvons retrouver dans la population de mères biologiques (Salas et al., 2021; Schoppe-Sullivan et al., 2007; Sinclair et al., 2005).

PISTES DE RECHERCHE

Pour conclure, cette étude permet de mieux comprendre le rôle de la sensibilité des mères biologiques dans le contexte de placement de l’enfant, en examinant les caractéristiques maternelles qui y sont associées. La qualité des comportements parentaux est un indicateur important pour le développement social affectif de l’enfant (Ainsworth et al., 1978; Deans, 2018; Salas et al., 2021). D’autres recherches avec une plus grande taille échantillonnale doivent l’examiner dans ce contexte. De même, une des avenues intéressantes est celle d’effectuer des entretiens avec les parents biologiques sur leur comportement de sensibilité envers leur enfant, dans les moments où ils ont des interactions dans le but de leur offrir des services ajustés à leurs besoins (Balsells et al., 2015; Malet et al., 2010; Maaskant et al., 2016; Mirick, 2016; Noël et Saint-Jacques, 2015; Salas et al., 2016).

Quelques études d’intervention auprès des mères biologiques en voie de retrouver la responsabilité parentale démontrent des bénéfices sur l’enfant et la sensibilité maternelle (Cyr et al., 2019; Oxford, Marcenko et al., 2016). Bien que le placement de l’enfant soit une intervention d’exception pour protéger l’enfant, il demeure que les parents d’origine ne reçoivent pas de service provenant d’un programme d’intervention lors de la réunification familiale au Québec (Chaffin et al., 2011; Oxford, Spieker, et al., 2016; Sinclair et al., 2005). Pourtant, il demeure questionnable que les contacts soient sous-utilisés afin de mettre en place des interventions visant les comportements sensibles des mères envers l’enfant et permettant une meilleure adaptation à cette situation exceptionnelle (Gouvernement du Québec, 2007; Oxford, Marcenko et al., 2016; Oxford, Spieker et al., 2016; Salas et al., 2016). Tout bien considéré, une meilleure compréhension de la relation parent-enfant dans le contexte du placement éludera les questions sur ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant placé.