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Fruit d’un colloque international organisé par le Centre d’études canadiennes de l’Université Libre de Bruxelles, cet ouvrage vient combler un vide dans l’historiographie du multiculturalisme canadien. En effet, s’il existe un nombre impressionnant de travaux sur la plupart des communautés ethniques au Canada, les Belges n’avaient guère retenu l’attention jusqu’ici. Il est vrai que l’immigration belge vers le Canada, d’un point de vue quantitatif, fut historiquement très faible et n’est en rien comparable à celle d’autres pays de taille équivalente, par exemple les Pays-Bas. Ce constat, dit Jaumain dans le chapitre d’introduction, est lié à la situation économique de la Belgique qui fut, après l’Angleterre, le premier État du continent européen à profiter de la révolution industrielle et à affirmer, dès le milieu du XIXe siècle, sa puissance économique. Dans ce contexte, les Belges à la recherche d’un emploi limitèrent leurs déplacements à l’intérieur du pays ou vers le nord de la France ; il n’y eut jamais de mouvement massif vers le nouveau continent. Une deuxième raison explique cette faible attention portée aux Belges du Canada : la remarquable faculté d’adaptation dont ceux-ci auraient fait preuve, en partie bien sûr à cause de leur petit nombre et de leur grande dispersion à travers le pays, mais aussi, rappelle Jaumain, grâce à une certaine proximité culturelle avec les Canadiens français et anglais.

L’objectif du colloque et du livre qui en est issu était de dresser un bilan de cette immigration restée si discrète et de s’interroger sur l’impact qu’elle a eu malgré tout sur la société canadienne aux plans religieux, économique et socioculturel.

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première fait état de la recherche sur l’immigration belge au Canada dans un survol historique. Une seconde partie s’attache aux représentations de l’immigrant belge à travers l’histoire, utilisant des sources ecclésiastiques romaines (du XVIIIe siècle au début du XXe), des récits de voyage et des brochures de propagande diffusés en Belgique à la fin du XIXe siècle et, enfin, les textes de responsables provinciaux du Canada-Uni et du Québec (1853-1968). La dernière partie de l’ouvrage traite des aspects spécifiques de cette immigration belge au Canada, tels l’activité professionnelle, l’expérience particulière et tout à fait fascinante des Italo-Belges au Canada et, enfin, le bilan démographique des migrations entre la Belgique et le Canada à la fin du XXe siècle.

Outre Serge Jaumain, historien spécialiste des relations belgo-canadiennes, sont réunis dans cette synthèse collective des historiens belges et canadiens également bien connus dans le champ de la démographie historique et l’histoire politique et culturelle de l’immigration. La force de cet ouvrage vient de la rigueur scientifique dont il témoigne grâce au travail des auteurs, historiens et historiennes constamment critiques de leurs sources documentaires dont ils guident minutieusement la lecture. Ce souci du détail, allié à l’esprit de synthèse magistral dont font preuve en particulier les trois premiers textes sur l’état de la recherche, font de ce livre une référence unique et désormais incontournable dans l’histoire du multiculturalisme canadien.