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Introduction

«C'est pendant un stage qu'on apprend vraiment à enseigner.» Cette affirmation est reprise, sous différentes formes, par la très grande majorité des enseignants quand ils parlent de leur propre apprentissage de l'enseignement lors de leur formation initiale. Plusieurs recherches sur la formation d'enseignants présentent un point de vue très différent. Les résultats de nombreuses recherches portent à penser que le stage contribue uniquement à développer l'habileté à gérer une classe «au jour le jour». Le stage ne ferait aucune place à l'essence même de l'enseignement, soit à l'apprentissage des élèves.

La présente étude vise à montrer qu'un futur enseignant peut non seulement apprendre à gérer une classe au jour le jour lors d'un stage dans une école secondaire, mais également apprendre à se centrer prioritairement sur l'apprentissage des élèves et à développer des habiletés pédagogiques en ce sens. Le stage peut donc vraiment permettre d'apprendre à enseigner. Cette étude présente également les interventions des enseignants associés qui ont contribué aux apprentissages d'un futur enseignant et, par conséquent, à la réussite de son stage.

Problématique

Le développement d'un enseignant

Au fil des ans, des modèles de développement d'un enseignant ont été élaborés. Celui de Fuller (1969), basé sur l'évolution des préoccupations d'un enseignant, en est un exemple. Celui de Berliner (1988), élaboré à partir d'études comparatives de novices et d'experts, en est un autre. Plus récemment, Kagan (1992) a relevé les diverses étapes du développement d'un enseignant débutant en faisant une synthèse des plus récentes études réalisées aux États-Unis dans ce domaine. En Angleterre, Calderhead (1987) ainsi que Furlong et Maynard (1995) ont proposé leur modèle. La recherche de Furlong et Maynard (1995) s'avère intéressante, car elle aborde le développement et les apprentissages du futur enseignant pendant le stage pratique, tout comme l'étude présentée ici.

Pour leur part, Gauthier, Mellouki et Tardif (1993) identifient cinq types de savoirs que possède un enseignant: un savoir curriculaire, disciplinaire, d'expérience, culturel et professionnel. En salle de classe, l'enseignant juge des gestes appropriés à poser en utilisant un ou plusieurs de ces savoirs. Selon eux, la formation d'un futur enseignant, en milieu universitaire aussi bien qu'en stage, consiste à explorer ces divers savoirs en tenant compte du contexte réel dans lequel se déroule l'enseignement.

Bélair (1998), pour sa part, parle de compétences à acquérir par le futur enseignant plutôt que de savoirs. Selon l'autrice, ces compétences concernent plusieurs domaines: la vie de la classe, les rapports avec les élèves, les disciplines enseignées, les exigences de la société. Elle soutient aussi que le futur enseignant doit évoluer personnellement au cours de sa formation initiale. L'acquisition de ces compétences devrait contribuer au développement du bon enseignant, celui qui oriente ses actions d'abord vers l'apprentissage de ses élèves.

Apprendre à enseigner en stage

Le stage pratique du programme de formation initiale à l'enseignement représente une étape cruciale dans le développement d'un enseignant. Ce moment est souvent perçu par le futur enseignant comme celui où il apprendra vraiment. De nombreuses recherches portent sur les apprentissages réalisés pendant cette étape de la formation initiale.

Furlong et Maynard (1995) ont récemment identifié différentes phases dans l'apprentissage de l'enseignement durant un stage. Selon eux, cet apprentissage comprend quatre phases assez distinctes: l'enseignement initial, l'enseignement supervisé, la transition d'une préoccupation d'enseignement à une préoccupation d'apprentissage des élèves et l'enseignement autonome. Les auteurs mentionnent cependant que les apprentissages effectués ne sont pas linéaires et qu'un stagiaire peut faire un retour sur l'une ou l'autre des phases pour l'approfondir.

Feiman-Nemser et Buchmann (1987), sans parler d'étapes de développement pendant un stage, donnent une définition intéressante du processus d'apprentissage de l'enseignement. Selon elles, si l'enseignement consiste à diffuser le savoir et à s'assurer que les étudiants apprennent, l'enseignant doit posséder des habiletés d'interaction et s'engager fermement à promouvoir les apprentissages des étudiants. Bref, un enseignant doit se centrer sur la façon de penser des étudiants et sur leur apprentissage. Cette conception de l'enseignement et du rôle de l'enseignant les conduit à la définition suivante de l'apprentissage de l'enseignement en stage: «[...] apprendre à reconnaître la différence entre les routines de l'enseignement et les liens entre ces routines et les apprentissages des élèves; développer des habiletés d'enseignement; et développer une attitude à vouloir réellement penser son acte pédagogique» (Feiman-Nemser et Buchmann, 1987, p.257). Un stage pourra donc être qualifié de réussi quand il y a apprentissage de l'enseignement, soit un développement de ces connaissances, habiletés et attitudes chez le stagiaire.

Un stage réussi et l'intervention efficace d'un enseignant associé

Une bonne partie de la documentation en formation des enseignants en arrive à la conclusion que la réussite d'un stage en formation à l'enseignement est généralement tributaire du type d'intervention de l'enseignant associé lors de la supervision du stagiaire (Karmas et Jacko, 1977; Locke, 1984; Dodds, 1985; Guyton et McIntyre, 1990). Dans un texte récent, Raymond et Lenoir (1998) traitent de la place de plus en plus importante de l'enseignant associé dans la formation initiale d'un enseignant et en veulent pour preuve l'accroissement du temps consacré aux différents stages dans les programmes de formation. Cependant, un seul des textes qu'ils présentent décrit des interactions réelles entre un enseignant associé et un stagiaire. Aucun ne s'est attardé à traiter d'interventions efficaces de l'enseignant associé, soit des interventions qui seraient en lien direct avec des apprentissages du stagiaire. De plus, beaucoup de ces recherches ne définissent pas la réussite ou ne définissent que très vaguement les critères de réussite d'un stage.

Certaines autres recherches recensées se sont attardées à l'un ou l'autre ou à l'ensemble des sujets suivants: un stage réussi, les interventions efficaces d'un enseignant associé, les liens entre ces deux éléments. L'étude de Barnes et Edwards (1984) porte sur les trois sujets. Ces auteurs définissent un stage réussi comme un stage où le développement d'un répertoire de techniques d'enseignement et le développement de l'habileté à juger du moment approprié de l'utilisation de ces techniques se font de façon intégrée. Ils ont d'abord identifié des stages réussis pour ensuite tenter de cerner les comportements des enseignants associés reliés à ces réussites.

Selon cette recherche, les enseignants associés qui oeuvrent dans des stages réussis interagissent de façon différente avec leur stagiaire quand on les compare à des enseignants associés qui oeuvrent dans des stages moins réussis. Dans un stage réussi, l'enseignant associé est plus proactif que réactif. Il enseigne des techniques de gestion de façon explicite et aide concrètement le stagiaire dans sa planification au lieu d'attendre que les problèmes se produisent. Cet enseignant associé établit aussi une relation positive avec le stagiaire.

Blair (1984) a, pour sa part, mené une recherche sur les interventions des enseignants associés qui réussissent. Il a questionné des enseignants associés sur ce qui contribue à leur succès. Ce succès comme enseignant associé se caractérise, entre autres, par des interventions concernant la prise de conscience du rôle d'enseignant, les relations humaines, la gestion et l'organisation, l'induction graduelle, l'enseignement différencié, l'évaluation et l'analyse de l'enseignement. Même s'il a questionné des enseignants associés considérés comme ayant réussi, Blair n'a pas défini ce qui constituait un stage réussi.

Après leur étude sur le développement d'un futur enseignant lors d'un stage, Furlong et Maynard (1995) proposent que l'enseignant associé intervienne différemment selon l'étape de développement atteint par le stagiaire. Ainsi, l'enseignant associé devrait prendre le rôle de modèle, d'entraîneur, d'ami critique, de cochercheur ou un mélange de ces rôles. Le choix du rôle le plus approprié devrait être basé sur l'étape de développement atteint par le stagiaire et sur les apprentissages visés à la prochaine étape. Furlong et Maynard (1995) suggèrent ces rôles, mais ne fournissent pas de données de recherche sur l'efficacité de ces rôles ni sur des liens possibles entre ces rôles et la réussite du stage. Ils ont plutôt déduit ces rôles à partir des phases de développement du stagiaire qu'ils ont identifiées.

Feinam-Nemser et Buchmann (1987) étudient aussi le rôle majeur des interventions des enseignants associés dans la réussite des stages. Elles affirment que ces derniers doivent intervenir de diverses façons auprès du stagiaire pour contribuer à la réussite d'un stage: expliquer leurs propres gestes pédagogiques et leur pourquoi, montrer comment approfondir la pensée des élèves, guider l'attention du stagiaire sur des indices de compréhension ou de confusion chez les élèves, l'aider à parler des raisons de ses décisions et de ses actions de même que des difficultés inhérentes à distinguer ce que les élèves savent et ce qu'ils doivent savoir. Selon ces auteurs, ce n'est qu'au moment où ils auront posé tous ces gestes que les enseignants associés auront réellement assumé leur vrai rôle de formateur d'enseignant.

L'étude présentée ici s'inscrit dans le prolongement des travaux de Barnes et Edwards (1984), de Feiman-Nemser et Buchmann (1987) et de Furlong et Maynard (1995), menés dans des stages à l'école primaire. Elle vise à décrire les apprentissages d'un futur enseignant dans un stage réussi à l'école secondaire, les interventions des enseignants associés auprès de ce futur enseignant de même que les liens entre ces interventions et les apprentissages du futur enseignant.

Méthodologie

Une étude de cas

La méthode d'étude de cas consiste à décrire de façon exhaustive une situation spécifique, complexe et en pleine évolution (Stake,1995; Bogdan et Biklen, 1982). Miles et Huberman (1994) définissent «un cas» comme un phénomène qui se déroule dans un contexte déterminé. Ils donnent comme exemple de cas l'étude d'une personne spécifique, d'une communauté d'individus ou d'un rôle. Le stage vécu par un stagiaire dans une école secondaire et les interventions des enseignants associés qui l'accompagnaient font l'objet de l'étude de cas présentée.

Les participants

Les participants à cette étude de cas sont un stagiaire et deux enseignants associés qui ont accepté de le superviser pendant un stage de douze semaines. Claude (pseudonyme du stagiaire) s'est vu confier l'enseignement de l'histoire à un groupe de 14 élèves de 10e année classés comme ayant des problèmes de comportement ou d'apprentissage. Il a aussi pris en main l'enseignement de la géographie à un groupe de 28 élèves avancés de 11e année.

Issu d'une famille où le père et la mère travaillent dans l'enseignement, Claude n'avait cependant aucune expérience formelle d'enseignement de ces deux disciplines au secondaire. Il était inscrit à un programme de formation à l'enseignement d'un an. Ce programme faisait suite à l'obtention d'un premier baccalauréat universitaire. Claude est en effet titulaire d'un baccalauréat à double concentration, soit histoire et géographie. Une question de la première entrevue lui faisait dire que son choix de l'enseignement comme profession avait pris racine à un très jeune âge et lui paraissait comme un choix naturel: «J'ai toujours eu l'idée d'être enseignant […] je ne voyais pas vraiment ce que j'aurais pu faire d'autre […] avec ma mère, mes oncles, mes tantes, j'ai un peu vécu dans l'enseignement…», mentionnait-il.

André et Donald (pseudonymes des enseignants associés) ont de l'expérience dans la supervision de stagiaires. André a supervisé une dizaine de stagiaires durant sa carrière tandis que Donald en a supervisé cinq ou six. Tous les deux en étaient toutefois à leur première supervision d'un stage de plus d'un mois. André possède plus de trente ans d'expérience dans l'enseignement de la géographie et travaille à 66% de la tâche régulière d'un enseignant du secondaire. Donald enseigne depuis quinze ans auprès d'élèves ayant des difficultés d'apprentissage et de comportement.

Le contexte

Le stage s'est déroulé en milieu rural dans une école secondaire de près de 800 élèves. Depuis deux ans, cette école était engagée dans à un projet de stage prolongé auquel Claude participait. Ce projet consistait à accueillir un stagiaire pendant douze semaines, de la fin janvier à la fin avril. Ce stage était considéré comme l'équivalent du deuxième semestre du baccalauréat en éducation d'un an auquel le stagiaire était inscrit. Pour Claude, ce baccalauréat fait suite à un premier baccalauréat où il a suivi des cours qui lui permettent de choisir deux domaines de spécialisation dans lesquels il veut enseigner au secondaire.

L'école et les enseignants associés, en collaboration avec un responsable du projet provenant du programme de formation, ont participé à la sélection du stagiaire dans le cadre de ce projet de stage prolongé. Après une entrevue avec le stagiaire, les deux enseignants associés se sont consultés et sont tombés d'accord que ce candidat était un «bon» candidat, car son approche et sa philosophie étaient très similaires à la leur. Le stagiaire montrait, selon eux, une ouverture d'esprit par ses réponses aux questions.

Les données de recherche

La collecte des données de la recherche s'est faite au cours du stage et diverses techniques ont été utilisées. Des entrevues semi-structurées avec le stagiaire au début, au milieu et à la fin du stage ont été réalisées. Les questions ouvertes de ces entrevues portaient sur la conception de l'enseignement du stagiaire, les activités réalisées depuis la dernière rencontre et sa propre perception de ses apprentissages. Il était également questionné sur les interventions des enseignants associés de même que sur son appréciation de la pertinence de ces interventions.

Le même type d'entrevue a été réalisé avec les deux enseignants associés au début et à la fin du stage. Ils répondaient à des questions ouvertes sur les apprentissages, sur les activités du stagiaire et sur leurs interventions auprès de ce dernier.

Des récits d'incidents critiques rédigés quotidiennement par le stagiaire et à toutes les semaines par les enseignants associés ont constitué un autre ensemble de données. Ces récits racontaient des événements significatifs vécus par l'un ou l'autre des participants à la recherche.

Parmi les autres données utilisées, on relève: les notes prises par André lors de l'observation du stagiaire, les notes biographiques au sujet de Claude et une transcription d'une autoanalyse d'une leçon que Claude avait lui-même enregistrée sur cassette vidéo.

L'analyse des données a été faite de façon inductive. Deux questions orientaient la lecture des données, à savoir «Qu'est-ce que le stagiaire a appris?» et «Quelle a été l'intervention des enseignants associés dans cet apprentissage, s'il y a eu intervention?»

La lecture des données fut accompagnée de la rédaction d'une synthèse des situations permettant de répondre à ces deux questions. Cette synthèse a permis d'éliminer les situations et événements décrits qui n'avaient aucun lien avec les questions de recherche. La lecture des données a été faite de façon concomitante avec une lecture attentive des textes cités dans la documetation scientifique.

La première synthèse a fait l'objet, quelques jours plus tard, d'une analyse plus approfondie à la lumière des nouveaux éléments tirés des lectures. Cette analyse a permis d'élaborer une seconde synthèse qui a été revue et corrigée. Cette nouvelle synthèse a servi à la rédaction d'un récit du stage.

Afin d'assurer la crédibilité des données de la recherche, trois techniques ont été utilisées: le feed-back des participants, l'engagement prolongé du chercheur et la triangulation (Miles et Huberman,1994; Lincoln et Guba,1985). Les participants à la recherche, soit le stagiaire et les deux enseignants associés ont lu le récit du stage rédigé par le chercheur et ont fait part de leurs commentaires et de leur feed-back, tant sur la forme que sur les situations retenues dans ce récit. Ils ont aussi été invités à compléter les situations racontées au besoin. Le récit fut donc modifié à la lumière de ces commentaires et de ce feed-back. Ce récit modifié constitue la sectionRésultats de la présente recherche.

L'engagement prolongé du chercheur s'est concrétisé par l'accompagnement du stagiaire et des enseignants associés dès le début de la planification du projet. Il a mené toutes les entrevues et a échangé avec les participants tout au cours du projet. De plus, il a visité régulièrement l'école pour superviser formellement le stagiaire et pour faire des bilans informels.

La triangulation des données s'est faite en utilisant deux sources de données, soit le stagiaire et les enseignants associés. L'utilisation de différentes techniques de collecte de données, soit les entrevues et les documents écrits, a également contribué à la triangulation. Cette triangulation s'est avérée très utile pour s'assurer de la crédibilité des événements relatés. Le même type de questions était posé individuellement aux participants et la lecture des données permettait de confirmer ou d'infirmer certains événements relatés par l'un ou l'autre des participants.

Les limites de l'étude

Une étude de cas ne se prête pas à une généralisation telle que ce terme est défini en recherche expérimentale. Le récit d'un stage, tel celui-ci, représente une expérience unique dans le contexte spécifique décrit plus haut. Le lecteur de la présente recherche est invité à identifier des similarités entre des situations qu'il a vécues et la situation de stage décrite ici. Il pourra ainsi, par cette comparaison, lui-même élargir sa propre compréhension et ainsi en arriver à ce que Stake (1978) appelle une «généralisation naturalistique».

La sélection d'un cas parmi d'autres doit être orientée par sa richesse potentielle sur le plan des connaissances qu'on peut en retirer (Stake, 1995). Certains cas uniques ou marginaux se révèlent de bons choix d'études de cas, étant donné qu'ils révèlent des aspects cruciaux du phénomène étudié (Laperrière, 1997). Cette étude-ci décrit un tel cas unique et marginal qui a été choisi parmi plus de dix situations similaires documentées pendant une recherche de trois ans. Tout en constituant une limite importante à une généralisation, au sens expérimental du terme, ce cas unique vient éclairer un aspect peu connu du processus d'apprentissage de l'enseignement en stage: la réussite et les liens entre cette réussite et les interventions d'enseignants associés.

Résultats

Au cours de ce stage, Claude a développé des habiletés et acquis des connaissances de divers ordres: la planification de l'enseignement, l'utilisation de diverses stratégies d'enseignement, la vérification de la compréhension des élèves, les diverses fonctions d'un enseignant dans une école. Ces habiletés et connaissances se sont développées et ont été acquises de façon simultanée et intégrée. Malgré cela, elles vont être présentées et discutées ci-après de façon séquentielle et indépendante.

Les enseignants associés, André et Donald, ont utilisé diverses stratégies d'intervention pour contribuer aux apprentissages de Claude: l'observation systématique de son enseignement, la description écrite de certains comportements d'élèves ou du stagiaire, le feed-back formel, le questionnement, l'établissement de lien entre l'implication des élèves et leur intérêt, l'identification d'indices concrets de compréhension ou d'incompréhension des élèves, les échanges et la discussion. Dans ces interventions des deux enseignants associés, une constante ressort: l'accent mis sur l'apprentissage des élèves. Une relation harmonieuse établie et entretenue avec Claude a servi de toile de fond à toutes ces interventions des enseignants associés. Enfin, au cours du stage, ils ont fait vivre au stagiaire un cycle en quatre étapes qui l'amenait à faire des choix et à en évaluer l'impact sur les apprentissages des élèves.

Chacun des apprentissages du stagiaire et des interventions des enseignants associés identifiés ici seront repris et illustrés à l'aide d'une situation provenant des données de recherche. La figure 1 illustre les apprentissages de Claude et les interventions, tant ponctuelles que continues, des enseignants associés.

Figure 1

Apprentissages du stagiaire et interventions des enseignants associés

Apprentissages du stagiaire et interventions des enseignants associés

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Interventions ponctuelles

Premier cas – Claude développe l'habileté à planifier en fonction du contenu et des élèves avec l'aide d'enseignants associés qui le questionnent sur ce que les élèves saisissent du contenu et de l'ordre du contenu planifié.

Au début du stage, Claude conçoit la planification de l'enseignement comme la mise en ordre du contenu d'un programme. Il planifie ses leçons en fonction de cette conception. Ce contenu organisé pour une leçon spécifique dicte le déroulement de la leçon peu importe les questions des élèves. André note même dans ses premières observations que Claude a probablement «un plan de match» et qu'il est pris par son contenu. Pendant le stage, cette conception évolue et Claude affirme en entrevue à la fin du stage:

Au début, je m'assurais que chaque point que j'avais planifié soit pris la journée même. [...] Au début, ma planification était axée sur la matière. Plus tard, j'ai commencé à adapter ma planification aux besoins de la classe, à leurs connaissances et à leur vitesse d'apprentissage. J'ai pris conscience de la classe de façon à ce que les deux, le contenu planifié et la classe, aillent ensemble.

Ces extraits d'entrevues avec le stagiaire montrent une perception de ses propres apprentissages sur la planification de l'enseignement.

André a contribué au développement de cette habileté en questionnant Claude sur ce que les élèves retenaient du contenu et à quel point ils saisissaient l'ordre que lui, comme enseignant, avait mis dans ce contenu. André dit avoir questionné Claude lors d'une rencontre de rétroaction. Ce commentaire d'André illustre bien son intervention systématique sur cet aspect:

Je vais le questionner sur ce que les élèves apprennent. Est-ce que les élèves réellement savent? Est-ce qu'ils voient le cheminement? Est-ce qu'ils voient l'ordre? Il faut que l'élève se situe sans ça c'est un fouillis. [...] Ça va le forcer (le stagiaire) à mieux structurer son contenu et à structurer les élèves. [...] On va travailler sur ce point-là pour peut-être une semaine.

Cette intervention porte sur la mise en ordre du contenu du programme. Cet ordre relatif au contenu doit de plus être transmis aux élèves comme l'écrit si bien André lui-même: «[...] Pour un stagiaire, il peut être difficile de voir si les élèves voient toujours la suite logique de ce qui est étudié dans le cours. Et pourtant, c'est tellement important pour aider l'élève à apprendre et à comprendre.»

Deuxième cas – Claude développe l'habileté à utiliser diverses stratégies d'enseignement grâce aux enseignants associés qui observent, notent, suggèrent des stratégies.

Claude a commencé son stage en utilisant surtout la stratégie d'enseignement magistral. De fait, comme il l'affirmait lui-même, enseigner consistait à parler: «Je me demandais tout le temps si j'aurais assez de temps pour parler, si j'étais pour manquer de temps dans mes leçons.» Donald notait même dans une de ses observations: «Présentation de 50 minutes [...] enseignement magistral un peu long.» Au fil du déroulement du stage, au dire de Donald, Claude a appris à varier ses stratégies d'enseignement. Par exemple, il utilise un manuel et formule des questions auxquelles les étudiants doivent répondre. Il propose aux élèves des activités du type «Génies en herbe» où les élèves ont à choisir les questions et à trouver les réponses. Il utilise aussi à l'occasion une stratégie d'enseignement par les pairs, où les étudiants ont à apprendre les noms des différents pays d'Europe.

Donald est intervenu sur ce point très précis avec Claude au cours d'une observation très détaillée d'une de ses leçons. Par la suite, il a fait remarquer à Claude la longueur de sa présentation, 50 minutes, et la diminution d'attention des élèves après quinze ou vingt minutes. Il a alors suggéré à Claude de varier ses stratégies au cours d'une même leçon: présenter de façon magistrale, faire une activité ou deux, corriger et reprendre la présentation. Il a justifié cette suggestion en mentionnant que les élèves seraient plus aptes à se concentrer sur la matière de cette façon. Claude a intégré cette suggestion de Donald; aussi, lors de l'entrevue de fin de stage, il a pu affirmer: «Ce que j'ai le plus appris durant le stage, c'est de varier mon enseignement, peu importe le type d'élèves.»

Claude a appris non seulement à utiliser diverses stratégies d'enseignement, mais aussi à choisir des stratégies qui amènent les élèves à jouer un rôle plus actif. Ainsi, pour faire apprendre les noms des pays d'Europe, il a utilisé une carte muette sur laquelle les élèves devaient individuellement situer les pays. Selon Claude, cette stratégie était plus efficace que la stratégie magistrale. Cette évolution de Claude est confirmée par Donald qui affirme: «Il (Claude) va donner le travail à l'élève pour qu'il aille chercher l'information. Avant, c'est lui qui donnait l'information.» Donald a aussi affirmé que Claude avait su adapter ses stratégies d'enseignement aux différents styles d'apprentissage des élèves de la classe.

André a, pour sa part, fait émerger le lien entre ces stratégies, où l'élève est plus actif, et l'intérêt manifesté. À la suite d'une leçon où Claude avait débuté en questionnant les élèves pour identifier ce qu'ils savaient sur le volcanisme, André a interrogé Claude sur ce qui expliquerait l'intérêt manifesté par les élèves durant la leçon. Claude ne pouvait répondre. André a alors expliqué que l'entrée en matière avait fait la différence. «Les élèves ayant contribué au déroulement du cours dès le départ, [...] il est alors beaucoup plus facile de les amener à nous écouter.» Cette anecdote semble bien montrer que le stagiaire possédait l'habileté à utiliser une stratégie d'enseignement active, mais qu'il ne pouvait pas encore faire le lien entre ses propres comportements et les comportements des élèves. L'intervention d'André au sujet de ce lien s'est avérée essentielle à l'apprentissage de Claude.

Troisième cas – Claude apprend à vérifier la compréhension des élèves avec l'aide d'enseignants associés qui identifient des signes d'incompréhension des élèves.

Dans les premières semaines de stage, l'enseignement de Claude pourrait être décrit comme un monologue sur la matière. Nerveux, il présentait la matière qu'il avait planifiée, sans porter attention aux questions ou aux signes de compréhension ou d'incompréhension des élèves. Il le mentionne lui-même: «Au début, je parlais trop avec mes notes. Je ne prenais pas assez conscience de tous les élèves de la classe.» André relate l'anecdote suivante, qui va dans le même sens, à propos d'une des premières leçons de Claude:

Le stagiaire pose une question, une élève lève la main et répond. Le stagiaire dit qu'il veut une autre réponse et passe à autre chose sans tenir compte de cette première réponse. Pourquoi le stagiaire aurait-il agi ainsi? Probablement que le stagiaire a un «plan de match» et des notes préétablies très précises ou des réponses qu'il veut avoir. À cause de son insécurité (il est pris par le contenu de son cours), il s'accroche à ses réponses. En développant son écoute de l'autre, cela devrait se corriger.

Lors de l'entrevue de fin de stage, Claude affirme que son enseignement est efficace quand il interagit avec les étudiants, particulièrement en les questionnant pour voir «si la matière a été absorbée». Il parle même des questions à adresser à certains élèves qui n'auraient pas, selon lui, peut-être tout compris et non des questions à «tel élève qui a la main levée tout de suite». Il parle aussi de «faire des révisions afin de [s]'assurer qu'ils ont bien compris, parce que parfois ce n'est pas évident». Claude est donc passé à une étape de vérification de la compréhension ou de l'incompréhension des élèves. Sa connaissance des élèves s'est même développée au point qu'il peut choisir les élèves à qui il adresse ses questions pour avoir une meilleure image de la compréhension de l'ensemble des élèves. Il est également attentif aux élèves qui éprouvent des difficultés: «Si tu peux aller chercher les élèves qui ont plus de difficulté, je pense que c'est là que l'enseignement s'est vraiment fait. C'est cela que j'essaie toujours de faire.»

L'intervention d'André dans ce domaine a été marquante. Il a fait émerger chez Claude la différence entre l'enseignement et l'apprentissage des élèves. André s'est d'abord rendu compte, comme il l'écrit, que «pour un stagiaire, il peut être difficile de saisir si les élèves perçoivent toujours la suite logique de ce qui est étudié dans le cours.» Comme pour André, «c'est important (de voir cette logique) pour aider l'élève à apprendre et à comprendre» il a donc a demandé à un élève de lui prêter son cahier de notes pour le montrer à Claude. Il l'a alors questionné: «Est-ce que les élèves réellement savent? Est-ce qu'ils voient le cheminement? Est-ce qu'ils voient l'ordre? Il faut que l'élève se situe; sans ça, c'est un fouillis.» Cette intervention d'André a permis à Claude de bien cerner la différence entre l'enseignement fait et les apprentissages réalisés, et de comprendre l'importance de vérifier avec régularité la compréhension des élèves.

Quatrième cas – Claude apprend les diverses fonctions d'un enseignant avec l'aide d'enseignants associés qui l'impliquent dans ces fonctions multiples.

Tout au cours du stage, Claude a réalisé qu'être enseignant consiste à jouer plusieurs rôles, tant auprès des élèves qu'auprès de collègues. Lors de la deuxième semaine de stage, il parle d'une «nouvelle responsabilité» qu'il s'est découverte: il doit communiquer avec une éducatrice pour l'informer des comportements d'un élève, car cette éducatrice intervient aussi auprès de cet élève. À un autre moment du stage, Claude écrit: «Ça m'amène à penser que la profession d'enseignant n'est pas seulement d'enseigner sa matière, mais de guider les jeunes, leur donner le goût de la vie. Durant la période où nous avons parlé de choix de carrière, la classe était intéressée et je sentais qu'ils voulaient que je partage mes expériences avec eux.» Claude a également rencontré les parents de ses élèves lors d'une soirée de parents. De plus, il a agi comme entraîneur d'une équipe sportive de l'école avec toutes les sorties que cela comporte.

Donald et André ont incité Claude à participer à la vie l'école. Selon eux, ce rôle fait partie de la vie réelle d'un enseignant à l'école. André écrit à ce propos:

Lors d'une discussion avec le stagiaire, il me dit qu'il trouve cela difficile lorsqu'il revoit ses élèves après s'être absenté. On a de la difficulté à avoir de la suite dans le cours. C'est pourtant ce qui arrive trop souvent dans la vie d'un enseignant: maladie, conférence, accompagner une équipe sportive. On doit alors travailler deux fois plus fort pour motiver les élèves et les rembarquer.

Donald affirmait pour sa part qu'il inciterait Claude à prendre part à la vie sociale de la section et de l'école car, pour lui, l'école c'est aussi une vie sociale: «[je lui ai dit:] “Il faut que tu voies des gens. C'est la vie sociale aussi. Il faut que tu te fasses voir et connaître aussi. C'est une affaire qu'on va travailler dans la deuxième partie du stage.» Donald a également rencontré Claude pour lui parler spécifiquement de la rencontre de parents et pour lui donner des conseils sur la façon d'interagir avec eux.

Interventions continues

Outre les interventions plus ponctuelles qui viennent d'être mentionnées, l'analyse des données a permis de déceler des constantes dans les interventions des enseignants associés: l'accent mis sur les apprentissages des élèves, l'établissement et le maintien d'une relation harmonieuse avec le stagiaire et l'encadrement du stagiaire tout en lui permettant de faire des choix. Ces constantes semblent avoir été parmi les facteurs déterminants qui ont contribué aux apprentissages de Claude.

André et Donald ont commencé à parler d'apprentissages des élèves dès le début du stage et sont revenus souvent sur cet aspect. André avait écrit ce qui suit dans ses notes d'observation de la première leçon de Claude: «En somme, on a couvert plus de matière que ce à quoi l'on s'attendait. Cependant, il y a eu de l'apprentissage.» Donald est intervenu auprès de Claude en lui demandant d'évaluer les travaux des élèves et de leur donner du feed-back le plus tôt possible après la remise du travail. Ceci contribue, selon lui, au fait que les élèves apprennent et retiennent la matière. Tout au cours du stage, les deux enseignants associés sont revenus sur l'apprentissage des élèves en parlant avec Claude de «compréhension des élèves» et en le questionnant ainsi: «Où veux-tu que les élèves se rendent?» Donald concluait à la fin du stage: «Il [Claude] prenait le temps que cela prenait pour que les élèves apprennent. J'ai observé par les résultats que les jeunes avaient appris quelque chose.»

La relation entre Claude, Donald et André pourrait être qualifiée d'harmonieuse tout au cours du stage. Claude déclarait dans l'entrevue bilan: «Ils auraient pu être là et me laisser aller. Mais ils m'ont vraiment supervisé [...] et j'avais une bonne relation avec eux. J'étais très confortable avec les deux.» André mentionne qu'il tenterait de reproduire dans un autre stage le genre de relation d'accompagnement qu'il avait développé au cours du présent stage.

Les deux enseignants associés ont encadré Claude tout en lui permettant de prendre certaines décisions et de faire des choix. Ils ont lui donné le contenu à enseigner selon le programme. Ils lui ont d'abord expliqué comment eux avaient déjà enseigné ce contenu. Ils lui ont ensuite présenté les ressources pédagogiques dont ils disposaient. Claude devait par la suite choisir et planifier les stratégies d'enseignement qu'il voulait utiliser. Le cycle se terminait par une évaluation de l'efficacité des stratégies retenues par Claude en compagnie de l'enseignant associé concerné. Cette évaluation était très souvent basée sur les réactions des élèves, soit l'intérêt et la compréhension manifestés.

Discussion

Les études de Barnes et Edwards (1984), de Feiman-Nemser et Buchmann (1987) et de Furlong et Maynard (1995) ont inspiré notre analyse. Une relecture de ces recherches, en parallèle avec les résultats présentés ici, devient donc pertinente. Il importe de faire remarquer que la présente étude traite d'apprentissage de l'enseignement lors d'un stage dans une école secondaire alors que les trois recherches citées se sont déroulées lors d'un stage dans une école primaire.

Barnes et Edwards (1984) ont défini un stage réussi comme un stage où il y a développement d'un répertoire de techniques d'enseignement et simultanément, développement de l'habileté à juger du moment approprié de l'utilisation de ces techniques. Claude a développé ces habiletés au cours de son stage. Par exemple, il a choisi de présenter des films à la fin d'une unité d'enseignement en justifiant son choix comme ceci: «J'ai pensé à cela et j'aime mieux leur présenter un film à la fin qu'au début et au milieu parce qu'ils ne connaissent pas vraiment les termes. Maintenant, je vois qu'ils écoutent parce qu'ils disent: Ah, on a vu ces mots-là!» Dans le même sens, Donald indiquait à la fin du stage que Claude avait développé l'habileté à adapter ses stratégies d'enseignement en fonction du style d'apprentissage des élèves. Cette capacité d'adaptation a également été observée chez des stagiaires au primaire par Martin (1993).

Dans un stage réussi, l'enseignant associé intervient plus de façon proactive que réactive, toujours selon Barnes et Edwards (1984). Il enseigne des techniques de gestion de façon explicite et aide concrètement le stagiaire dans sa planification au lieu d'attendre que les problèmes surgissent. Cet enseignant associé établit une relation positive avec le stagiaire. Ces interventions qui caractérisent un stage réussi sont aussi présentes dans le stage de Claude. Les enseignants associés ont été proactifs en faisant vivre le cycle «structurer-guider-laisser choisir» au stagiaire, particulièrement en ce qui a trait à la planification de l'enseignement. Ils présentaient les grandes traits du programme (structurer), expliquaient des stratégies à utiliser pour enseigner ce contenu (guider) et laissaient le stagiaire faire son choix. Quant aux relations personnelles et professionnelles, les trois participants ont été unanimes à la fin du stage: leurs relations avaient été harmonieuses et enrichissantes.

Pour Feiman-Nemser et Buchmann (1987), apprendre à enseigner lors d'un stage consiste à apprendre à reconnaître les routines de l'enseignement et les liens entre ces routines et les apprentissages des élèves, à développer des habiletés d'enseignement et, finalement, à développer une attitude à vouloir réellement penser son acte pédagogique. En se basant sur cette définition, on peut affirmer que Claude a appris à enseigner durant ce stage. Il a développé des habiletés à utiliser diverses stratégies d'enseignement. Il peut également faire la différence entre une routine d'enseignement et les apprentissages d'élèves. Les enseignants associés parlent de cette habileté à distinguer routine et apprentissage quand ils affirment que Claude va chercher le jeune et ne «fait pas juste passer de la matière». À la fin du stage, Claude affirme qu'il devra continuer à perfectionner sa planification à long terme même s'il dit s'être amélioré sur cet aspect. Il déclare que «plus à l'avance, tu planifies ton enseignement, plus facile, c'est [sic] pour les élèves de voir où ils s'en vont». Ceci veut dire que Claude veut, dans l'avenir, chercher à se développer comme enseignant en pensant réellement son acte pédagogique.

Les enseignants associés ont vraiment assumé un rôle de formateur d'enseignant tel que décrit par Feinam-Nemser et Buchmann (1987). Ils ont particulièrement bien expliqué au stagiaire comment approfondir sa connaissance de la pensée des élèves. Ils ont également orienté l'attention du stagiaire sur des indices de compréhension ou de confusion chez les élèves. L'incident du cahier de l'élève montré à Claude pour lui donner des indices de ce que cet élève comprenait illustre bien ce comportement qui consiste à orienter l'attention du stagiaire sur des indices de compréhension d'élèves. Dans un autre cas, André a suggéré à Claude de poser des questions à certains élèves (pas seulement les élèves qui ont la main levée en premier) et à relancer ces élèves pour mieux saisir leurs réponses. Invité à parler de ce qui faisait l'efficacité d'une leçon, Claude affirmait à la fin du stage: «Tout au long de la période, je leur pose des questions telle “Donnez-moi un exemple avec ce que je viens d'expliquer”. Ça me permet de voir si ma matière est absorbée. Je vais chercher les élèves dont je doute qu'ils ont compris [sic]. Je peux reprendre les points qui n'ont pas été touchés.»

De plus, les enseignants associés ont bien joué leur rôle de formateur d'enseignant en orientant prioritairement et continuellement leurs interventions sur les apprentissages des élèves de la classe. Ces enseignants sont centrés eux-mêmes sur ces apprentissages dans leur propre enseignement. Aussi, leurs interventions en ce sens, en tant qu'enseignants associés, allaient donc de soi.

Durant le stage, Claude s'est rendu à l'étape de l'enseignement autonome telle que la décrivent Furlong et Maynard (1995). Il semble cependant être passé très rapidement par l'étape de l'enseignement initial, étape où le stagiaire est centré sur la gestion et le contrôle de la classe. Ceci paraît différent de ce qui est décrit dans la documentation sur les stages en formation à l'enseignement. En effet, cette préoccupation de gestion et de contrôle par le stagiaire est très présente dans la documentation (Locke,1984; Kagan,1992). La composition du groupe d'élèves confié à Claude explique sans doute en partie ce passage rapide de l'étape de l'enseignement initial. Les élèves du cours de géographie avaient choisi cette option et sont considérés comme des élèves ayant des aptitudes élevées. Ce fait a probablement contribué à leur participation active dans les activités et au peu de problèmes de discipline relatés par Claude et les enseignants associés.

Cette explication sur l'intérêt et les habiletés élevées des élèves ne tient cependant pas pour le groupe d'histoire. Dans ce groupe, le nombre restreint d'élèves a facilité la gestion de la classe. De plus, Donald est vite intervenu auprès de Claude pour lui parler de «ce type d'élèves» et lui suggérer fortement certaines stratégies d'enseignement à utiliser. Le fait que Donald connaissait la plupart de ces élèves pour leur avoir déjà enseigné et que les élèves savaient que Donald supervisait Claude a également minimisé les problèmes de gestion des comportements.

Furlong et Maynard (1995) présentent différents rôles ou fonctions à assumer par les enseignants associés selon l'étape de développement atteint par le stagiaire. Selon eux, la relation stagiaire-enseignant associé doit être abordée comme toute relation d'enseignement. Les habiletés de départ du stagiaire doivent être prises en considération et l'intervention de l'enseignant doit être adaptée à l'évolution de cet apprenant. Les interventions des enseignants associés dans le stage présenté ici montrent cette adaptation à l'évolution du stagiaire. Les premières leçons de Claude ont été suivies étroitement par les deux enseignants associés; ils ont orienté et guidé Claude de très près. Au fil du déroulement du stage et de l'évolution de Claude, ils sont intervenus de façon moins régulière, mais Claude sentait leur présence et leur disponibilité à jouer le rôle de personne-ressource. Les enseignants associés sont passés de la supervision de chaque leçon à la supervision d'un ensemble de leçons, soit d'une unité d'enseignement.

Tout au cours de ce stage réussi, les enseignants associés ont eu des interventions multidimensionnelles. C'est dire que, dans leurs interventions, ils abordent différents thèmes de façon intégrée. Par exemple, ils traitent simultanément de planification, de stratégies d'enseignement et d'apprentissage des élèves. Ce genre d'intervention est tout à fait cohérent avec leur action comme enseignant. Comme enseignant, leur réalité est complexe et multidimensionnelle et ils ne peuvent que rarement la décomposer pour n'en traiter qu'un aspect. Ils sont, comme Bolster (1983) le fait remarquer, des «décideurs situationnels» et cette caractéristique de leur travail d'enseignant a été transposée dans leur travail d'enseignant associé.

L'enseignement se déroule dans un contexte organisationnel et social où des fonctions autres que l'enseignement comme tel doivent être assumées par un enseignant. Par conséquent, apprendre à enseigner doit aussi inclure des apprentissages sur les diverses tâches dévolues à un enseignant dans une école, que ces fonctions soient explicites ou implicites. Les stagiaires doivent aussi comprendre que la réalisation de ces tâches influence l'enseignement proprement dit. Les interventions des enseignants associés dans le stage décrit ici ont parfois traité des tâches connexes. Ils ont aussi insisté sur les liens entre ces tâches et l'enseignement.

Conclusion

Tardif et Lévesque (1998), tout en reconnaissant la nécessité des stages dans la formation initiale des enseignants, affirment qu'il faut faire preuve de prudence devant ce qu'ils appellent «l'épistémologie de la pratique professionnelle». Cette épistémologie laisse entendre que l'exercice d'une pratique professionnelle peut assurer, à lui seul, la compétence du praticien. La même prudence est de mise pour le futur enseignant en stage: le fait de vivre un stage n'assure pas automatiquement l'apprentissage de l'enseignement.

L'étude visait à illustrer qu'un futur enseignant peut apprendre à enseigner dans un stage. Il peut développer des habiletés à utiliser des stratégies d'enseignement au moment opportun, à identifier des indices de compréhension et d'incompréhension des élèves, à planifier en fonction d'un contenu à transmettre et du rythme d'évolution des élèves. Il peut également apprendre à se centrer sur les apprentissages et la pensée des élèves tout en se familiarisant avec les diverses tâches implicites et explicites attendues d'un enseignant dans le contexte social d'une école.

Les enseignants associés peuvent contribuer de façon significative à ces apprentissages des stagiaires et ainsi à la réussite d'un stage. Les diverses interventions d'enseignants associés relatées ici illustrent fort bien cette contribution significative.

Cette étude de cas fait émerger la question suivante: «Où est l'apprentissage du “savoir disciplinaire”, pour utiliser l'expression de Gauthier, Mellouki et Tardif (1993)?» Il semble en effet impossible que le stagiaire n'ait pas développé un tel savoir pendant son stage. Mais aucune mention de ce savoir n'est apparue dans les données, que ce soit dans les réponses aux entrevues ou dans les documents écrits. Comment expliquer une telle absence? Une recherche sur cette question à partir des perceptions des stagiaires et des enseignants associés s'avérerait pertinente.

L'événement marquant du stage relaté par Claude servira à conclure ce texte. Cet événement marquant, une excursion dans le cours de géographie, illustre la préoccupation de Claude pour les apprentissages des élèves, à l'aube de sa carrière. Enfin, les commentaires de Claude sur les interventions des enseignants illustrent l'apport essentiel de ces formateurs dans l'apprentissage d'un stagiaire.

L'événement marquant de mon stage, c'est mon excursion en géographie. Cette journée m'a vraiment fait réaliser comment la matière a bien passé et comment les élèves ont apprécié cela. Je leur avais préparé un questionnaire. Ce n'était pas très difficile, mais ils devaient comprendre pour pouvoir répondre… En plus, ils ont sorti des choses que nous n'avions pas revues avant l'excursion, mais qu'on avait vues il y a longtemps et ils s'en souvenaient…

[…] avoir deux bons profs. Ils auraient pu être là et me laisser aller, mais ils m'ont vraiment supervisé. Je trouve qu'ils ont fait une bonne job. Ils m'ont dit les points à améliorer et mes points forts. J'y ai pensé souvent lors de mon stage… Si quelqu'un fait un tel projet et que les profs ne veulent rien savoir et te donnent la matière et te disent d'enseigner, tu n'apprends rien, tu développes de mauvaises habitudes et personne ne te dit comment t'améliorer. Je suis chanceux d'avoir eu deux bons profs pour me superviser.