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Cet ouvrage collectif présente les Centres de formation en entreprise de Récupération (CFER) et explicite leur succès et leurs retombées. En introduction, se trouve un hommage à Normand Maurice, le créateur des CFER. Ces centres, 19 établissements au Québec, pourraient être qualifiés d’un « recyclage » d’élèves à risque d’échec scolaire. En triant des cartons et du papier récupérés, ils prennent conscience de leurs habiletés et en développent de nouvelles. Le premier chapitre trace un portrait de l’échec scolaire, qui est défini comme étant le résultat d’un jugement porté sur l’élève à partir de ses habiletés de communication. Ce chapitre présente aussi la contribution des CFER à la qualification et à la socialisation des jeunes décrocheurs. Le deuxième chapitre aborde les apports des CFER en tant que milieux de stage non traditionnels contribuant au développement professionnel des stagiaires. Le troisième chapitre, consacré à l’analphabétisme, démontre les démarches d’alphabétisation mises en place aux CFER. Le quatrième chapitre traite de la problématique de la gestion des déchets au Québec et présente les caravanes de récupération qui, tout en permettant aux élèves de développer des habiletés de communication, sont un moyen de sensibilisation pour l’ensemble de la population. Le dernier chapitre donne l’occasion à l’auteur de critiquer le système scolaire : il soutient que les écoles québécoises, avec leur pédagogie de l’oppression, s’adressent aux trois quarts de la population ; le quart restant ne peut s’épanouir qu’à l’extérieur de l’école. En faisant référence à la pédagogie des opprimés de Freire, l’auteur qualifie la pédagogie des CFER de « pédagogie de l’émancipation », d’où le sous-titre de l’ouvrage.

Dans son ensemble, l’ouvrage est intéressant, le recyclage de personnes étant un concept original pour l’intervention auprès de jeunes en difficulté. Les CFER sont les seuls centres au Québec qui assument la double fonction d’entreprise de récupération et de lieu de formation. Chaque chapitre présente un aspect de cette double fonction et permet de constater qu’il s’agit réellement d’une démarche innovatrice et fort pertinente. La pluralité des points de vue est une des forces de l’ouvrage, avec l’originalité du sujet traité. La principale faiblesse de l’ouvrage consiste en sa structure, c’est-à-dire que les liens entre les cinq chapitres ne sont pas explicités. Des contradictions sont relevées : en introduction, il est dit que les CFER constituent une mesure pour contrer le décrochage scolaire, alors qu’au chapitre 3, nous lisons que les élèves n’ont pas un profil de décrocheurs. De plus, le fonctionnement des centres aurait dû être décrit au début de l’ouvrage, et non présenté « par bouts » d’information dans chaque chapitre. Nous ne savons pas comment sont choisis les élèves et nous ne connaissons pas la démarche d’admission ni le temps passé par les élèves au centre. Les CFER sont présentés comme un modèle de formation très efficace, ce qui n’est pas difficile à croire ; cependant, l’impact positif étant décrit et non pas démontré, nous aurions apprécié la présentation d’appuis plus concrets (des exemples, des extraits d’entrevues, etc.). En terminant, nous devons avouer que nous avons trouvé assez inquiétant de lire que la plupart des jeunes Québécois s’en sortent plutôt bien dans les milieux d’oppression que sont les écoles. Nous ne doutons pas du bien-fondé, ainsi que des retombées positives des CFER ; nous leur souhaitons de continuer à avoir du succès. Cependant, en tant que professeure et chercheure en éducation, nous nous questionnons sur le fait de mettre en place des mesures parallèles pour assurer le développement harmonieux du quart de la population des élèves. Ne serait-il pas intéressant de collaborer avec les écoles et de leur transmettre un peu de l’esprit des CFER ? « Favoriser le développement de personnes autonomes », ne devrait-il pas être le but de l’école ? Cette lecture a suscité beaucoup de questionnements, c’est certainement bon signe !