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Notre intention ici n’est pas de revenir sur les nombreux travaux définissant la profession et la professionnalisation. On notera qu’un professionnel se définit par trois caractéristiques : une activité exercée dans le cadre d’un monopole, une activité d’évaluation des pratiques, une activité de transmission de savoirs et de savoir-faire. La sociologie du travail nous conduit à prendre en compte les savoirs et les compétences constitutifs de l’activité professionnelle.

S’inscrivant dans cet héritage de la sociologie du travail et plus spécifiquement de l’analyse du travail enseignant, l’ouvrage de Perrenoud fait suite à son premier livre traitant des compétences, et paru en 1997. Il se propose ici […] d’aborder le métier d’enseignant de façon plus concrète, en proposant un inventaire des compétences (p. 14). Il s’agit de donner un éclairage opératoire aux référentiels de compétences que l’on peut trouver dans les récentes réformes des formations professionnelles des enseignants. Souhaitant aller plus loin que le premier ouvrage de 1997, la réflexion de l’auteur se propose de faire écho à la problématique de l’analyse des pratiques. Ses lecteurs savent combien cette problématique est, pour Perrenoud, au coeur du processus de professionnalisation des enseignants. Il faut donc lire ce nouvel ouvrage comme une occasion donnée aux formateurs d’enseignants d’interroger les futurs professionnels sur leurs pratiques et sur les éléments qu’ils mobilisent pour agir efficacement. Citant Paquay, Perrenoud définit le référentiel de compétences comme un […] instrument pour penser les pratiques (p. 17). L’auteur s’aventure à définir la compétence comme […] une capacité à mobiliser diverses ressources cognitives pour faire face à un type de situations (p. 18). Dans un récent ouvrage collectif (Perrenoud, Altet, Lessard et Paquay, 2008), Perrenoud avait déjà manifesté son intérêt pour l’identification des savoirs convoqués par la pratique. Il cherchait à analyser et à comprendre leurs fondements, notamment en interrogeant la place des savoirs savants portés ou issus des sciences de l’éducation. Dans l’ouvrage dont nous faisons la recension, l’auteur fait preuve de prudence lorsqu’il rappelle combien l’identification des savoirs constitutifs des compétences, définies comme une expertise en acte, relève d’une gageure, tant ceux-ci sont définis et spécifiés au gré des cadres de références des praticiens des postures épistémologiques des chercheurs, et selon les grammaires mobilisées pour nommer ces savoirs. Il reste que cet ouvrage témoigne encore plus aujourd’hui d’un réel intérêt de l’auteur pour décrire et comprendre les pratiques professionnelles, même si l’on peut regretter que parfois il n’explore pas suffisamment les différentes zones d’ombre qui relèvent des différentes entreprises visant l’analyse des pratiques professionnelles des enseignants. Il reste que de ce livre se dégage une réelle conviction que la mise en oeuvre d’une professionnalisation des enseignants doit s’accompagner d’une compréhension de leur agir professionnel. Sans cette condition, il ne peut y avoir, pour Perrenoud, d’amélioration des dispositifs de formation des maîtres. Praticiens comme chercheurs, acceptons cette invitation au voyage vers les contrées de la professionnalisation des enseignants !