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Cet ouvrage vise à alimenter la réflexion sur l’extension préoccupante du domaine de l’évaluation qui se manifeste actuellement dans un contexte où s’exerce une forte pression politique, économique et sociale axée sur des orientations néolibérales, c’est-à-dire en faveur d’un système qui privilégie de façon exacerbée la rentabilité, la performance, la compétitivité et l’évaluation individualisée. Après une étude de six situations concrètes qui mettent en évidence les aléas de l’activité évaluative lorsqu’elle est assujettie à un mouvement d’expansion, cet ouvrage s’interroge sur ce qui fait l’essentiel d’une saine évaluation, à savoir socialement et éthiquement recevable. Pour ce faire, l’auteur expose à l’aide d’une approche globale la dimension « calamiteuse » et les ambiguïtés de l’activité évaluative lorsque son usage est au service de fins sociales contestables. Tout compte fait, la présentation des dangers et des dérives auxquels expose l’extension actuelle de l’évaluation a comme principale intention de se réapproprier une saine démarche évaluative. L’auteur n’écarte pas l’utilité de l’évaluation. Il soutient la légitimité de cette pratique, notamment lorsqu’elle éclaire les acteurs sociaux, par une plus grande maîtrise de leurs actions. C’est notamment en s’appuyant sur des écrits de Kant qu’il définit des principes éthiques et des règles de « prudence » qui doivent être respectés pour éviter les calamités qui entachent la pratique évaluative. Il résume clairement ses convictions par une règle unique : « sauvegarder, en toutes occasions, la dignité de l’homme, comme être libre, c’est-à-dire ne devant pas subir l’autorité arbitraire d’autrui » (p. 260).

Le grand intérêt de cet ouvrage réside dans la volonté de l’auteur de relever le défi de rendre plus objectif l’abord de la question générale de l’évaluation en montrant comment l’agir évaluatif peut être démocratique dans ses usages sociaux et éthiques. Un vecteur, celui du respect des exigences éthiques, traverse toutes les parties de l’ouvrage.

L’objet de cet ouvrage est d’actualité, car il existe tout un débat sur l’idéologie dominante néolibérale qui ne paraît guère compatible avec, d’une part, la perspective d’une société de justice et, d’autre part, l’émergence de pratiques d’évaluation cohérentes avec des théories soucieuses de la question de la pertinence méthodologique et de la prudence éthique dont doit témoigner l’évaluateur. Dans le domaine scolaire, cet ouvrage arrive à un moment où l’école se trouve tiraillée entre les exigences de performance, de productivité, d’efficacité et d’excellence du contexte politique et économique d’une part, et d’autre part, les valeurs sociales démocratiques, humanistes et égalitaires. Manifestement, la lecture de cet ouvrage nous permet de répondre à la question : « Faut-il avoir peur de l’évaluation ? »