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1. Introduction

Le travail de recherche présenté dans cet article vise à déterminer si, et dans quelle mesure, la vie au sein de la classe et dans un groupe scout ont un impact sur le développement des attitudes de leadership et responsabilité (value-based leadership) des 15 et 16 ans. Le contexte scolaire a été comparé à celui du scoutisme afin d’examiner d’une part, dans quelle mesure les attitudes de leadership des adolescents pouvaient varier et d’autre part, si l’organisation du contexte et des activités propres au scoutisme avaient des conséquences différentes sur le développement de celles-ci. Le scoutisme utilise une approche éducative qui s’inspire des principes pédagogiques de l'éducation active, alors que le système scolaire italien continue d'appliquer un modèle didactique traditionnel. Pour le scoutisme, comme pour la pédagogie active, l'éducation est considérée comme une fin en soi (Baden-Powell, 1919; Dewey, 1916), mais cela n'aurait guère de sens d'attribuer au scoutisme une intentionnalité éducative qui ne comprendrait pas l'acquisition de connaissances, et à l'école une finalité d'instruction qui n'aurait pas d'implications éducatives. Le rôle social de l’institution scolaire peut-être analysé, soit sous l’angle de la préparation à la socialisation et à l’insertion en vue d’une conformation de l’individu aux normes sociales (Durkheim, 1922; Hobbes, 1651; Parsons, 1951), soit sous l’angle du développement des capacités d’autonomie et de responsabilité en vue de permettre une évolution positive de la société (Bruner, 1961; Dewey, 1897; Makarenko, 1933-1935). Il ne s’agit pas de choisir entre ces deux approches. Assimiler des connaissances et des méthodes qui font partie d’un héritage culturel commun consiste à acquérir les outils et les matériaux à l’aide desquels la réflexion peut naître et prendre forme. Cependant, ceux-ci ne peuvent devenir utiles que si le contexte permet d’adopter ces outils pour comprendre et répondre de manière intelligente et créative aux difficultés qui se présentent à l’expérience. Une institution qui considère comme unique résultat de l’enseignement le savoir lire, écrire, compter et accumuler un certain nombre de notions, risque de perdre de vue les objectifs fondamentaux : développement des aptitudes à la participation active, à la coopération et à la prise de responsabilités.

Selon le rapport de l'Organisation de coopération et développement économique (OCDE, 2004), Apprendre aujourd’hui, réussir demain, l'institution scolaire ne peut pas limiter sa mission à la seule promotion du savoir, mais doit garantir une fonction de formation à la vie sociale, dont le leadership est un élément constitutif. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO, 2005), définit la qualité de l'éducation à travers deux indicateurs. Le premier concerne le développement cognitif de l'élève et le second, la promotion des valeurs et attitudes de citoyenneté et la création de conditions qui encouragent l’épanouissement sur le plan affectif ainsi que l’expression de la créativité. La Commission européenne (2010) qui, de même que l'Organisation de coopération et développement économique, centre ses objectifs sur le développement économique, souligne néanmoins l’importance de l’éducation à la citoyenneté active et aux valeurs démocratiques. Parmi les compétences clefs définies dans le document Europe 2020. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, on peut lire que les compétences sociales ainsi que le sens de l’initiative et de l’entreprise sont considérés comme de nature à aider les jeunes à participer activement et de façon constructive à la vie sociale et professionnelle.

Selon les travaux de Lizzio, Dempster et Neumann (2011), Skinner (2005) et Dempster, Keeffe, Lizzio, Skinner et Andrews (2010), la participation des élèves à la gestion de leur école développe la citoyenneté active, l’engagement civique et donc, est essentielle à la formation de leaders responsables et efficaces. Le rôle de l’école, dans ce domaine, est d’autant plus important que, d’une part, les activités extrascolaires ne suffisent pas à développer le leadership et la citoyenneté active et que, d’autre part, la participation active au processus de leadership augmente le sentiment d’affiliation et contribue à la réduction des effets dus aux inégalités sociales (Whitehead, 2009).

À la différence des travaux selon lesquels le leadership des jeunes a été mesuré à travers le degré de participation des élèves à la gestion de l’école (Dempster et al, 2010; Lizzio, Dempster et Neumann, 2011; Skinner, 2005), la présente recherche s’attache à mesurer l’incidence de certains aspects de l’expérience scolaire sur le développement d’attitudes de citoyenneté, de sens des responsabilités et de capacités de leadership. L’originalité de ce travail réside en outre dans le fait d’avoir confronté deux contextes éducatifs différents. En l’absence d’une telle comparaison, la plupart des variables liées à l’environnement éducatif se seraient alignées sur les conditions du contexte scolaire italien, et l'incidence des paramètres liés à la vie de groupe et à l'autonomie n’auraient put être mesurée.

2. Cadre théorique

2.1 Présupposés de la recherche et définition des concepts

Trois présupposés sont au coeur de cette recherche. Le premier s’appuie sur l'idée que le processus éducatif inclut la transmission de valeurs et modèles moraux et contribue à la représentation que les élèves ont d’eux-mêmes. Selon Bourdieu (1972), et Kohlberg (1984), les enseignants, en tant que porteurs d'un curriculum caché, transmettent leur point de vue moral qui imprègne l'atmosphère de la classe. En outre, l’environnement éducatif participe à déterminer l’idée que les élèves se font de leurs propres potentiels et aspirations (Bourdieu, 1972, p. 259-260). Le second présupposé repose sur le fait que les compétences de leadership s’acquièrent en en faisant l'expérience. Avec Dewey (1916), nous pouvons dire que l'acte éducatif n'advient qu'indirectement, au travers et au moyen de l'environnement, et que celui-ci implique nécessairement une participation personnelle à des expériences partagées (p. 24 et 90). Enfin, le troisième présupposé porte sur l'idée que l'organisation de l'environnement a un impact direct sur l'attitude et le comportement de ceux qui le vivent. Comme le souligne Piaget (1932), la contrainte extérieure ne change pas un état d'esprit égocentrique; elle le renforce au contraire, en incitant la personne à le dissimuler (p. 66). Le passage de la phase conformiste du réalisme moral à l'expression d'un sens moral intrinsèque autonome, caractéristique du stade du relativisme moral est, pour Piaget (1932), le résultat d'une construction progressive qui ne peut se réaliser qu’au travers de la coopération, confrontation et recherche d’un commun accord autour d'un ensemble de règles déterminées en fonction du contexte, puisque la coopération ne devient une loi morale effective que lorsqu'elle remplace la règle de la contrainte (p. 48). Pour la formation du sens moral, il est donc nécessaire que le contexte permette de réfléchir au sens des règles, de participer à leur définition et à leur adaptation à l'expérience en cours.

L’usage du terme contexte s’inspire du concept de modèle écologique de Bronfenbrenner (1979), qui accorde une importance particulière à la perception que les personnes ont de leur environnement. Le contexte de la classe et du groupe scout correspondent à la notion de microsystème de Bronfenbrenner, définie comme un pattern d’activités, de rôles et de relations interpersonnelles vécu par la personne en développement dans un contexte qui possède des caractéristiques physiques et matérielles particulières (p. 60).

Plusieurs études ont relevé que la perception positive du climat de classe permet de prédire de bons résultats cognitifs et affectifs des élèves, en particulier ceux liés aux résultats scolaires, à l'estime de soi, à la motivation et au développement d’attitudes (Brookhart et DeVoge, 1999; Cheng, 1994; Goh et Fraser, 1997; Henderson, Fisher et Fraser, 2000; Howes, 2000; Sullivan, 1998). Den Brok (2001) souligne, en outre, que le degré de confiance en soi, l'engagement et la motivation dépendent plus de la bonne relation avec les enseignants que des résultats scolaires.

La définition du leadership, utilisée dans la présente recherche, se base sur les théories qui ont pour objectif le développement du leadership des jeunes : le Relational leadership model (Komives Lucas et McMahon, 2007), Social change model of leadership (Higher education research institute-HERI, 1996), Servant leadership model (Greenleaf, 1977) et Leadership Challenge (Kouzes et Posner, 2002).

Peu d’outils de recherche ont été construits pour étudier le leadership des jeunes. Les deux instruments appropriés pour ce groupe d'âge sont le Kouzes and Posner’s leadership practices inventory (Posner, 2004) et la Tracy tyree’s socially responsible leadership scale-SRLS (Tyree, 1998). Ce dernier a été repris et modifié par les chercheurs du programme de recherche Multi-institutional study of leadership -MSL (Appel-Silbaugh, 2005; Dugan, 2006; Dugan et Komives, 2009), qui s’attache à l'étude de l'effet de l’enseignement secondaire sur les compétences, attitudes et comportements de leadership (Socially responsible leadership et Leadership efficacy). Le Socially responsible leadership scale reprend la théorie du Social change model of leadership, selon laquelle le leadership est défini comme un processus interactif qui engage le ou les leaders et membres du groupe, qui est orienté vers le changement et implique des valeurs, aptitudes et compétences qui s’apprennent (Rost, 1991).

Ce modèle théorique a été conçu pour aider les jeunes à mieux se connaître et à développer leurs attitudes au leadership et leur sens des responsabilités. Le but du leadership, selon cette approche, est de créer un changement qui serve le bon développement individuel et social des personnes; il doit donc être fondé sur les valeurs qui sont considérées comme essentielles à l'expression de la démocratie. La tâche du leader est de permettre un changement social positif au sein de sa communauté ou de son institution (Higher education research institute, 1996, p. 19). Il s’agit donc d’un rôle qui peut être assumé potentiellement par tout un chacun, à un certain moment et dans une situation donnée, mais ne peut être exercé qu’en interaction et avec le consentement des personnes impliquées. Ce modèle théorique, qui décrit des attitudes associées à l'expression d'un leadership démocratique et responsable, est particulièrement adapté à une réflexion sur l'éducation des jeunes au leadership et à une dynamique de formation aux valeurs morales.

2.2 Contexte de la recherche

Le système scolaire traditionnel témoigne d’une situation dans laquelle les élèves en sont réduits à un apprentissage passif. Il est clair qu'en l'absence de toute possibilité d'exercer un leadership en accord avec les principes d'organisation de l’institution scolaire, le risque est grand de méconnaître la contribution de l'exercice du leadership à l'apprentissage, et même, de voir le besoin d’exprimer un leadership qui générerait une contre-dépendance et conduirait à des phénomènes de déviance (Lamanna, 2004). Le sociologue Mars (1982) nomme travail d’âne un travail pour lequel l’autonomie est moindre, le contrôle du travailleur élevé et la vie de groupe réduite. Le travail scolaire possède de telles caractéristiques quand il implique que les élèves travaillent seuls, soient évalués de manière individuelle, interagissent entre eux le moins possible, et que ce travail ne stimule ni la créativité ni l’inventivité. Un tel contexte de travail étaye l’hostilité et induit le besoin de récupérer de l’autonomie et du contrôle sur son propre comportement. C'est ainsi que le fait d’enfreindre les règles peut susciter la curiosité intellectuelle et inciter à l’action, les activités manquant de sens étant vécues comme monotones (Emler et Reicher, 1995, p. 240). Il est donc important de vérifier si le contexte scolaire favorise les comportements de leadership à travers, entre autres, un partage des responsabilités et du pouvoir de décision, puisque l’école ne peut être considérée comme véritablement démocratique tant qu'elle ne consent pas à un réel partage du pouvoir (Trafford, 2003).

En ce qui concerne l’Italie, dans les Lignes directrices nationales relatives aux objectifs spécifiques d'apprentissage (Ministero dell'istruzione, dell'università e della ricerca, 2010) pour l'école secondaire, le terme de leadership n'apparaît pas, sauf au travers des considérations générales au sujet des processus d'enseignement dont la qualité aurait des conséquences sur le développement des compétences métacognitives, relationnelles et des aptitudes (autonomie et créativité) des élèves. De fait, la dimension cognitivo-disciplinaire de type traditionnel continue à être privilégiée. Toutefois, la loi sur l'autonomie des établissements scolaires, en vigueur depuis l’année 2000-2001, rend envisageable une organisation de la didactique et des activités scolaires qui soit plus démocratique et laisse davantage de place au leadership des élèves.

La comparaison du contexte scolaire avec celui du contexte extrascolaire scout a été motivée par les objectifs mêmes du mouvement scout. Le scoutisme utilise une méthode d'autoformation axée sur l'acquisition de compétences et le développement progressif du caractère, de la confiance en soi, du sens du service ainsi que des aptitudes autant à coopérer qu’à diriger (Organisation mondiale du mouvement scout, 2011). Le scoutisme, dont l’un des objectifs est le développement chez les jeunes d’attitudes de leadership responsable est en cohérence, non seulement avec les présupposés de la recherche, mais aussi avec la définition du leadership adoptée.

Le scoutisme est également un programme de formation très structuré et contrôlé en permanence en termes de formation des éducateurs, et peut être considéré à tous les égards comme une méthode éducative. Rappelons à cet effet que, selon Massa (1977), le terme d’éducation se réfère en général à l’effet d’une action systématique et intentionnelle sur la formation et la personnalité, tandis que celui de méthode se réfère généralement à un ensemble organisé de techniques éducatives, c’est-à-dire de règles destinées à guider de manière efficace l’action éducative. Le scoutisme, en tant que théorie et pratique de l’éducation scout, peut donc être considéré comme une méthodologie éducative en tant que produit pédagogique, et comme une méthode éducative en tant que système procédural qui produit des effets éducatifs (Massa, 1977, p. 98-99).

2.3 Objectifs et hypothèse de la recherche

La présente recherche vise à comprendre comment les jeunes inscrits en 4e et 5e secondaire perçoivent ce qui se passe au sein de leur classe ou dans leur groupe scout en vue de déterminer si certains aspects de la perception de leur environnement affectent l'acquisition de leurs compétences de leadership.

Il s’agit donc d’analyser, dans les contextes respectifs du scoutisme et du second cycle de l’école secondaire, les différences en termes d’acquisition de compétences de leadership des deux groupes d’adolescents, et de déterminer s'il existe une relation entre celles-ci et les caractéristiques du modèle éducatif proposé. Dans l’analyse des deux contextes éducatifs, l'accent sera principalement mis sur l’organisation des activités et la qualité des interactions.

L'hypothèse qui a orienté la recherche est qu’une perception positive du contexte éducatif de la part des adolescents, en particulier en ce qui concerne la qualité des interactions et la prise de responsabilité, est associée de manière significative à leurs résultats en termes d’attitudes et de capacités de leadership.

3. Méthodologie

3.1 Sujets

L’enquête a été menée sur un échantillonnage de jugement et se compose de jeunes de 15 et 16 ans, scouts et non-scouts, inscrits en classe de 4e et 5e secondaire à Rome. L'échantillon comprend 600 élèves et 231 scouts inscrits à l’Associazione guide e scouts cattolici italiani-AGESCI et au Corpo nazionale giovani esploratori ed esploratrici italiani-CNGEI. En Italie, la Fédération italienne du scoutisme-FIS réunit ces deux associations, la première étant laïque et la seconde, catholique. La taille réduite de l'échantillon des scouts provient du fait que, dans chaque unité de formation, l’âge s’étale de 12 à 16 ans. Les scouts de 15 et 16 ans sont donc présents en petit nombre dans chaque groupe (patrouille). Huit élèves qui participaient à des activités de scoutisme ont été retirés de l’échantillon, pour ne pas mélanger l'expérience du groupe des scouts avec celle des élèves non-scouts.

Le choix de l'âge des sujets de la recherche s’appuie sur les théories selon lesquelles l'adolescence est une phase de construction de l'identité (Erikson, 1968; Marcia, 1980; Palmonari, 2001), d’identification d’un propre modèle de valeurs à travers le développement d’une conscience sociale (Havighurst, 1972; Kohlberg et Hersh, 1977), et qui considèrent l'adolescence comme la période la plus propice à l'apprentissage du leadership (Gardner, 1987; Van Linden et Fertman, 1998). L’entrée en 4e secondaire implique un changement de la relation à l'institution scolaire et aux enseignants (en Italie, la 4e secondaire correspond à l'entrée au lycée), et l’instauration de nouveaux modes de relation entre pairs. Dans le scoutisme, cet âge correspond à l’attribution de responsabilités plus élevées qui consistent, pour la plupart, à diriger un groupe de 6 à 8 scouts (chef de patrouille).

Le choix des établissements scolaires a été déterminé sur la base des filières des lycées (2e cycle du secondaire) fréquentés par les scouts de la région du Latium, à travers l’analyse des données d’une recherche précédente (Lucisano et du Mérac, 2014). Cela a conduit à un surdimensionnement, dans l'échantillon, d’élèves inscrits en filières littéraires et scientifiques. La répartition pondérée en fonction de la filière et l’année de lycée à laquelle sont inscrits les adolescents sont reportées dans le tableau 1.

Tableau 1

Filière et année de lycée des élèves et scouts en %

Filière et année de lycée des élèves et scouts en %

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3.2 Instruments

La recherche est basée sur l’utilisation de deux instruments. Pour chacun de ces deux instruments de mesure, nous avons procédé à une analyse factorielle exploratoire de type Maximum Likelihood, réalisée par rotation orthogonale Varimax avec normalisation de Kaiser et au calcul de la cohérence interne. Dans le cas du questionnaire sur le leadership, l’analyse factorielle a servi à vérifier la correspondance entre la structure factorielle de l'instrument original et celle de son adaptation au contexte italien.

Le premier outil, nommé Questionnaire de perception du contexte éducatif (Educational context perception questionnaire-ECPQ) (du Mérac, 2013), permet d'observer la présence ou l’absence de certaines dynamiques et modalités d’organisation à l’intérieur du groupe classe et scout en vue d’étudier l'incidence des contextes examinés sur la construction d’opportunités pour le développement du leadership. Les échelles de l’Educational context perception questionnaire s’inspirent de celles du Culture questionnaire de la Global leadership and organizational behavior effectiveness research-GLOBE (House, Hanges, Javidan, Dorfman, et Gupta 2004) et ont été adaptées au contexte de l'école secondaire.

Ces échelles, au nombre de sept, sont : 1) l’Ouverture à la nouveauté, soit la disponibilité des enseignants à accueillir et promouvoir les intérêts des adolescents (5 items, alpha de Cronbach de 0,70), 2) l’Horizontalité des relations, indiquant le fait que les enseignants partagent leurs responsabilités et décisions avec les élèves (5 items, alpha de Cronbach 0,72), 3) le Sentiment d'appartenance, à savoir la cohésion du groupe et le sentiment d’en faire partie (3 items, alpha de Cronbach 0,80), 4) la Reconnaissance mutuelle, soit la relation de confiance et fierté mutuelle entre éducateurs et adolescents (5 items, alpha de Cronbach 0,86), 5) l’Impartialité de l’évaluation, qui indique une modalité d'interaction et d'évaluation juste et équitable (6 items, alpha de Cronbach 0,68), 6) l’Ambiance agréable, à savoir l'absence d'intimidation ou d'agression et la perception d'un bon climat au sein du groupe (6 items, alpha de Cronbach 0,78) et, enfin, 7) la Priorité à la personne, quand le contexte donne de la valeur aux personnes et aux relations, plus qu’aux résultats (10 items, alpha de Cronbach 0,71).

Le second outil est la Socially responsible leadership scale-Revised 2-SRLS-R2 (Dugan, 2006) qui a été traduite et utilisée pour la première fois en Italie. Cet outil mesure les attitudes considérées indispensables à l’expression d’un leadership démocratique.

Les échelles sont organisées en trois catégories: les valeurs de groupe, les valeurs individuelles et les valeurs sociales. Une dernière échelle, appelée Ouverture au changement, est considérée comme le point d'arrivée ou résultat auquel les autres échelles devraient conduire.

Les échelles de groupe sont : 1) la Collaboration, c'est à dire la capacité à agir de concert avec les autres et à participer activement aux activités communes (8 items, alpha de Cronbach 0,75), 2) l’Objectif commun, entendu comme la capacité de diriger ses activités sur la base d'un objectif commun et de participer à sa définition (9 items , alpha de Cronbach 0,81) et 3) l’Ouverture à la confrontation, soit la capacité à soutenir un point de vue différent de celui de quelqu'un tout en respectant ses opinions ainsi que la capacité à considérer le conflit comme une occasion de dialogue (7 items, alpha de Cronbach 0,70).

Les échelles individuelles sont : 1) la Conscience de soi, entendue comme la connaissance des aspects de sa propre personnalité et la capacité d'introspection (8 items, alpha de Cronbach de 0,73), 2) la Cohérence, qui correspond à l'authenticité et la correspondance entre valeurs, croyances et comportements (6 items, alpha de Cronbach de 0,59) et 3) la Motivation, indiquant la fiabilité, la capacité à s'engager et à tenir ses engagements (6 items, de Cronbach alpha 0,76).

L’échelle sociale est la Citoyenneté, qui a trait au sens des responsabilités et à l’engagement social de l’individu. La notion de citoyenneté correspond ici à la reconnaissance d’une interdépendance entre l’individu et la collectivité et à la prise en compte des droits et du bien-être des autres dans le choix de ses actions (7 items, alpha 0,81).

La dernière échelle de la Socially responsible leadership scale-SRLS, nommée Ouverture au changement, est entendue comme la capacité à voir les choses sous un nouveau point de vue, l’adaptabilité et le courage à faire changer les choses, si besoin est (9 items, alpha de Cronbach de 0,70).

Une échelle de Capacités de leadership a été créée et mesure la capacité d'agir en tant que leader (10 items, alpha de Cronbach de 0,75). Les quatre facteurs identifiés par les recherches de Pollo (1988), considérés comme nécessaires pour assumer un rôle de leader, sont les suivants : 1) la Confiance et la compréhension, qui sont des aspects du leadership déjà mesurés au moyen de l'échelle Collaboration, 2) l’Organisation du groupe, 3) la Stimulation de la production et 4) la Prise en charge de responsabilités. Dans notre échelle de Capacités de leadership, nous avons nommé ces trois derniers aspects Capacité à organiser le travail d’autres personnes, Aptitude à la motivation d’autres personnes et Capacité à assumer des responsabilités.

Les réponses aux deux questionnaires sont exprimées à l'aide d'échelles de Likert en cinq points.

3.3 Déroulement

L'administration des questionnaires s’est déroulée facilement en particulier auprès des écoles, dans lesquelles il a été possible d'administrer les questionnaires en ligne au travers de la plateforme Google. Le temps nécessaire pour remplir les questionnaires a été d'environ vingt minutes. Les enseignants n’ont pas signalé de difficultés particulières rencontrées par leurs élèves et nous ont, au contraire, informée du contentement de la part de ces derniers à pouvoir donner leur avis sur les thèmes abordés. Pour les scouts, il n’a pas été possible d'administrer les questionnaires en ligne et il a fallu se déplacer auprès de chaque groupe scout afin de faire compiler la version papier des questionnaires.

L'administration des instruments a couvert la période comprise entre le début du mois de janvier et la fin du mois de mai 2013.

3.4 Considérations éthiques

L’autorisation écrite du directeur des différentes écoles et des dirigeants régionaux du mouvement scout sont requises en Italie pour effectuer une recherche auprès des jeunes élèves et scouts. La partie introductive du questionnaire garantissait la stricte confidentialité et l’anonymat de celui-ci. De fait, aucune des informations fournies ne permettait l’identification des participants. Avant de remplir le questionnaire, les élèves ont été informés du fait que la participation à l’enquête était facultative, mais aucun d’entre eux n’a décidé de ne pas répondre aux questions posées. Les résultats des classes ont été communiqués aux enseignants, ce qui a donné lieu à des échanges au sein des classes sur les thèmes abordés dans le questionnaire.

3.5 Méthode d’analyse des résultats

L’analyse des données a été effectuée à l’aide du logiciel d’analyse et de traitement de données IBM® SPSS® 20.

Nous avons utilisé l'ANOVA à un facteur pour comparer les moyennes entre le groupe des scouts et celui des élèves aux échelles de perception du contexte éducatif et de leadership, et pour examiner s'il existe une différence significative entre ces deux groupes. En outre, le test ANOVA de comparaison des moyennes a servi à pour évaluer les différences entres les élèves en terme d’attitudes de leadership en fonction de différents paramètres : leur genre, leur perception de la classe, l’attribution ou non de responsabilité au sein de la classe, la manière dont leurs aptitudes scolaires sont perçues par leurs pairs et leur attrait pour l’école.

Afin d’analyser la relation entre les variables de perception du contexte éducatif et celles de leadership, nous avons utilisé l’analyse de régression linéaire multiple pas à pas (Stepwise) et reporté les valeurs des coefficients de détermination R2 et de p, qui permettent de vérifier la signification statistique de cette liaison linéaire.

Enfin, la relation entre les différentes variables de leadership a été mesurée au moyen de l’analyse de la régression linéaire multiple pas à pas. Comme lors de l’analyse précédente, les coefficients de détermination et valeurs de p ont été reportés dans l’article, à la section 4.3.

4. Présentation et interprétation des résultats

Les grandes différences observées entre les scouts et les élèves, du point de vue des attitudes de leadership et de la perception du contexte, confirment l'hypothèse selon laquelle un modèle de pédagogie active (Dewey 1916, 1938) contribue à la formation de la responsabilité et du leadership. En outre, les résultats permettent de mettre en évidence les aspects du contexte éducatif qui sont propices au développement des compétences de leadership.

4.1 Analyse comparée de la perception du contexte scolaire et scout

Les premières analyses mettent en évidence une différence substantielle entre les deux contextes éducatifs examinés, en ce qui concerne l’ensemble des échelles de perception du contexte de l’Educational context perception questionnaire-ECPQ. Les scouts obtiennent des scores moyens significativement supérieurs à ceux des élèves. L’évaluation qu’ils font de leur groupe scout est donc plus positive que celle que font les élèves de leur groupe classe (tableau 3).

Tableau 2

Moyennes des sujets aux échelles de l’Educational context perception questionnaire et analyse de variance

Moyennes des sujets aux échelles de l’Educational context perception questionnaire et analyse de variance

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Ce résultat n'est pas vraiment surprenant, étant donné que les deux environnements sont organisés de manières différentes et que le type d’adhésion n’est pas le même. Contrairement aux élèves, les scouts peuvent quitter leur groupe s’ils le décident. Baden-Powell (1919) estimait que pour susciter la participation active des jeunes, il était nécessaire de rendre le scoutisme attractif et l’adhésion facultative. Son désir, en créant le mouvement scout, était d’offrir un environnement au sein duquel les jeunes puissent apprendre à travers l’expérience, se mettre à l’épreuve et s’habituer à décider par eux-mêmes. Cette approche était promue à la même époque par les pédagogues Dewey (1897) et Montessori (1914), qui en affirmaient l’importance pour la formation scolaire.

De fait, les résultats de l’échantillon aux échelles de perception du contexte confirment la différence d’approche pédagogique entre une institution qui n’a pas fait sienne la pédagogie active et le scoutisme qui en est, à l’inverse, une illustration. Les différences les plus significatives entre les perceptions des deux groupes concernent la cohésion à l’intérieur du groupe, le respect et la confiance entre les éducateurs et les adolescents, la possibilité de faire et de recevoir des propositions nouvelles et stimulantes ainsi que d’assumer des responsabilités.

4.2 Analyse comparée des attitudes de leadership des élèves et scouts

Les scouts obtiennent des scores moyens significativement supérieurs à ceux des élèves pour les échelles de Capacités de leadership et sept des huit échelles de la Socially responsible leadership scale (Tableau 3). Seule l'échelle de Cohérence qui, comme nous l'avons vu plus haut, a un faible alpha de Cronbach ne montre pas de différence significative entre les moyennes des élèves et celles des scouts. Les échelles qui différencient le plus les deux groupes concernent la Citoyenneté et les valeurs de groupe (Objectif commun, Collaboration et Ouverture à la confrontation), qui supposent l’acquisition de certaines valeurs telles que le respect et le sens des responsabilités. Les échelles pour lesquelles les deux groupes obtiennent, au contraire, des moyennes plus proches sont davantage associées au développement personnel et moins fortement caractérisées en termes de valeurs.

Tableau 3

Moyennes des sujets aux échelles de leadership et significativité et analyse de variance

Moyennes des sujets aux échelles de leadership et significativité et analyse de variance

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Cette analyse confirme que les scouts obtiennent un meilleur résultat, en ce qui concerne l'acquisition d'attitudes et de capacités de leadership, que les élèves par le biais de leur seule expérience scolaire.

4.3 Impact du contexte éducatif sur les attitudes de leadership des élèves et scouts

Pour mettre en relation les résultats des élèves du point de vue du leadership avec leur perception de la classe, les élèves ont été regroupés en 3 groupes, en fonction de leurs résultats aux échelles de leadership, et nous avons effectué pour chaque groupe la mesure de leur perception du contexte classe. Le groupe 1 est celui qui obtient les moyennes les plus basses pour le leadership, alors que le groupe 3 est celui dont les moyennes sont les plus élevées.

Figure 1

Moyennes des élèves organisés en trois groupes aux échelles de l’Educational context perception questionnaire mises en rapport avec leurs résultats respectifs en terme de leadership.

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Il s’agit maintenant de vérifier que ces résultats sont dépendants l’un de l’autre, c’est-à-dire que c’est effectivement la perception de certaines caractéristiques du contexte éducatif qui contribue à un meilleur résultat pour le de leadership.

Pour vérifier l’effet de la perception du contexte éducatif sur les échelles de leadership, nous avons regroupé les valeurs de groupe (Collaboration, Objectif commun et Ouverture à la confrontation) avec la valeur sociale Citoyenneté, qui varient plus que les valeurs individuelles en fonction des échelles de contexte. Selon la régression linéaire pas à pas (Stepwise), certains aspects du contexte expliquent 43 % de la variance du score obtenu à cette échelle (R² = 0,430, < 0,000). Ce score peut être prédit à partir de la perception, de la part des adolescents, dans leur classe ou groupe scout, d’un climat agréable, d'ouverture à leurs propositions, idées et intérêts, d’une évaluation équitable, de cohésion entre les membres du groupe, de reconnaissance de ce qu’ils sont, indépendamment de leurs résultats, et d’un sentiment de fierté et confiance partagé entre eux et les éducateurs.

En suivant la même procédure, nous avons vérifié que les scores obtenus à l'échelle de Capacités de leadership sont, eux aussi, en partie dépendants de certains aspects du contexte. En effet, 34 % de la variance du score de cette échelle est expliquée par la perception de reconnaissance mutuelle entre adolescents et éducateurs, d’un climat de groupe agréable, d'ouverture, d’attention aux personnes et d'impartialité de la part de l’éducateur (R² = 0,340, < 0,000).

Il est important de préciser que la qualité de l'organisation et des interactions au sein de la classe n'est pas la même que celle d'un groupe scout. Quand un élève sent qu’il fait partie de son groupe classe, par exemple, nous ne pouvons pas assimiler son expérience à celle d'un scout qui témoigne de la même perception au sein de son groupe scout. Beaucoup d’élèves n’ont pas d’expérience de vie de groupe, en dehors de celles que pourraient éventuellement proposer l’école et la famille. Ces élèves répondent à nos questions sur la vie de classe différemment de quelqu’un qui aurait la possibilité de comparer ce contexte à un autre. Seuls 4,5 % des élèves ont une expérience associative, 29,8 % ont un groupe d’amis qui se voient régulièrement et 16,2 % ne possèdent même pas cette expérience. Le reste des élèves fréquente un groupe pour pratiquer une activité, groupe organisé par des adultes (10,3 %) ou par les jeunes eux-mêmes (2,6 %). D’autre part, comme nous le verrons plus loin avec le partage des responsabilités à l’école, plus un phénomène est rare plus il est relevé par les élèves, car ce sont eux qui évaluent le contexte. Si la classe, de manière générale, ne propose pas d’activité de groupe, il pourrait suffire que cela soit organisé de temps en temps pour que le sujet nous réponde que les enseignants les encouragent à travailler en groupe. En raison de cette différence entre la classe et le groupe scout, en particulier en ce qui concerne la qualité des interactions au sein du groupe, les échelles de perception du contexte, quand elles rendent compte de l’environnement scout, ont un impact plus élevé sur le développement du leadership que lorsqu’elles servent à décrire ce qui se passe dans la classe (du Mérac, 2014). Ainsi, bien qu’une amélioration soit possible dans les conditions actuelles proposées par les institutions scolaires, il semble nécessaire de repenser le modèle même de l'institution scolaire afin de le rendre plus efficace en vue de permettre aux jeunes d’apprendre à assumer des responsabilités et à exercer un leadership qui repose sur la coopération, le respect et la responsabilité sociale.

Les variables de leadership (valeurs de groupe, individuelles et sociales et les capacités de leadership) interagissent entre elles, et leurs développements semblent s’influencer mutuellement. En revanche, le score de l'échelle d’Ouverture au changement est prévisible sur la seule base des valeurs de groupe. Bien que le développement de chacun des aspects du leadership dépende de celui des autres (par exemple, 38 % de la variance du score aux valeurs individuelles est expliqué par les valeurs de groupe), il est possible, à l’aide de la Régression linéaire multiple, de repérer quelle échelle prédit le mieux le score d’une autre. La figure 2 indique la direction des relations entre les variables pour lesquelles le coefficient de régression est le plus élevé (pour les quatre régressions p ˂ 0,000).

Figure 2

Variance expliquée par la régression linéaire multiple pour les variables de leadership.

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Par ailleurs, comme nous l’avons précédemment vu, l’analyse des données confirme l'hypothèse que la perception du contexte éducatif est associée de manière significative au développement des aptitudes au leadership des adolescents. Les échelles qui varient le plus en fonction de la perception du contexte éducatif sont celles qui ont trait aux Valeurs de groupe, à la Citoyenneté et aux Capacités de leadership (figure 3). Dans toutes les régressions effectuées, la significativité p est inférieure à 0,000.

Figure 3

Variance du score aux échelles de leadership expliquée par les échelles de l’Educational context perception questionnaire à travers la régression linéaire.

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4.4 Impact d’autres variables sur les attitudes de leadership des élèves et scouts

Les valeurs individuelles sont moins influencées par nos échelles de contexte. Cependant, celles-ci, et en particulier les échelles de Conscience de soi et de Motivation, varient en fonction de l’attribution de responsabilités à l’école. À la question de savoir si une responsabilité avait été attribuée aux élèves au cours de leur scolarité, 88 % de ces derniers ont répondu qu’ils n’avaient jamais eu de responsabilité. Parmi les 22 % restant, la plupart ont dit n’avoir eu qu’une seule fois une responsabilité, comme celle de s’occuper des lumières lors d’un spectacle, avoir présenté un travail à la classe à la demande de l’enseignant ou bien s’être occupé de collecter l’argent pour un voyage de classe. De manière surprenante, bien que les responsabilités confiées aux élèves soient rares et minimes, le simple fait pour eux d'avoir été responsables de quelque chose, a un impact significatif sur l’ensemble de leurs attitudes de leadership (tableau 4). Les valeurs individuelles de Conscience de soi et Motivation sont les échelles les plus sensibles à l’attribution de responsabilité.

Tableau 4

Moyennes des élèves aux valeurs individuelles en fonction de l’attribution ou non de responsabilités à l’école

Moyennes des élèves aux valeurs individuelles en fonction de l’attribution ou non de responsabilités à l’école

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Deux autres variables sont associées de manière significative aux attitudes de leadership : le fait d’être considéré comme quelqu’un qui a des difficultés scolaires ou au contraire qui réussit bien (tableau 5) et le fait d’apprécier ou non l’école (tableau 6). Pour ces deux questions, les options de réponse du questionnaire étaient au nombre de quatre et ont été réduites à deux pour une exposition simplifiée des résultats.

Les élèves qui apprécient l’école et se sentent perçus comme de bons élèves par leurs camarades obtiennent un score plus élevé que leurs pairs à toutes les mesures de leadership.

Tableau 5

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction de la considération des pairs

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction de la considération des pairs

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Les élèves qui aiment l’école, correspondent en général à ceux qui évaluent leur classe de manière plus positive et obtiennent de meilleurs résultats aux échelles de leadership.

Tableau 6

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction de leur appréciation de l’école

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction de leur appréciation de l’école

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Comme nous l’avons vu, la perception, par les adolescents, de la manière dont leurs capacités scolaires sont considérées par leurs camarades a un impact significatif non seulement sur l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes (items contenus dans l'échelle de Conscience de soi), mais aussi sur l’ensemble des attitudes et des capacités de leadership. Il est donc nécessaire de rendre compte du résultat des scouts en termes de leadership en fonction de la manière dont ils se sentent perçus en classe (figure 4). Contrairement aux élèves non-scouts, les moyennes des scouts qui se sentent considérés comme ayant des difficultés scolaires ne sont pas significativement différentes de celles des autres scouts.

Figure 4

Moyennes des élèves et des scouts en fonction de la considération des pairs

Moyennes des élèves et des scouts en fonction de la considération des pairs

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Le scoutisme semble donc occasionner pour ces jeunes des expériences qui remédient aux disparités qui se créent au 2e cycle du secondaire entre ceux qui se sentent considérés comme bons élèves et ceux qui, au contraire, se sentent perçus comme ayant des difficultés.

Un autre résultat à signaler concerne l'impact du genre féminin ou masculin sur les résultats des mesures de leadership (figure 5). Les filles atteignent un score significativement plus élevé que les garçons pour toutes les échelles de leadership, à l'exception de Conscience de soi, pour laquelle les garçons obtiennent systématiquement un score plus élevé que les filles.

Figure 5

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction du genre

Moyennes des élèves aux échelles de leadership en fonction du genre

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Les items qui différencient leurs scores ont trait à l'estime de soi et la confiance en soi, dont les adolescentes semblent être moins pourvues, comme le montre la figure 6.

Figure 6

Moyennes des élèves filles et garçons à 4 items de conscience de soi

Moyennes des élèves filles et garçons à 4 items de conscience de soi

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Il importe de préciser que le scoutisme semble procurer aux garçons un ensemble d’expériences qui leur permettent de développer leurs motivations, volonté et faculté à coopérer, contribuer à des entreprises communes au même rythme que les filles. Les échelles de coopération, objectif commun et motivation n’obtiennent pas de différences significatives entre les filles et garçons scouts. En revanche, de manière analogue à ce qui a été observé chez les élèves, les guides (filles scouts) détiennent une moyenne significativement plus élevée que les garçons scouts aux échelles de citoyenneté, ouverture à la confrontation et capacités de leadership et, à l’inverse, plus basse à celle de conscience de soi. Ce dernier point a été étudié par différents chercheurs dont certains ont proposé de judicieuses explications à ce phénomène.

Gilligan (1989) rend compte du conflit intérieur qu’affrontent les adolescentes, prises entre leur désir d’exprimer leurs opinions et l’exhortation implicite de la société à se conformer à l’image sociale de ce qui est féminin, c’est à dire à être réservées, discrètes et modestes. Ce conflit serait une des raisons, chez les adolescentes, d’une augmentation de la vulnérabilité durant l’adolescence. Par ailleurs, Van Linden et Fertman (1998) nous disent, et cette idée est complémentaire de la précédente, que les filles durant l’adolescence se montrent plus concernées par leur apparence et par l’image que les autres se font d’elles. Ils en déduisent que la tentative de se conformer à un modèle de perfection fragilise leur confiance en elles, ce qui rend par ailleurs plus difficile le fait qu’elles s’autorisent à assumer un rôle de leader. Pratch (2011) insiste sur le fait que les femmes ont particulièrement besoin de développer leur confiance en soi, l’association entre la confiance en soi, l'estime de soi et les attitudes de leadership étant statistiquement significative chez les femmes (Pratch et Jacobowitz 1996, 1998).

5. Discussion

Les différences observées entre les scouts et les élèves confirment l'hypothèse selon laquelle un modèle d'apprentissage actif (Dewey, 1916, 1938) contribue à développer le sens des responsabilités et la coopération. L'idée selon laquelle le pilier central de l’éducation réside dans l’organisation de l’environnement éducatif est soutenue par Vygotski (1934), Piaget (1964), Dewey (1897), Montessori (1952), Visalberghi (1988) et par tous les partisans d'un modèle actif d'éducation. À cet égard, nous rappelons que Vygotsky (1926) affirme que l'environnement social est le véritable levier du processus éducatif et que, par conséquent, le rôle de l'enseignant consiste à ajuster ce levier (p. 49).

Les résultats de la présente recherche indiquent l’influence positive de l’expérience d’une vie de groupe, qui offre la possibilité de participer et de s’engager dans des activités communes, permet d'apprendre à coopérer, à définir des objectifs communs, à respecter les différences, à écouter les autres, à assumer des responsabilités et à devenir un leader responsable. Les descriptions du contexte éducatif et résultats en terme de leadership et responsabilité des scouts renforcent les données de recherches de Lizzio, Dempster et Neumann (2011) qui mettent en évidence le fait que le leadership des jeunes est associé à leur sentiment d'appartenance au groupe et à la qualité de leurs relations avec leurs camarades et enseignants. En outre, selon Dempster (2006), la participation sociale, la responsabilité et la possibilité de coopérer au processus de leadership sont indispensables à la formation de leader efficace. Sur ces thèmes ont aussi travaillé Moscovici et Doise (1992) qui ont souligné que la participation active à l'intérieur du groupe était un élément indispensable autant sur le plan personnel, pour la construction de soi, que sur le plan social, en vue de proposer de nouvelles formes de participation démocratique et d'organisation de la société.

Les résultats de la recherche ayant trait à l'importance de la cohésion, de la participation active et de la responsabilisation pour l’expression d’un leadership basé sur le respect, la responsabilité et la coopération sont également cohérents avec les conclusions de Dugan, Kodama, et Correia (2013). Ces derniers ont observé que les élèves ayant déclaré avoir fait partie de clubs universitaires (campus clubs), organismes ou activités de volontariat (community service) ont obtenu des scores plus élevés que les autres, de manière statistiquement significative, à l’ensemble des échelles du questionnaire Socially responsible leadership scaleSRLS. Selon les dernières données de ce groupe de chercheurs, la possibilité de se confronter avec différents points de vue, d’apprendre à se connaitre et de participer activement à un organisme sont des facteurs qui favorisent chez les jeunes le développement du leadership, de la coopération et de la responsabilité (Dugan et al., 2013).

6. Conclusion

L’étude présentée dans cet article avait pour but de mesurer la perception que les adolescents scouts et non-scouts, inscrits en 4e et 5e secondaire, ont de certains aspects de leur expérience en classe ou dans leur groupe scout, afin d’en évaluer l’incidence sur leurs attitudes et capacités de leadership. À cet effet, deux instruments ont été employés afin de mesurer, à travers des échelles de type Likert, la perception du contexte éducatif et les compétences de leadership des élèves et scouts de 15 et 16 ans.

La recherche montre que l’organisation de l’offre éducative et le type de relation qui s’établit entre les membres du groupe auquel elle s’adresse a d'importantes conséquences sur le développement d’attitudes de leadership. En particulier, une ambiance agréable et un groupe uni, au sein duquel des relations de type égalitaire fondées sur le respect mutuel et la confiance permettent le partage des responsabilités, sont les conditions qui favorisent le développement du leadership, de l’ouverture d’esprit, du respect et des aptitudes à coopérer et à assumer des responsabilités. La connaissance et l’estime de soi, bien que moins dépendantes des variables liées au contexte, croissent en lien avec l’augmentation de l’attribution de responsabilité et l’intérêt suscité par les activités et les contenus proposés.

Les résultats de la recherche nous amènent à dire que si notre société a besoin de former des citoyens actifs et des leaders dont les compétences reposent sur l’expression de valeurs démocratiques, il est nécessaire que l’institution scolaire reconsidère les limites d'un système d'éducation qui se base encore principalement sur un processus d'enseignement-apprentissage. Dans certains établissements scolaires, la qualité des interactions et l'organisation du contexte sont susceptibles de contredire les principes énoncés à propos de la citoyenneté et du protagonisme, pour reconnaître les jeunes dans leur diversité, diversité liée à leurs caractéristiques individuelles telles que leur personnalité et leur bagage de connaissances et d'expériences, leurs compétences et leurs besoins.

Cette contradiction conduit à des effets négatifs sur la croissance de valeurs, attitudes et compétences qui sont, toutefois, considérées comme essentielles dans la plupart des documents officiels. Dans cette perspective, à côté d'une réinterprétation des classiques tels que Ferrière, Decroly, Montessori, Makarenko et Dewey, aptes à proposer une approche pédagogique qui inclut activement les élèves dans le choix des activités et dans les décisions de la classe et de l’établissement, il est utile de considérer des modèles éducatifs extrascolaires tels que le scoutisme, qui a développé une méthode d'éducation fondée sur l'expérience et la responsabilisation.

Coleman (1980) insiste sur le besoin qu’ont les adolescents d’une part, de participer activement au monde des adultes et de partager certaines de leurs responsabilités, et d’autre part, de partager la vie d’un groupe de manière à développer leurs capacités sociales.

Le manque de contribution des élèves à ce qui constitue la vie au sein de la classe et de l’établissement les confine dans un rôle passif qui fait obstacle à l’apprentissage progressif de la démocratie et de la responsabilité. Cet apprentissage requiert l’interaction, dès lors qu’il s’agit d’être conscient de la limite de ses choix, de peser le pour et le contre de différentes options, d’en évaluer les conséquences et de comprendre et respecter d’autres points de vue que le sien.

La comparaison avec un contexte éducatif organisé de manière différente indique qu'il existe des modèles plus efficaces, sur la base desquels nous pouvons élaborer des idées et des lignes directrices pour aider les jeunes à devenir des citoyens actifs et des leaders responsables.

Ces résultats ont donné lieu à l'élaboration de recommandations ciblées aux écoles ayant participé au projet, basées sur les données de recherche et sur les discussions avec les enseignants. La présente recherche est en outre à l’origine d'une recherche internationale, aujourd'hui en cours, auprès de 2945 élèves de 15 et 16 ans inscrits 4e et 5e secondaire dans les villes de Moscou, Rome et Porto. A cet effet, les indicateurs de Perception du contexte éducatif ont été améliorés et les instruments de la recherche ont été adaptés aux contextes socioculturels de la Russie et du Portugal. La comparaison internationale permettra de mettre en évidence les différences et similitudes des systèmes scolaires de ces différents pays et de vérifier dans quelle mesure notre hypothèse s'avère pertinente.