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Introduction

Le droit à la santé de l’enfant est un droit fondamental dans la mise en oeuvre des droits de l’enfant. Il a reçu sa consécration dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE, 1989, article 24). Pour être compris, cet article devrait être lu avec les articles 26 et 27 du même instrument, dispositions respectivement relatives au droit de l’enfant à la sécurité sociale et à son droit de jouir d’un niveau de vie suffisant et interprété à l’aune des quatre principes généraux de la mise en oeuvre des droits de l’enfant que sont le principe de non-discrimination, le principe de l’intérêt de l’enfant, le principe de survie et de développement de l’enfant et le principe de participation de l’enfant. Ces principes forment l’ossature d’une approche de droits de l’enfant tel que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies l’interprète en ces termes :

L’émergence d’une démarche fondée sur les droits de l’enfant dans toutes les instances gouvernementales, parlementaires et judiciaires est nécessaire si l’on veut appliquer d’une manière effective et intégralement la Convention, en particulier, dans l’optique des dispositions suivantes qui ont été mises en évidence par le Comité en tant que principes généraux:[le principe de non-discrimination, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, principe de vie, de survie et de développement de l’enfant et le principe de participation de l’enfant].

Comité de droits de l’enfant, 2003, paragraphe 12

Le droit à la santé de l’enfant, de manière générale, recouvre deux dimensions : sa dimension stricte, c’est-à-dire l’absence de maladie mais aussi sa dimension de bien-être global. Pour ce qui est de l’enfant, vu sa vulnérabilité et eu égard à son caractère d’être en développement, son droit à la santé mérite une attention particulière. Cette protection spécifique l’est encore davantage pour les enfants particulièrement vulnérables que sont les enfants impliqués dans les conflits armés, les enfants en conflit avec la loi, les enfants réfugiés et/ou non accompagnés, les enfants vivant dans la rue, les enfants victimes de diverses formes de pratique d’exploitation et de trafic. Cette importance est notable surtout lorsqu’il s’agit de leur santé mentale car en général, les enfants vivent en situation de détresse qui sont de nature à affecter leur santé mentale et leur développement.

Il est remarqué que dans la plupart des cas, on assiste à une négligence ou une inadéquation dans la prise en charge de la santé mentale des enfants les plus vulnérables, l’accent étant plus souvent mis sur la santé physique de ces derniers. Pourtant, il est nécessaire d’adopter une définition plus large du droit à la santé de l’enfant, particulièrement les aspects mentaux touchant les enfants vulnérables et y introduire une approche basée sur les droits de l’enfant, de manière à tenir compte de leur bien-être global et de leur implication dans sa mise en oeuvre.

Dans la présente étude, après une analyse sur la reconnaissance du droit à la santé de l’enfant, y compris sa santé mentale, nous nous attarderons sur ses spécificités par rapport aux enfants vulnérables et enfin, nous esquisserons des pistes en vue de l’amélioration de sa mise en oeuvre.

1. La reconnaissance et la définition du droit à la santé de l’enfant

1.1. La reconnaissance globale d’un droit à la santé de l’enfant dans les instruments internationaux des droits de la personne

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) reconnait le droit à la santé en ces termes : « 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires [...] 2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. [...] » (DUDH, 1948, article 25). Cette disposition est embryonnaire car elle porte essentiellement le volet fourniture des services de santé. Elle préfigure toutefois la reconnaissance de ce droit survenu avec le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Le droit à la santé est reconnu à toute personne par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 en ces termes :

  1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre.

  2. Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :

    1. La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant;

    2. L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle;

    3. La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies;

    4. La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. (PIDESC, 1966, article 12)

Cette reconnaissance doit être lue avec les dispositions portant sur les conditions de travail favorables (article 7), la sécurité sociale (article 9), les mesures spéciales d’assistance aux enfants (article 10) et le droit à un niveau de vie suffisant (article 10) (PIDESC, 1966). En plus de la reconnaissance d’un droit à la santé qui s’applique sans doute aux enfants également, la disposition mentionne effectivement le cas de la santé mentale et des dispositions qui doivent être prises pour sa réalisation. Cette confirmation de l’inclusion de la santé mentale dans le droit de la santé est faite par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (Comité DESC) dans son Observation générale no14 en soulignant que le droit à la santé comprend aussi le droit à un traitement approprié en matière de santé mentale. (Comité DESC, Observation générale no14, paragraphe 17)

Plus particulièrement pour les autres documents internationaux non contraignants concernant la santé mentale des enfants, il faut se tourner aussi vers la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (Déclaration AGNU, 1975), les Principes pour la protection des personnes avec des problèmes de santé mentale et les moyens de soins de santé mentale (Principes AGNU, 1991) et les Règles standard sur l’égale opportunité pour les personnes vivant avec des handicaps (Règles AGNU, 1994). Ces règles font également mention de la reconnaissance de la santé mentale des enfants et de l’obligation pesant sur les États d’en assurer la réalisation.

Au plan régional, le droit à la santé de l’enfant a été consacré dans divers instruments de protection des droits de la personne. En Europe, le siège d’un tel droit réside au niveau de l’article 11 de la Charte sociale européenne (CSE) mais il n’est indiqué que les stratégies de prévention et de promotion de la santé, sans mention explicite du droit au traitement, notamment en matière de santé mentale. Cependant, les observations du Comité de la Charte sociale européenne (Comité CSE) apporte des correctifs en mentionnant que : « […]the right to health also in the European context encompasses not only preventive or promotional aspects, but also curative - treatment-related-aspects » (Ang, 2007, p. 381). En Afrique, le droit à la santé de l’enfant est aussi consacré par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) en ces termes : « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » (CADHP, 1981, article 16.1). Sur le continent américain, le droit de jouir du meilleur état de santé est reconnu par le Protocole additionnel de la Convention américaine des droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole CADH) de 1988 en ces termes : « Toute personne a droit à la santé qui est considérée comme le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mentale et sociale » (Protocole CADH, 1988, article 10.1).

En clair, on remarquera que l’emphase n’est pas assez portée sur les problèmes de troubles mentaux qui peuvent concerner la santé, en général, pour toute personne. Il faudra se tourner vers la reconnaissance spécifique du droit à la santé de l’enfant pour assister à une certaine reconnaissance plus ou moins explicite de sa santé mentale.

1.2. La reconnaissance spécifique d’un droit à la santé de l’enfant dans les instruments internationaux des droits de la personne

Plus spécifiquement, le droit de l’enfant à la santé est reconnu dans la Convention relative aux droits de l’enfant à l’article 24 :

  1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services.

  2. Les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour :

    1. Réduire la mortalité parmi les nourrissons et les enfants;

    2. Assurer à tous les enfants l’assistance médicale et les soins de santé nécessaires, l’accent étant mis sur le développement des soins de santé primaires;

    3. Lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l’utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel;

    4. Assurer aux mères des soins prénatals et postnatals appropriés;

    5. Faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l’enfant, les avantages de l’allaitement au sein, l’hygiène et la salubrité de l’environnement et la prévention des accidents, et bénéficient d’une aide leur permettant de mettre à profit cette information;

    6. Développer les soins de santé préventifs, les conseils aux parents et l’éducation et les services en matière de planification familiale.

  3. Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants.

  4. Les Etats parties s’engagent à favoriser et à encourager la coopération internationale en vue d’assurer progressivement la pleine réalisation du droit reconnu dans le présent article. À cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement (CIDE, 1989, article 24).

La disposition pourrait être lue avec l’article 39 de la Convention relative aux droits de l’enfant qui reconnait le droit de l’enfant à la « réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale » (CIDE, article 39). Une telle intégration est importante dans le contexte des enfants victimes de troubles mentaux tant ratione personae – à titre de catégorie spécifique – comme les enfants victimes de divers abus (négligence, conflits armés, exploitation, enfants en conflit avec la loi, victimes d’abus de drogue, enfants placés, enfants réfugiés, déplacés internes et non accompagnés,…) que ratione materiae comme les aspects physiques, sociaux, psychologiques et mentaux de la santé (Ang, 2007, p. 384). Pour Ang, s’agissant de l’article 39 : « [i]t can be noted that – in spite of the phrasing in terms of an obligation – it is generally accepted that this provision does indeed contain a right to physical and psychological recovery and social reintegration » (Ang, 2007, p. 384).

La consécration régionale de la reconnaissance de ce droit de l’enfant à la santé est également présente. En Afrique, c’est l’article 14 de la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant (CADBEE) qui le consacre. Ici, également, il faudrait lire cette disposition en lien avec l’article 13 de la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant qui dispose dans son alinéa 1 que : « tout enfant qui est mentalement ou physiquement handicapé a droit à des mesures spéciales de protection correspondant à ses besoins physiques et moraux et dans les conditions qui garantissent sa dignité et qui favorisent son autonomie et sa participation active à la vie communautaire » (CADBEE, article 13). L’essentiel de la disposition porte particulièrement sur le fait de guider la prise en charge des enfants souffrant d’handicap mental : assistance particulière, participation, accès et intégration, « commodité de mouvement », etc.

En somme, on remarque une reconnaissance globale du droit de l’enfant de jouir de son droit à la santé, même si on déplore l’absence explicite sur sa santé mentale. Cependant, tant la doctrine (Ang, 2007) que la jurisprudence des organes conventionnels de suivi (CDE, 2013) souligne le fait que ce droit comprend implicitement un droit à la santé mentale.

1.3. La définition du droit à la santé de l’enfant : un droit au-delà de la santé physique et incluant sa dimension santé mentale

Le droit à la santé de l’enfant est défini par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies (CDE) à travers son Observation générale no15 en ces termes :

Le Comité interprète le droit de l’enfant à la santé, tel que défini à l’article 24, comme un droit global, dans le champ duquel entrent non seulement les services appropriés de prévention, de promotion de la santé et de réadaptation et les services curatifs et palliatifs, assurés en temps voulu, mais aussi le droit pour l’enfant de grandir et de se développer au maximum de son potentiel et de vivre dans des conditions qui lui permettent de jouir du meilleur état de santé possible grâce à la mise en oeuvre de programmes qui s’attaquent aux déterminants fondamentaux de la santé. Une approche globale de la santé place la réalisation du droit de l’enfant à la santé dans le cadre plus large des obligations internationales relatives aux droits de l’homme

CDE, 2013, paragraphe 2

Au sens de cette interprétation, il ressort que le droit à la santé de l’enfant couvre un domaine large et ne saurait se réduire à sa santé physique proprement dite. Comme mentionné dans la Constitution de l’OMS, il s’agit : « de considérer la santé comme étant un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (CDE, 2013, paragraphe 2). Ainsi, cette perspective apparait comme positive puisque consistant en l’absence de maladie lorsqu’il est question de donner une définition au droit à la santé.

Le droit à la santé est un droit-synthèse; sa réalisation dépend de la mise en oeuvre de plusieurs autres droits. Carmen Lavallée : « [l]e droit aux soins de santé est indissociable du droit au développement et du droit de jouir d’un niveau de vie suffisant. En effet, le droit à l’alimentation, au logement, et l’eau potable sont nécessaires au maintien d’un bon état de santé » (Lavallée, 2015, p. 210). La réalisation du droit à la santé de l’enfant influe ainsi sur la réalisation de ses autres droits et assure l’accomplissement d’un des principes directeurs de la mise en oeuvre des droits de l’enfant, le principe de vie, de survie et de développement de l’enfant. Cette assertion est d’autant plausible qu’une mauvaise santé, notamment une santé mentale défaillante, est de nature à affecter l’enfant sur le long terme, hypothéquant ainsi son développement harmonieux pour le futur.

L’économie de l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE, 1989, article 24) nous donne ce qui suit. Son paragraphe 1 fait état de la jouissance par l’enfant du meilleur état de santé possible, ce qui « tient compte à la fois de la situation biologique, sociale, culturelle et économique de l’enfant » (CDE, 2013, paragraphe 4), de la fourniture de moyens et services de nature médicaux, et surtout met à la charge de l’État l’obligation de permettre l’accès aux soins de santé sans discrimination en luttant contre les obstacles dont il peut faire l’objet. Son paragraphe 2 liste une série de mesures devant concourir à la réalisation du droit à la santé de l’enfant dont la lutte contre la mortalité infantile, la fourniture des soins de santé primaires, la lutte contre les maladies et l’information des enfants sur leur droit à la santé, le développement des soins préventifs.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans son interprétation de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels relatif au droit à la santé, opte aussi pour une définition large. Pour le Comité, ce droit : « [e]mbraces a wide range of socioeconomic factors that promote conditions in which people can lead a healthy life, and extends to the underlying determinants of health, such as food and nutrition, housing, access to safe and potable water and adequate sanitation, safe and healthy working conditions, and a healthy environment ». (Comité DESC, 2000, paragraphe 4)

Ce sont des véritables obligations qui pèsent sur l’État pour la réalisation du droit à la santé de l’enfant :

Les États ont trois types d’obligations en ce qui concerne les droits de l’homme, y compris le droit de l’enfant à la santé : respecter les libertés et les droits, protéger les libertés et les droits contre la menace de tiers ou les menaces sociales ou environnementales et réaliser les droits en favorisant leur exercice ou en assurant directement leur application. Conformément à l’article 4 de la Convention, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre le droit de l’enfant à la santé dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.
Tous les États, quel que soit leur niveau de développement, sont tenus de prendre des mesures immédiates pour donner suite à ces obligations dans les meilleurs délais et sans discrimination d’aucune sorte. Lorsqu’il peut être démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure pour les États de prendre des mesures ciblées pour oeuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible à la pleine réalisation du droit à la santé de l’enfant. Quelles que soient leurs ressources, les États parties ont l’obligation de ne pas prendre de mesures régressives qui pourraient entraver l’exercice du droit de l’enfant à la santé. Les obligations fondamentales, en ce qui concerne le droit de l’enfant à la santé, sont notamment les suivantes :

  1. Revoir le cadre juridique et le cadre de politique générale au niveau national et sous-national et, si nécessaire, modifier les lois et les politiques;

  2. Garantir la couverture universelle des services de soins de santé primaires de qualité, y compris en ce qui concerne la prévention, la promotion de la santé, les services de soins et de traitement et les médicaments essentiels;

  3. Prendre des mesures appropriées concernant les déterminants de la santé des enfants;

  4. Élaborer, appliquer, contrôler et évaluer les politiques et les plans d’action prévus au budget qui constituent une approche fondée sur les droits pour réaliser le droit de l’enfant à la santé.

Les États devraient montrer leur volonté de parvenir à l’exécution progressive de toutes les obligations énoncées à l’article 24, à laquelle il convient de procéder dans les meilleurs délais même dans le contexte d’une crise politique ou économique ou d’une situation d’urgence. Cela suppose que les politiques, les programmes et les services relatifs à la santé des enfants et à des domaines connexes soient planifiés, conçus, financés et mis en oeuvre d’une manière durable.

CDE, 2013, 10

En somme, c’est l’interprétation large – une interprétation débordant du cadre de la santé physique – qui est privilégiée quand il s’agit d’évoquer la santé de l’enfant, notamment par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies :

Le comité interprète les concepts de « santé et de développement » dans un sens plus large que celui des dispositions des articles 6 et 24 de la Convention qui se rapportent respectivement au droit à la vie, à la survie et au développement et au droit à la santé. L’un des objectifs de la présente observation générale est précisément de définir les principaux droits de l’homme qu’il convient de promouvoir et de protéger afin de permettre aux adolescents d’atteindre le niveau de santé le plus élevé possible, de se développer de façon équilibrée et d’être correctement préparé à entrer dans l’âge adulte et à assumer un rôle décisif dans leurs communautés respectives et dans la société au sens large.

CDE, 2003, paragraphe 2

Pour la mise en oeuvre de ce droit à la santé de l’enfant, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies souligne les quatre critères suivants doivent être réunis : la disponibilité (les services à portée de main pour tous les enfants), l’accessibilité (les services accessibles sans discrimination), l’acceptabilité (des services respectant les valeurs culturelles et enracinés dans la communauté) et la qualité (des services appropriés) (United Nations CRC, 2003, paragraphe 41). Cette mise en oeuvre comprend des dimensions biomédicales mais aussi un volet préventif comme l’indique Effeh (2005, p. 229) : « The right to health thus requires States Parties to take steps, not only to provide medical care to their citizens, but also to adopt preventive measures ».

L’interprétation des sources ci-dessus suggère qu’il s’agit non seulement du droit à la santé mais aussi de son corollaire implicite, le droit au traitement qui incombe aux États. Ang (2007) indique qu’en examinant les dispositions sur le droit à la santé de l’enfant, il faut s’interroger si on retrouve les deux éléments permettant de conclure en l’existence d’un droit à la santé mentale de l’enfant en ces termes : « [i]f combined, two elements may indicate the existence of a right to treatment for children with a psychiatric disability : whether the right to health encompasses a right to mental health, and whether it implies a right to treatment » (p. 379). Elle en conclut que l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant n’en contient pas (p. 379). Il a fallu attendre l’Observation Générale no4 du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies sur la santé des adolescents pour affirmer avec fermeté que l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant est applicable à la santé mentale de l’enfant (CDE, 2003, paragraphes 22, 29, 39 et 41). L’article 23 de la Convention relative aux droits de l’enfant portant sur les enfants vivant avec handicap mentionne un accès effectif de l’enfant souffrant de problèmes psychiatriques aux soins de santé appropriés (CIDE, 1989, article 23). Il serait ainsi intéressant de voir comment la problématique de santé mentale se pose en direction des enfants vulnérables.

2. La santé mentale et le cas des enfants vulnérables : états des lieux

2.1. La situation particulière des enfants vulnérables dans la prise en charge de leur santé mentale

La typologie des enfants vulnérables se déploie sur une vaste catégorisation : les enfants impliqués dans les conflits armés, les enfants réfugiés, non accompagnés et déplacés internes, les enfants impliqués dans les trafics de drogue et autres substances nocives, les enfants subissant une exploitation économique, les enfants impliqués dans l’exploitation sexuelle, soumis aux abus divers et au trafic humain, les enfants en conflit avec la loi, les enfants placés dans des institutions publiques ou privés, les enfants vivant dans les rues… Outre leurs extrêmes vulnérabilités, ils ont la caractéristique commune de souffrir ou de présenter des souffrances ayant des conséquences sur leur santé mentale, vu la précarité de leur situation et condition.

Les syndromes post-traumatiques affectent particulièrement la santé mentale des victimes (Fassin et Reichman, 2007). Cet impact diffère selon qu’il s’agit des enfants ou des adultes. Pour illustration, les conflits armés affectent les individus et ont un impact majeur sur leur santé mentale, cet impact étant plus important chez les enfants que chez les adultes. En plus d’affecter tous les enfants, les conflits armés affectent particulièrement les enfants impliqués, appelés communément les « enfants soldats ». À propos de cette problématique, Rachel Harvey souligne que :

It is also recognise that conflicts impact children differently from adults. However, children are note less affected by events because of their supposed resilience or naivety. In fact, age, physical statute and development factors often result in their limited capacity to adopt or respond to the conflict around them and its consequences.

Harvey, 2002, p. 6

L’auteure Harvey relate les graves conséquences résultant de la participation des enfants dans les conflits notamment dans les pays comme la Sierra Léone, l’Ouganda et le Mozambique (Harvey, 2002, p. 6). La même auteure poursuit que :

Children who are involded in hostilities face enormous risk to their physical, social and emotional well-being and may suffer long lasting psychological damage. Ex child combatant need a great deal of assistance to overcome the harm they have suffered and to reintegrate into society

Harvey, 2002, p. 26

En somme, la prise en compte efficiente du droit à la santé de l’enfant, particulièrement son droit à la santé mentale – surtout s’il est inscrit dans la catégorie d’enfant particulièrement vulnérable –, doit tenir compte de cette situation afin d’éviter toute forme de discrimination. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies recommande d’en tenir compte, à juste raison :

Les efforts déployés pour garantir l’exercice du droit de l’enfant à la santé devraient porter en particulier sur les enfants se trouvant dans des situations défavorisées et vivant dans des régions mal desservies. Les États devraient identifier les facteurs qui, aux niveaux national et régional, rendent les enfants vulnérables ou désavantagent certains groupes d’enfants. Ces facteurs devraient être pris en compte dans l’élaboration des lois, règlements, politiques, programmes et services relatifs à la santé de l’enfant et dans les activités visant à garantir l’équité

CDE, 2013, paragraphe 3

Il y a aussi des liens entre la situation des enfants victimes d’abus et la situation désastreuse de leur santé mentale. Les auteures Grant Bowman et Brundige le soulignent :

Sexual abuse has strongly negative effects on the mental health on children who experience it; effects that are both immediate and long terme. Studies show that sexually abused children are more likely to experience depression, anxiety, difficulty spleeping, substance abuse, pregnancy complications, suicidal ideation, and post-traumatic stress disorder (PTSD); conditions that offer follow them into adulthood

Bowman et Brundige, 2014, p. 285

En résumé, la reconnaissance de la santé mentale des enfants en général et de la santé mentale des enfants vulnérables en particulier ne fait pas l’ombre d’un doute à travers ce qui précède. Cependant, on déplore la négligence dans sa prise en charge par les États et les divers acteurs de la protection des droits de l’enfant.

2.2. La négligence de la prise en compte de la santé mentale et psychologique des enfants vulnérables

Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a déploré l’absence d’actions prises par les États dans la mise en oeuvre des droits de l’enfant et le souligne dans une de ses Observations générales :

Le Comité des droits de l’enfant note avec préoccupation que les États parties n’accordent pas une attention suffisante dans l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention aux difficultés rencontrées par les adolescents dans l’exercice de leurs droits et à la nécessité de promouvoir leur santé et leur développement. Cette constatation l’a incité à adopter la présente Observation générale afin de sensibiliser l’opinion à ce problème et d’orienter et soutenir les efforts déployés par les États parties pour garantir le respect et la protection des droits des adolescents, notamment par la formulation de stratégies et de politiques spécifiques

CDE, 2003, paragraphe 2

Le même Comité s’est montré particulièrement préoccupé par la santé mentale des groupes vulnérables. Il note notamment que :

Le Comité est préoccupé par l’augmentation des problèmes de santé mentale chez les adolescents, notamment les troubles du développement et du comportement, la dépression, les troubles alimentaires, l’anxiété, les traumatismes psychologiques dus à des mauvais traitements, à la négligence, à la violence ou à l’exploitation, la consommation d’alcool, de tabac et de drogues, les comportements obsessionnels, tels que l’utilisation excessive de l’Internet et d’autres technologies et les addictions à ces technologies, l’automutilation et le suicide. On s’accorde de plus en plus à reconnaître qu’il faudrait prêter une plus grande attention aux problèmes de comportement et aux problèmes sociaux qui nuisent à la santé mentale, au bien-être psychologique et au développement affectif des enfants. Le Comité met en garde contre la surmédicalisation et le placement en institution et invite instamment les États à adopter une approche fondée sur la santé publique et le soutien psychosocial face aux problèmes de santé mentale des enfants et des adolescents et à investir dans des systèmes de soins primaires facilitant la détection et le traitement précoce des problèmes psychologiques, affectifs et mentaux des enfants.
Les États ont l’obligation de veiller à ce que les enfants atteints de troubles mentaux et psychosociaux bénéficient d’un traitement et de services de réadaptation adaptés tout en s’abstenant de les soumettre à une médication superflue. Dans sa résolution de 2012 sur la charge mondiale des troubles mentaux et la nécessité d’une réponse globale coordonnée du secteur de la santé et des secteurs sociaux au niveau des pays, l’Assemblée mondiale de la Santé a noté qu’il existait des données de plus en plus nombreuses sur l’efficacité et la rentabilité des interventions pour promouvoir la santé mentale et prévenir les troubles mentaux, notamment chez l’enfant. Le Comité encourage vivement les États à intensifier les interventions et à les intégrer dans un ensemble de politiques et de programmes sectoriels, notamment en matière de santé, d’éducation et de protection (justice pénale), avec la participation des familles et des communautés. Le cas des enfants à risque en raison de leur environnement social et familial devrait recevoir une attention particulière, le but étant d’améliorer leur capacité de faire face aux situations difficiles et leurs aptitudes personnelles et sociales et de favoriser l’instauration d’un cadre protecteur et favorable.
Il importe de prendre conscience des problèmes particuliers que les enfants touchés par des crises humanitaires, notamment celles qui découlent de déplacements massifs provoqués par des catastrophes naturelles ou d’origine humaine, rencontrent sur le plan de la santé. Toutes les mesures possibles devraient être prises pour garantir que les enfants aient accès en permanence à des services de santé, pour les réunir avec leur famille et les protéger, non seulement sur le plan matériel, en leur procurant des aliments et de l’eau potable, mais aussi en favorisant la fourniture de soins parentaux spéciaux ou d’une prise en charge psychologique pour prévenir et traiter les peurs et les traumatismes

CDE, 2013, paragraphe 6

Pour le cas de la santé mentale des enfants soldats par exemple, il arrive qu’il ne soit pas pris en compte dans les règlements post-conflits. Les programmes de désarmement, démobilisation et de réintégration (DDR) instaurés à la fin des hostilités ne sont, en général, pas dirigés vers les enfants soldats car les parties en conflit ne reconnaissent souvent pas leur implication (Harvey, 2002, p. 31). Cela a pour effet de laisser les enfants ayant subi les mêmes traumatismes que les adultes sans aucune protection. En général, les conflits armés ont un potentiel de perturbation de la santé des enfants énorme, tant la santé physique que mentale. Green Schaller note avec raison que : « [w]ar affects the health of children in many ways, using a broad definition of health whoch includes not only physical well being but also mental and social well being » (Schaller, 1996, p. 891). On note ainsi une absence ou une inadéquation dans la prise en compte de la santé mentale des enfants par les autorités sanitaires (Bowman et Brundige, 2014, p. 288). Ainsi, en raison de l’intérêt que représente une bonne mise en oeuvre de la santé mentale des enfants vulnérables dans leur développement et au vu de la négligence de sa prise en charge, il semble opportun d’explorer d’autres scénarios allant dans le sens d’une mise en oeuvre efficiente.

3. Quelques pistes pour une prise en charge de la santé mentale des enfants vulnérables

3.1. Une application d’une approche basée sur les droits de la personne

Par définition, « [i]n a human rights-based approach, research is participatory and focused on identifying the underlying causes of rights denial, as well as on engaging communities in the finding of solutions to their problems » (Tun, Cave, Trotter, et Bell, 2007, p. 34). L’approche basée sur les droits de la personne est ainsi une approche fondée sur les droits et dont le titulaire est étroitement associé à leur mise en oeuvre. Appliquée à la situation des enfants, cette approche devient une perspective fondée aussi sur les droits des enfants comme l’indique Van Boven :

[i]n this perspective children are not only the object of care, but inasmuch as the capacities of the child are evolving and her/his personality is developing, the child is the subject of law. The full recognition of the child as a person before the law in the meaning of Article 6 of the Universal declaration of human rights, reaffirms the premise that children’s rights are human rights

Van Boven, 2002, p. 13

L’approche basée sur les droits de la personne est une approche holistique et en ce sens, elle se prête bien à la mise en oeuvre du droit de l’enfant à la santé. Il s’agit de la mise en oeuvre du droit à la santé de l’enfant en totale interdépendance avec les autres droits de l’enfant d’une part et, au sein même de ce droit, de tenir compte à la fois des aspects physique et mental de l’enfant. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies abonde dans le même sens lorsqu’il traite de la question du droit de l’enfant à la santé :

La Convention reconnaît l’interdépendance et l’égale importance de tous les droits (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels) qui permettent à tous les enfants de développer leurs aptitudes mentales et physiques, leur personnalité et leur talent dans toute la mesure possible. Non seulement le droit de l’enfant à la santé est important en soi mais la réalisation du droit à la santé est également indispensable à la jouissance de tous les autres droits garantis par la Convention. En outre, la réalisation du droit de l’enfant à la santé est subordonnée à la réalisation de tous les autres droits consacrés par la Convention

CDE, 2013, paragraphe 2

Il y a un grand intérêt à considérer un cadre holistique lorsqu’il est question de la réalisation de la santé de l’enfant comme le souligne avec raison Guillemette Meunier :

L’accent est mis sur la nécessité d’améliorer la santé des enfants en prenant des mesures de santé préventives, mais l’approche suivie ne se limite pas aux aspects purement physiques. [...] il importe de garantir l’épanouissement harmonieux de l’enfant, y compris dans ses aspects spirituel, moral et social, et montre le rôle essentiel que joue l’éducation à cet égard

Meunier, 2002, p. 76

L’application de l’approche basée sur les droits de l’enfant à la santé mentale des enfants doit aller de pair avec la prise en compte de la spécificité de la catégorie des enfants vulnérables.

3.2. Une prise en compte accrue de la spécificité de la santé mentale des enfants vulnérables

Il y a un accord sur le fait que la santé mentale des enfants vulnérables doit obtenir de la part de tous une attention particulière, comme l’indique le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies :

En application de l’article 24 de la Convention, le Comité demande instamment aux États parties d’assurer aux adolescents atteints de troubles mentaux un traitement médical et des services de rééducation adaptés à leur handicap, d’informer la population des premiers symptômes permettant de dépister ces troubles mentaux et de la gravité de ces maladies et de protéger les adolescents de toutes pressions excessives, y compris du stress psychosocial. Les États parties sont aussi instamment invités à lutter contre la discrimination et l’ostracisme à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux, en application des dispositions contenues à l’article 2. Tous les adolescents atteints de troubles mentaux ont le droit de bénéficier d’un traitement et de soins, dans la mesure du possible dans leur environnement familier.

Si l’hospitalisation ou le séjour dans un établissement psychiatrique est jugé nécessaire, cette décision doit être prise dans le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’hospitalisation ou de placement en établissement psychiatrique, il convient d’accorder aux patients, dans la mesure du possible, l’exercice de tous les droits qui sont reconnus dans la Convention, et notamment du droit à l’éducation et à des activités récréatives. Le cas échéant, il convient de séparer les adolescents des adultes. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents puissent faire appel à une personne extérieure à la famille pour représenter leurs intérêts, lorsque cela est nécessaire et utile. Conformément à l’article 25 de la Convention, il incombe aux États parties de procéder à un examen périodique de la situation des adolescents hospitalisés ou placés dans des établissements psychiatriques

CDE, 2003, paragraphes 9-10

Une telle prise en charge de la santé mentale des enfants particulièrement vulnérables exige un dépistage des troubles mentaux systématique, un diagnostic précoce et complet, un traitement adéquat et un suivi rigoureux en vue d’une résolution efficace de cette problématique souvent ignorée.

Une prise en charge accrue de la problématique de la santé mentale et de sa spécificité chez les enfants vulnérables est une nécessité. Dans bien des cas, l’absence d’une telle prise en charge occasionne des traumatismes et des troubles mentaux irréparables et qui affectent le développement harmonieux de l’enfant et l’empêche d’être acteur dans la communauté – par exemple 20 pour cent d’enfants souffrent de troubles mentaux au Canada (Association canadienne pour la santé mentale, 2016) – comme le stipule la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE, 1989, article 12). D’ailleurs, dans la prise en compte de cette spécificité et en accord avec l’approche basée sur les droits de l’enfant, une place importante doit être laissée à l’implication des enfants vulnérables dans la mise en oeuvre de leur droit à la santé, y compris la santé mentale.

3.3. La prise en compte de l’implication des enfants vulnérables dans la mise en oeuvre de leur santé mentale

Le droit de l’enfant de participer est un droit fondamental dans la mise en oeuvre de ses droits. Pour Hunter, les enfants sont : « experts in their own lives » (Hunter, 2007, p. 283-284). Gouttenoire va dans le même sens en affirmant l’importance du : « droit de l’enfant d’être associé aux décisions qui le concernent » (Gouttenoire, 2014, p. 577). Le droit d’être entendu est dûment pris en compte comme aspect fondamental dans la mise en oeuvre du droit de l’enfant à la santé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies dans son Observation no15 :

L’article 12 souligne l’importance de la participation de l’enfant en consacrant son droit à exprimer son opinion et à ce que ses opinions soient dûment prises en compte eu égard à son âge et à son degré de maturité. Cela inclut ses opinions sur tous les aspects relatifs à la fourniture des soins de santé, y compris, par exemple, le type de services nécessaires, la manière et le lieu les plus adaptés à la fourniture de ces services, les obstacles quant à l’accès ou à l’utilisation des services, la qualité des services et l’attitude des professionnels de santé, la manière dont les capacités des enfants peuvent être renforcées pour qu’ils prennent davantage de responsabilités concernant leur santé et leur développement et la manière de les associer plus efficacement à la fourniture des services, en tant qu’éducateurs-pairs. Les États sont encouragés à mener régulièrement des consultations participatives, adaptées à l’âge et au niveau de maturité des enfants, ainsi que des recherches avec eux, et de faire cela séparément avec les parents, afin d’apprendre quels sont leurs problèmes de santé, leurs besoins et leurs attentes en matière de développement, en vue de concevoir des actions et des programmes sanitaires efficaces

CDE, 2013, paragraphe 4

Le principe de participation est un principe global qui englobe plusieurs autres droits et principes, comme l’indique un rapport du Bureau international des droits de l’enfant : « [c]hildren’s participation rights include their rights to express their opinions and to have their views heard and taken into account, to obtain information and to enjoy freedom of thought, conscience and religion. » (IBCR, 2007, p. 178). Il y a donc un intérêt évident d’écouter ce « qu’en pensent les enfants? » (Joyal, Noël, et Feliciati, 2005, p. 30) sur leur droit, notamment leur santé mentale. Il ne faudrait pas que les troubles mentaux soient pris comme justificatifs pour dénuer les enfants vulnérables et souffrants de troubles mentaux du respect du principe cardinal de participation dont ils disposent.

Dans cette perspective de respect de l’approche basée sur les droits, les enfants ont le droit de participer à toutes les décisions concernant leur droit à la santé, y compris leur droit à la santé mentale. À ce propos, Daalen-Smith indique : « Children also have the right to a voice in matters that affect them, including health matters; and they have a right to seek, receive, and impart information, including health information » (Daalen-Smith, 2007, p. 442). Enfin, il y a lieu de souligner que le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies en fait même une obligation : « [l]e droit d’exprimer librement son opinion et le droit à ce que celle-ci soit dûment prise en considération (article 12) est aussi indispensable pour garantir le droit des adolescents à la santé et au développement » (CDE, 2003, paragraphe 3). Le même Comité poursuit son raisonnement en soulignant que : « [c]e principe, qui met en exergue le rôle de l’enfant en tant que participant actif à la protection et à la surveillance de ses propres droits, s’applique également à toutes les mesures adoptées par l’État pour appliquer la Convention. » (CDE, 2003, paragraphe 5). Ainsi, l’inclusion des enfants au processus de promotion et de reconnaissance d’un droit à la santé mentale de ces derniers apparait comme un élément déterminant dans la mise en oeuvre de ce droit.

Conclusion

Bien que largement reconnu tant au plan international qu’au plan régional, le droit à la santé de l’enfant a encore du chemin à faire pour sa mise en oeuvre efficiente notamment dans son volet santé mentale et ce, spécifiquement pour les enfants particulièrement vulnérables (Fortier, 2016). Dans la présente étude, nous nous sommes attelés à démontrer l’existence d’un droit à la santé de l’enfant tout en relevant le déficit de reconnaissance de son volet santé mentale. Cependant, il apparait aussi que tant dans la doctrine que dans la jurisprudence des organes conventionnels, le droit à la santé de l’enfant comprend implicitement le droit à la santé mentale. Sur la même lancée, nous avons souligné la négligence des efforts dans la prise en compte de la santé mentale des enfants, particulièrement parmi les enfants vulnérables. Enfin, nous avons proposé des pistes de solutions allant dans le sens d’une prise en charge plus efficiente de la santé des enfants, une composante essentielle de leur droit à la santé reconnu à l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Au final, la prise en compte efficiente de la santé mentale des enfants vulnérables est d’un intérêt capital non seulement au plan de leur développement personnel mais aussi au plan de l’équilibre de la société toute entière.