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introduction

À partir de moments ethnographiques, de petites scènes, le journaliste, critique de cinéma et sociologue Siegfried Kracauer (1889-1966) marie observation, critique sociale et saveur poétique. Il donne ainsi à voir, à réfléchir et à sentir.

« Le vendeur de journaux » et « Papirosa » ici traduits ont d’abord paru dans le quotidien Frankfurter Zeitung en 1930, puis dans un recueil en 1964, lequel a été traduit en français, mais sans l’annexe dans laquelle les deux textes font partie[1].

Les deux textes nous amènent sur les traces de Kracauer — sur la rue, en rentrant chez soi ou en fumant une cigarette — à Berlin, où il résidait depuis 1930. Nous y retrouvons de rares références à l’auteur lui-même, à son quotidien d’employé. Il s’y montre aussi impatient que les contemporains qu’il dépeint dans ses articles de journaux : il répond à la question d’un passant ou d’un vendeur de journaux avec un mélange d’agacement et de curiosité. Il déploie des efforts, se promet de s’attarder aux visages des passants, mais ce n’est pas simple. Sa critique sociale, celle de la mécanisation des relations humaines, passe ici par des situations concrètes qu’il décrit et auxquelles il ne peut lui-même se soustraire.

En plus d’une critique sociale et d’une recherche d’humanité, nous décelons dans les deux textes des exemples d’une forme d’expérience comme appréhension, connaissance et écriture du social. Ils nous émeuvent, nous font vibrer ; ils créent un moment d’humanité qui retentit en nous, qui nous habite après leur lecture.