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Le tourisme rural a été considéré comme un catalyseur du développement économique et social en milieu rural (Guzmán et Quintana, 2015). Il permet de mettre en valeur le patrimoine, la restauration, la préservation et le renforcement de l’environnement naturel (Besteiro, 2006). Si cette forme de tourisme apparaît comme une activité complémentaire dans ce milieu, il est certain que les zones rurales où le tourisme est devenu la principale activité économique augmentent chaque jour (Giaoutzi, 2017 ; Torres et Palomeque, 2018).

En Europe, et particulièrement en Espagne, de grands efforts publics sont réalisés pour lutter contre le déclin de l’activité agricole et de l’élevage en milieu rural grâce à une forte impulsion du tourisme rural avec des fonds de l’Union européenne (Komppula, 2014). La situation actuelle du monde rural serait encore pire si elle n’avait pas connu l’influence positive du tourisme rural (Almonte et García, 2016), ce qui montre la nécessité d’étudier et de bien comprendre l’importance des possibilités de changement que génère le tourisme dans les économies rurales (Roberts et al., 2017).

En à peine deux décennies, le tourisme rural a augmenté très rapidement en Espagne : il est passé de 5497 établissements et 1 210 891 voyageurs en 2001 à 16 655 établissements et 3 647 733 voyageurs en 2017 (INE, 2019). Au cours de la décennie 2001-2011, autant l’offre que la demande ont augmenté de façon exponentielle ; toutefois, on remarque récemment un ralentissement de cette croissance, avec des ratios d’occupation et de séjours dégressifs (Campón et al., 2017).

L’augmentation du tourisme rural est due : (a) aux changements dans les habitudes de loisirs des touristes dont un segment de plus en plus important apprécie les espaces ruraux et naturels (Villanueva et García, 2017) ; (b) aux importantes améliorations dans les réseaux de transport, autant en matière de qualité que de prix d’utilisation (Smith et al., 2019) ; et (c) à l’arrivée d’entreprises touristiques et immobilières dans le secteur, et notamment à l’émergence d’éco-entrepreneurs (Komppula, 2014 ; Villanueva et García, 2017). Ce dernier facteur est très important pour s’attaquer à l’un des principaux défis du tourisme rural : la croissance des microentreprises et la professionnalisation de la gestion des logements ruraux (Campón et al., 2017).

Néanmoins, le ralentissement récent de la demande du tourisme rural exigera d’importantes modifications (Campón et al., 2017), qui doivent être réfléchies en termes de viabilité (Mateos, 2015 ; Bernabé et Hernández, 2016). Conformément au modèle de triple résultat (triple bottom line) (Elkington, 2018), le tourisme rural durable suppose le point de rencontre entre l’équilibre social en milieu rural, la préservation de son environnement et l’efficacité économique de l’activité touristique (Hjalager et al., 2018) (illustration 1).

Illustration 1 

Tourisme rural durable et triple résultat

Tourisme rural durable et triple résultat
Source : Adapté de Fons et al. (2011).

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Le présent travail aborde la question de l’efficacité économique comme élément indispensable du tourisme rural durable, grâce à une stratégie de qualité. Effectivement, le développement des normes de qualité a bouleversé de manière imparable les établissements ruraux en Espagne, mais aussi à l’échelle internationale (Mutalib et al., 2018 ; Ryglova et al., 2018).

La stratégie de qualité apporte au tourisme rural durable deux contributions fondamentales. À l’interne : augmentation de la professionnalisation du secteur par le biais de l’apprentissage et de l’intériorisation du processus de qualité ; à l’externe : renforcement sur le marché du symbole d’identité. De même, les normes de qualité peuvent apporter une amélioration de la viabilité directe, à travers la mise en place de règles spécifiques comme l’ISO 14001 (Boiral et al., 2018), et indirecte, par le biais de normes de qualité pour la gestion comme l’ISO 9001 (Yi et al., 2017) et les marques de qualité en milieu rural.

Toutefois, la contribution effective de la stratégie de qualité sur l’efficacité économique du tourisme rural durable exige que les normes de qualité aient des conséquences positives sur les résultats de l’entreprise et la satisfaction du client ; ce qui constitue une motivation pour améliorer les hôtels du tourisme rural (Mutalib et al., 2018) (illustration 2).

Illustration 2 

Qualité et durabilité

Qualité et durabilité
Source : Élaboration des auteurs.

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La certification qualité et les résultats des entreprises de tourisme

La théorie des signaux suppose que l’apport d’une certification qualité en partie externe à un hôtel – qu’il soit ou non rural – peut fonctionner comme un signe distinctif pour le consommateur (Chiu et Chen, 2014). En conséquence, la certification qualité peut :

  • devenir un facteur d’avantage concurrentiel (Rusjan et Alic, 2010),

  • être un élément de différenciation (Walker et Johnson, 2009 ; Alonso et Rodríguez, 2011),

  • fonctionner comme un attribut de choix du logement en soi (Mutalib et al., 2018).

Les études montrent que les modèles de qualité ont un objectif économique clair sous forme d’avantages internes et externes (Alonso et Rodríguez, 2011 ; Asif et al., 2011). Suivant une perspective interne, la certification qualité a des conséquences positives sur le fonctionnement des hôtels :

  • augmentation de la productivité et amélioration de l’efficacité (Tarí et al., 2017),

  • gestion des ressources (Dick, 2009),

  • réduction des erreurs au cours de la prestation de services (Alonso et al., 2009),

  • amélioration de la documentation des processus (Walker et Johnson, 2009).

D’un point de vue externe, les études soulignent plusieurs avantages :

  • attraction de nouveaux clients (Walker et Johnson, 2009 ; Tarí et al., 2017),

  • augmentation du nombre de visites répétées (Alonso et al., 2009 ; Walker et Johnson, 2009),

  • amélioration de la position concurrentielle (Claver-Cortés et al., 2008),

  • facilitation de la compétitivité des petits hôtels indépendants (Alonso et Rodríguez, 2011),

  • augmentation des ventes et de la part de marché (Tarí et al., 2017).

La mise en place d’une certification qualité touristique oblige à réaliser un investissement important. C’est pourquoi les coûts de mise en œuvre et d’entretien sont le principal obstacle à son adoption, en particulier pour les petites et moyennes entreprises qui se consacrent au tourisme rural (Chan, 2008 ; Sampaio et al., 2009 ; Tarí et al., 2017).

L’amélioration de la qualité de l’hôtel rural permet une plus grande satisfaction du client (Hernández et González, 2009), ce qui devrait entraîner une augmentation des ventes et de la part de marché, bien que les résultats des études soient encore contradictoires. Woan-Yuh Jan et Ching-I Lin (2008) ne trouvent aucun lien de ce type, alors que d’autres auteurs ont observé une relation positive entre la certification qualité et l’accroissement des ventes (Dick et al., 2008 ; Nair et Prajogo, 2009) ou de la part de marché (Sampaio et al., 2009).

Cette même contradiction existe parmi les études qui analysent la relation entre la certification qualité et l’amélioration des résultats des entreprises. La plupart des travaux concluent à l’absence d’effets significatifs (Lo et Shang, 2007 ; Costa et Chol, 2009 ; Hernández et González, 2009). D’autres travaux établissent une relation positive avec la rentabilité (Lafuente et al., 2009) et avec les bénéfices (Nair et Prajogo, 2009).

La recherche sur les relations entre les certification qualité et les résultats des entreprises est limitée dans le secteur touristique, encore plus dans le tourisme rural. Certaines études concluent à une relation avec le taux d’occupation (Claver-Cortés et al., 2008 ; Tarí et al., 2017). D’autres attribuent cette relation positive à la fixation de prix plus élevés ou primés (Han et al., 2009 ; Walker et Johnson, 2009 ; Abrate et al., 2011). Enfin, certains travaux combinent les deux effets et concluent à une augmentation des bénéfices de l’hôtel (Claver-Cortés et al., 2008 ; Alonso et al., 2009 ; Molina-Azorín et al., 2009 ; Tarí et al., 2010 ; 2017 ; Bouranta et al., 2017).

La littérature fait aussi état d’autres conclusions intéressantes concernant les certifications qualité dans le tourisme, telles que l’existence d’un parti pris d’autosélection, qui fait que les entreprises les plus rentables soient celles qui ont décidé d’obtenir une certification avant les autres (Dick et al., 2008). Les résultats positifs de la certification qualité sont plus importants pour les entreprises pionnières (Benner et Veloso, 2008 ; Corredor et Goñi, 2011), du fait que les avantages diminuent avec le temps et avec l’augmentation des concurrents certifiés (Lo et Shang, 2007). Par ailleurs, la certification qualité d’un hôtel peut être à la fois un critère de sélection pour le tourisme rural (Mutalib et al., 2018) et un moteur pour améliorer la gestion des clients et des employés (Park et Yoon, 2011 ; Del Rio, 2016).

En résumé, les hôtels ruraux seront d’autant plus intéressés par les certifications qualité lorsqu’elles leur apporteront une vraie rentabilité économique. Il y a aussi des études – peu nombreuses et sans preuves concluantes – qui sous-entendent que l’association des avantages internes et externes de la certification qualité a un effet positif sur les résultats, mais que celui-ci serait indirect : les conditions de la norme de qualité améliorent les processus grâce à une réduction des coûts ; la certification qualité renforce la position concurrentielle ; et ces facteurs contribueraient à améliorer les résultats commerciaux et financiers des entreprises hôtelières.

Objectif et justification des hypothèses

L’objectif de ce travail est de démontrer que la possession d’une certification qualité est une cause explicative de meilleurs résultats économiques dans les hôtels ruraux. Cette analyse est développée à partir d’une étude antérieure des auteurs (Valdés et Ballina, 2005) qui avaient trouvé des différences significatives en ce qui concerne les taux d’occupation, le prix moyen de la chambre, les dépenses quotidiennes du touriste et les ventes totales de l’hôtel rural, toujours favorables à ceux qui disposent d’une certification qualité.

L’étude a été réalisée à partir de la marque de qualité rurale dite « Casonas Asturianas » : petits hôtels situés dans des zones rurales, dans des bâtiments à l’architecture et à la décoration traditionnelles, et très orientés sur le service (tableau 1). Cette marque a servi de base pour développer d’autres expériences en Amérique latine, comme les « haciendas » mexicaines, et est actuellement étudiée par les autorités d’autres pays, notamment le Chili et le Venezuela.

Le club de qualité rural « Casonas Asturianas » comporte actuellement 57 hôtels ruraux certifiés, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2005. La marque de qualité « Casonas Asturianas » comptait 57 hôtels certifiés en 2010 (augmentation du nombre d’hôtels de 42,5 % et augmentation du nombre de places de 48 % par rapport à 2005).

Deux hypothèses principales sont possibles : la première porte sur les résultats commerciaux et la seconde sur les résultats financiers. Certains travaux récents indiquent l’existence d’une amélioration de la performance commerciale pour les hébergements touristiques qui disposent de certification qualité (Abrate et al., 2011 ; Martensen et Mouritsen, 2013). De façon plus analytique, nous considérons comme éléments de résultat commercial : le taux d’occupation, le prix moyen et, en conséquence, les revenus annuels par chambre.

Tableau 1 

Caractéristiques de la norme de qualité rurale « Casonas Asturianas »

Caractéristiques de la norme de qualité rurale « Casonas Asturianas »
Décret adapté 69/1994, Bulletin officiel de la Principauté des Asturies no 236, 11 octobre.

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Les hypothèses relatives à la performance commerciale sont :

H1 : Les hôtels ruraux certifiés avec la marque régionale atteignent chaque année des revenus par chambre supérieurs à ceux d’hôtels similaires non certifiés :

H1A : parce que les hôtels ruraux certifiés peuvent facturer des prix annuels moyens supérieurs à ceux des hôtels non certifiés ;

H1B : parce que les hôtels ruraux certifiés peuvent facturer des prix supérieurs à ceux des hôtels non certifiés en haute saison touristique et en basse saison ;

H1C : parce que les hôtels ruraux certifiés ont une augmentation des taux d’occupation que les hôtels non certifiés n’ont pas.

Les résultats des études sur la relation entre la certification qualité et les avantages pour les hôtels sont controversés. Certains auteurs en concluent qu’il n’y a pas de relation entre la certification qualité et les bénéfices (Claver-Cortés et al., 2008) ou que cette relation est très faible et indirecte (Harzallad et al., 2013). Mais les travaux les plus récents réalisés sur le marché espagnol établissent une relation positive entre la certification qualité et les bénéfices d’exploitation par chambre et, par conséquent, les bénéfices bruts totaux (Bouranta et al., 2017). La certification qualité semble aussi contribuer à l’amélioration des coûts à long terme (Karapetrovic et al., 2010). Les hypothèses relatives aux bénéfices sont :

H2 : Les hôtels ruraux certifiés présentent une meilleure évolution annuelle des bénéfices bruts d’exploitation par rapport aux hôtels non certifiés :

H2A : parce que les hôtels ruraux certifiés présentent une meilleure évolution des taux de rendement annuel par rapport aux hôtels non certifiés ;

H2B : parce que les hôtels ruraux certifiés ont une meilleure évolution annuelle dans leur structure de coûts par rapport aux hôtels non certifiés.

L’illustration 3 représente le schéma de relations prévues entre les hypothèses de travail.

Illustration 3 

Relations prévues entre les variables de résultat en fonction de l’ensemble des hypothèses de travail

Relations prévues entre les variables de résultat en fonction de l’ensemble des hypothèses de travail
Source : Élaboration des auteurs.

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Méthodologie et résultats de la recherche

Nous nous appuyons sur les données du Système d’information touristique des Asturies (SITA), organisme public qui recueille des renseignements sur les hôtels de la région depuis 1997. Nous avons utilisé en particulier le résultats des enquêtes auprès des directeurs d’hôtel des années 2005 à 2015 (dernière année où cette enquête a été réalisée). Les données utilisées correspondent aux hôtels ruraux de catégories 1, 2 et 3 étoiles, pour obtenir l’homogénéité nécessaire dans le type d’entreprise et de marché des hôtels certifiés et non certifiés avec la marque de qualité rurale « Casonas Asturianas » (une approche similaire avec la norme ISO a été élaborée par Wu et Chen, 2011). En outre, nous avons extrait de la base de données uniquement les hôtels qui fournissaient toutes les informations de leurs résultats économiques, ce qui contribue à améliorer la qualité des analyses et des résultats.

Nous avons classé les variables selon le critère habituel des études universitaires qui différencie les résultats commerciaux et les résultats financiers. Ce travail utilise six variables qui représentent les résultats commerciaux et trois variables les résultats financiers, en plus de deux variables de classification : la possession ou non de la certification qualité et le nombre d’étoiles. La première variable sert à différencier les modèles (hôtels ruraux certifiés versus non certifiés) et la deuxième est une variable modératrice (pour vérifier si la meilleure catégorie d’un hôtel rural tempère les résultats économiques de la certification qualité) (voir tableau 2).

Tableau 2 

Variables du modèle statistique

Variables du modèle statistique
Source : Élaboration des auteurs.

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La base de données fonctionne de manière transversale pour disposer d’un nombre suffisant de données d’hôtels, notamment pour les hôtels certifiés. La base de données de travail compte 691 entrées, dont 15 % sont des hôtels certifiés par la marque rurale de qualité (tableau 3).

Tableau 3 

Résumé et distribution de fréquence

Résumé et distribution de fréquence
Source : Élaboration des auteurs.

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Le caractère transversal de la base de données a été validé par deux vérifications statistiques. Les six variables sur l’évolution des résultats économiques sont contrastées par le coefficient de Kendall (τ) (ce sont des variables ordinales). Les trois variables de prix et de revenus (en euros) sont vérifiées par un test de variance (ce sont des variables numériques). Les deux indicateurs présentent des différences entre les années (significatives au-dessus du 0,005) ; malgré tout, ces différences restent identiques pour toutes les années. En conséquence, les variables peuvent être consolidées dans la base de données (illustration 4).

Les résultats statistiques initiaux décrivent une évolution neutre pour les résultats économiques au cours de la période : les statistiques moyennes prennent des valeurs intermédiaires (4,5 sur 10). Les résultats commerciaux sont légèrement meilleurs que les résultats financiers. Les variables de prix et de facturation ont une haute variabilité. Cela est cohérent pour des hôtels ruraux de catégorie et de taille très différentes (tableau 4).

L’étude des résultats économiques des deux cas principaux analysés (les hôtels certifiés par rapport à ceux non certifiés) a été effectuée selon plusieurs tests t (tableau 5). L’évolution annuelle des ratios économiques est sensiblement meilleure dans tous les cas pour les hôtels certifiés : rentabilité +12 % ; bénéfices +11,2 % ; taux d’occupation +10,7 % ; ventes +10,3 % ; prix moyen +7,6 %. Au volet des coûts c’est différent, car la signification ne dépasse pas le 0,05 requis. Les prix de vente moyens d’une chambre (en euros) sont très supérieurs dans les hôtels certifiés : +25,9 % en haute saison et +34,6 % en basse saison.

Mais les meilleurs résultats pour les hôtels certifiés sont ceux qui concernent les revenus moyens par chambre : 52 % au-dessus de la moyenne pour les hôtels certifiés, 9,4 % sous la moyenne pour les hôtels non certifiés.

Illustration 4 

Évolution des variables de résultat

Évolution des variables de résultat
Source : Élaboration des auteurs.

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Nous avons intégré l’ensemble des variables des résultats économiques dans un modèle unique d’analyse. Nous avons choisi un modèle Logit dans lequel la variable dummy est : hôtel rural certifié ou non certifié. Le tableau des corrélations montre l’existence d’une restriction de multicolinéarité, ce qui oblige à sélectionner les variables ayant une corrélation supérieure à 0,7 en valeur absolue (tableau 6).

Tableau 4 

Résultats statistiques descriptifs

Résultats statistiques descriptifs
Source : Élaboration des auteurs.

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Tableau 5 

Test t d’échantillons indépendants

Test t d’échantillons indépendants
Source : Élaboration des auteurs.

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Tableau 6 

Matrice de corrélation

Matrice de corrélation
Source : Élaboration des auteurs.

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Deux groupes de variables présentent des problèmes de multicolinéarité :

  • l’évolution des ratios du taux moyen d’occupation (TO), des ventes annuelles (TV), de la rentabilité (RENTA) et des bénéfices de l’hôtel (BENEFI) ;

  • le prix en haute saison (€PRIHAS) et le prix en basse saison (€PRIBAS).

La variable taux moyen d’occupation (TO) est a été retirée du premier groupe pour deux raisons : dans les études spécialisées il y a des résultats controversés sur cette variable et il est intéressant d’analyser une variable de type rotatif qui complète les prix. En outre, la valeur du coefficient d’inflation de la variance (VIF) du taux d’occupation pour les autres variables est élevée (4,098), ce qui permet de travailler avec une multicolinéarité presque parfaite.

Dans le deuxième groupe de variables la valeur du VIF est inférieure (2,01), nous avons donc décidé de procéder à deux modèles logit alternatifs : l’un avec le prix moyen en basse saison (€PRIBAS) et l’autre avec celui-ci en haute saison (€PRIHAS). Dans les modèles logit, nous avons utilisé en tant que catégorie de référence les deux étoiles. Ce choix s’appuie sur le fait que cette catégorie est la plus fréquente dans les hôtels certifiés (tableau 7).

Tableau 7 

Résultats de la modélisation logit

Résultats de la modélisation logit
Source : Élaboration des auteurs.

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Les deux modèles présentent des variables significatives identiques, et dans un sens positif :

  • la facturation moyenne par chambre (€RECHAM), avec des différences de signification qui varient de 2 à 4 % selon le modèle ;

  • l’évolution annuelle du prix de vente moyen (PRIMO), avec des différences de signification qui varient de 1 à 2 % ;

  • le prix de vente en saison est faible (€PRIBAS) avec une signification de 0 % (modèle logit 1), ou est élevé (€PRIHAS) avec une signification de 2 % (modèle logit 2).

Mais il est important de souligner que le modèle logit 2 utilise la catégorie trois étoiles comme variable significative, avec un sens explicatif négatif de la certification qualité. Cela dit, les hôtels de catégorie supérieure modèrent l’influence de la certification qualité sur les prix en haute saison.

Discussion

La certification qualité contribue positivement au tourisme rural, autant de manière directe, à travers les exigences concernant le développement durable de la marque référentielle de qualité, que de manière indirecte : bâtiments traditionnels, ameublement et décoration des rues, segments de tourisme de meilleure qualité, promotion d’artisans et d’activités commerciales liés à la vie rurale, ce qui a des répercussions positives sur l’économie des régions rurales et par conséquent sur le développement durable du territoire (Roberts et al., 2017).

En ce qui concerne les hôtels ruraux, les coûts d’entrée et de rétention dans un système de certification qualité doivent être compensés par l’obtention d’un avantage en contrepartie dans la gestion de l’hôtel (Tarí et al., 2010). Les entrepreneurs du tourisme rural ont besoin de normes de qualité qui leur procurent des avantages directs en termes de gestion économique (Mutalib et al., 2018). Les résultats de cette étude indiquent que les certifications qualité sont des signes de différenciation que les clients apprécient. Les hôtels certifiés fonctionnent avec des prix moyens plus élevés : prix premium, qui confirment la littérature ci-avant mentionnée concernant l’influence de la qualité sur les prix et la rentabilité par chambre d’hôtel (Claver-Cortés et al., 2008). Les résultats empiriques obtenus avec les modèles logit permettent de démontrer l’influence de la certification de qualité hôtelière sur les résultats financiers de l’économie rurale (illustration 5) :

  • l’influence positive de la certification « qualité rurale » sur le revenu moyen par chambre (+H1) ;

  • l’effet positif de la certification « qualité rurale » sur le prix moyen par chambre (+H1A) ;

  • la correspondance de l’effet positif de la certification qualité rurale sur le prix autant en basse saison qu’en haute saison (+H1B) ;

  • en haute saison les hôtels de catégorie supérieure en milieu rural minimisent l’effet positif de la certification qualité sur le revenu et les prix (-H1B).

Illustration 5 

Hypothèses confirmées

Hypothèses confirmées
Source : Élaboration des auteurs.

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La certification qualité suppose un avantage direct pour les hôtels ruraux, conformément aux travaux récents dans le domaine du tourisme (Lafuente et al., 2009 ; Nair et Pradojo, 2009). Cet avantage est obtenu du fait de l’augmentation du chiffre d’affaires grâce à l’augmentation des prix moyens, étant donné qu’on ne peut pas s’attendre à attirer davantage de clients, ce qui correspond aux conclusions des études de Woan-Yuh Jan et Ching-I Lin (2008) et de Judith Turrión-Prats et Juan Antonio Duro (2018), mais pas avec les résultats des travaux de Juan J. Tarí, Enrique Claver-Cortés, Jorge Pereira-Moliner et José-F. Molina-Azorín (2010).

En particulier, il est intéressant d’observer que les revenus accrus en basse saison, attribuables à l’augmentation des prix durant cette période (par rapport à ceux de la concurrence), ont eu des effets positifs. Une des principales problématiques de la gestion du tourisme rural est la baisse de fréquentation en automne et en hiver. Il semble maintenant évident que des prix plus élevés sont possibles, dans certaines limites. Cet effet positif s’est en revanche dilué à mesure que la certification qualité dans les hôtels s’est généralisée, comme le signalent Pilar Corredor et Salomé Goñi (2011), qui ajoutent que les directions hôtelières prennent la décision d’obtenir cette certification lorsqu’elles constatent que cela représente un avantage pour les entreprises touristiques pionnières.

En résumé, les résultats indiquent un effet positif sur les avantages économiques, bien qu’il soit peu significatif sur les coûts, ce qui peut justifier les efforts pour obtenir une certification qualité dans le tourisme rural. Ces résultats coïncident avec les travaux Muhammad Asif, Cory Searcy, Rickard Garvare et Niaz Ahmad (2011). Quant au territoire rural, il en profite en termes de durabilité, car il n’y a pas d’augmentation de la demande, ce qui est une préoccupation sérieuse du point de vue de la politique touristique actuelle.

Toutefois, les résultats des modèles statistiques ne permettent pas d’établir que les hôtels ruraux certifiés présentent une amélioration de leur taux d’occupation, comme dans les travaux de Tarí et ses collaborateurs (2010 ; 2017). Cela empêche de reconnaître la validité de l’hypothèse H1C. En outre, les relations de multicolinéarité de la variable évolution du taux d’occupation (TO) avec les bénéfices (BENEFI) et la rentabilité de l’hôtel (RENTA) empêchent d’accepter les hypothèses H2 et H2A. Notons que plusieurs auteurs ont trouvé des relations similaires (Nair et Orajogo, 2009 ; Tarí et al., 2010 ; 2017 ; Bouranta et al., 2017).

De même, l’hypothèse selon laquelle l’évolution des coûts des hôtels certifiés en milieu rural aurait une corrélation avec un meilleur comportement de l’évolution des coûts dans les hôtels ruraux certifiés (H2B) n’est pas validée dans les modèles logit utilisés. À la seule exception des travaux de Gavin P.M. Dick (2009), les recherches universitaires ne montrent pas de relation entre les normes de qualité et les coûts, bien que certains auteurs (notamment Lo et Shang, 2017) remarquent que le délai est plus long pour améliorer les coûts dans un hôtel certifié.

Conclusion

La durabilité est l’avenir de la stratégie du tourisme rural, et le facteur de qualité constitue son élément majeur (Ryglova et al., 2017 ; Mutalib et al., 2018). Les normes de qualité se sont heurtées à un handicap majeur du tourisme rural (Campon et al., 2017 ; Hjalager et al., 2018) et, en même temps, elles génèrent un attrait important pour le marché : elles sont un signe d’authenticité culturelle. Les normes de qualité fournissent un net avantage aux destinations du tourisme rural (Ying et Zhang, 2019), pour deux raisons principales : parce que cela permet d’améliorer la gestion des hôtels ruraux (ISO 9001) et parce la gestion de l’environnement devient un facteur principal (ISO). Si, en outre, la norme de qualité est conçue spécifiquement pour chaque région, un engagement plus large en faveur de la durabilité est favorisé par l’introduction d’exigences sociales, culturelles, artisanales, gastronomiques, etc. dans l’hôtel rural (San Martín et al., 2018).

L’obstacle des petits hôtels ruraux à l’investissement pour obtenir la certification qualité peut être surmonté car les résultats économiques qui seront atteints seront positifs en termes de prix. Les résultats de ces travaux ont montré que le revenu par chambre augmente avec la certification car la norme de qualité rurale fixe les prix de base tout au long de l’année, mais surtout en basse saison ; cela est particulièrement important pour le tourisme rural, comme l’ont également souligné Turrión-Prats et Duro (2018). L’amélioration économique avec des prix plus élevés a également des effets positifs pour la destination rurale, puisque le destin rural améliore son économie et qu’il le fait sans augmenter le nombre de visiteurs. Tout cela est une contribution intéressante à la durabilité (Long et Nguyen, 2018).

Un dernier point très important est la notoriété qu’il convient d’accorder aux normes de qualité du tourisme rural (Chien et al., 2018), car c’est une condition nécessaire pour produire les effets économiques sur les prix et le revenu par chambre pour le touriste rural (Mutalib et al., 2018).

Plusieurs questions restent en suspens. La première est la multiplicité de normes de qualité existantes, ainsi que la visibilité de chacune d’elles. Cette analyse a été réalisée à partir d’une marque de qualité rurale largement connue sur le marché national, qui représente 90 % des touristes séjournant dans ce type d’hébergement. Et une analyse avec un nombre limité de chambres d’hôtes, qui représente à peine 15 % des hôtels dans le tourisme de la région, a permis d’établir la différenciation parmi les concurrents. Le nombre limité de données fournies par le secteur rural a été compensé par la création d’un « data-panel » sur plusieurs années, ce qui a été à l’origine de l’inclinaison de certaines relations statistiques présentes ou manquantes dans ce travail.

En conclusion, l’engagement envers la qualité rurale par le biais de normes de qualité contribue à améliorer directement les niveaux de professionnalisation du tourisme rural, dans la mesure où l’on dispose de groupes ou de clubs de qualité qui coopèrent et centralisent leurs stratégies de développement de marketing touristique ; et indirectement, grâce à la création d’une stratégie de durabilité du territoire touristique rural, plus axée sur la sélection de visiteurs de qualité, c’est-à-dire socialement, culturellement et économiquement rentable, que sur la restriction du nombre de visiteurs. Et tout cela, dans un cadre général d’avantages économiques pour le territoire en entier.