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« Moyo wenu ! » (À vous la vie !)
« Eee moyo ! » (Oui, la vie !)

Telle est la salutation journalière que s’adressent matin, midi, soir et nuit, dans leur langue, le tshiluba, les Africains-Luba du Kasayi[1], situés au coeur de la République démocratique du Congo et du continent africain et que nous prendrons comme principal échantillon de référence tout au long de cet écrit.

Loin donc de se référer aux différentes périodes de la journée comme ailleurs où l’on dit : « Bonjour », « bon après-midi », « bonsoir », « bonne nuit », la salutation luba va plutôt au plus fondamental de tous les souhaits du coeur humain : ni la joie, ni le bonheur, ni la fortune ni la paix, mais leur synthèse : la vie, la vie aussi abondante que faire se peut.

Le père Van Caeneghem, missionnaire de Scheut au Kasayi au début du xxe siècle, qui a étudié « la notion de Dieu chez les Baluba du Kasaï », analyse ainsi le terme « Moyo » :

Moyo est dit pour tout signe de vie d’un être, pour tout ce qui indique qu’il y a présence de vie, par exemple : le souffle, le coeur, tout ce qui fait partie de l’intérieur de l’homme ou de la bête. « Moyo » signifie aussi la vie elle-même et tout ce qui est intimement lié aux conditions de la vie, par exemple, la santé, l’humeur, toute passion qui incite l’homme ou la bête à agir. « Moyo » signifie aussi l’essence de tout être sensible, compris, selon les principes anthropologiques des Baluba, comme une force de vie immatérielle. Dans ce sens le mot est synonyme de « Bukole » (force vitale).

Van Caeneghem 1956, 17-18

Selon ces mêmes principes anthropologiques des Baluba, Nyashi Ntambue renchérit en expliquant que, dans plusieurs langues bantu, le verbe « vivre » n’existe pas et qu’il est rendu par l’expression « Kuikala ne moyo » (être-avec-la vie). Bien plus, l’énergie vitale est étendue analogiquement même aux choses apparemment inanimées, au point que dans la langue luba on recourt, pour signifier leur panne, leur bris ou leur disparition, au même verbe de Kufua qui signifie mourir pour les êtres vivants. On dira : muana waafu (l’enfant est mort), mbua waafu (le chien est mort), luesu luafu (le vase est mort), mashinyi aafu (le véhicule est mort), tshisalu tshiafu (le marché est mort ; Nyashi Ntambue 1990, 35-36).

Pour leur part, Thomas et Luneau parlent de la valeur « vie » chez les Noirs d’Afrique en des termes bien judicieux, lorsqu’ils écrivent : « qu’on ne s’étonne pas alors si la vie se trouve exaltée. Mieux encore : tout est vie et la hiérarchie des êtres reproduit la hiérarchie des principes vitaux. Le bien se confond avec ce qui favorise ou accroît la vie et le mal, au contraire, se définit par ce qui la diminue ou y met un terme » (Thomas et Luneau 1977, 22). L’on peut donc affirmer, sans crainte de se tromper, que tout le programme existentiel de l’homme africain, depuis les temps immémoriaux, se résume en ce bien suprême qu’est la vie. La vie à accueillir religieusement à la naissance. La vie à protéger et à faire grandir (et il n’y a pas malheur plus grand que celui de perdre un enfant en bas âge). La vie à épanouir pleinement durant la jeunesse et l’âge adulte, notamment à travers la procréation par laquelle un maillon vital assure à son tour la continuité de la chaîne de la vie. La vie à accompagner avec la chaleur familiale, et non dans l’isolement des hospices de vieillards, jusqu’au dernier soupir de l’homme, considéré comme ayant réussi sa vie uniquement s’il arrive à l’extrême vieillesse et voit « pousser des champignons sur ses jambes », comme le dit la pittoresque expression traditionnelle luba. La vie, enfin, à immortaliser dans l’au-delà par une conduite morale irréprochable ici-bas.

C’est autour de ces différentes étapes que l’on découvre la conception et les pratiques de vie dans la société traditionnelle africaine-luba que nous présentons comme une expérience particulière à proposer au rendez-vous interculturel du donner et du recevoir. Ce sera le premier moment de cet article. Le deuxième considérera le dur combat de l’Africain-Luba contre les forces de mort qui hypothèquent continuellement son désir de la vie et le troisième projettera sur cette conception de la vie la lumière de Celui qui a dit : « moi je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10).

1. Le bien suprême de la vie chez l’Africain-luba de la naissance à l’outre-tombe

Alors qu’ailleurs l’itinéraire du petit d’homme, de la naissance à la mort, tombe davantage sous le scalpel des différentes sciences — anatomiques, biologiques, médicales, psychologiques et on en passe —, ce qui frappe le plus chez l’Africain-Luba traditionnel et qui explique la valeur suprême qu’il accorde au concept « vie », c’est le caractère sacré de celle-ci. Ainsi, dès la conception et les débuts du petit d’homme en ce monde, tout est placé sous la houlette du Dieu Souverain, « le Créateur à qui appartiennent hommes, femmes et enfants ainsi que tout ce qui existe ici-bas » (proverbe luba).

1.1 La naissance du petit d’homme

Parmi les moments les plus sacrés du parcours terrestre de l’être humain, celui pour lequel les regards s’élèvent spontanément vers le Dieu d’en-haut se trouve être, à côté de celui du décès, le moment de la conception et de la naissance de l’enfant. C’est ce moment sacré initial qui fera que tout le reste du déroulement de la vie du Muntu Luba soit placé sous la main puissante et bienveillante de Dieu. Proverbes et prières ancestrales luba abondent qui attestent cette croyance. En voici, pour illustration, un petit échantillon, directement traduit en français :

  • Mettre au monde ne dépend pas de tes efforts, mais du kaolin blanc (signe de bénédiction) que te donne le Dieu d’en-haut ;

  • L’homme qui ne serait pas créé par Dieu serait-il son propre créateur ? ;

  • Dieu le fabricant, qui fabriqua mains et bras ;

  • L’Ancêtre à qui appartiennent tous les humains.

Pour ce qui est des prières, n’en déplaise à certains qui ont pensé, de manière étonnante, pouvoir écrire : « le Luba ne prie pas, n’invoque pas Dieu : ni directement, ni indirectement il n’a recours à celui qu’il sait être son créateur. Sa prière, ses invocations s’adressent à ses “bakishi” (les mânes de ses ancêtres), il prend son recours directement et uniquement à leurs bons offices » (De Clercq, cité dans Van Caeneghem, 1956, 77), on en trouve, au contraire, de fort émouvantes qui adressent directement à Dieu, par exemple, la demande d’avoir un enfant :

Vous, mon Dieu, j’ai invoqué les mânes, en vain ; j’ai fabriqué des sortilèges, en vain ; j’ai consulté le sort, en vain. Mais Dieu, Maître des hommes, tout cela, je le délaisse ; maintenant je compte seulement sur vous, procurez-moi aussi un enfant, pour vivre ensemble avec lui chez moi dans ma maison.

Dieu du ciel, d’aucuns vous les avantagez, mais nous et beaucoup d’autres, nous ne mangeons que des herbes amères. Je suis marié, mais quant à obtenir des enfants, pas un seul. Hélas ! Dieu, Maître de tout, vous qui arrangez tout, à d’aucuns vous donnez d’engendrer des enfants, de les porter sur leur hanche, d’être assis avec eux autour des plats, de les envoyer chercher du feu pour leur pipe à tabac ; quand il en reste de la bouillie de manioc dans leurs assiettes, ils la trouvent mangée (par leurs enfants). Cependant, moi, avec tant de femmes épousées, tout est inutile ! Là où je laisse les restes de mon repas, là aussi je les retrouve. Comme mon malheur est grand, avec un corps pourtant si sain !

Hélas, Dieu mon Seigneur, pourquoi en est-il ainsi ? Celui qui m’ensorcelle, que ce soit un homme, que ce soit une femme, veuillez m’en délivrer. Lui, l’effronté, le fort comme un roc qui ne se casse pas, et qui vous surpasserait en force, ô Dieu, d’où viendrait-il ?

Mon Dieu, quel mal vous ai-je fait ? Veuillez me prendre en pitié, procurez-moi un enfant pour vivre avec lui.

Van Caeneghem 1956, 99-100

Loin du Luba-Kasayi, le papa Mandara du Cameroun revient de la même manière vers Dieu lorsqu’il a reçu un fils : « Ô mon Dieu, prie-t-il, voici que tu m’as donné un fils, accorde-moi de le voir grandir, et de l’entendre m’appeler papa. Fais qu’il soit à l’abri de tout mal ! Que sa vie soit féconde ! Qu’à son tour il puisse, à la fin de sa vie, espérer être enterré par son fils ! » (Thomas et Luneau 1977, 35).

Dans cette logique, l’on comprend aisément les nombreux noms théophores donnés aux enfants à la naissance, aussi bien dans la culture luba qu’ailleurs sur le continent africain, et qui visent à établir un lien spécial entre ces enfants et Dieu. Ainsi l’on trouvera comme noms propres :

Wênd nâanya (Mossi) = Dieu l’a créé

Bê wend yinga (Mossi) = il existe à cause de Dieu

Wênd tuumde (Mossi) = c’est l’oeuvre de Dieu

Wênd yugda (Mossi) = Dieu sourit (enfant comme fruit du sourire bienveillant de Dieu qui en a gratifié ses parents).

Da mogd Wênde (Mossi) = ne force pas Dieu (rappelant le proverbe luba susmentionné qui dit que mettre au monde ne relève pas de la force de l’homme, mais de Dieu qui bénit les parents).

Wênd tebda (Mossi) = Dieu tient dans ses mains

Ala tâ-ra (Zela du Congo-Kinshasa) = c’est Dieu seul qui fait

Mulopo (luba) = Dieu

Pasuanzambi (Luba) = quand voudra Dieu

Muasuanzambi (Luba) = comme voudra Dieu

Muambanzambi (Luba) = comme dira Dieu

Kabienakuluila (Luba) = pas objet de lutte (mais du bon vouloir de Dieu)

Dipadianzambi (Luba) = don de Dieu

Biakupa (Luba) = si Dieu te donne

Bende (Luba) = chose d’autrui (de Dieu).

Museka Ntumba 1988, 336

L’on peut même affirmer que c’est dans la droite ligne de cette conception sacrée de toute naissance que les Africains en général opposent jusqu’aujourd’hui une grande résistance à toutes les politiques antinatalistes qui leur sont prêchées, en dépit de certains avantages qu’elles peuvent comporter. Et lorsque l’on est amené à y consentir ou conduit à des pratiques infanticides, est-il certain qu’il existe une femme africaine, auteur d’un tel acte, qui n’en garde pas quelque remords et sentiment de profanation au fond d’elle-même ?

1.2 La vie à faire grandir

Ici se concentre la panoplie des pratiques destinées à la croissance de la vie, depuis l’alimentation jusqu’à la socialisation, en passant par tous les autres soins servant à protéger, restaurer, consolider cette vie, moyennant bien souvent une large solidarité au sein du clan, l’enfant étant considéré comme un précieux bien communautaire plutôt que privé.

L’étrange phénomène, aujourd’hui si répandu, des enfants dits « de la rue », jeunes gens et jeunes filles dans la prime jeunesse, orphelins ou non, qui se retrouvent dans les rues d’une certaine Afrique, abandonnés à eux-mêmes par leur famille ou par leur clan, est une aberration que la misère économique généralisée du petit peuple explique en très grande partie.

1.3 La vie à prolonger par la procréation

Mais l’Africain-Luba considère surtout que le meilleur service à rendre à la vie en ce monde est de la transmettre à son tour à la descendance. Les proverbes luba pullulent en ce sens, qui reviennent tous à dire : « engendré, engendre à ton tour ». C’est pourquoi, sans que le phénomène du célibat volontaire, ou involontaire, ne soit ici totalement ignoré ni toujours déshonoré, même avant la rencontre avec Jésus-Christ, il est loin d’être exalté dans cette culture de la vie. Il est plutôt la marque d’une vie qui n’a pas atteint sa maturité sociale et qui a ainsi été, dans un sens, inutile pour la famille.

Qui connaît bien la mentalité nataliste africaine sait aussi qu’une de ses raisons sociales est une sorte d’assurance-vie par laquelle les parents assurent leurs vieux jours par leur progéniture. Pas seulement pour cause d’absence quasi totale, dans ces pays, de tout système de sécurité sociale et d’encadrement pour personnes âgées, mais surtout parce qu’il est difficilement concevable, pour un enfant devenu adulte, de ne pas garder avec lui ses vieillards de parents autant par reconnaissance et amour filial que pour continuer à bénéficier le plus longtemps possible de leur sagesse et expérience de vie, en attendant — qu’on se souvienne de la prière du papa Mandara du Cameroun — de les enterrer dignement à leur décès (Thomas et Luneau 1977, 35). Des proverbes luba l’attestent encore :

  • Multiplie le nombre de tes enfants, il s’en trouvera au moins un pour se souvenir de toi ;

  • Mettre au monde c’est multiplier ses propres yeux ;

  • Attrape des sauterelles pour ton jeune enfant, devenu adulte il en attrapera aussi pour toi.

C’est de cette façon que l’Africain-Luba désire assurer la vie en ce bas-monde, du berceau à la tombe. Il veut, enfin, tout autant l’immortaliser dans l’au-delà.

1.4 La vie à immortaliser

L’Africain-Luba, comme tant d’autres peuples au monde, n’a pas attendu le « credo » chrétien de Nicée-Constantinople pour croire en « la vie du monde à venir ». Bien au contraire, la croyance en la continuité de sa vie dans l’au-delà est une des pièces maîtresses de sa religiosité, qui commande, d’ailleurs, tout son comportement moral en ce monde.

Aussi loin que remonte l’étude de cette croyance, on retrouve, immuable, ce lien entre l’agir moral ici-bas et le sort à connaître après trépas. Parmi les pièces à conviction les plus anciennes figurent, sans doute, à partir d’environ 2200 avant J.-C., les textes des sarcophages, qui ont étendu à d’autres Égyptiens les textes des Pyramides qui étaient réservés aux rois et qui furent ensuite rassemblés sur des rouleaux de papyrus constituant ainsi la Sortie vers la Lumière du jour, abusivement appelée Livre des Morts. Il s’agit de formules censées permettre « au défunt de percer son chemin dans l’au-delà vers la demeure d’Osiris ». La 125e formule comporte la fameuse « Confession négative » : 42 commandements correspondant aux 42 nomes ou entités administratives de l’Égypte antique que le défunt devait prononcer lors de son jugement après la mort, ou « pesée du coeur », devant le tribunal d’Osiris et qui était destinée à établir la probité de sa vie terrestre, une vie conforme à la Maât, ou la vérité-justice égyptienne. Aussi dira-t-il, entre autres :

Je n’ai pas commis l’iniquité, je n’ai pas brigandé, je n’ai pas été cupide, je n’ai pas dit de mensonges, je n’ai pas eu commerce avec une femme mariée, je ne me suis pas emporté en paroles, je n’ai pas été sourd aux paroles de vérité, je n’ai pas été insolent, je n’ai jamais fait verser de larmes à mes semblables, je n’ai pas été dépravé ni pédéraste, je n’ai pas insulté le Roi, je n’ai pas blasphémé Dieu […]

Anubis, gardien du monde des morts, ajuste alors le peson de la balance afin de vérifier, sous l’enregistrement des résultats par Thot, patron des scribes, si le coeur du défunt, placé dans un pot dans le plateau droit est plus léger ou plus lourd que la plume d’autruche de Maât placée dans le plateau gauche. Dans cette dernière hypothèse, c’est le signe que le défunt a commis beaucoup de péchés durant sa vie terrestre et son coeur sera avalé par la Dévorante (monstre à tête de crocodile) et il ne pourra pas accéder à la vie éternelle. Mais si, par contre, son coeur s’avère plus léger et qu’il réussit ainsi à la pesée, c’est Horus, fils d’Osiris, qui va l’inviter à pénétrer dans les champs d’Ialou (le paradis) : un pays magnifique, qui ressemble beaucoup au delta du Nil avec des récoltes toujours abondantes. Le défunt pourra y mener une vie paisible en se reposant sous les palmiers et en buvant de l’eau fraîche[2].

Pour revenir à l’Africain-Luba, dont le foyer de peuplement, comme pour les autres Nègres, se trouve dans la vallée du Nil (où, d’après Mahtar M’bow 1973, « l’assèchement progressif du Sahara avait concentré les hommes » avant que, d’après Cheikh Anta Diop 1979, 351, « par suite du surpeuplement de cette vallée et les bouleversements sociaux, les Nègres du Nil ne pénètrent de plus en plus profondément à l’intérieur du continent »), toute sa vie morale n’a pour finalité que l’entrée, après sa mort, dans le « village aux bananiers », dans « la cour balayée de Dieu » où il pourra aller rejoindre ses parents. Sa morale, en effet, est commandée par le proverbe suivant : « Ne te comporte pas mal en ce monde, car c’est en ce monde que tu as à vivre ; ne te comporte pas mal vis-à-vis du monde de l’au-delà, car c’est là que tu te rendras et que tu iras revoir ta mère et ton père ».

Pour arriver à ce bonheur suprême des retrouvailles définitives, il faut passer avec succès le jugement d’outre-tombe, comme le défunt égyptien au tribunal d’Osiris : « On n’envoie pas d’avocat chez les mânes, dit un proverbe luba, tu y vas toi-même plaider ta cause ». Et le mode de confession pour justifier sa conduite devant ce tribunal suprême a, ici aussi, comme en Égypte antique, la même allure négative, qui correspond aux interdits communs à toutes les religions : « je n’ai pas volé, proclame la confession négative luba, je n’ai pas ramassé (et gardé) le bien d’autrui, je n’ai pas commis d’adultère avec la femme d’autrui, je n’ai pas montré de la haine pour l’enfant d’autrui, ni pour son animal domestique […] ».

Tel est le long chemin, de la naissance à la mort, qui conduisait et conduit encore idéalement l’Africain-Luba à l’immortalité de la vie dans l’au-delà. Répétons que ce chemin trouve son véritable fondement dans sa croyance au Dieu créateur et Juge suprême.

1.5 Et à propos de l’incroyance religieuse en Afrique ?

Par ce qui précède, il ne s’agit pas d’ignorer le point de vue défendu par le Camerounais Eloi Messi Metogo dans son livre Dieu peut-il mourir en Afrique ? Il y déclare :

Même si cela va à l’encontre du discours habituellement tenu, l’étude objective des traditions connues révèle que les Africains ne croient pas tous en un Dieu unique, créateur, rémunérateur et vengeur. La croyance à l’au-delà n’est pas aussi évidente qu’on le dit souvent. Il y a des cas d’incroyance dans les sociétés traditionnelles et il existe une tradition de pensée critique à l’égard de la religion que l’on trouve dans un grand nombre de contes. L’indifférence et l’incroyance se rencontrent aussi dans certaines sociétés contemporaines, non seulement parmi les lycéens, les étudiants et les intellectuels, mais aussi parmi les cadres, les commerçants, les employés. Les devoirs religieux sont habituellement négligés, la religion a peu de place dans les préoccupations de la vie quotidienne, les vérités de foi fondamentales sont mises en question.

Messi Metogo 1997, 233-234

Pour étayer son affirmation, Metogo se réfère, pour l’Afrique traditionnelle, à des pratiques cultuelles adressées de la même manière aux ancêtres et à Dieu, à des noms théophores dans certaines ethnies, comme les Yansi Manzasay ou les Yansi Kimobo, qui expriment plutôt le rejet de Dieu, tels que : Ntem-Ziam (doute de Dieu ou contestation de Dieu), Nziam-le (Dieu n’existe pas), Nziam-Mway (Dieu n’est pas), etc., à côté, bien sûr, de bien d’autres noms théophores exprimant sa présence et sa bienveillance envers l’homme.

L’auteur se réfère aussi à des prières qui se transforment parfois en des imprécations où l’orant insulte les dieux et les ancêtres à cause d’une attente déçue. Il se réfère à des mythes allant jusqu’à afficher de l’hostilité vis-à-vis de Dieu de la part des villages où la mort, qui lui était attribuée, sévissait impitoyablement.

Un jour, raconte le mythe, les ancêtres de Makwa décidèrent de saisir « Ngül Mpwo » (Dieu) qui tuait les hommes. Ils voulaient le tuer à son tour. Ils se rassemblèrent à la lisière d’une forêt, portant chacun ses armes. Ils tenaient coûte que coûte à écraser la tête de « Ngül Mpwo », destructeur de leur village. Ils attendirent longtemps, mais « Ngül Mpwo » ne venait pas. Certains combattants commençaient à tomber malades, d’autres mouraient subitement. Comme « Ngül Mpwo » ne venait toujours pas et qu’ils ne voyaient que des morts, les ancêtres se découragèrent et rentrèrent en colère dans leurs villages.

Messi Metogo 1997

Quant à l’Afrique contemporaine, comme déjà vu, Metogo met en exergue les phénomènes de l’irréligion, de l’indifférence religieuse ou de l’athéisme léniniste-marxiste dont il crédite une demi-douzaine d’États africains, en se trompant, au passage, sur la République démocratique du Congo, qu’il met faussement dans ce paquet, au lieu du Congo-Brazzaville (Messi Metogo 1997, 7-8 ; voir Thomas et Luneau 1977, 261).

Mais le moins que l’on puisse dire sur cette recherche de Messi Metogo, c’est que, tout en offrant d’intéressantes pistes de réflexion, elle ne peut pas réussir à contester la vision globale sacrée de la vie qui demeure encore aujourd’hui celle de l’Africain en général. Certains des auteurs de référence que lui-même invoque émettent quelques réserves qui sont comme autant de réponses à la question de son livre. À propos, par exemple, des noms théophores africains exprimant le rejet ou l’hostilité à l’égard de Dieu, Jacques Fédry (1978), cité par l’auteur, écrit : « Certains noms sont des imprécations plutôt que des affirmations théologiques (prouvant l’incroyance ou l’athéisme) »

De même, concernant certaines prières traditionnelles imprécatoires qui frisent l’insulte aux dieux et aux ancêtres à cause d’une faveur non reçue, Thomas et Luneau estiment que l’imprécation peut être « un symbole, une sorte de surenchère faite pour forcer les esprits à dévoiler leur puissance » (1981, 208), à l’instar de tant de jurons qu’on retrouve à travers le monde même sur les lèvres de chrétiens sans qu’ils signifient nécessairement incroyance ou athéisme.

Pour ce qui est de l’athéisme proprement dit, Potel déclare, à propos de la France (mais pourquoi les choses seraient-elles différentes ailleurs ?) :

Malgré tout, les affirmations des « sans religion » ou des « sans Dieu », conjuguées avec les observations sur l’absence ou baisse des actes religieux, sont insuffisantes pour porter un diagnostic précis et complet sur l’incroyance et l’athéisme. Ces faits sont une alerte dont la signification est ambiguë. Un non-pratiquant n’est pas forcément un athée ou un incroyant […]. Un athée est certainement non-pratiquant, mais tous les non-baptisés sont-ils des incroyants et athées ?

Potel 1967, 116

Keilbach (1983) ajoute même qu’il n’est pas « psychologiquement possible d’être indifférent ».

Toutes ces réflexions, bien entendu, valent aussi pour le phénomène de la baisse de la pratique religieuse, observé par Messi Metogo dans l’Afrique contemporaine. D’autant plus qu’à y regarder de plus près, ces lycéens, étudiants et intellectuels, cadres, commerçants et employés des villes africaines dont il parle sont les mêmes qu’on retrouve facilement, lorsqu’ils sont frappés par une grave infortune, dans les officines des marabouts ou auprès d’autres instances « surnaturelles » (Églises, cultes, anciens de famille…), pour recourir à leur médiation. Et il n’est pas rare de voir de telles demandes de médiation « métaphysico-spirituelle » provenir de ces Africains, même installés en Euramérique depuis des décennies.

Quant aux pays africains marxistes-léninistes qui auraient l’athéisme comme toile de fond doctrinale, la réalité actuelle de l’Afrique — mais est-ce différent ailleurs ? — crève les yeux : où sont-ils encore et avec quel marxisme-léninisme ?

Metogo ne l’ignore pas, lui qui termine son livre en disant que ses « conclusions sont modestes » même si elles ne sont pas « dépourvues d’intérêt » et qui avoue ne pas chercher à « opposer à la thèse de l’Afrique incurablement religieuse celle de l’Afrique irréligieuse » (1997, 233 et 236). Nous ne le ferons pas plus que lui, tout en restant bien attentif à étudier en profondeur les différents phénomènes apparents d’indifférence religieuse ou d’irréligion qui se manifestent chez certains Africains.

Mais toute cette longue insistance sur le principe et le fondement sacré de la vie dans la conception luba-africaine doit conduire à considérer Dieu comme un allié capital et incontournable de cette vie, notamment dans les combats de société que l’Africain-Luba se doit de mener pour vivre une vie digne de l’homme créé à l’image de Dieu.

2. Le combat pour la vie

2.1 L’exemple du peuple congolais

Pour recourir à une métaphore, puisque de Dieu l’homme ne peut parler qu’en métaphores (Museka Ntumba 1988, 141), le Dieu allié de l’homme est comme ce « Héros sauveur » qui était un des personnages clef de la société, chargé de conduire ses compatriotes au combat contre les ennemis de leur bonheur. Les proverbes luba en parlent, entre autres, en ces termes : « Héros qui ne fuit jamais les ennemis, ce sont eux plutôt qui détalent devant lui » ou encore : « avec un héros dans votre village vous pouvez avoir fière allure ».

Pour exemple, prenons le cas de la population congolaise. Depuis la fin de 2011, elle mène à sa manière un combat acharné contre un pouvoir prédateur et insoucieux de son bien-être, qui a organisé des fraudes massives aux élections présidentielles et législatives nationales afin de se maintenir coûte que coûte en place dans son seul intérêt et celui de ses complices internationaux. Dans ce contexte, malgré les ambiguïtés et contradictions d’une Église « parée d’une sainteté encore imparfaite », d’après la judicieuse expression de Vatican II (Lumen Gentium 48) et qui, dans l’histoire des peuples opprimés, l’ont souvent fait taxer de connivence avec les pouvoirs oppresseurs, cette population, dans sa grande majorité et toutes confessions religieuses confondues, ne pouvait que se sentir soutenue dans son noble combat par une déclaration comme celle-ci du Pape Benoît XVI : « À cause du Christ et par fidélité à sa leçon de vie, notre Église se sent poussée à être présente là où l’humanité connaît la souffrance et à se faire l’écho du cri silencieux des innocents persécutés ou des peuples dont des gouvernements hypothèquent le présent et l’avenir au nom d’intérêts personnels » (Benoît XVI 2011, no 30).

À leur tour, appliquant ce principe à la République démocratique du Congo, les courageux évêques du pays écrivent, après lesdites élections frauduleuses, aux fidèles catholiques et à l’ensemble du peuple congolais : « Nous ne nous lasserons pas de dénoncer tout ce qui met en péril l’édification d’un État démocratique. L’on ne construit pas un État de droit dans une culture de tricherie, de mensonge et de terreur, de militarisation et d’atteinte flagrante à la liberté d’expression […] », et, dans le même message, ils s’adressent aussi clairement à la communauté internationale pour lui recommander de « privilégier l’intérêt du peuple congolais, de ne pas être complaisante, d’appuyer le peuple congolais dans sa recherche de la justice et de la paix et de le respecter dans son auto-détermination » (Conférence Épiscopale Nationale du Congo 2012, nos 8 et 13).

De tels messages ont eu pour effet de galvaniser le peuple dans sa détermination à utiliser tous les moyens et les voies pacifiques afin de rejeter ce pouvoir d’usurpation et de faire respecter la volonté exprimée dans les urnes électorales. Le chemin peut être long et semé d’embûches, mais le combat pour la vie passe par là.

2.2 La communauté politique et ecclésiale internationale

Dans ce combat légitime, le grand point d’ombre reste, cependant, la dénommée « communauté internationale », aussi bien politique qu’ecclésiale. La première a savamment mis en place, depuis deux siècles, une jungle où règne la loi du plus fort au service de ses seuls intérêts, à travers un arsenal de lois, de structures économiques et d’institutions politiques taillées sur mesure — tout en réussissant souvent à instrumentaliser les Églises comme bras idéologique efficace. Qu’on se rappelle simplement la Conférence de Berlin en 1885, les institutions économiques mises en place par les accords de Bretton Woods en 1944 (Banque mondiale et Fonds monétaire international), le partage du monde à Yalta en 1945. Les grandes puissances occidentales d’alors prenaient leurs dispositions pour dominer durablement le reste du monde à leur seul profit, tant du point de vue économique et politique que militaire et judiciaire. Bien sûr, avec l’évolution des temps et l’émergence aujourd’hui de bien des pays du tiers-monde, qui obligent à un raffinement apparent du langage diplomatique au niveau international, quelqu’un pourrait croire que cette époque est révolue. Mais il suffit d’appartenir à ces pays qui expérimentent encore aujourd’hui les effets de ce système au quotidien, pour croire à un véritable complot[3].

Quant à l’Église, qu’il suffise de se rappeler ces quelques extraits pour attester historiquement sa collusion objective avec l’impérialisme en question :

Les soussignés, S.E. Mgr Vico, archevêque de Philippes, nonce apostolique, grand-croix de l’Ordre de la conception de villa Viçosa, commandeur avec plaque de l’Ordre de Charles III, dûment autorisé par Sa Sainteté le Pape Pie IX et le chevalier de Cuvelier, officier de l’Ordre de Léopold, commandeur de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, dûment autorisé par S.M. Léopold II, roi souverain de l’État Indépendant (du Congo), sont convenus des dispositions suivantes :

  1. « L’État du Congo concèdera aux établissements de missions catholiques au Congo les terres nécessaires à leurs oeuvres religieuses […] ;

  2. Il est convenu que les deux parties contractantes recommandent toujours à leurs subordonnés la nécessité de conserver la plus parfaite harmonie entre les missionnaires et les agents de l’État. Si des difficultés venaient à surgir, elles seraient réglées à l’amiable entre les autorités locales respectives et si l’entente ne pouvait s’obtenir, les mêmes autorités locales en référeraient aux autorités supérieures […]

Acta Sanctae Sedis 39 1906, 535-537

Toujours à propos de ces missionnaires belges venus au Congo dit belge, vers la fin du xixe siècle, Ryckmans, ancien gouverneur général de la colonie, déclarait : « Certes, le missionnaire belge partant pour le Congo n’est pas un fonctionnaire. En soi, il ne recherche pas directement la grandeur de son pays, il est avant tout le serviteur de Dieu et des âmes. Mais quoi qu’il fasse, il reste le don de la Belgique aux Noirs du Congo, il s’encadre dans notre oeuvre coloniale […] » (de Meeus et Streenberghen 1947, 194)

Les Britanniques ne sont pas en reste (qui pouvait l’être ?) :

Allant partout, est-il dit des missionnaires anglais, répandant les semences de la civilisation, nos missionnaires étendent les intérêts britanniques, l’influence et l’Empire britanniques : chaque fois qu’un missionnaire vient s’établir dans une tribu sauvage, il fait disparaître les préjugés contre le gouvernement colonial, la dépendance des indigènes augmente par la création de besoins artificiels […]

Herskovits 1965, 121

Rien d’étonnant, donc, pour revenir à la politique internationale, que le peuple congolais en question, dans sa lutte pour la vie (qui, pour lui, est passée par les élections nationales de 2011), ne puisse pas compter, mis à part la bonne volonté de quelques individus, sur la solidarité des grandes puissances pour se voir respecté « dans son autodétermination » — comme l’ont réclamé les évêques congolais — et dans son choix de dirigeants qui feraient passer ses intérêts avant les leurs et ceux de leurs mentors.

La Secrétairerie d’État du Saint-Siège, en ce qui concerne le financement du développement, n’avait-elle pas dénoncé avec raison, en 2008, dans une note pour la Conférence internationale de Doha, au Qatar, « l’injustice profonde d’un système (international) où les pays pauvres financent la croissance des pays riches et en fournissent la main-d’oeuvre » ?

Passe encore qu’il en soit ainsi de ce côté politique qui ne s’embarrasse pas de morale ni de considérations humanistes, malgré l’émouvante persévérance des Papes qui continuent à crier dans le désert, comme Benoît XVI dans sa dernière encyclique sociale, pour qui l’amour « est le principe non seulement des micro-relations, rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations, rapports sociaux, économiques, politiques » (Benoît XVI 2009, no 2). Mais que du côté de l’Église, au nom de ce « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous » (Ep 4,5-6), le peuple congolais — dont une majorité de chrétiens — ne rencontre pas plus de solidarité agissante de la part des Églises de ces pays, pourtant les plus impliquées dans le malheur social qui lui arrive, cela est totalement déconcertant. Certes, encore une fois, dans ces Églises aussi on trouve des hommes et des femmes sensibles et justes qui compatissent avec les peuples ainsi traités injustement et qui cherchent à soulager tant soit peu leur détresse au niveau de ces « micro-relations » dont a parlé le pape Benoît. C’est dans la traditionnelle ligne de la sainteté individuelle habituellement prônée par toutes les Églises officielles. Mais passer à un engagement social public et structurel qui mette en cause les systèmes oppresseurs en cours dans ces pays, systèmes dont, évidemment ces Églises sont aussi bénéficiaires, voilà ce qui est difficile. C’est ainsi que, mises à part des protestations ecclésiales légitimes jusque dans les rues de leurs villes, contre des projets de loi internes à leurs pays comme l’avortement, la contraception, l’euthanasie, etc., elles ne vont pas sourciller pour les crimes contre l’humanité et contre les droits de l’homme que les intérêts de leurs pays font commettre. Pas de protestations publiques de solidarité de la part des évêques de ces Églises au nom de leur obligatoire « sollicitude de toutes les Églises » dont parle Vatican II dans Lumen Gentium n° 23, à la suite 2 Co 11,28 ! Pas de marches de soutien de la part des frères et soeurs chrétiens de ces pays ! Pas de condamnations cohérentes de ces systèmes iniques qui gouvernent le monde en leur seule faveur ! Rien !

Manifestement, c’est sur toutes les cultures et civilisations humaines et même sur notre manière d’être chrétien que doit encore passer la lumière de Jésus-Christ. Comment passe-t-elle sur la recherche de la vie en abondance chez l’Africain-Luba ?

3. L’Africain-Luba et l’abondance de vie à la lumière de Jésus-Christ

3.1 À la croisée de « l’évangélisation des cultures » et de « l’inculturation de l’Évangile »

Le Pape Jean-Paul II a été un de ceux qui ont le plus approfondi ce binôme aux termes inséparables, si l’on veut faire porter tous ses fruits à l’Évangile de Jésus-Christ, binôme qu’il a défini comme : « l’incarnation de l’Évangile dans les cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église » (Jean-Paul II 1985, 724).

En effet, d’après les belles expressions du théologien brésilien Leonardo Boff :

Les cultures, dans leur aspect de production de sens pour la vie, dans leur dimension éthique et, particulièrement dans leur expression religieuse, sont un écho de la voix de Dieu, qui s’adresse toujours à la société et à chaque subjectivité humaine. Les cultures sont des réponses, plus ou moins fidèles, à la proposition divine de communion, de vie et de plénitude »,

ou encore :

« L’Esprit-Saint est l’imagination divine dans les cultures ».

Boff 1982, 44-45

Voilà pourquoi, pour se révéler à l’humanité, affirme encore Jean-Paul II, la Parole de Dieu a eu recours à ces cultures.

Toujours, dit-il dans une allocution à la Commission Biblique Pontificale sur l’insertion culturelle de la Révélation, Dieu a communiqué ses merveilles en se servant du langage et de l’expérience des hommes. Les cultures mésopotamiennes, celles d’Égypte, de Canaan, de Perse, la culture hellénique et, pour le Nouveau Testament, la culture gréco-romaine et celle du judaïsme tardif, ont servi, jour après jour, à la révélation de son mystère ineffable de salut.

Jean-Paul II 1979, 455

Cependant, marquées par le péché et l’ambiguïté de l’homme, les cultures, livrées à elles-mêmes, ne sauraient correspondre parfaitement à la Révélation de Dieu. Pas même les Écritures Saintes de l’Ancien Testament, encore inachevées et marquées du sceau de la pédagogie divine et de l’économie du salut. Il fallait que vienne « l’accomplissement du temps » où « Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs » (Ga 4,4-5).

On ne pouvait mieux caractériser Jésus-Christ, « Verbe fait chair qui est venu habiter parmi nous » (Jn 1,14). Il lève d’abord une équivoque en affirmant qu’il ne vient pas « abroger la Loi ou les Prophètes » (de sa culture religieuse juive comme de toutes les autres cultures du monde), mais « les accomplir » (Mt 5,17), au temps, précisément, de l’accomplissement, en cette « période finale » qui est la sienne, où « après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses » (Hé 1,1-2).

Et avant toute spéculation théologique, c’est ce cheminement du Jésus des évangiles parmi ses contemporains, du berceau au tombeau, qui interpelle d’abord le chrétien, sa culture et sa société. C’est un Jésus qui naît d’une femme, recevant de Dieu la vie, d’une manière si mystérieuse — bien que similaire à tous les récits de naissances extraordinaires qu’on rencontre dans pas mal de religions (Al-Assiouty 1999, 124-125) — que « celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1,35). Il inaugure son ministère public de salut au bénéfice de ses contemporains par un programme d’action inspiré d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4,18-19). Et ses contemporains, à qui, en roulant le livre et en le redonnant au servant, il avait déclaré : « Aujourd’hui s’accomplit à vos yeux cette écriture » (Lc 4,21), n’ont pas été déçus.

En effet, dit Pierre, « il a passé en faisant le bien » (Ac 10,38), c’est-à-dire, en résumé, en donnant la vie. C’est ce que découvrirent les envoyés de Jean-Baptiste venus lui demander :

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? […] À cette heure-là, synthétise l’écrivain sacré, il guérit beaucoup de gens affligés de maladies, d’infirmités, d’esprits mauvais, et rendit la vue à beaucoup d’aveugles. Puis il répondit aux envoyés : Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi.

Lc 7,19-23

Mais ses contemporains n’ont-ils pas trébuché à cause de lui ?

3.2 Un malentendu tragique

Bénéficiaires d’une telle abondance de vie au quotidien, ont-ils pu imaginer, ces contemporains de Jésus, qu’il fût le donneur d’une autre vie, supérieure et d’un autre ordre que la vie au présent ? Pas si certain au vu de la conception messianique ambiante encore assez partagée entre le messianisme royal, destiné essentiellement au rétablissement de la dynastie davidique, humiliée par la chute de Jérusalem entre les mains des païens, et le messianisme eschatologique par lequel les prophètes commençaient à orienter l’espérance d’Israël vers le Roi futur (voir Vocabulaire de théologie biblique 1971, col. 747-748). Que de malentendus tragiques Jésus n’a-t-il pas eu à lever lui-même au milieu de ses contemporains au sujet de son offre de vie ? À la Samaritaine, qui croyait que l’eau dont il voulait lui faire don se limitait à celle du puits de Jacob, il explique qu’il s’agit d’une eau qui permet de ne plus jamais avoir soif et qui devient source jaillissante en vie éternelle (Jn 4,11-14). À Nicodème, qui n’entend le discours sur une nouvelle vie que comme un impossible retour dans le sein maternel pour naître à nouveau, il enseigne qu’il ne s’agit pas de naître de la chair, mais d’eau et d’Esprit (Jn 3,3-5). À la foule bénéficiaire de son miracle de la multiplication des pains, qui le recherche désormais partout pour continuer à rassasier leur faim matérielle, il tient un discours qui en fera trébucher un grand nombre :

En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes [ils étaient incapables, en effet, de lire dans la multiplication des pains le signe d’une autre nourriture], mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés. Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme.

Jn 6,26-27

Aux pharisiens, qui lui contestent le statut de fils de Dieu et déclarent avoir eux-mêmes Dieu comme seul père, il réplique : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne m’écoutez pas » (Jn 8,41.48). À ses disciples d’Emmaüs, qui croyaient que tout était fini et définitivement perdu avec sa mort (comment dès lors n’en serait-il pas de même, à plus forte raison, de la leur ?), il vient ouvrir l’intelligence de son mystère et brûler d’enthousiasme leur coeur pour qu’ils renouvellent leur espérance dans la vie qui est plus forte que la mort et se lancent sur les chemins du monde pour en témoigner (Lc 24,13-35). À ses apôtres qui, jusqu’au dernier moment, le considèrent encore comme le restaurateur temporel de la royauté davidique, il donne plutôt mandat d’aller enseigner, par le témoignage, les véritables valeurs de son Royaume qui n’est pas de ce monde (Ac 1,6-8 ; Jn 18,36).

Lue en termes d’histoire et de sociologie de la religion, l’offre de vie de Jésus, en tant qu’acteur socioreligieux, aux différentes catégories socioreligieuses de son temps pose le problème de leur condition sociale et du type d’intérêts religieux correspondant à leur situation objective dans la structure sociale d’Israël en ce temps-là. Ainsi on avait la catégorie des am-ha-arez, ou, littéralement « peuple de la terre », qui constituaient la base sociale la plus nombreuse de Jésus à laquelle il avait réservé pratiquement l’exclusivité de son activité bienfaisante, masse populaire marginalisée, dominée, méprisée culturellement, insignifiante économiquement et socialement et aux intérêts plus immédiats. On avait les classes supérieures des pharisiens, scribes, sadducéens, esséniens, hérodiens, aux intérêts plus intellectuels, plus politiques et plus religieux. On avait les zélotes, nationalistes fanatiques en lutte acharnée contre la domination romaine de leur pays, etc. Face à toutes ces catégories socioreligieuses de son temps, la proposition de vie de Jésus est apparue, selon l’expression des sociologues, comme « une idéologie arbitraire », c’est-à-dire d’ordre absolu par rapport à la société immédiate, ou encore comme une « utopie » au sens étymologique d’une offre de vie « sans lieu » limitatif, mais qui dépasse toutes les exigences de vie que lui présentent ses contemporains, ainsi que le prouvent les quelques exemples du malentendu que nous venons d’épingler entre lui et eux (Houtart 1980, 231-253 ; Daniel-Rops 1961, 182 et 456-486).

L’on comprend dès lors que la mort de Jésus en croix ait été finalement, selon les récits évangéliques, le résultat d’une coalition de toutes ces catégories sociales et religieuses : les forces de l’Empire romain, pour lesquelles l’argument décisif donné à Pilate pour arracher sa décision de la condamnation à mort de Jésus fut qu’il ne devait pas lui permettre, sous peine de perdre son poste, de devenir le concurrent de César ; l’élite socioreligieuse juive des grands-prêtres et docteurs de la loi, dont il avait mis en danger l’hégémonie religieuse ; les zélotes, dont un ressortissant l’a livré, la masse des am-ha-arez, « versatiles » et « faciles à retourner », d’après Daniel-Rops (1961, 530), qui lui a préféré Barabbas, « par ignorance », selon le mot condescendant de Pierre (Ac 3,17), c’est-à-dire par la méconnaissance du dessein de salut de Dieu, mais aussi, sans doute, plus empiriquement, par le fait que son offre de vie ne correspondait pas entièrement à leurs attentes immédiates, mais les poussait, au contraire, à aller au-delà.

Et pour ne rien faciliter, cet au-delà lui-même reste malheureusement une grande inconnue, accueillie uniquement dans la foi : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra : et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jn 11,25-26). Qui, en effet, comprend ce que signifie la résurrection des morts pour l’homme, et son entrée dans la vie éternelle à la suite de Jésus-Christ ? En quoi consistent-elles, cette résurrection et cette vie éternelle ? Toutes les métaphores y afférentes, que l’on retrouve à travers toutes les religions, y compris le concept (non moins métaphorique) de la « vision béatifique » employé par la théologie chrétienne, gardent bien leur sens ambivalent d’expressions qui révèlent en cachant, qui cachent en révélant, qui comportent ressemblance et dissemblance au même moment, à telle enseigne que, d’après Rahner et Vorgrimler, « Dieu, même dans la vision (béatifique) demeure incompréhensible » (1970, 503-504).

Telle est, en définitive, la vie, toute la vie, que Jésus est venu apporter en abondance à l’humanité.

3.3 Et l’Africain en tout cela ?

En venant « habiter » chez lui aussi, en Afrique, Jésus-Christ y trouve parmi « toutes les richesses des nations qui (lui) ont été données en héritage » (Ad Gentes, n° 22), l’extrême richesse culturelle de la conception sacrée de la vie que les deux derniers Papes, par exemple, n’ont cessé d’exalter comme une de ses « valeurs culturelles et qualités inestimables [à] offrir aux Églises et à toute l’humanité » (Jean-Paul II 1995, no 42). Jean-Paul II en fait une synthèse qui reprend parfaitement tout ce que nous avons présenté ici dans la première section :

Dans la culture et la tradition africaines, le rôle de la famille est universellement considéré comme fondamental. Ouvert à ce sens de la famille, de l’amour et du respect de la vie, l’Africain aime les enfants, qui sont accueillis joyeusement comme un don de Dieu. Les fils et les filles de l’Afrique aiment la vie. De cet amour de la vie découle leur grande vénération pour leurs ancêtres. Ils croient instinctivement que les morts ont une autre vie, et leur désir est de rester en communication avec eux. Ne serait-ce pas, en quelque sorte, une préparation à la foi dans la communion des Saints ? Les Africains respectent la vie qui est conçue et qui naît. Ils apprécient la vie et rejettent l’idée qu’elle puisse être supprimée, même quand de soi-disant civilisations progressistes veulent les conduire dans cette voie. Des pratiques contraires à la vie leur sont toutefois imposées par le biais de systèmes économiques qui ne servent que l’égoïsme des riches. Les Africains manifestent leur respect pour la vie jusqu’à son terme naturel et, au sein de la famille, ils gardent une place aux anciens et aux parents.

Jean-Paul II 1995, no 43

Sur la même lancée, Benoît XVI, pour sa part, s’adresse à ce sujet aux Africains dans Africae munus en ces termes :

Dans la vision africaine du monde, la vie est perçue comme une réalité qui englobe et inclut les ancêtres, les vivants et les enfants à naître, toute la création et tous les êtres : ceux qui parlent et ceux qui sont muets, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point de pensée. L’univers visible et invisible y est considéré comme un espace de vie des hommes, mais aussi comme un espace de communion où des générations passées côtoient invisiblement les générations présentes, elles-mêmes mères des générations à venir. Cette ample ouverture du coeur et de l’esprit de la tradition africaine vous prédispose, chers frères et soeurs, à entendre et à recevoir le message du Christ et à comprendre le mystère de l’Église pour donner toute sa valeur à la vie humaine et aux conditions de son épanouissement.

Benoît XVI 2011, no 69

Et ces papes ont bien raison lorsque l’on découvre encore aujourd’hui chez des catégories d’Africains particulièrement significatives, comme les femmes, porteuses de la vie, et les jeunes, avenir de la vie, une intéressante intégration de cette valeur fondamentale à leur adhésion à Jésus-Christ. C’est ce que nous révèlent certaines enquêtes menées récemment dans quelques pays africains auprès de ces couches de la population.

D’abord le témoignage d’André Ouattara, prêtre burkinabé, après 10 ans de travail d’aumônier diocésain auprès de jeunes de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), grande ville de plus de 100 000 habitants, aumônerie dont il dit lui-même qu’elle « s’adresse au tout-venant, à la jeunesse informelle, qui regroupe des travailleurs comme des non-travailleurs, des ruraux comme des urbains, des scolaires comme des non-scolaires » (Ouattara 2001, 310).

Pendant qu’il y a lieu de reconnaître, est-il dit dans l’introduction de l’éditeur à l’article d’André Ouattara, que les intérêts de la nouvelle génération, spécialement dans les grandes villes, ne vont pas nécessairement — qu’on se souvienne du livre d’Eloi Messi Metogo — aux questions religieuses, que les lycéens d’Abidjan connaissent bien mieux les vedettes nationales et internationales de la chanson qu’ils ne connaissent Jésus-Christ et que dans tel collège chrétien de Libreville, il faut presque se faire pardonner de parler de la foi (qui ne figure, d’ailleurs, pas dans les matières d’examen), l’expérience d’André Ouattara révèle le dessous des cartes. Pour la grande majorité de ces jeunes disparates, dit-il, « il ne leur vient pas un seul instant à l’esprit de douter profondément de l’existence de Dieu, portés qu’ils sont en cela par leur milieu social. Ainsi donc l’athéisme, ou même simplement l’état de libre penseur, sont plus le fait d’une attitude intellectuelle que — nous l’avons déjà dit — d’une conviction profonde » (Ouattara 2001, 309-311).

Mais dans sa recherche de mieux saisir l’identité de Dieu, le jeune (africain) converti découvre Jésus-Christ, au bout de son cheminement. Et à la question : « Pour vous, qui est Jésus-Christ ? (Mt 16,13), posée à un groupe de jeunes collégiennes de la classe de troisième au cours d’une retraite qu’elles suivaient, André Ouattara affirme :

le visage que les jeunes retiennent surtout de Jésus et qui les attire, c’est celui de la vie. D’où les titres qu’ils lui donnent : Ami, Amour, Guide, Confident, Vivant, Vrai, Frère, Camarade, Symbole d’unité, Donneur de pardon, Intermédiaire, Guérisseur, Consolateur, Source de vie, Grand frère, Vainqueur, Sauveur, Chemin, Vérité […].

Mais, plus que par leurs affirmations verbales, c’est surtout par leur vie et leurs divers engagements que ces jeunes expriment leur foi. C’est là que Jésus leur apparaît comme « un modèle à suivre, qui apporte un monde nouveau » et que le jeune africain se sent « appelé à collaborer avec lui ». C’est là qu’il l’éprouve comme « une personne qui fait changer de vie ». « Les jeunes ont pris conscience que Jésus-Christ a quelque chose à faire dans leur vie… » (Ouattara 2001, 315-319).

Voilà comment ces jeunes d’André Ouattara « assument, pour un merveilleux échange (avec Jésus-Christ, venu habiter parmi eux) toutes les richesses de leur nation » (Ad Gentes, n° 22).

Quant à la catégorie des femmes africaines, c’est la soeur Josée Ngalula Tshianda, Congolaise de la RDC, des Soeurs de Saint-André, qui a mené l’enquête parmi les femmes engagées dans leurs communautés chrétiennes dans la ville de Kinshasa, mégapole de 10 000 000 d’habitants et capitale de la RDC. Il s’agit de femmes, dit-elle, dont la majorité survit au milieu de situations dramatiques de crise politique, économique et socioculturelle, grâce à leur propre labeur, luttant quotidiennement, par le travail accompli à domicile, dans les champs, dans le commerce, etc. (Ngalula Tshianda 2001, 323-324).

Dans la dure situation que ces femmes vivent, où est la place de Jésus-Christ ? Ngalula Tshianda l’illustre, à travers leur activité commerciale, par des gestes et des symboles qui leur ressemblent plus que des discours bien formulés. Dans cette

activité combien éprouvante, dont le succès n’est pas toujours garanti, pour réussir, beaucoup recourent aux amulettes et aux fétiches que leur offrent les nombreux marchands de chance, de réussite facile. Certaines commerçantes chrétiennes les refusent, au nom de leur foi au Christ, en prenant le pari de compter uniquement sur lui : « Lui connaît bien notre misère, il sait bien que nous travaillons pour nos enfants et nos familles ». [Et] pour bien montrer aux autres qu’elles comptent sur la seule fidélité du Christ, elles glissent volontiers un petit crucifix, une petite bible, une petite image pieuse quelque part sous les articles qu’elles vendent.

Et Josée Ngalula de conclure par cette réflexion :

« Superstition ! », diraient certains ! « Tout est langage », diraient d’autres. Que veulent signifier ces gestes ? Ces femmes ne sont pas oisives à attendre que le Christ leur mette la nourriture toute prête dans la bouche ; elles travaillent dur ! Elles veulent plutôt lui exprimer et afficher publiquement devant leurs compagnes qu’elles croient que, dans cette lutte pour la vie, la volonté du Dieu de Jésus-Christ est qu’elles et les leurs aient la vie en abondance […] Lui, le Christ, répètent-elles, ne nous ment pas en nous donnant l’illusion que la vie est seulement douce et belle ; il nous la montre telle qu’elle est et nous apprend comment la traverser pour arriver dans la gloire comme lui.

Ngalula Tshianda 2001, 324-325

Conclusion

Résumons-nous : la symbiose est manifestement possible entre la soif de la vie chez l’Africain et le don de la vie en abondance qu’apporte Jésus-Christ. Mais cet Africain — et l’Africain-Luba dont nous parlons en particulier — n’est pas à l’abri du « malentendu tragique », évoqué plus haut, dans sa relation à Jésus-Christ, qui se définit lui-même comme « La Vie » (Jn 14,6).

Du berceau au tombeau, que l’Africain donc lutte pour la protection et l’épanouissement maximal de sa vie, individuelle et communautaire, fondé sur cette tonifiante parole de Benoît XVI, selon laquelle « l’ouverture à la vie est au centre du vrai développement », Dieu étant « garant du véritable développement de l’homme, puisque, l’ayant créé à son image, il en fonde aussi la dignité transcendante et alimente en lui la soif d’être plus » (Benoît XVI 2009, nos 28 et 29).

« Être plus », voilà où se situera toujours le lieu du dépassement de la soif immédiate de la vie chez l’Africain pour qu’il puisse s’ouvrir lui aussi à l’inédit du don de Dieu : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive » (Jn 4,10), c’est-à-dire l’eau qui n’en finit pas de donner la vie, en ce monde et dans l’éternité.