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À l’instar d’autres revues spécialisées en traduction comme Meta, Livius, Turjumán, Hieronymus, les fondateurs de Hermēneus ont cherché dans l’histoire le nom de leur publication. Ils ont choisi le mot grec désignant l’interprète ou le traducteur, associé au mythe de Hermès. Dans la mythologie grecque, Hermès est le messager de Zeus et le héraut des dieux. C’est en effet à Hermès que Zeus a confié l’honorable tâche de permettre la communication entre les dieux et les mortels.

Hermēneus est la revue de la Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Valladolid qui a son siège à Soria. Elle se présente comme une revue à caractère scientifique de parution annuelle dont le premier numéro a vu le jour en 1999 (2005 verra donc le no 7). Son objectif est la publication d’articles originaux, de comptes rendus et autres travaux portant sur la traduction, l’interprétation, la linguistique, les sciences humaines, la documentation et la littérature. Les langues de publication sont l’espagnol, le français, l’anglais, l’allemand et l’italien. Toute autre langue est néanmoins acceptée à condition qu’elle utilise des caractères latins. Détail original, tous les auteurs sont invités à soumettre le titre de leurs travaux dans la langue de publication et en anglais, ce qui rend possible, dans chaque numéro, une table des matières bilingue : langue de publication et anglais.

Chaque numéro de Hermēneus est scrupuleusement divisé en cinq parties. La première est l’éditorial du directeur de la revue, Juan Miguel Zarandona, ou d’un auteur invité. La seconde, le coeur de la revue, comprend les articles de fond, en moyenne neuf par numéro. Une troisième partie est consacrée aux comptes rendus d’ouvrages de traduction et d’autres domaines d’intérêt de la revue. Dans la quatrième partie : « Traductions », Hermēneus a innové en publiant des traductions littéraires : poèmes, fables, nouvelles, etc. Une excellente occasion pour les traducteurs littéraires de faire connaître leurs travaux. La dernière partie de la revue, « Divers », bien éclectique, offre au lecteur aussi bien une étude statistique du marché de la traduction vers les langues étrangères en Espagne (no 3), qu’une traduction annotée d’un poème (no 4), une lettre ouverte aux futurs traducteurs (no 1) ou encore un errata (no 4).

En tant que revue arbitrée, Hermēneus sollicite la collaboration d’un nombre non négligeable d’universitaires susceptibles d’évaluer les diverses langues et les multiples domaines d’intérêt de la revue. Afin de relever un tel défi, Hermēneus compte un nombre assez impressionnant de collaborateurs venant de partout dans le monde. Parmi ses membres correspondants figurent des traductologues espagnols bien connus comme María Teresa Cabré [1], Mariano García Landa[2], Valentín García Yebra [3], Julio-César Santoyo[4], Esteban Torre,[5] ou Miguel Angel Vega [6]. Parmi ses correspondants internationaux, on trouve des traductologues de renommée internationale comme Mona Baker, Michel Ballard, Jean Delisle, Yves Gambier, Daniel Gouadec, Theo Hermans, Peter Newmark, Eugène Nida, Christiane Nord et Gideon Toury, pour ne mentionner que quelques-uns d’une liste longue de deux pages.

Fidèle à son caractère multilingue et international, Hermēneus est répertoriée dans les bases de données ISOC del Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC) espagnol [Conseil supérieur de la recherche scientifique] et dans le MLA International bibliography/Directory of Periodicals. Les résumés de la revue peuvent être consultés dans la revue spécialisée Translation Studies Abstracts de St. Jerome Publishing, dans Linguistics and Language Behaviour Abstracts, et dans Cambridge Scientific Abstracts (CSA). Hermēneus est ainsi à la portée de la communauté scientifique internationale. Pour les internautes, Hermēneus offre le portail http://www.uva.es/hermeneus/ où il est possible de trouver la table des matières de chaque numéro ainsi que tous les renseignements concernant le projet Hermēneus.

Un survol des articles publiés dans les cinq numéros de Hermēneus révèle une nette prédominance des articles écrits en espagnol. Mais le fait de favoriser l’espagnol comme langue de rédaction n’implique pas la restriction des sujets traités au contexte hispanique. Outre les articles sur l’interprétation, on trouve des articles sur l’histoire de la traduction portant sur Saint Jérôme (no 1) et Horace (no 2), sur les traductions espagnoles d’Andromaque de Racine, de l’Iliade et de poèmes de Coleridge (no 3), les traductions espagnole et anglaise de « Le tredici questioni d’Amore » de Boccaccio (no 5). Figurent également bon nombre d’articles sur des problèmes de traductologie comme le rapport entre le traducteur et la théorie « Traductor y teoría de la traducción » (no 5), les théories post-modernes de la traduction « Traducción y posmodernidad : una relación necesaria » (no 4) ou encore sur la peur de la traduction littéraire au Québec « Del miedo a la traducción en Quebec » (no 5). De tous les articles publiés par Hermēneus, tous domaines confondus, au cours de ses cinq premières années, la traduction littéraire vient en première place suivie de l’interprétation, de l’histoire de la traduction, de la théorie de la traduction et des études comparées. Il est aussi intéressant d’observer, au fil des numéros, le nombre croissant d’articles portant sur l’enseignement de la traduction et sur la terminologie. Décidément, le grand mérite d’Hermēneus est de se porter en héraut de la forte tradition philologique qui domine les universités espagnoles.

Par des travaux rédigés dans une grande variété de langues, Hermēneus essaie de tirer le meilleur parti du mythe de Babel. La nature polyglotte de la revue est le reflet de l’hétérogénéité linguistique européenne bien représentée dans les pages de ces cinq premiers numéros. Les plus grands bénéficiaires de la tribune offerte par Hermēneus sont les chercheurs espagnols. L’Espagne est un pays où les programmes de formation en traduction se sont multipliés au cours des vingt dernières années. Malgré cette croissance, les hispanophones et hispanophiles de ce côté de l’Atlantique intéressés par les discussions traductologiques noteront une certaine timidité de ces programmes à se faire connaître d’une manière plus décidée dans le Nouveau Monde. La communauté hispanophone, grande consommatrice de traductions, mérite de plus nombreuses publications scientifiques sur la traduction et surtout une incidence plus grande sur la scène internationale. C’est le rôle que des publications telles que Hermēneus sont appelées à remplir.

Nous ne ferons que deux petits reproches à Hermēneus. Le premier est de ne pas avoir levé son anonymat plus tôt à une bonne partie des universitaires de ce côté de l’Atlantique, spécialement de l’Amérique latine. Nous constatons que, parmi les quelque cinquante articles publiés par la revue, seuls deux sont écrits par des auteurs travaillant en dehors des frontières du continent européen. Notre deuxième reproche concerne l’absence totale d’articles portant sur la traduction de textes en langue de spécialité. Une fois encore, il faut rendre hommage à la tradition philologique espagnole, mais de là à laisser croire que les écoles espagnoles de traduction n’enseignent que la traduction littéraire, il y a une marge…

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les lecteurs d’Hermēneus ont aussi droit à deux sections qui donnent à la revue un caractère particulier : « traductions » et « divers ». Il est à regretter cependant qu’aucune indication ne soit fournie quant aux caractéristiques des textes qui pourraient être inclus dans ces deux sections.

Longue (et productive) vie à la revue de la Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Valladolid. Nous sommes confiants qu’un tel but ne sera guère difficile à atteindre compte tenu de l’excellente qualité des articles et de la conception générale de la revue.Hermēneus fait partie d’un projet du même nom qui comprend deux autres publications : Vertere et Disbabelia. « Vertere. Monográficos de la revista Hermēneus ». Les sujets traités dans Vertere sont les mêmes que ceux d’Hermēneus, mais, dans le cas de Vertere, ils sont abordés dans un volume supplémentaire de nature monographique, c’est-à-dire qu’ils constituent un travail de recherche d’une taille beaucoup plus importante sur un thème particulier. « Disbabelia. Collección Hermēneus de traducciones ignotas » est une collection de traductions de textes peu connus portant sur des sujets de nature littéraire ou philologique. Les originaux de ces traductions doivent être rédigés dans une langue minoritaire, exotique ou morte. Les objectifs de Disbabelia ne sont pas commerciaux, mais nettement culturels, les responsables de cette publication prétendant faire de la multiplicité des langues une bénédiction et non une malédiction.