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Introduction

La flexibilité du marché du travail à travers des formes particulières d’emploi constitue l’une des innovations majeures en économie du travail au cours de ces 30 dernières années. Pour les employés, la flexibilité a été introduite pour limiter la progression rapide du chômage en créant des emplois (Cahuc et Postel-Vinay, 2002; Blanchard et Landier, 2002) ou pour servir de tremplin aux jeunes chercheurs d’emploi en améliorant leur expérience (D’Addio et Rosholm, 2005; Givord, 2005). Malgré les dispositions légales interdisant toutes différences salariales non justifiées par les facteurs d’offre et de demande de travail, des formes particulières d’emploi sont souvent utilisées par les entreprises pour justifier les pertes salariales dont sont victimes les employés sous contrat précaire (Jimeno et Toharia, 1993; Blanchard et Landier, 2001; Booth, Francesconi et Frank, 2002). Jimeno et Toharia (1993) en utilisant différents échantillons fournis par l’Office espagnol de la statistique trouvent un écart salarial de 10,8 % en 1991 et de 8,5 % en 1993 entre les employés permanents et les employés temporaires. De la Rica et Felgueroso (1999) quant à eux trouvent un écart salarial de 15 % entre les hommes permanents et temporaires et de 7 % entre les femmes permanentes et temporaires des secteurs industrie et des services espagnols. En France, Blanchard et Landier (2001) évaluent à 20 % l’écart salarial entre les employés sous contrat à durée déterminée (CDD) et les employés sous contrat à durée indéterminée (CDI) tandis que Booth et al. (2002) l’évaluent à 6 % pour les hommes et 10 % pour les femmes en Angleterre. Si la plupart des études économiques ne réfutent pas l’hypothèse d’une perte salariale par les CDD due à leur statut d’emploi précaire, les résultats obtenus à partir des données espagnoles les remettent en cause. À partir d’une décomposition salariale à la Oaxaca et Blinder, Davia et Hernanz (2004) montrent qu’à caractéristiques identiques, les travailleurs sous CDD reçoivent une prime salariale de 11,2 % et 21,8 % pour les employés de moins de 30 ans et ceux de plus de 30 ans respectivement, par rapport à leurs homologues sous CDI.

Ce différentiel salarial trouve des explications dans les théories insiders/outsiders et dans les théories de la promotion. En effet, la fixation des salaires est très souvent l’aboutissement d’un processus de négociation (Layard et al., 1991) où les intérêts des employés sont représentés par les insiders. Ces derniers conduisent la négociation avec à l’esprit seulement leurs intérêts. Avec l’introduction des contrats précaires, la force de travail est séparée en deux groupes : le groupe des insiders (employés permanents) et le groupe des outsiders (employés sous contrats précaires) avec des faibles coûts de licenciement et un attachement fragile à l’employeur. Cette fragilité diminue le pouvoir de négociation des outsiders et augmente celui des insiders (Bentolila et al., 1994). Sous ces conditions, les insiders peuvent être capables d’obtenir des salaires élevés.

Les employés sous contrats précaires bénéficiant d’une promotion (passage d’un CDD ou du contrat verbal à un CDI) pourraient eux aussi obtenir des salaires élevés. Okun (1981) et la théorie du marché du travail des carrières expliquent ce phénomène par le fait que les entreprises ayant une stratégie de carrière des employés développent un mode particulier d’organisation où la structure interne des salaires ne correspond pas aux mécanismes du marché. Cette structure interne permet une échelle de salaire qui commence par les rémunérations en dessous de la productivité marginale de l’employé et atteint, par la suite, un niveau plus élevé que les meilleures opportunités alternatives et un avancement jusqu’au sommet de l’échelle de rémunération habituellement octroyée dans cette profession, après acquisition des compétences requises. Suivant cette logique, les nouvelles recrues (qui sont très souvent les employés sous CDD) occupent de bas niveaux d’emploi associés aux faibles salaires et accèdent aux postes seniors associés aux hauts salaires par la promotion interne (Lazear, 1981).

Cet article a pour objectif d’étudier la segmentation du marché du travail en se basant sur les différentiels salariaux entre les détenteurs des différents statuts contractuels observés dans les entreprises du secteur manufacturier camerounais. Il présente un double intérêt. Tout d’abord, en se positionnant dans le prolongement des analyses microéconomiques des contrats de travail, il est l’une des premières applications aux pays en développement, notamment à ceux d’Afrique subsaharienne. Il vient ainsi réduire le déficit de travaux sur les aspects microéconomiques des contrats de travail. Ensuite, au-delà de la distinction CDI/CDD[1], il intègre les particularités du marché du travail camerounais en relevant le caractère écrit ou verbal du contrat de travail.

Le reste de l’article est organisé comme suit. La section 1 présente le cadre institutionnel des contrats de travail au Cameroun. La section 2 est consacrée à la présentation des données et à la description de quelques faits stylisés. La section 3 propose une méthodologie pour évaluer les écarts salariaux entre les différents statuts contractuels et effectuer un test de segmentation du marché du travail. La section 4 présente les résultats et la dernière section conclut.

1. Cadre institutionnel des contrats de travail au Cameroun

Les aspects institutionnels du marché du travail camerounais sont clairement orientés vers la flexibilité du marché du travail; et constituent en cela, l’un des résultats des programmes d’ajustement structurels (PAS). Les mesures prises dans le cadre des PAS pour corriger les déséquilibres macroéconomiques, réduire la vulnérabilité de l’économie par rapport aux chocs extérieurs et améliorer la compétitivité de l’économie camerounaise se sont traduites par un ensemble de réformes touchant tous les domaines de l’activité économique, le marché du travail y compris. À cet égard, le marché du travail a été marqué par l’adoption dès 1992 d’un nouveau Code du travail. Le Code du travail de 1992 est vu comme une solution aux défaillances du Code de 1974, devenu inadapté aux exigences de la compétitivité de l’économie camerounaise. À titre d’exemple, les dispositions relatives aux contrats de travail étaient jugées trop rigides, notamment en ce qui concerne la signature et l’exécution des contrats à durée déterminée.

La révision du Code du travail a porté sur les syndicats, la réduction du rôle de l’État et les négociations concernant la relation de travail. Les conditions de signature d’un contrat de travail à durée déterminée sont devenues plus souples, n’exigeant plus par exemple une autorisation administrative. De même, plusieurs formes d’emplois précaires sont apparues dans le Code de 1992. Ces emplois varient en fonction de l’attachement à l’entreprise, de la durée du contrat, du nombre de son renouvellement et de son caractère écrit ou verbal. Le dénominateur commun de ces formes d’emplois est qu’ils conduisent tous à un CDI. La durée maximale d’un contrat précaire est de 48 mois. Ces contrats sont automatiquement transformés en CDI si après son expiration l’employé continue de travailler pour l’entreprise. Le CDI, le contrat temporaire, les contrats occasionnels et les contrats saisonniers peuvent être verbaux, ce qui est susceptible de cacher certaines disparités dans la mesure où plusieurs employés recrutés sous contrat verbal signent un CDI après l’expiration de leur contrat précaire (Fomba Kamga, 2008). Ils sont donc différents de ceux qui sont en CDI de façon tacite. Pour mettre en exergue ces disparités, les employés sous CDI dans la présente étude sont ceux qui ont effectivement signé un contrat libellé tel quel.

2. Données, définitions des variables et quelques faits stylisés

2.1 Données

Les données utilisées dans cet article proviennent de l’enquête « Conditions de travail dans le secteur manufacturier camerounais » réalisée en 2006 en collaboration avec le Consortium pour la Recherche Économique en Afrique (CREA). Les entreprises ont été choisies à partir du fichier des entreprises camerounaises disponible à l’Institut national de la statistique (INS). Le fichier de 3985 entreprises de l’INS montre que dans l’ensemble, près de 85,82 % des entreprises camerounaises sont localisées à Douala et Yaoundé, soit 60,22 % et 25,6 % respectivement. De même, ce fichier montre que 87,69 % des entreprises du secteur manufacturier sont localisées à Douala et Yaoundé, à raison de 72,05 % (433) et 15,64 % (94) respectivement. Sur la base de ces statistiques, l’enquête s’est intéressée aux entreprises manufacturières du secteur formel, de ces deux villes (Yaoundé et Douala), ayant au moins 15 employés. La méthode des quotas a permis de déterminer le nombre d’entreprises et d’employés à enquêter dans chaque ville, mais aussi le nombre d’employés à interroger dans chaque entreprise. Après traitement des données, un échantillon de 65 entreprises et 1809 employés a été retenu. Le fichier « employé » de l’enquête contient, en plus des caractéristiques individuelles des employés et de l’entreprise (âge, sexe, statut matrimonial, éducation, taille du ménage, exercice d’une activité secondaire, secteur d’activité, taille de l’entreprise, etc.), un volet important relatif au statut contractuel actuel des employés, à leur historique d’emploi, à leur affiliation à la sécurité sociale, à l’existence d’une assurance maladie. Dans l’échantillon retenu, 29,24 % des entreprises opèrent dans le secteur chimique; 23,07 % dans le secteur agroalimentaire, 27,69 % dans le secteur plastique et papier et 20 % dans le secteur mécanique.

2.2 Définition des variables

L’analyse de la transition sur le marché du travail permet de suivre la trajectoire professionnelle de chaque employé. Cette trajectoire est décomposée en trois étapes : le statut d’emploi de l’employé avant l’entreprise actuelle[2], son statut au moment de son recrutement dans l’entreprise actuelle et son statut au moment de l’interview. Les employés recrutés sous CDI ne changent pas de statut. Ceux recrutés sous contrat verbal peuvent soit transiter vers un CDI, un CDD ou rester sous contrat verbal. Dans la même logique, les employés recrutés sous CDD peuvent transiter vers un CDI, vers le contrat verbal ou rester sous CDD. La transition d’un CDD vers un contrat verbal signifie que le contrat de travail à durée déterminée est arrivé à son terme et n’a pas été renouvelé mais l’employé continue de travailler dans l’entreprise.

Le tableau 1 montre la transition entre ces trois états. Les employés qui ne changent pas de statut sont sur la diagonale principale et ceux qui changent de statut sont de part et d’autre de cette diagonale. Il apparait par exemple que 304 employés sont partis d’un contrat verbal vers le CDI. Parmi les 1218 employés qui étaient sous CDD ou sous contrat verbal au moment du recrutement, 473 sont sous CDI au moment de l’interview.

Tableau 1

Matrice de transition entre le recrutement et le moment de l’interview

Matrice de transition entre le recrutement et le moment de l’interview

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Nos analyses prennent en compte les transitions dans l’entreprise lorsque celle-ci permet à l’employé d’améliorer la qualité de son emploi. Mais, lorsque la transition s’accompagne d’une perte de la qualité d’emploi, on maintient le statut initial. Le tableau 1 montre que 72 employés sous CDD ont vu leur contrat arriver à leur terme sans que celui-ci ne soit transformé en CDI. Ils sont sous contrat verbal, mais comme les termes du contrat signé existent toujours, ce travail considère qu’ils demeurent sous CDD puisqu’ils peuvent faire valoir leur CDD même expiré devant une tierce personne, notamment l’inspecteur de travail ou le juge. Par contre, les employés sous contrat verbal qui signent un CDD sont considérés comme ayant bénéficié d’une promotion. Avec ces hypothèses, les employés sont classés en trois groupes. Le premier groupe de 1064 employés est constitué des employés sous CDI (ceux recrutés directement CDI = 591 et ceux qui l’ont été après un contrat précaire = 473). Le second groupe de 137 employés est constitué des employés sous CDD (ceux recruté sous CDD qui n’ont pas encore bénéficié d’une promotion ou signé un CDI, et ceux qui sont partis d’un contrat verbal vers un CDD). Le troisième groupe de 608 employés est constitué des employés qui ont été recrutés sous contrat verbal et qui y sont toujours[3].

La seconde variable clé de ce travail est le salaire de l’employé. Le salaire mensuel de l’employé est obtenu en faisant la somme de son salaire de base, des primes et des indemnités diverses. Les allocations en nature ont été évaluées aux prix appliqués dans le marché le plus proche. En plus, nous disposons du nombre d’heures de travail par semaine. En faisant recours à la statistique de Marcouiller et al. (1997), on obtient les salaires horaires en utilisant l’expression : Salaire_horaire = (Salaire_mensuel * 12)/(Heures_hebdomadaire * 52).

2.3 Formes contractuelles et comparaison des salaires

Dans le tableau 2 nous présentons le volume horaire et le salaire horaire moyen pour chaque type de contrat de travail. La quatrième ligne du tableau détermine le différentiel horaire et salarial des employés sous contrat verbal par rapport à ceux qui sont sous CDD et sous CDI. La cinquième ligne du tableau évalue le différentiel horaire et salarial des employés qui sont sous CDD par rapport à ceux qui sont sous CDI. La dernière ligne du tableau donne la moyenne des heures travaillées par semaine ainsi que le salaire horaire pour l’ensemble de l’échantillon. Les résultats obtenus montrent qu’il peut y avoir un processus de sélection non aléatoire dans les différents états du marché du travail. En effet, le différentiel salarial entre VERBAL et CDD est négatif (41,50 %) mais les deux groupes d’employés ont le même nombre d’heure de travail par semaine. La différence salariale entre VERBAL et CDI est aussi négative (64,23 %) alors que les employés sous contrat verbal travaillent 7,91 % plus que ceux qui sont sous CDI. Cependant, cette mesure du différentiel salarial ne reflète pas le coût net que la précarité de l’emploi implique pour les travailleurs. Premièrement, le coût net peut être plus élevé ou plus faible que celui calculé à partir du différentiel salarial à cause des différences entre les caractéristiques observées des individus. Deuxièmement, l’échantillon des employés sous CDD ou sous contrat verbal pourrait être un échantillon non aléatoire de travailleurs. Par conséquent, leur salaire moyen ne peut représenter celui d’un employé choisi au hasard qui a été recruté sous CDD ou sous contrat verbal.

Tableau 2

Volume de travail hebdomadaire et salaire horaire par statut contractuel[1]

Volume de travail hebdomadaire et salaire horaire par statut contractuel1

Les valeurs entre parenthèses sont les écarts types.

*** indique la significativité à 1 %.

1

Le différentiel de salaire horaire ou du nombre d’heures de travail par semaine entre deux statuts contractuels différents j et k est donné par : equation: 1883435n.jpg * 100 où Ij et Ik indiquent le nombre moyen d’heures par semaine ou le salaire moyen horaire des employés des statuts contractuels j et k respectivement.

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Le tableau 3 donne les caractéristiques des variables utilisées dans les différentes estimations. Ce tableau montre qu’il y a des différences importantes entre les trois groupes d’observations. Premièrement, les jeunes, les célibataires, les moins syndiqués, les employés du niveau primaire, les employés ne bénéficiant pas d’une affiliation à la sécurité sociale ou d’une assurance maladie financée par l’entreprise, les employés n’ayant pas bénéficié d’une formation financée par l’entreprise, les employés issus du chômage et ceux des faibles catégories socioprofessionnelles ont une forte chance de se retrouver sous contrat verbal. Par contre, les employés sous contrat verbal se retrouvent plus dans les entreprises ayant moins de 50 employés.

Par contre, les employés sous CDI sont plus âgés, ont une longue ancienneté, bénéficient plus d’une formation financée par l’entreprise, sont plus enclins à être membre d’un syndicat, bénéficient plus d’une assurance maladie financée par l’entreprise et de l’affiliation à la sécurité sociale. En plus, ils sont davantage représentés parmi les employés diplômés de l’enseignement supérieur ou des catégories socioprofessionnelles supérieures. Les femmes représentent 16,25 % d’employés et sont plus représentées dans le statut contractuel CDI car 17,86 % y sont. Celles-ci se retrouvent plus dans les grandes entreprises, dans le secteur chimique et dans les entreprises localisées à Douala.

Tableau 3

Statistiques descriptives (%)

Statistiques descriptives (%)

Note : Les valeurs entre parenthèses sont les écarts types.

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3. Méthodologie

3.1 Modèle économétrique

Cette section développe un modèle joint de choix du statut contractuel et de détermination des salaires. Le fait que le choix d’un statut contractuel n’est pas exogène et que les individus n’ont pas la même chance de choisir chaque statut contractuel pose le problème du biais de sélection. La méthodologie permet donc de résoudre le problème du biais de sélection dans la détermination des équations de salaires. Cette approche permet de contrôler l’hétérogénéité inobservée parmi les employés et d’étudier le mécanisme par lequel les employés sont affectés dans les différents statuts contractuels.

Supposons que les salaires sont déterminés par les relations suivantes :

i représente l’employé, V, T et P représentent respectivement VERBAL, CDD et CDI. Le logarithme naturel du salaire horaire de l’individu i sous le statut contractuel ∈{VTP} est lnWji, Xi est un vecteur des caractéristiques productives associées à chaque individu, les βj sont les vecteurs des paramètres à estimer, et les εji sont les termes d’erreur tels que εji → N(0, σ2).

Soit Yij la propension inobservée d’un individu i à choisir le statut contractuel j; laquelle est conjointement déterminée par les individus (facteurs relatifs à l’offre) et l’entreprise (facteurs relatifs à la demande). Chaque individu choisit le statut contractuel pour lequel sa propension est la plus grande. Soit Mi la valeur observée du statut contractuel j pour l’individu i, alors :

Nous pouvons écrire les Yji comme une fonction linéaire des caractéristiques observées des employés, les caractéristiques des entreprises, les caractéristiques de l’environnement économique notamment le niveau de la croissance économique et le terme d’erreur qui capte l’hétérogénéité inobservée parmi les employés :

Zi est le vecteur des variables qui affectent les préférences de l’employé et de l’employeur pour les statuts contractuels, les Kj sont les vecteurs de paramètres à estimer, et les μji représentent les termes d’erreur. On suppose que Eji/Zi) = 0.

Puisqu’un individu est observé sous un seul statut contractuel, les données et les équations relatives au salaire sont générées en combinant les expressions (2) et (3) de sorte que :

L’espérance conditionnelle de l’expression (1) par rapport au résultat du processus du choix du statut contractuel capturé par l’expression (3) donne :

Il y a sélection lorsque Ej/M = j) ≠ 0, c’est-à-dire lorsque les individus sous un statut contractuel donné ne constitue pas un échantillon aléatoire de la population. Une implication de la sélection est que les méthodes d’estimation conventionnelles telles que les MCO impliquant la régression des lnW sur les X dans les différents statuts contractuels ne fournissent pas en général les estimateurs consistants des paramètres des équations de salaire.

Pour corriger ce problème de sélection, la méthode de Lee (1983) est la plus adaptée car les employés ont la possibilité de choisir parmi trois possibilités. Cette procédure exige des hypothèses additionnelles. Premièrement, nous supposons que les termes d’erreur εji qui sont indépendants de Z et X suivent une distribution normale multivariée avec une moyenne nulle et une matrice de variance-covariance définie positive. Deuxièmement, nous supposons que les termes d’erreur μji sont indépendants de Z, et sont indépendamment et identiquement distribués comme des variables extrêmes de type I. La seconde hypothèse nous permet d’utiliser le modèle logit multinomial pour estimer le choix du statut contractuel. L’expression des probabilités du choix du statut contractuel est donnée par l’expression suivante :

Sous ces hypothèses,

avec Φ et ϕ représentant respectivement les fonctions de répartition et de densité d’une distribution normale univariée. Les Pj sont définies en (6) et τj = cov[εijJij)] avec eij = max(Yis – μij); s = VTP;  j. J(.) est la transformation qui assure la normalité de J(eij) à travers J(eij) = Φ–1(Pj). On peut donc calculer l’inverse du ratio de MILLS forme: 1883953n.jpgj et les équations de salaire peuvent être réécrites comme suit :

où τj sont les coefficients des différents ratios de Mills à estimer, π'j sont les coefficients des variables Xi à estimer et υji est le terme d’erreur tel que : Ej/M = j) = 0. Les équations du système (8) estimées par la méthode des MCO donnent des estimateurs consistants. Le test dont l’hypothèse nulle est τj = 0 permet de détecter l’existence ou non d’un biais de sélection.

3.2 Segmentation du marché du travail

La théorie néoclassique suppose que le choix du segment de l’employé est basé sur ses propres avantages comparatifs (Roy, 1951), ce qui signifie que ceux-ci choisissent le segment où ils gagneront le salaire le plus élevé. Si le marché du travail est segmenté, l’affectation des employés à un statut contractuel ne reflètera pas la décision des employés à choisir le contrat de travail offrant un salaire élevé, mais plutôt celle des employeurs.

Le test de segmentation du marché du travail se fait en deux étapes. La première étape consiste à effectuer un test de Chow pour vérifier si une seule équation de salaire permet de caractériser le marché du travail. La seconde étape consiste à tester si les salaires horaires espérés sont différents entre les employés identiques des différents statuts contractuels. Ceci revient à effectuer le test d’hypothèse où H0 : (βp – βT)'forme: 1883869n.jpg ≤ 0 contre l’hypothèse alternative Ha : (βP – βT)'forme: 1883870n.jpg > 0 où forme: 1883871n.jpg représente les caractéristiques moyennes observées de l’échantillon ou des employés sous un statut contractuel particulier. Le non-rejet de l’hypothèse alternative conduit au non-rejet de l’hypothèse de la segmentation du marché du travail. Le test proposé par Heckman et Hotz (1986) consiste à évaluer (βP – βT) et à montrer que les coefficients de l’équation de salaire du marché primaire sont supérieurs aux coefficients de l’équation de salaire du marché secondaire. Mais, cette procédure a comme inconvénient que tous les coefficients peuvent ne pas respecter cette condition. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour la version du test proposée par Gindling (1991). Pour compléter ce test, nous avons analysé les différentiels de salaire en fonction de certaines caractéristiques spécifiques de l’employé et de l’entreprise. Les employés ont été classés selon leur catégorie socioprofessionnelle et leur secteur d’activité. À ces deux dimensions, il a été ajouté l’éducation à cause de la place prédominante qu’elle occupe dans la détermination des salaires. Les deux autres critères de classification des employés permettent de vérifier si le différentiel de salaire espéré n’est pas dû aux différences des conditions et de l’environnement du travail.

Cette approche permet de vérifier l’hypothèse de la mobilité limitée sur le marché du travail dans le même esprit que le test proposé par Heckman et Hotz (1986). En plus, il a l’avantage de distinguer les décisions prises par l’employé de celles prises par l’employeur. Dans cette optique, on parle de segmentation du marché du travail si : les individus ayant des caractéristiques différentes sont mieux rémunérés lorsqu’ils sont sous CDI que lorsqu’ils sont sous CDD. En l’absence de la segmentation du marché du travail, tous les individus se retrouveraient en CDI. Mais en présence de la segmentation du marché du travail, ils ne peuvent pas y être à cause de la disponibilité limitée des opportunités d’emplois en CDI. Par conséquent, les employés trouvés en CDD ne sont pas ceux pour qui le salaire espéré est forcément élevé. Les salaires actuels ne sont donc pas corrélés avec la probabilité d’être trouvée dans un statut contractuel. Si les employés étaient autorisés à choisir, la probabilité qu’ils soient sous CDI serait 1. Dans ce cas, les coefficients du choix du statut contractuel seraient globalement différents de zéro, mais ceux des termes de la correction du biais de sélection dans l’estimation de l’équation de salaire seraient non significatifs, indiquant ainsi l’absence de biais de sélection. Ceci impliquerait que l’affectation non aléatoire des employés dans les différents statuts contractuels est due aux préférences de l’employeur, argument qui militerait en faveur de la segmentation du marché du travail.

3.3 Décomposition des écarts salariaux

La décomposition des écarts salariaux permet de déterminer la part des différences salariales due à l’appartenance à un segment du marché du travail de celle due aux facteurs d’offre et de demande de travail. La technique proposée par Oaxaca (1974) et Blinder (1973) est adoptée dans cet article comme l’indique l’équation (9).

Ȳa et Ȳb sont les moyennes du logarithme naturel du salaire horaire des employés recrutés sous les groupes a et b respectivement. a et b représentent les marchés primaire et secondaire respectivement. forme: 1883872n.jpgj est la moyenne des variables explicatives et β* est la moyenne des coefficients en βj, avec  {ab}. Dans l’équation (9), [1] représente la différence due aux facteurs d’offre et de demande de travail, [2] représente la différence due au rendement des facteurs d’offre et de demande de travail, et la différence salariale non expliquée est celle qui est attribuée à la précarité de l’emploi ou l’appartenance au marché secondaire.

4. Résultats empiriques

4.1 Identification du modèle

Le test du ratio de vraisemblance de l’estimation du modèle logit multinomial montre que les coefficients pris ensemble sont significativement différents de zéro au seuil de 1 % (tableau 4). Ce résultat indique que les employés sont affectés de façon non aléatoire dans les différents statuts contractuels. La méthode permettant de corriger le biais de sélection n’est efficace que si le modèle est bien identifié. Étant donné les instruments valides, dans l’optique de tester l’endogénéité du processus de sélection, les paramètres d’intérêt sont les covariances ou les corrélations entre les termes d’erreur de chaque équation de salaire et les termes d’erreur des équations de sélection. Si ces covariances ou corrélations sont différentes de zéro, alors le processus de sélection n’est pas exogène et l’estimation des équations de salaire par les MCO produiraient des estimateurs biaisés. Les variables considérées dans l’équation de sélection permettent de contrôler l’hétérogénéité observée qui influence le choix du statut contractuel. Elles donnent des précisions sur les effets des facteurs d’offre tels que l’ancienneté, l’âge, l’éducation, la catégorie socioprofessionnelle et les facteurs de demande tels que la ville d’implantation de l’entreprise, son secteur d’activité et sa taille. Nous avons aussi inclus dans l’équation de sélection certains éléments de la qualité de l’emploi comme l’affiliation à la sécurité sociale, l’assurance maladie et la formation professionnelle. L’équation de salaire contient l’ensemble des variables de contrôle usuelles pouvant expliquer le salaire.

Pour identifier le modèle d’une manière autre que par l’hypothèse de normalité, nous avons besoin de certaines restrictions. Nous avons exclu de l’équation de salaire certaines variables : le nombre de personnes du ménage qui travaillent, le statut matrimonial, le statut contractuel au premier emploi et le niveau de la croissance économique au moment du recrutement. Les variables comme le statut matrimonial, le nombre de personnes du ménage qui travaillent peuvent expliquer le statut contractuel, car elles influent sur la probabilité de participer au marché du travail, la valeur des loisirs ainsi que l’intensité de la recherche d’emploi.

Le nombre de travailleurs dans le ménage ainsi que le statut matrimonial ne sont pas toujours observés par l’employeur et n’entrent par conséquent pas directement dans la négociation salariale mais l’exogénéité de ces variables n’est pas un acquis. Les individus, notamment les hommes[4] peuvent décider de se marier après la signature d’un CDI. Bien que dans certains pays le statut de marié influence les salaires à travers les politiques fiscales, tel n’est pas le cas dans les pays en développement comme le Cameroun où il n’existe pas d’avantages fiscaux liés au statut matrimonial. Le nombre de membres du ménage qui travaillent constitue un proxy de l’indemnité chômage et peut réduire la probabilité d’accepter un travail précaire. Aussi, le nombre de personnes ayant un emploi dans le ménage peut améliorer la qualité de l’emploi des individus sur le marché du travail à travers une meilleure information. Mais, il est possible que les employés ayant un salaire élevé soient plus enclins à accepter plusieurs personnes sans revenu dans leur ménage, et que celles qui ont un faible revenu préfèrent plutôt vivre avec d’autres salariés afin de mutualiser les charges collectives du ménage. Malgré ces limites qui mettent en exergue le caractère endogène du statut matrimonial et du nombre de membres du ménage qui travaillent, le statut matrimonial et la structure du ménage sont très souvent utilisés comme instrument de la participation au marché du travail (Garcia Pérez et Rebollo, 2005; Aslam, 2009). Le danger d’une telle endogénéité est que les estimateurs obtenus ne seront pas consistants. Dans ce travail, nous nous sommes assurés que ces variables n’avaient pas d’influence sur les salaires. Nous les avons introduites dans les équations de salaire et elles étaient toutes non significatives.

Tableau 4

Estimation du modèle logit multinomial de l’équation de sélection

Estimation du modèle logit multinomial de l’équation de sélection

Note : Les valeurs entre parenthèses sont les t de Student.

*, ** et *** indiquent la significativité à 10 %, 5 % et 1 % respectivement.

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La période d’embauche permet de prendre en compte le niveau de la croissance économique. Les trois périodes retenues correspondent aux évolutions de la croissance économique du Cameroun : la période de forte croissance qui va de 1960 à 1986, la période de la grande crise qui va de 1987 à 1995 et la reprise économique qui a commencé en 1996. Ainsi, en période d’expansion, il est plus probable pour les employés de signer un CDI mais les effets de cette période sur le salaire ne sont pas certains[5].

La validité des instruments est faite à l’aide du test de Hausman. L’estimation de ce modèle a été faite sans instruments d’une part et avec les instruments d’autre part. Les résultats du test du choix du modèle montrent que le modèle sans restriction est le meilleur au seuil de 1 % car χ214 = 52,49. En plus, bien que les instruments pris individuellement ne soient pas toujours significatifs, pris ensemble, ils sont globalement significatifs au seuil de 1 % car le test de significativité collectif donne χ214 = 52,81.

Le reste des résultats montre que le fait d’être diplômé de l’enseignement supérieur général augmente de 11,20 % la probabilité d’être sous CDI. Être membre d’un syndicat augmente de 10,16 % la probabilité d’être sous CDI alors qu’il diminue de 4,64 % celle d’être sous CDD. Être affilié à la sécurité sociale, avoir une assurance maladie ou bénéficier d’une formation professionnelle financée par l’entreprise augmente de 41,88 %, 19,37 % et 9,61 % respectivement la probabilité d’être sous CDI. Ces résultats corroborent ceux d’Uzzi et Zoe (1998) selon lesquels les emplois permanents s’accompagnent de meilleures conditions de travail. La probabilité d’être sous CDI augmente avec la catégorie socioprofessionnelle. Il semble plus facile pour les employés de la ville de Douala de signer un CDI. Les chances d’être sous CDI diminuent de 19,73 % dans les entreprises ayant entre 50 et 100 employés et celles d’être sous CDD diminuent de 3,19 % pour les employés du secteur plastique.

4.2 Équations de salaire

L’estimation des équations de salaire en intégrant la variable LAMBDA de la correction du biais de sélection (tableau 5) montre que ce terme n’est pas significativement différent de zéro quelque soit le statut contractuel. En d’autres termes, nous avons equation: 1883445n.jpg.

Tableau 5

Équations de salaire avec correction du biais de sélection

Équations de salaire avec correction du biais de sélection

Note : Les valeurs entre parenthèses sont les t de Student.

*, ** et *** indiquent la significativité à 10 %, 5 % et 1 % respectivement.

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Ce résultat signifie que, bien que le processus d’affectation d’un employé dans un statut donné soit non aléatoire, la probabilité qu’un employé soit affecté dans un statut contractuel donné n’est pas corrélée avec le terme d’erreur de l’équation de salaire, indiquant par conséquent la non-existence d’un problème de biais de sélection. Ce résultat signifie aussi que le processus non aléatoire d’affectation des employés dans les différents contrats de travail est dû aux choix des employeurs et non à celui des employés. Sur la base de ces résultats, nous pouvons estimer les équations de salaire sans le terme LAMBDA en utilisant les MCO.

L’application des MCO aux équations de salaire par statut contractuel donne lieu aux résultats consignés dans le tableau 6. Le test F de Fisher montre que les coefficients de toutes les équations pris ensemble sont significativement différents de zéro au seuil de 1 %. Dans toutes les équations, les coefficients d’éducation, d’ancienneté et d’ancienneté au carré, des catégories socioprofessionnelles et des différentes classes d’âge ont les signes prédits par la théorie du capital humain et sont significativement différents de zéro au seuil de 1 %. Les coefficients estimés de l’éducation pour l’ensemble des statuts contractuels montrent que les diplômes de l’enseignement secondaire technique sont mieux rémunérés que ceux de l’enseignement secondaire général, mais il n’y a pas de différence de rémunération entre les diplômés de l’enseignement supérieur général et ceux de l’enseignement supérieur technique.

Tableau 6

Équations de salaire sans correction du biais de sélection

Équations de salaire sans correction du biais de sélection

Note : Les valeurs entre parenthèses sont les t de Student.

*, ** et *** indiquent la significativité à 10 %, 5 % et 1 % respectivement.

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Les coefficients de la modalité ancienneté montrent que les salaires augmentent avec l’ancienneté, mais à un taux décroissant à partir de 27 ans environ chez les employés sous CDI et de 24 ans environ chez ceux qui sont sous contrat verbal. Chez les employés sous CDD, une année de travail supplémentaire augmente de 3,74 % leur salaire. Curieusement, le fait de bénéficier d’une formation financée par l’entreprise diminue de 26,89 % les salaires chez les employés sous CDD. Un tel résultat peut s’expliquer par le fait que la formation favorise d’abord la transition vers le CDI et c’est ce statut contractuel qui peut justifier une augmentation des salaires (Fomba Kamga, 2012).

Les hommes perçoivent une rémunération inférieure à celle des femmes, ce qui traduit l’existence d’une discrimination positive en faveur des femmes. Le fait d’être membre d’un syndicat augmente de 21,19 % et de 24,42 % les salaires chez les employés sous contrat verbal et sous CDD respectivement. L’utilisation du capital social pour être recruté diminue de 7,65 % les salaires chez les employés sous CDI alors qu’elle augmente de 17,56 % les salaires chez les employés sous CDD. Pour ces deux groupes, tout se passe comme s’il y avait un arbitrage entre la rémunération et la stabilité de l’emploi et met en évidence le faible pouvoir de négociation salariale des employés sous CDI ayant utilisé leur capital social au recrutement. Le fait de bénéficier d’une assurance maladie payée par l’entreprise augmente les salaires de 13,18 %, 24,88 % et 8,98 % chez les employés sous contrat verbal, CDD et CDI respectivement alors que bénéficier d’une formation financée par l’entreprise diminue de 26,89 % les salaires des employés sous CDD. L’affiliation à la sécurité sociale augmente les salaires de 22,83 % uniquement chez les employés sous contrat verbal.

Chez les employés sous CDI, le fait de travailler dans les secteurs alimentaire et plastique diminue de 13,05 % et de 13,25 % leur salaire. À l’opposé, le fait d’être employé du secteur mécanique augmente de 14,90 % les salaires des employés sous contrat verbal. Ces résultats traduisent le fait que le marché n’est pas parfaitement concurrentiel. Chez les employés sous CDI, les salaires augmentent avec la taille de l’entreprise. Chez les employés sous contrat précaire ou sous CDD, les salaires sont plus élevés dans les entreprises ayant au moins 100 employés car ils sont de 22,69 et 48,02 % respectivement supérieurs aux salaires des individus travaillant dans les entreprises ayant moins de 25 employés.

4.3 Test de segmentation du marché du travail

Nous pouvons maintenant effectuer le test de segmentation du marché du travail. Nous commençons par vérifier si les coefficients de l’équation de salaire pour les employés sous contrat verbal sont égaux à ceux des équations de salaire des employés sous CDD et sous CDI. Le test de Chow montre que les coefficients des trois équations de salaires sont statistiquement différents au seuil de 1 %. La valeur de la statistique de Fisher[6] est de 1,66 et de 2,60 pour la comparaison des coefficients des équations de salaire des employés sous contrats verbal et sous CDD, et des équations de salaire des employés sous CDD et sous CDI respectivement. Ces résultats indiquent qu’il n’existe pas une structure unique qui permette de déterminer les salaires dans les trois groupes, ce qui est une évidence en faveur de l’hypothèse de la segmentation du marché du travail.

Pour confirmer ce résultat, nous avons évalué les différentiels de salaire entre les différents statuts contractuels. Le tableau 7 montre que les employés sous contrat verbal subissent des pénalités salariales par rapport à ceux qui sont sous CDD ou sous CDI. Le différentiel de salaire entre les employés sous CDI et ceux sous CDD est positif et significatif sauf lorsque les seconds ont les mêmes caractéristiques que les premiers. Ce résultat pourrait traduire une proximité entre les employés sous CDD et CDI soit en termes de caractéristiques soit en termes de rendement des facteurs. C’est pourquoi les différences salariales entre les employés sous CDI et ceux sous CDD sont faibles et varient de 5,73 % à 17,41 % alors que celles-ci varient de 13,27 % à 23,98 % entre les employés sous CDD et ceux sous contrat verbal, et de 24,68 % à 30,69 % entre les employés sous CDI et ceux sous contrat verbal. Cette proximité est confirmée par le fait que seulement 56 % des employés sous CDI ont des salaires espérés supérieurs à ceux des employés sous CDD alors que 86,84 % des employés sous CDI ont des salaires supérieurs à ceux des employés sous contrat verbal, et 75,62 % des employés sous CDD ont des salaires supérieurs à ceux des employés sous contrat verbal.

Tableau 7

Différentiel de salaire entre les différents statuts contractuels (%)

Différentiel de salaire entre les différents statuts contractuels (%)

Note : forme: 1883873n.jpg utilise la moyenne des variables explicatives de l’échantillon, forme: 1883874n.jpgVERBAL utilise la moyenne des variables explicatives des individus sous contrat verbal, forme: 1883875n.jpgCDD utilise la moyenne des variables explicatives des individus sous CDD et forme: 1883876n.jpgCDI utilise la moyenne des variables explicatives des individus sous CDI.

Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student.

** et *** indiquent la significativité à 5 % et 1 % respectivement.

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Comme nous avons discuté dans la section méthodologique, une explication du différentiel salarial entre les différents statuts contractuels pour les employés identiques, qui n’est pas due à la segmentation du marché du travail peut être imputable aux différences compensatrices. Un moyen de contrôler ces différences compensatrices qui sont très souvent relatives aux occupations spécifiques de chaque employé, est de mesurer le différentiel salarial entre les différents statuts contractuels chez les employés ayant les mêmes occupations. Dans le cadre de cet article, trois dimensions ont été retenues. Il s’agit de la catégorie socioprofessionnelle, du secteur d’activité et de l’éducation.

Tableau 8

Différentiel de salaire entre les différents statuts contractuels en fonction de quelques caractéristiques de l’employé et de l’entreprise (%)

Différentiel de salaire entre les différents statuts contractuels en fonction de quelques caractéristiques de l’employé et de l’entreprise (%)

Note : Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student.

*, ** et *** indiquent la significativité à 10 %, 5 % et 1 % respectivement.

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Les résultats du tableau 8 montrent que le différentiel salarial entre les employés des différents statuts contractuels persiste avec le niveau d’éducation mais les similitudes entre les employés sous CDD et ceux sous CDI sont confirmés. En effet, chez les employés ayant au moins un diplôme de l’enseignement secondaire, le différentiel salarial entre les employés sous CDI et ceux sous CDD est positif mais non significatif alors que chez les employés qui ont achevé le cycle primaire, ce différentiel de salaire est de 5,58 % en faveur des employés sous CDD.

Hormis les employés du secteur chimique et les manoeuvres pour lesquels les différentiels salariaux CDI/CDD sont non significatifs, ceux-ci sont globalement positifs et significatifs pour tous les statuts et les caractéristiques considérés. Par conséquent, l’hypothèse de différences compensatoires des salaires ne peut être retenue, ce qui confirme l’existence d’une segmentation du marché du travail basée sur les contrats de travail. La décomposition d’Oaxacca-Blinder permet de déterminer la proportion des différences salariales due aux facteurs d’offre et de demande de travail observables de celle due à la segmentation du marché du travail. Cette dernière représente le coût de la précarité de l’emploi ou de l’appartenance au marché secondaire.

Tableau 9

Résumé de la décomposition des écarts salariaux (%)

Résumé de la décomposition des écarts salariaux (%)

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D’après les résultats du tableau 9, les pertes salariales due à la précarité de l’emploi entre CDI/VERBAL, CDI/CDD et CDD/VERBAL sont de 25,8 %, 38,3 % et 32,1 % respectivement. Ces résultats nous indiquent que les différences salariales CDI/VERBAL, CDI/CDD et CDD/VERBAL sont 25,8 %, 38,3 % et 32,1 % supérieures à ce qu’on observerait en l’absence de la segmentation du marché du travail. L’ampleur du coût de la précarité entre les employés sous CDI et ceux sous CDD vient du fait que les caractéristiques des employés de ces groupes sont semblables. De même, la faible ampleur du coût de la précarité entre les employés sous CDI et ceux sous contrat verbal ou entre ces dernier et ceux sous CDD s’explique par le fait que les caractéristiques des employés sous contrat verbal sont généralement différentes de celles des employés sous CDD ou sous CDI. Sur cette base, les différences salariales avec les employés sous contrat verbal sont plus expliquées par les différences de caractéristiques que par l’appartenance au marché secondaire.

Conclusion

Cet article avait pour objectif d’étudier la relation entre les contrats de travail et la segmentation du marché du travail à travers les différentiels de salaire entre les différents statuts contractuels observés dans les entreprises du secteur manufacturier camerounais. En prenant en compte le caractère écrit ou verbal des contrats de travail, trois types sont définis : CDI, CDD et VERBAL. En s’appuyant sur une modélisation économétrique qui intègre la sélection dans les différents statuts contractuels, nous trouvons que l’affectation des employés dans les différents états du marché du travail est non aléatoire et est basée sur les caractéristiques des employés, celles des entreprises et sur l’environnement économique, notamment le niveau de croissance. Également, les coefficients de correction du biais de sélection dans l’estimation des équations de salaire ne sont pas différents de zéro quel que soit le statut contractuel. Il en résulte que le choix du statut contractuel dépend de l’employeur. En utilisant les équations de salaire, nous montrons que les salaires des employés sous CDI sont supérieurs à ceux des employés sous contrat verbal ou sous CDD pour 86,84 % d’employés et 56 % d’employés respectivement. Ces résultats impliquent également que l’affectation des employés aux différents statuts contractuels est guidée par les préférences des employeurs. Ces derniers utilisent les contrats précaires comme période d’essai préalable à la signature du CDI. Le fait que les employés ne peuvent pas choisir le contrat de travail qui maximise leur utilité met en évidence la segmentation du marché du travail dans le secteur manufacturier camerounais.

La décomposition des différences salariales a permis de confirmer ce résultat en montrant que les pertes salariales entre les employés sous CDI et ceux sous CDD sont davantage expliquées par le statut contractuel précaire alors que celles entre les employés sous CDD ou sous CDI et ceux sous contrat verbal sont davantage expliquées par les facteurs d’offre et de demande de travail. Ce résultat s’explique par le fait que les employés sous CDD et ceux sous CDI ont des caractéristiques semblables, mais rémunérées différemment alors que les caractéristiques de ces groupes d’employés sont meilleures que celles des employés sous contrat verbal.