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Introduction

La Côte d’Ivoire est confrontée, depuis le début des années 1980, à une crise de l’emploi persistante. En 2008, le taux de chômage était estimé à 15,7 %. Le chômage est plus élevé en milieu urbain et touche beaucoup plus les jeunes (85 % des chômeurs) et les diplômés. À Abidjan, la capitale économique, le taux de chômage de la population active était de 21,3 % alors que le taux de chômage des jeunes de 18-24 ans était de 31,3 % contre 24,5 % pour les 25-35 ans (Agence d’études et de promotion de l’emploi (AGEPE, 2008). Selon les mêmes statistiques, les titulaires du BAC ou du BT, ont le taux de chômage le plus élevé (43,5 %); les titulaires du BTS, du DUT, ou du DEUG, ont un taux de 38,1 % alors que celui des non diplômés s’élève à 13 %[1].

Deux raisons principales peuvent expliquer ces taux de chômage élevés en Côte d’Ivoire. La première raison est l’insuffisance des emplois du secteur moderne. La distribution des emplois en Côte d’Ivoire est répartie selon trois secteurs : le secteur moderne caractérisé par une technologie de production moderne, une main-d’oeuvre qualifiée et salariée et le respect de la réglementation du travail. Le secteur informel rural, identifié par des microentreprises souvent confondues avec la cellule familiale, une technique de production rudimentaire et le non-respect de la réglementation du travail.

Le secteur informel urbain, représenté par l’ensemble des activités intermédiaires entre celles du secteur moderne et celles du secteur informel rural se caractérise par une technique de production artisanale et une main-d’oeuvre formée quasi exclusivement par la transmission d’un savoir-faire au sein de la structure. Il respecte également peu la réglementation du travail en vigueur. En 2008, à Abidjan, la population active ayant un emploi est de 1 240 336 personnes. Le secteur moderne représente 23,5 % de ces emplois contre 76,5 % pour le secteur informel.

La seconde raison réside dans le fait qu’une forte proportion des personnes désirant travailler ne recherche pas d’emplois. Ce qui accroît le taux de chômage calculé selon la définition élargie. En effet, la définition standard (au sens strict) du chômage donnée par le Bureau international du travail (BIT) précise les trois conditions à cumuler pour qu’une personne soit considérée comme chômeur : (i) être sans emploi; (ii) rechercher activement un emploi, c’est-à-dire avoir pris des dispositions spécifiques au cours d’une période récente spécifiée pour chercher un emploi salarié ou non salarié; (iii) être disponible pour travailler dans un délai de deux semaines (Bureau International du Travail, 2004).

Dans les pays en voie de développement, cette définition pose problème car elle aboutit à des taux de chômage très faibles. En vue d’adapter le concept de chômage à certains pays, la treizième conférence des statisticiens du travail a proposé que :

[….] dans les situations où les moyens conventionnels de recherche de travail sont peu appropriés, où le marché du travail est largement inorganisé ou d’une portée limitée, où l’absorption de l’offre de travail est, au moment considéré, insuffisante, où la proportion de main-d’oeuvre non salariée est importante, la définition standard du chômage peut être appliquée en renonçant au critère de la recherche de travail.

Bureau International du Travail, 2004

Cette recommandation, désormais prise en compte dans le calcul du taux de chômage en Côte d’Ivoire, révèle qu’une frange importante des personnes sans emploi et disponibles pour travailler ne participe pas au marché du travail. Par conséquent, si rien n’est fait, la vulnérabilité de ces personnes risque de s’accroître entraînant une menace potentielle pour la stabilité politique et sociale.

Les travaux récents sur la théorie de la recherche d’emploi soulignent que le taux d’arrivée des offres d’emplois est le résultat de l’intensité avec laquelle l’emploi est recherché. Cette intensité est endogène et influencée par les caractéristiques du chômeur, l’état du marché de l’emploi et les contraintes institutionnelles (Pissarides, 2011). C’est ce qui explique que dans les pays développés, des mesures sont mises en place pour inciter les chômeurs à être actifs sur le marché du travail. Mais, en Côte d’Ivoire, cette activité qui fait partie des missions de l’AGEPE, n’est pas très visible dans la politique nationale de l’emploi. Cette structure qui assure le service public de l’emploi (SPE), a pour mission : la conception et l’exécution de programmes nationaux d’emploi, la collecte des offres et l’enregistrement des demandeurs d’emplois, la réalisation d’une meilleure adéquation formation-emploi, la production et la diffusion d’informations sur le marché du travail, le suivi des visas des contrats des travailleurs non nationaux, l’agrément des cabinets privés de placement. Les activités principales des agences locales sont : l’inscription des demandeurs d’emploi, la collecte et l’affichage des offres d’emplois, l’animation de conférences à l’invitation de structures et d’organisations de la société civile, le suivi des visas des contrats des travailleurs non nationaux.

S’il existe une abondante littérature sur l’intensité de la recherche d’emploi dans le monde et notamment dans les pays en voie de développement, il en existe très peu en Afrique et en particulier en Côte d’Ivoire. Or, la diversité des marchés du travail et des populations et l’hétérogénéité des acteurs impliquent des démarches et des comportements qui peuvent s’avérer différents selon les pays. Par exemple, les frictions sur le marché du travail dans une économie duale composée d’un secteur formel et d’un secteur informel important ne sont pas les mêmes que dans une économie où le secteur formel est prépondérant (Zenou, 2008). Occulter ces réalités pourrait aboutir à des recommandations de politiques publiques d’emploi erronées.

L’objectif de notre travail est de contribuer à l’enrichissement de la littérature relative à la théorie de la prospection de l’emploi. En plus des caractéristiques personnelles des chômeurs, nous étudions l’impact de la densité des réseaux et de la présence de zones d’emploi dans les localités de résidence des chômeurs sur l’intensité de la recherche d’emploi. Nous analysons ensuite l’influence de ces variables sur chaque mode distinct de recherche d’emploi.

Ce travail s’articule autour de quatre sections. Dans la première section, nous faisons une revue de la littérature portant sur les déterminants de la recherche d’emploi. La deuxième section présente les données de l’étude, la méthode d’échantillonnage et les statistiques descriptives des variables. La troisième section expose la méthode d’analyse et la quatrième les résultats obtenus. Ces résultats indiquent que le comportement de recherche d’emploi des jeunes est influencé par leurs attributs personnels, leur voisinage et les atouts économiques de leur commune de résidence. Plus spécifiquement, la mauvaise qualité du voisinage a un effet négatif sur l’intensité de la recherche d’emploi. En revanche, la proximité à une zone d’emploi accroît l’intensité de recherche d’emploi tandis que la présence d’un SPE dans la commune n’a pas d’impact significatif sur l’intensité de recherche d’emploi.

1. Revue de littérature

La plupart des études indiquent que les caractéristiques personnelles, le voisinage et les spécificités des localités de résidence des chômeurs, influencent le comportement de recherche d’emploi.

1.1 Les caractéristiques personnelles

Les principales caractéristiques des chômeurs qui expliquent le comportement face à la recherche d’emploi sont : l’âge, la qualification, la situation familiale, le genre. Sabatier (2002) montre que les demandeurs d’emploi de sexe masculin recherchent plus les emplois par les intermédiaires institutionnels que ceux de sexe féminin. Les célibataires préfèrent les réseaux et les diplômés les procédures marchandes. En revanche, les personnes faiblement qualifiées (non diplômés et les titulaires d’un diplôme inférieur au CAP) préfèrent les intermédiaires institutionnels. Bouabdallah, Cavaco et Lesueur (2002), Eriksson, Lilja et Torp (2002) trouvent que les femmes sont moins actives en matière de recherche d’emploi que les hommes. Smirnova (2003) confirme la relation positive entre le niveau d’instruction et la propension à rechercher des emplois. Cependant, elle trouve que les femmes sont plus actives dans la recherche d’emploi que les hommes. Elles ont en outre, plus souvent recours aux intermédiaires institutionnels et aux contacts directs avec les employeurs. Ponzo et Scoppa (2008) soulignent, quant à eux, que les personnes faiblement qualifiées utilisent la voie des relations personnelles. Abdel-Mowla (2011) montre que les personnes âgées et à faible qualification recherchent plus les emplois en utilisant des méthodes informelles (réseaux de relations), tandis que la propension à choisir les méthodes formelles (intermédiaires institutionnels, contacts directs des entreprises, annonces) augmente avec le niveau d’instruction.

L’origine des individus a aussi un impact sur le comportement face à la recherche d’emploi. Sabatier (2002) souligne que les chômeurs de parents français ne fournissent pas plus d’effort de recherche d’emploi que les chômeurs de parents étrangers. Pour Ponzo et Scoppa (2008), les minorités ethniques ont recours de façon plus systématique aux relations personnelles. Calavrezo et Sari (2010) corroborent ces résultats en trouvant que les minorités ethniques ont plus souvent recours aux réseaux de relations.

D’autres facteurs expliquent le comportement face à la recherche d’emploi. Par exemple, Della Vigna et Paserman (2005) trouvent que les chômeurs impatients ont une faible intensité de recherche d’emploi.

À la lumière des informations fournies par la littérature, on pourrait s’attendre à ce qu’en Côte d’Ivoire les chômeurs âgés soient plus impatients d’obtenir un emploi et donc plus enclins à rechercher des emplois avec plus d’intensité. Il en est de même des chômeurs qualifiés qui ont investi dans leur capital humain et qui souhaitent par conséquent valoriser leurs compétences sur le marché du travail. En revanche, les femmes ont une probabilité plus faible de rechercher des emplois parce qu’elles sont en général faiblement qualifiées.

1.2 Le rôle des caractéristiques des localités de résidence

L’organisation spatiale des villes et des communes et la déconnexion entre le lieu de résidence des chômeurs et les lieux d’emploi influencent les comportements et la situation des individus sur le marché du travail (Calavrezo et Sari, 2010; Abdel-Mowla, 2011). Par exemple, résider à proximité d’un bassin d’emploi diminue les coûts de transport et de prospection des emplois et réduit la durée du chômage (Bouabdallah, Cavaco et Lesueur, 2002; Georges, l’Horty et Sari, 2012).

Par ailleurs, à l’intérieur des localités, se développent des interactions sociales qui génèrent des effets de voisinage. Selon Décamps et Gaschet (2013), les effets de voisinage peuvent se définir comme la relation existant entre les comportements des ménages, des individus et les caractéristiques (sociales, économiques) de leurs zones d’habitation. Ces relations peuvent se manifester par des phénomènes d’entraide (Amato, 1990), d’imitation, par le partage d’informations (Granovetter, 2006). Rank et Hirschl (1993) trouvent, aux États-Unis, une relation positive et significative entre la densité de la population et la participation au programme de tickets alimentaires, car, la densité de la population est associée à une plus grande diffusion des informations sur le programme. L’étude de Wahba et Zenou (2005) suggère que plus la densité de la population de la région de résidence du chômeur est importante plus l’information concernant les emplois vacants circule. Mais le voisinage peut avoir aussi un effet néfaste sur le comportement des individus. Goux et Maurin (2005) montrent que les enfants connaissent un retard scolaire lorsqu’ils habitent dans un voisinage où le taux de retard scolaire est élevé. Par ailleurs, les voisinages où les revenus sont faibles et où peu de personnes obtiennent des emplois peuvent également avoir des effets négatifs sur le comportement des populations (Ellen et Turner, 1997). Crane (1991) dans ce qu’il appelle la « théorie épidémique des ghettos » explique que, dans les quartiers défavorisés, les interactions avec le voisinage favorisent la transmission de mauvais comportements. Gobillon et Selod (2007) ont montré qu’en France, la concentration des chômeurs dans une zone accroît la probabilité d’être au chômage. Mais l’impact du taux de chômage n’est pas toujours négatif. Tasci (2008) révèle que la hausse du taux de chômage entraîne une augmentation de l’intensité de la recherche d’emploi. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’une forte concentration de chômeurs dans une localité, génère une compétition élevée entre eux; ce qui les amène à être plus actifs en matière de recherche d’emploi. L’étude de Ponzo et Scoppa (2008) précise, en plus, que les méthodes informelles sont plus utilisées par les individus lorsque le taux de chômage est élevé.

Les travaux qui traitent de l’insertion sur le marché du travail en Afrique ne font pas suffisamment référence à l’intensité mise en oeuvre dans la recherche d’emploi. L’une des rares études en tenant compte est celle d’Abdel-Mowla (2011) qui s’intéresse au comportement de recherche d’emploi des femmes en Égypte entre les années 1998 et 2006. Au Sénégal, Berardi (2013) étudie les déterminants des canaux de recrutement des travailleurs et montre que les relations personnelles sont souvent utilisées par les entreprises comme canal de recrutement des travailleurs faiblement qualifiés alors que les méthodes formelles le sont pour satisfaire les offres exigeant des compétences élevées. Toujours au Sénégal, Kane (2014) analyse la dynamique de l’emploi à partir du suivi de 32 cohortes d’individus sur la période 1992-2011. Bien que le cadre de cette recherche soit la théorie de la prospection d’emploi et plus spécifiquement les modèles à intensité de recherche endogène, l’auteur ne cherche pas à analyser le lien entre la recherche d’emploi et l’obtention de l’emploi. Une autre étude est celle de Kouakou (2010) relative aux déterminants de la durée de la période de chômage des jeunes urbains en Côte d’Ivoire. Cette étude est intéressante mais elle ne prend pas en compte les effets de voisinage et de localités qui peuvent influencer l’efficacité de la recherche d’emploi.

Notre étude se propose de contribuer à enrichir la littérature sur la recherche d’emploi en analysant les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi des jeunes à Abidjan. Nous tenons compte des caractéristiques personnelles des individus et introduisons des variables permettant d’apprécier les effets de voisinage et de localités.

2. Les données

2.1 L’échantillonnage

Les données utilisées dans cette étude proviennent de l’enquête emploi réalisée par l’AGEPE à Abidjan en 2008. L’objectif global de cette enquête était d’obtenir des informations en vue de présenter la situation de l’emploi à Abidjan, pour l’année 2008. Plus spécifiquement, l’étude visait à déterminer le niveau de l’activité et du chômage, évaluer et donner les caractéristiques de la population occupée.

En vue de constituer notre échantillon de chômeurs, nous avons considéré la définition du chômage au sens large. C’est-à-dire : les individus en âge de travailler, qui sont sans emplois et disponibles pour travailler.

À cet effet, nous avons retenu dans la base tous ceux qui étaient sans emploi c’est-à-dire qui avaient déclaré ne pas avoir exercé d’activité ne serait-ce qu’une heure au cours de la semaine précédant l’enquête. Puis, de ces données, nous avons retenu tous les individus qui ont déclaré être disponibles pour travailler immédiatement ou dans un délai inférieur ou égal à 15 jours.

Enfin, compte tenu du fait que nous voulons travailler sur une population de jeunes, nous avons sélectionné tous les individus âgés de 14 à 40 ans. La définition de la tranche d’âge de la jeunesse en Côte d’Ivoire est sujette à discussion. Certains considèrent que sont jeunes les personnes appartenant à la tranche d’âge des 14 à 35 ans quand d’autres estiment que la limite supérieure devrait être repoussée à 40 ans. Cela se voit d’ailleurs dans la tranche d’âge de certains programmes d’emploi mis en oeuvre dans le pays pour les jeunes[2].

Au total notre échantillon est composé de 1018 personnes âgées de 14 à 40 ans et considérées comme chômeurs au sens large.

2.2 Les informations collectées pour l’étude

2.2.1 Les modes de recherche d’emploi

L’enquête a permis d’obtenir des informations sur les modes de recherche d’emploi utilisés par les chômeurs, et les caractéristiques des chômeurs. Le questionnaire a retenu six modes de recherche d’emploi : les relations personnelles, le recours direct aux employeurs, les petites annonces, le recours à l’AGEPE ou autre service de placement, les concours, et les autres modes. Sur les 1018 chômeurs au sens large, 547 personnes (53,7 %) n’ont pas recherché d’emploi contre 471 (46,27 %) qui en ont recherché.

L’intensité de la recherche d’emploi se traduit par l’effort ou l’activité mise en oeuvre pour rechercher un emploi. Elle est mesurée de différentes manières. Elle peut être appréciée par le nombre de méthodes de recherche d’emploi combinées (Holzer, 1988; Sabatier, 2002; Smirnova, 2003; Della Vigna et Paserman, 2005; Weber et Mahringer, 2006; Brown et Taylor, 2008), la distance de prospection (Bouabdallah, Cavaco et Lesueur, 2002), le nombre de candidatures (Gautier etal., 2007) et le temps qui y est consacré (Barron et Mellow, 1979; Langot et Lebon, 1994). Dans cette étude nous avons retenu le nombre de modes combinés par les chômeurs.

Il est utile de préciser que le questionnaire n’est pas un questionnaire de suivi de cohorte donc on ne peut suivre les choix d’un répondant dans le temps. La combinaison des modes est appréciée à travers la réponse à la question suivante : « Quels moyens utilisez-vous pour rechercher des emplois? ». L’enquêté à la possibilité d’indiquer plusieurs modes. Par exemple s’il répond qu’il recherche des emplois avec les réseaux et les annonces, l’enquêteur coche les réseaux et les annonces ce qui donne deux modes utilisés.

Le tableau 1 présente les modes auxquels ont eu recours les chômeurs actifs en termes de recherche d’emploi. On observe que comme en Égypte, les relations personnelles sont le mode le plus utilisé (71,8 %), viennent ensuite les contacts directs avec les employeurs (31,6 %), les concours (24,4 %) et les petites annonces (16,3 %). Les intermédiaires de placement (4,46 %) et les autres modes (2,8 %) sont les moins utilisés.

Tableau 1

Modes de recherche d’emploi choisis par les chômeurs actifs

Modes de recherche d’emploi choisis par les chômeurs actifs

Note : Plusieurs méthodes pouvant être mobilisées.

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Le nombre moyen de modes mobilisés par les chômeurs est de 1,51. Ce chiffre est sensiblement le même que celui obtenu par Sabatier (2002). Smirnova (2003) et Weber et Mahringer (2006) trouvent un nombre moyen de deux modes mobilisés par les chômeurs.

2.2.2 Variables relatives aux caractéristiques personnelles des chômeurs et des communes dans lesquelles ils résident

Les variables que nous avons choisies pour l’étude sont : l’âge (AGE), la situation familiale (CELIB), la qualification du chômeur (QUALIF), la densité de la population (DENSITE), le taux de chômage (CHOMAGE), une variable d’interaction entre le taux de chômage et la densité de la population (DENSITE x CHOMAGE), la présence d’un SPE dans la commune de résidence du chômeur, la densité ethnique (MANDEV), la présence d’une zone industrielle dans la commune (ZINDC), la nationalité de l’individu (IV), le type d’emploi recherché par l’individu (TEMP). La situation familiale est importante pour comprendre si les individus célibataires sont plus actifs en matière de recherche d’emploi que les autres chômeurs. Il s’agit ici des célibataires comparés aux personnes mariées : monogame, polygame ou en union libre et les divorcés ou veufs. S’agissant de la qualification, le questionnaire retient les diplômes les plus élevés obtenus par les individus. Ce sont : le CEPE, le BEPC, le CAP, le BEP, le BAC_BT, le DEUG_DUT_BTS, le diplôme supérieur au BAC+ 2 et les autres diplômes. Ces variables nous permettront de savoir si la qualification a un impact positif sur l’intensité de la recherche d’emploi. La densité de la population est représentée par le rapport de la population à la superficie de la commune. Elle permet d’apprécier l’impact de la densité des réseaux sur le comportement de recherche d’emploi (Wahba et Zenou, 2005). La taille de la population provient de l’enquête emploi et la superficie provient des données d’une étude commanditée par le ministère des Infrastructures économiques (Ministère des Infrastructures économiques, 2011). La variable taux de chômage de la commune permet d’apprécier l’impact de la qualité du voisinage sur le comportement de recherche d’emploi. La variable d’interaction entre le taux de chômage et la densité de la population servira à mesurer l’impact de la qualité des réseaux sur l’intensité de la recherche d’emploi.

La densité ethnique fait référence au pourcentage du groupe ethnique des Mandés du Nord et du groupe voltaïque dans la population de la commune. Ce groupe a été choisi parce qu’il est reconnu que les ressortissants du Nord du pays, communément appelés « Dioulas », sont très entreprenants. Ils sont propriétaires d’entreprises commerciales et de transport et dominent avec les syro-libanais, le secteur tertiaire (Harre, 1993). Il s’agit ici d’apprécier si leur comportement et leur présence dans une commune influencent le comportement des personnes habitant dans leur voisinage. La nationalité de l’individu permet de comparer l’activité de recherche d’emploi des Ivoiriens et celle des chômeurs d’autres nationalités. Le type d’emploi recherché permet d’apprécier si l’emploi salarié ou non peut influencer le comportement du chômeur.

Concernant la présence d’un SPE dans la commune, il faut préciser que l’AGEPE, est représentée dans différentes localités du pays. Cette information servira à étudier l’impact de la proximité d’une agence du SPE sur l’intensité de la recherche d’emploi. À Abidjan, le SPE est représenté dans les communes suivantes : Abobo, Treichville, Adjamé, Yopougon. La zone industrielle mesure les potentialités de la commune en termes de « bassin » d’emploi. Cette variable permettra d’étudier l’influence de la proximité à un bassin d’emploi sur l’intensité de la recherche d’emploi. Il existe une zone industrielle à Yopougon et Koumassi. Treichville est une zone commerciale et industrielle avec le port autonome et le port de pêche, lieu de recherche d’emploi. Port-Bouët est une commune qui abrite la raffinerie (Société ivoirienne de raffinage) et des entreprises commerciales et industrielles.

Le tableau 2 présente les statistiques descriptives des variables que nous venons de citer. On observe que l’âge moyen des chômeurs est de 26 ans. L’échantillon est composé à 49,8 % de chômeurs de sexe masculin et à 75,4 % de célibataires. La majorité des chômeurs est de nationalité ivoirienne (92,9 %).

Tableau 2

Statistiques descriptives des variables de l’étude

Statistiques descriptives des variables de l’étude

Note : a = variable binaire égale 1 si oui et 0 sinon.

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La majorité des chômeurs aspire à un emploi salarié (61,7 %). Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils sont pour la plupart diplômés. En effet, seul 20,3 % de l’échantillon considéré n’a pas de diplôme. Les plus représentés sont titulaires du CEPE (23,8 %), viennent ensuite les détenteurs du BEPC (13,65 %), du BAC_BT, BTS_DUT_DEUG qui représentent respectivement 9,2 % et 8,7 % de l’échantillon. Les titulaires d’un diplôme de niveau supérieur au BAC+2 représentent 8,2 % de l’échantillon, ceux du CAP (1,38 %), du BEP (1,38 %) et des autres diplômes (2,2 %) ont des pourcentages inférieurs à 3 %.

Les informations concernant les caractéristiques des communes indiquent que les populations de ces dernières sont composées en moyenne de 30 % de personnes appartenant aux groupes ethniques du Nord de la Côte d’Ivoire (Mandé du Nord et Voltaïque). Le taux de chômage moyen de la commune de résidence du chômeur est de 22,13 %. La densité moyenne de la commune est de 13 317 habitants au km². On note également que 64,1 % des chômeurs appartiennent à des communes où il existe une représentation du service public de l’emploi. Enfin, 55,7 % des chômeurs vivent dans une commune où il existe une zone industrielle.

3. Méthode d’analyse

Le cadre théorique de notre analyse est le modèle de recherche à intensité endogène (Mortensen, 1986). Nous considérons que la probabilité d’obtenir un emploi dépend de l’intensité avec laquelle les chômeurs recherchent l’emploi et de la probabilité d’accepter l’offre d’emploi. Aussi, choisissons-nous de comprendre les facteurs qui expliquent les stratégies développées dans la recherche d’emploi. Nous nous situons donc au premier niveau de ce processus.

L’intensité de la recherche d’emploi est mesurée par le nombre de méthodes de recherche d’emploi combinées par le chômeur. Nous considérons que le choix des méthodes à combiner se fait dans l’espoir d’accroître le taux d’arrivée des offres d’emplois. Ce choix fait supporter des coûts et dépend de la perception que le chômeur a, à l’égard de l’efficacité des méthodes de recherche d’emploi. Cette perception varie en fonction de ses caractéristiques personnelles et de son environnement social.

De manière empirique, nous supposons que l’individu sans emploi, décide d’abord s’il doit ou non rechercher un emploi. Ensuite, s’il décide de rechercher un emploi, il choisit l’effort avec lequel il recherchera cet emploi. Enfin, il décide des différents modes de recherche d’emploi qu’il utilisera pour collecter des informations sur les emplois et donner des signaux de productivité aux employeurs. Les deux premières décisions seront modélisées à l’aide du modèle Probit ordonné. La dernière décision sera étudiée en utilisant un modèle Probit multivarié.

3.1 Le modèle Probit ordonné

Le modèle Probit ordonné est la méthode d’analyse utilisée pour étudier les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi mesurée par le nombre de méthodes de recherche d’emploi combinées par le chômeur. Il se présente de la manière suivante :

Soit

où, y*i est la variable latente d’intensité de recherche d’emploi. β est le vecteur des paramètres à estimer, Xi est le vecteur des variables explicatives et μi est le terme d’erreur supposé suivre une loi normale de moyenne nulle et de variance égale à l’unité. Avec Φ (.) la fonction de répartition et φ (.) la fonction de densité.

Lorsqu’un individu recherche avec intensité des emplois, il se situe dans la catégorie n si

La variable d’intensité de recherche d’emploi yi est liée à la variable latente y*i par l’intermédiaire des paramètres seuils μn, où n = 1,…5.

Les probabilités de la combinaison des différents modes se présentent ainsi qu’il suit :

Les effets marginaux des variables Xi sur les probabilités de combiner différents modes sont évalués de la manière suivante (Duncan et al., 1998) :

3.2 Le modèle Probit multivarié

La modélisation du choix des méthodes de recherche d’emploi considère que l’individu combine différents modes. Dans l’analyse de ce comportement, on pourrait être tenté d’utiliser un modèle Logit multinomial (Smirnova, 2003). Mais ce modèle repose sur l’hypothèse de l’indépendance des alternatives non pertinentes (IIA) qui suppose que les modalités de choix sont mutuellement exclusives. Or, du fait de la combinaison des modes, cette hypothèse peut être violée (Sabatier, 2002).

Nous optons donc pour un modèle Probit multivarié qui admet que les modes soient corrélés entre eux.

Pour chaque choix de mode de recherche d’emploi j on définit une variable latente inobservable METHOD*j telle que :

Le terme d’erreur uij est distribué selon une loi normale de moyenne nulle et de variance égale à l’unité avec un coefficient de corrélation ρjk = cov(uj, uk), j k.

4. Résultats

Nous présentons dans un premier temps, les résultats de l’analyse des déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi. Dans une seconde étape, nous exposons ceux relatifs aux déterminants du choix des méthodes de recherche d’emploi. Tous les paramètres de nos modèles ont été obtenus par la méthode du maximum de vraisemblance.

4.1 Les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi

Dans cette sous-section, nous étudions les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi. Avant de présenter les résultats, nous exposons les hypothèses faites sur les signes attendus des variables du modèle. Elles portent sur les variables mesurant l’impact des attributs personnels, celles mesurant l’influence du voisinage (densité ethnique, densité de la population, taux de chômage de la commune) et celles se rapportant aux atouts de la commune (présence d’un SPE, d’une zone industrielle ou commerciale).

4.1.1 Les hypothèses

Les hypothèses relatives aux attributs personnels

Nous supposons que les chômeurs âgés, de sexe masculin et les chômeurs célibataires sont plus enclins à fournir des efforts dans la recherche d’emploi. Nous supposons aussi que les chômeurs qualifiés sont plus actifs sur le marché du travail que les chômeurs faiblement qualifiés parce qu’ils veulent valoriser leurs compétences acquises.

Les Ivoiriens, compte tenu du fait qu’ils peuvent postuler à des emplois du privé comme du secteur public sont plus actifs en termes de recherche d’emploi que les non-Ivoiriens. En outre, plus le chômeur aspire à un emploi salarié, plus sa motivation à développer une recherche active est importante.

Les hypothèses relatives au voisinage

La densité de la population dans la commune mesure l’importance du réseau social et la possibilité d’obtenir des informations sur les emplois par le biais de ce réseau. Plus la densité de la population est élevée, plus le réseau social du chômeur se développe et plus ce dernier est actif dans ses démarches de recherche d’emploi. A contrario un taux de chômage élevé dans une commune, génère un réseau social potentiel de mauvaise qualité et inefficace dans son rôle de relais d’opportunité d’emploi ce qui n’encourage pas les chômeurs à engager des démarches de recherche.

Enfin, les chômeurs vivant dans des communes où le voisinage est composé de ressortissants du Nord sont plus enclins à être actifs en matière de recherche d’emploi.

Les hypothèses relatives aux atouts de la commune

La présence d’une zone industrielle et d’un SPE dans la commune sont des facteurs incitatifs à la recherche d’emploi. En effet, la zone industrielle représente une zone d’emploi et les SPE, par le biais des offres d’emplois colligées, sont des relais d’opportunité pour les chômeurs. Ces hypothèses se réfèrent au « spatial mismatch ». Plus les chômeurs sont proches des bassins d’emploi et des agences locales de l’emploi, plus la distance de prospection est réduite (Bouabdallah, Cavaco et Lesueur, 2002), moins les coûts de prospection sont élevés et plus ils sont incités à rechercher des emplois.

4.1.2 Les résultats

Les résultats des estimations du modèle Probit ordonné sont présentés au tableau 3. Nous avons voulu introduire la densité sous la forme quadratique dans le modèle. Mais le choix de cette forme ne permet pas la convergence des estimations. En revanche, nous avons comparé deux spécifications : une avec la variable AGE, sous une forme linéaire (estimation 1) et une autre incluant la variable AGE dans une forme quadratique (estimation 2). Le choix du meilleur modèle a été opéré à l’aide des critères d’informations d’AKAIKE et bayésien. La meilleure spécification étant celle pour laquelle les valeurs de ces indicateurs sont les plus faibles. On observe qu’avec l’estimation 1, la variable AGE est significative au seuil de 1 % tandis qu’elle n’est pas significative dans la spécification 2. De plus, cette spécification a la valeur du critère d’information d’AKAIKE et bayésien la plus faible. La spécification incluant la variable AGE dans sa forme linéaire est donc préférable. Ce qui nous amène à interpréter seulement les résultats de cette équation.

Le tableau 3 nous informe que les attributs personnels des chômeurs, la proximité avec des zones d’emplois et le voisinage des chômeurs, sont des facteurs explicatifs de l’intensité de recherche d’emploi. En effet, les variables AGE, HOMME, QUALIF 5, QUALIF 6 et QUALIF 7 ont des coefficients positifs et significatifs. Les chômeurs âgés sont donc plus actifs en matière de recherche d’emploi. Au-delà d’un certain âge, l’insertion sur le marché du travail devient plus difficile, les personnes combinent alors plusieurs méthodes de recherche d’emploi pour accroître leur chance d’insertion. Le coefficient positif de la variable MASC traduit que les chômeurs de sexe masculin ont une probabilité plus grande de combiner différents modes de recherche d’emploi que ceux de sexe féminin. Cela peut s’expliquer par le faible niveau d’instruction des femmes (Institut national de la statistique et ICF international, 2012). Les signes positifs des coefficients des variables mesurant la qualification, indiquent que les chômeurs les plus diplômés sont également les plus actifs dans la recherche d’emploi. Ils ont investi dans leur capital humain et veulent donc valoriser leurs compétences sur le marché du travail. Leur activité en matière de recherche d’emploi peut aussi s’expliquer par la crainte que la durée de chômage prolongée détériore leur capital humain et réduise leur employabilité.

Les variables relatives à la proximité des zones d’emploi : SPE et ZINDC, sont significatives mais ont des coefficients avec des signes différents. Le coefficient de la variable SPE est négatif tandis que celui de la variable ZINDC est positif. La proximité avec le SPE n’incite pas à être actif en matière de recherche d’emploi. Cela peut être dû au fait que le SPE collecte et diffuse très peu d’offres d’emploi. C’est par conséquent un signal négatif donné aux chômeurs. Ainsi, même si la proximité avec le SPE réduit les coûts liés à la recherche d’emploi, la faiblesse des rendements attendus est un motif de découragement.

Le signe positif du coefficient de la variable ZINDC confirme le rôle important de la proximité des centres d’emploi sur la décision de rechercher activement un emploi. Habiter dans une commune reconnue comme bassin d’emploi, incite le chômeur à rechercher activement des emplois.

Les variables de voisinage que sont la densité de la population (DENSITE), le pourcentage des Mandes du Nord dans la commune (MANDEV) et le taux de chômage de la commune (CHOMAGE), sont significatives et ont des coefficients positifs. La présence de ressortissants du Nord, dans le voisinage du chômeur, est un facteur d’incitation à rechercher activement un emploi. On peut supposer qu’il y a un effet « d’imitation », les ressortissants du « Nord » étant reconnus plus entreprenants en matière de recherche d’emploi.

Le signe positif de la variable CHOMAGE indique que lorsque la concentration de chômeurs est importante dans une commune, ces derniers ont tendance à multiplier et diversifier leurs démarches afin de collecter le maximum d’informations sur les emplois vacants pour accroître leur chance d’insertion. Ce comportement pourrait être dû à la forte concurrence qui existe entre les chômeurs résidants dans les communes ayant un taux de chômage élevé.

Tableau 3

Déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi : modèle Probit ordonné

Déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi : modèle Probit ordonné

Note : a = variable binaire égale 1 si oui et 0 sinon; ***, significatif à 1 %; **, significatif à 5 %.

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Le signe positif du coefficient de la variable densité de la population (DENSITE), signifie que la densité du réseau augmente l’intensité de la recherche d’emploi. Le réseau de relation se comporte comme un moyen de diffusion des informations concernant les emplois vacants. C’est ainsi un relais d’opportunités d’emplois. En revanche, la variable d’interaction (DENSITEX CHOMAGE) a un coefficient négatif. Ce résultat traduit que le taux de chômage a la capacité de détériorer la qualité des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux construits dans des communes où le taux de chômage est élevé se révèlent ainsi inefficaces et n’assurent pas leur rôle de relais d’opportunités d’emploi.

Tableau 4

Déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi : effets marginaux

Déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi : effets marginaux

Note : ***, significatif à 1 %; **, significatif à 5 %; *, significatif à 10 %.

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Le tableau 4 présente les effets marginaux des variables significatives du modèle Probit ordonné. Quatre enseignements peuvent être tirés de ce tableau :

(i)

Les attributs personnels (l’âge, le sexe, la qualification du chômeur), la proximité avec le bassin d’emploi, le taux de chômage de la commune, le pourcentage de ressortissants du Nord dans la commune, la densité de la population, influencent la décision de combiner deux et trois modes de recherche d’emploi.

(ii)

En revanche, au-delà de trois modes, les attributs personnels du chômeur (le sexe et la qualification) ne déterminent pas la probabilité de combiner les modes de recherche d’emploi. Ce sont plutôt le voisinage (taux de chômage, densité de la population, pourcentage de ressortissants du Nord), la proximité avec les zones d’emploi qui influencent l’intensité de la recherche d’emploi.

(iii)

La qualification du chômeur et la proximité avec les bassins d’emploi ont le plus d’impact sur la probabilité de combiner deux ou trois modes de recherche d’emploi. Mais, la proximité avec le bassin d’emploi est la variable la plus déterminante dans la décision de combiner quatre et cinq modes de recherche d’emploi.

(iv)

L’effet négatif de la présence du SPE dans la commune sur la recherche d’emploi est supérieur à l’effet positif de la présence de la zone industrielle. Ce qui veut dire que l’effet de découragement causé par la présence du SPE dans la commune peut annihiler l’effet positif de la présence de la zone industrielle et par conséquent diminuer l’intensité de la recherche d’emploi.

4.2 Les déterminants du choix des modes de recherche d’emploi

La probabilité d’obtenir un emploi dépend également des méthodes de recherche d’emploi utilisées par les chômeurs pour donner des signaux de productivité aux employeurs. Chaque méthode a un coût et une efficacité attendue et les individus ont le choix entre des méthodes formelles et des méthodes informelles. Les méthodes formelles permettent de collecter un éventail important d’informations sur les emplois vacants. Ce sont des méthodes quantitatives. Les méthodes informelles, elles, permettent de collecter un nombre limité d’informations mais en général de qualité. Parmi les méthodes formelles, on cite : le recours aux intermédiaires publics et privés de placement, les candidatures spontanées, les petites annonces. Les méthodes informelles concernent principalement le recours aux réseaux professionnels et aux relations des parents amis et connaissances.

À la manière de Sabatier (2002), nous avons regroupé les modes en grands groupes : réseau (relations personnelles et professionnelles), procédures marchandes (contact direct des employeurs et petites annonces), intermédiaires institutionnels (AGEPE ou autres services de placement), concours et autres modes. Le tableau 5 montre que 71,8 % des chômeurs ayant recherché du travail ont choisi les réseaux de relation. Après les réseaux, les procédures marchandes ont une fréquence d’utilisation de 39,3 %. Viennent ensuite, les concours (24,4 %) et les intermédiaires institutionnels (4,5 %). Enfin, très peu de chômeurs ont eu recours aux autres modes (2,8 %).

Tableau 5

Fréquence de recours aux modes de recherche d’emploi

Fréquence de recours aux modes de recherche d’emploi

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Pour l’estimation du modèle Probit multivarié, nous avons considéré les trois premiers modes compte tenu du faible pourcentage des deux derniers. Par ailleurs, les estimations effectuées avec le logiciel R, ne convergent pas lorsqu’il est tenu compte du quatrième mode.

Les résultats de l’estimation du modèle Probit multivarié sont consignés dans le tableau 6. Il apparaît que les chômeurs faiblement qualifiés ont plus recours aux réseaux que les chômeurs qualifiés; ce qui rejoint les conclusions de Sabatier (2002), et Ponzo et Scoppa (2008). Nous trouvons aussi que les chômeurs qualifiés préfèrent les méthodes formelles de recherche d’emploi (procédures marchandes et concours). Ils ont investi dans leur capital humain et sont donc plus motivés et plus outillés à diversifier leurs canaux de recherche d’emploi.

Contrairement aux conclusions de l’étude d’Abdel-Mowla (2011), les chômeurs âgés préfèrent les procédures marchandes et les concours. Ils optent ainsi plus pour des méthodes quantitatives pour accroître leur chance d’insertion. Par ailleurs, le choix des méthodes formelles (procédures marchandes, concours) est influencé par la densité de la population et le taux de chômage. Plus spécifiquement, dans les communes où les interactions sociales sont denses, le chômeur a recours aux méthodes formelles. Plus la population est dense, plus les interactions et les contacts sont importants. Les informations sur les canaux de recherche d’emploi circulent, ce qui accroît les sources d’informations concernant les emplois vacants et incite les chômeurs à recourir aux méthodes formelles pour collecter un nombre important d’informations et donner des signaux de productivité aux employeurs. Par ailleurs, la propension à choisir les méthodes formelles est plus grande dans les communes où le taux de chômage est élevé. Cela montre que dans les communes où la concurrence entre chômeurs est importante, ceux-ci utilisent des méthodes extensives (quantitatives) pour accroître leur chance d’insertion. Ce résultat diffère de celui obtenu par Ponzo et Scoppa qui trouvent que lorsque le taux de chômage est élevé, la préférence pour les méthodes informelles est plus grande. Mais il confirme les conclusions de l’étude de Tasci (2008) où la forte présence de chômeurs dans la commune entraîne une concurrence entre les individus et incite à être plus actif dans les démarches de recherche d’emploi. Nos résultats soulignent par ailleurs que, dans les communes où le taux de chômage est élevé, la densité du réseau influence négativement la probabilité de recourir aux méthodes formelles. Ce qui pourrait traduire que dans les communes où le taux de chômage est élevé, le réseau est de mauvaise qualité. Il y a donc moins d’informations sur les emplois disponibles et les relations sociales ont moins d’importance pour la recherche d’emploi (van Der Klaauw et van Ours, 2003). Les estimations indiquent aussi que lorsque le voisinage du chômeur est composé d’une forte présence de personnes originaires du Nord, le chômeur a une propension plus élevée de recourir aux procédures marchandes, par phénomène d’imitation.

Tableau 6

Déterminants des modes de Recherche d’emploi : modèle Probit multivarié

Déterminants des modes de Recherche d’emploi : modèle Probit multivarié

Note : ***, significatif à 1 %; **, significatif à %; *, significatif à 10 %.

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Les Ivoiriens ont une probabilité plus faible que les non-Ivoiriens de recourir aux procédures marchandes, mais ils ont une propension plus élevée que les non-Ivoiriens à recourir aux concours. Ce dernier résultat s’explique par le fait que les concours sont réservés aux nationaux.

La présence d’un SPE dans la commune de résidence du chômeur n’a pas d’influence sur le recours aux modes de recherche d’emploi formel ou informel. En revanche, la proximité avec une zone industrielle et commerciale accroît la probabilité de recourir aux procédures marchandes. Les chômeurs qui vivent dans des communes n’ayant pas d’atout économique sont moins enclins à rechercher activement des emplois.

L’analyse de la corrélation entre les termes d’erreurs des équations des méthodes de recherche d’emploi montre que les coefficients de corrélations entre le mode des relations personnelles et les autres modes sont statistiquement significatifs au seuil de 1 %. L’hypothèse d’indépendance entre les termes d’erreurs des méthodes de recherche d’emploi est rejetée. Le choix du modèle Probit multivarié est donc une démarche appropriée.

Les effets marginaux des différents recours aux méthodes de recherche d’emploi sont présentés dans le tableau 7. Trois principales informations peuvent être tirées de ce tableau. Premièrement, on observe que la probabilité de recourir aux réseaux diminue fortement d’un chômeur faiblement qualifié à un chômeur qualifié. La baisse est la plus importante lorsque les chômeurs ont le CAP, le BEP ou sont titulaires d’un diplôme de niveau supérieur au BAC+ deux années.

Deuxièmement, le choix d’utiliser les procédures marchandes et les concours est également fortement influencé par le niveau de qualification détenu par le chômeur.

Troisièmement, la présence d’une zone industrielle et commerciale dans la commune a un impact très important sur la probabilité de recourir aux procédures marchandes. L’effet marginal de la variable ZINDC est de 0,347. Le passage d’un individu résidant dans une commune défavorisée économiquement à un individu habitant dans une commune favorisée conduit à une hausse de la probabilité de recours aux procédures marchandes de 34,7 %.

Tableau 7

Déterminants du choix des modes de recherche d’emploi : effets marginaux

Déterminants du choix des modes de recherche d’emploi : effets marginaux

Note : ***, significatif à 1 %; **, significatif à %; *, significatif à 10 %.

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Il est important de noter que les coefficients de corrélation entre le mode des réseaux et les autres modes (procédures marchandes et concours) sont de signe négatif. Ce qui suggère que les facteurs inobservés favorables au choix des réseaux sont défavorables au recours aux procédures marchandes et aux concours.

Conclusion

L’objectif de notre travail était de contribuer à l’enrichissement de la littérature relative à la théorie de la prospection d’emploi en analysant, pour la Côte d’Ivoire, les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi et du choix des modes de recherche d’emploi. Nous avons, dans un premier temps, utilisé un modèle Probit ordonné pour étudier les déterminants de l’intensité de recherche d’emploi puis, dans une seconde étape, un modèle Probit multivarié en vue d’identifier les déterminants du choix des méthodes de recherche d’emploi. Ces modèles ont été appliqués à un échantillon de jeunes chômeurs issus de la base de données de l’enquête-emploi Abidjan 2008, réalisée par l’AGEPE.

Les résultats indiquent que les caractéristiques personnelles des chômeurs influencent l’intensité des démarches engagées pour la recherche d’emploi. Les chômeurs qualifiés et d’un âge plus élevé, ont un degré d’intensité de recherche d’emploi plus important que les chômeurs faiblement qualifiés et plus jeunes. L’étude montre aussi que les chômeurs ivoiriens sont moins actifs en matière de recherche d’emploi que les chômeurs non ivoiriens et s’orientent vers les concours. Les chômeurs faiblement qualifiés, eux, se spécialisent dans le recours aux réseaux de relations. Quant aux chômeurs qualifiés, ils privilégient les méthodes formelles de recherche d’emploi (procédures marchandes, concours).

L’étude révèle que la présence d’une agence du SPE dans la commune de résidence du chômeur n’est pas un facteur incitatif à la combinaison de plusieurs modes de recherche d’emploi, tandis que la présence d’une zone industrielle est l’un des déterminants les plus importants de la recherche d’emploi.

Ces résultats confirment certaines conclusions des travaux antérieurs et en infirment d’autres; les déterminants de l’intensité de la recherche d’emploi ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et justifient l’intérêt d’une étude en Côte d’Ivoire.

Ils suggèrent qu’il existe un réel besoin de sensibilisation et d’information des chômeurs sur le bien-fondé de l’activité de recherche d’emploi. Ils mettent en lumière la nécessité de faire de la promotion de la recherche d’emploi, une priorité des politiques publiques d’emploi. À cet effet, le SPE devra développer dans les communes, des programmes d’accompagnement à la recherche d’emploi qui pourraient cibler prioritairement les chômeurs faiblement qualifiés, et les jeunes filles.

Enfin, l’étude montre que la déconnexion spatiale entre les lieux de résidence et les zones d’emploi est l’un des principaux facteurs explicatifs de l’inactivité en matière de recherche d’emploi à Abidjan. À défaut de créer des zones industrielles dans toutes les communes, il serait souhaitable de redynamiser le SPE dans le but de lui permettre de collecter, et de rendre accessible au plus grand nombre, un maximum d’offres d’emplois.

L’étude comporte cependant des limites dont il faudrait tenir compte, pour mieux apprécier les résultats obtenus. Nos analyses se basent en effet, sur des données en coupe transversale qui ne permettent pas de suivre les mêmes individus dans le temps. Ces données ne donnent pas non plus la possibilité d’apprécier l’efficacité des modes de recherche d’emploi. Par ailleurs, il se pourrait que les SPE aient été créés dans des communes où les populations ne sont pas actives en matière de recherche d’emploi; créant de ce fait un biais d’endogénéité négatif.