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Le théâtre, semble-t-il, s’accomplit lorsqu’il parvient à faire se rencontrer sa mémoire et le goût du présent. 

Georges Banu, Mémoires du théâtre

L’idée d’un répertoire théâtral, au Québec, est intimement liée à l’existence même d’une dramaturgie nationale. Gratien Gélinas, le dramaturge, metteur en scène et acteur dont on dit qu’il a donné ses bases au théâtre québécois contemporain, voire qu’il en est le « père », réclame un théâtre national et populaire et s’en fait le défenseur dès les années 1940[1]. Fidèle à ses engagements, il ouvre les portes de la Comédie canadienne en 1958 avec Un simple soldat de Marcel Dubé, cet autre fondateur de la dramaturgie québécoise. Créé à la télévision de Radio-Canada, ce texte venait d’obtenir un grand succès populaire. En 1959, année de la création de sa pièce Bousille et les justes, Gélinas livre son discours de réception à la Société royale du Canada qu’il intitule « Jeune auteur, mon camarade ». Il y incite les auteurs à se rendre jusqu’au bout de leur route et de leurs énergies « mais sans sortir de [leur] essence pour tenter d’être un simili-Giraudoux, un pseudo-Anouilh ou un faux Montherlant » (Gélinas, 1960 : 223). Ces appels seront entendus, et à compter des années 1960, la production dramaturgique aux couleurs spécifiques du Québec sera de plus en plus abondante, dans une langue française qui cherche encore ses intonations, mais pour la création d’oeuvres qui émeuvent et qui se présentent comme autant de reflets d’une société distincte. « Car c’est nous cette histoire qui rit et qui pleure », écrit le journaliste René Lévesque en 1953, lors de la sortie du film Tit-Coq (Sicotte, 1995 : 308).

La question d’un répertoire québécois surgit en 1969, avec la mise à l’affiche d’Un simple soldat par la Nouvelle Compagnie théâtrale[2] dont le mandat est précisément la présentation de textes issus du répertoire – international mais surtout européen – aux jeunes spectateurs des écoles et des collèges. L’idée que certains textes québécois puissent être qualifiés de « classiques » et qu’ils soient intégrés à un « répertoire » national étonne et plaît tout en même temps. Il s’agit là d’une décision qui permet en tout cas d’envisager la reprise de textes précédemment produits, dans l’esprit d’une continuité et dans le sens d’une appréciation à long terme. Bien entendu, le défi sera précisément de faire vivre les textes qui seront ainsi retenus. Comment la concrétisation de cette idée d’un répertoire québécois s’est-elle déployée depuis 1958? Pour comprendre quelles lectures ont été proposées de certains textes des années 1940 et 1950 par les metteurs en scène de générations successives et comment ces propositions ont été reçues par les critiques sur cinq décennies, j’ai effectué la lecture des programmes de spectacles et des critiques parues dans les quotidiens. Je cherchais à traquer les intentions des directions artistiques, le choix des metteurs en scène et la réception réservée aux productions[3]. C’est avec Un simple soldat, qui lance la question de la constitution possible d’un répertoire québécois, que s’ouvre l’enquête.

Le travail du temps

Créée à la télévision de Radio-Canada le 10 décembre 1957 avec Gilles Pelletier comme interprète principal, la pièce est portée à la scène à la Comédie canadienne cinq mois plus tard avec les mêmes comédiens, dans la mise en scène du réalisateur Jean-Paul Fugère. Lawrence Sabbath, critique à The Gazette, estime, dans son article « Dube’s New Play Is A Masterpiece », que la pièce est un chef-d’oeuvre où l’humour se mêle au dramatique de façon magistrale : « powerfully dramatic and explosively funny » (Sabbath, 1958 : 9). Mais, estime-t-il, le texte a trois scènes de trop et le dénouement est quelque peu gauche et forcé. Selon le critique, l’auteur y répète des informations déjà données et cherche à trop bien nouer toutes les ficelles de l’intrigue. Jean Vallerand, critique au quotidien Le Devoir, est du même avis : la pièce a trop d’épisodes et de tableaux qui s’échelonnent sur plusieurs années. Cette structure dramatique, bien servie par la diffusion télévisuelle, correspond à une écriture cinématographique qui attire désormais les auteurs. C’est le personnage de Joseph qui donne son unité à l’ensemble, alors que la fresque sociale, brillamment illustrée, touche tous ceux qui s’y reconnaissent.

En 1967, le texte est remanié par l’auteur et repris à la Comédie canadienne, cette fois dans une mise en scène de Jacques Létourneau, avec le même Gilles Pelletier dans le rôle-titre et plusieurs des comédiens de la création dans les rôles qu’ils ont précédemment tenus. Jean Basile estime que la pièce n’a pas la gravité et la profondeur des oeuvres plus récentes de l’auteur, qu’elle est généreuse, amusante et sensible et que, conçue comme une fresque, elle « vaut mieux par son ensemble de personnages que par son héros central » (Basile, 1967 : 8). Tout comme Lawrence Sabbath dix ans plus tôt, Jean Basile pense que les vingt-cinq dernières minutes sont de trop et, surtout, que la pièce serait peut-être « notre premier VRAI scénario de film » (Basile, 1967 : 8). Les mêmes analyses reviennent donc dix ans après la création. Martial Dassylva, de La Presse, publie deux réactions à cette production à cinq jours d’intervalle. Dans un premier article, il cherche à voir « si la salle et la scène sont toujours sur la même longueur d’ondes » (Basile, 1967 : 8), si le message conserve toute sa force, si le sujet et les thèmes ont toujours les mêmes résonances. La reprise, écrit-il, est un test capital pour l’auteur. C’est la question de la dramaturgie du miroir qui fait surface et, comme en doublet, celle de l’universalité d’un texte dont le propos et la langue semblent ne bien correspondre qu’à une culture restreinte. Pour faire la preuve de l’envergure du personnage principal, Martial Dassylva l’extirpe du strict contexte de la Deuxième Guerre mondiale pour voir en « cet être de jactance et de rêves fous » (Dassylva, 1967a : 28), un inadapté de la vie. Il y aurait donc de l’universel dans un texte d’ici?

Cinq jours plus tard, le critique se porte à la défense de l’auteur dont la pièce est « une oeuvre dramatiquement grave et forte » (Dassylva, 1967b : 26). Des discussions ont manifestement eu lieu autour de la langue utilisée par le dramaturge. Martial Dassylva soutient que Marcel Dubé veut être entendu et compris du plus grand nombre et, pour relancer le débat, pose la question du jeu des comédiens. Y aurait-il décalage ou est-ce que les comédiens ont du mal à retrouver les intonations et les sonorités d’une langue qui ne leur est plus tout à fait naturelle? Quelques mois avant la controverse suscitée par Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay, le débat sur la langue au / du théâtre (et sur son corollaire, le théâtre réaliste) est lancé. Ici, ce n’est donc pas la question de la constitution d’un répertoire qui emporte les passions mais bien celle d’une nouvelle écriture, d’un nouveau théâtre qui veut déjà chasser l’ancien. Y aurait-il là en germe une querelle des anciens et des modernes? La création contemporaine s’opposerait-elle, de par son existence même, à la constitution d’un répertoire? En ce qui concerne Un simple soldat, la production de 1967 constituera un point de repère significatif dans l’évolution de la dramaturgie nationale tout autant que dans le maintien d’une attitude positive face au phénomène des reprises de pièces créées dans des contextes sociaux et culturels spécifiques.

Quelles que soient les controverses, Gilles Pelletier, alors codirecteur artistique de la Nouvelle Compagnie théâtrale, décide de mettre la pièce à l’affiche deux ans plus tard, au printemps 1969. Cette décision d’inclure une pièce québécoise dans une programmation vouée aux classiques et d’en faire, ipso facto, une oeuvre de répertoire, aura des répercussions sur l’ensemble des programmations futures et sur la façon dont les auteurs et les textes québécois seront vus désormais. Pour Martial Dassylva, l’introduction de Marcel Dubé à la NCT a l’effet d’une reconnaissance de son talent et d’une canonisation. Le critique y va même de sa suggestion de porter Tit-Coq de Gratien Gélinas à l’affiche l’année suivante (Dassylva[4], 1969 : n.p.)[5].

Un simple soldat de Marcel Dubé, mise en scène de Gilles Pelletier, 1969. Avec Gilles Pelletier et Élizabeth Lesieur. Une production de la Nouvelle Compagnie théâtrale jouée au Gesù.

Photographie de André Le Coz

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Reste le choix de la distribution. Faut-il la renouveler ou revenir aux comédiens de la création et ainsi entretenir la mémoire des productions passées? Et qu’en est-il du choix de la version à jouer : celle de 1958 ou celle de 1967? Gilles Pelletier, qui signe la mise en scène, réunit une distribution mixte où se retrouvent, pour la dernière fois, plusieurs des artisans de la création. Et il choisit une version « qui se rapproche le plus du texte […] joué à la télévision en 1957 ». Pourquoi? Parce que le « langage [y est] plus âpre, plus dur, et en même temps plus vrai pour les personnages » (Marsolais, 1969 : 14-15). La question de la langue refait surface en ces années d’une dramaturgie d’affirmation, et les choix entraînent nécessairement chez les critiques la valse hésitation des comparaisons. Et ils ont beau jeu : ils ont vu la création à la télévision, puis à la scène et les reprises. Ces productions et la prestation des comédiens sont présentes à leur mémoire. Martial Dassylva aurait préféré que l’on joue la version de 1967 « plus solide et mieux structurée » (Dassylva, 1969 : n.p.). Et puis, cette production de la Nouvelle Compagnie théâtrale, quoique fort soignée, « ne saurait faire oublier celle de la Comédie canadienne » (Dassylva, 1969 : n.p.). Les productions antérieures font irruption dans le processus de création et dans celui de la réception.

Zelda Heller, critique au Montreal Star, note pour sa part que certains aspects du texte sont toujours plutôt mélodramatiques mais que l’action y est directe, concentrée. Les intrigues secondaires ont été retirées de cette version qui maximise l’universalité de l’ensemble. À la fin de la pièce, par exemple, la mort du héros en Corée n’est pas annoncée à la famille par télégramme, mais montrée par le biais de la projection d’images, dont celle des croix dans un cimetière militaire (Heller, 1969 : 11). En conclusion, elle estime que la nouvelle production est plus « pure » et conséquemment plus froide et moins touchante que les précédentes, mais que la réécriture de Marcel Dubé donne à la pièce un sens plus universel.

Le texte revient sur la scène de la Nouvelle Compagnie théâtrale dans une production du Théâtre populaire du Québec (1989), est ensuite produit par la compagnie Jean-Duceppe (1998), puis par trois partenaires, dont le Théâtre Denise-Pelletier, en 2007[6]. On le constate, les productions surviennent aux dix ans, signe sans doute que la décision prise par la NCT en 1969 a eu un effet d’entraînement. D’une part, les metteurs en scène et les directions artistiques se posent désormais la question des textes québécois précédemment créés et acceptent de relever le défi de les ramener sur scène. Il est vrai que seule la mise en production peut valider la qualité et l’universalité d’une pièce, tout autant que son emprise sur l’imaginaire des spectateurs et son impact dans une culture contemporaine.

Mais les réactions critiques suscitées par les premières productions semblent rester prépondérantes. Les reprises sont en quelque sorte ancrées dans la création comme si le texte et sa production, les personnages et leur interprétation, les émotions et leurs manifestations étaient indissolublement liés. De 1959 à 1969, les mêmes remarques reviennent sur la structure de la pièce et sur le nécessaire écho qu’un texte doit trouver auprès de son public. Trente ans après la création, soit en 1989, c’est à une nouvelle génération de metteurs en scène que le défi est lancé. Comment travailleront-ils ces textes?

René Richard Cyr dirige Gildor Roy dans le rôle de Joseph Latour et Jean Lajeunesse ou Gilles Pelletier dans celui du père. De nouveaux critiques prennent place dans la salle. Pour Jean Beaunoyer, le metteur en scène a réussi « un véritable tour de force » de « mêler aussi finement le rire et la tragédie » (Beaunoyer, 1989 : D5). Est-ce que cela ne se trouve pas plutôt dans le texte? Et n’est-ce pas là une des caractéristiques que les critiques soulignent depuis la création? Jean Basile n’a-t-il pas déjà noté, en 1967, que la solide mise en scène de Jacques Létourneau « n’hésite pas à accentuer le côté comique de l’affaire » (Basile, 1967 : 8)? Il semble que certains critiques fondent leur appréciation sur l’opinion des anciens, et ne renouvellent donc pas l’exercice de l’analyse critique, une attitude qui ne favorise pas les relectures audacieuses!

À l’occasion de cette production de 1989, Robert Lévesque, du Devoir, se dit heureux que l’on « ramène dans l’actualité une oeuvre peut-être boiteuse, mais si forte, une pièce mal équarrie mais porteuse de la plus précieuse denrée théâtrale, l’émotion » (Lévesque, 1989 : 11). À son avis, il s’agit d’« une des pièces les plus fortes et les plus politiques de la dramaturgie québécoise » et du « plus beau personnage de toute l’histoire du théâtre québécois ». Sur la mise en scène, il écrit que le « spectacle […] est joué à une vitesse affolante », et ajoute : « Belle façon de cerner le tragique » (Lévesque, 1989 : 11). En imposant au jeu un rythme accéléré, René Richard Cyr tenterait-il de faire voir et recevoir le texte autrement? Il ne s’agirait plus de s’arrêter aux images de la société d’hier, mais de s’intéresser à l’action et aux personnages qui la portent? Le texte commencerait-il à exister par lui-même, à supporter d’autres rythmes de jeu, à prendre son autonomie dans cette rencontre avec un metteur en scène? En 1998, Yves Desgagnés est de la troisième génération de metteurs en scène à se confronter au texte et il se dit étonné des difficultés qu’il rencontre : « Puis devant les doutes, on se console en se disant que, comme pour toutes les grandes oeuvres du répertoire classique, il n’y aura jamais de mise en scène définitive du Simple soldat de Marcel Dubé » (Desgagnés, 1998 : 7). Le texte offre des résistances au metteur en scène, comme il se doit, et ce dernier le reconnaît.

À l’automne 2007, Jacques Rossi effectue un travail important de relecture des différentes versions et de sélection parmi les variantes de certaines scènes. Surtout, il insère dans sa partition scénique deux éléments destinés à établir une distance entre les événements des années 1950 et les spectateurs de 2007-2008. Parmi les poèmes publiés par l’auteur, il choisit d’abord une suite d’extraits qu’il introduit à différents moments comme autant de points d’orgue pour marquer les situations vécues par les personnages et le déroulement de l’action. Les critiques se sont montrés récalcitrants face à l’insertion de ces textes poétiques : « Vers la fin surtout alors que le travail choral (en partie sur des poèmes de Dubé), jusque-là éclairant quant au climat de prostration de l’époque, devient intrusif, épaissit le flux dramatique plus qu’il ne le libère » (St-Hilaire, 2007 : A6), écrit Jean St-Hilaire. Marie-Claude Marsolais évoque, elle, le « lyrisme déstabilisant des poèmes chantés » (Marsolais, 2007 : 16). Le second élément introduit par Jacques Rossi est beaucoup plus ambitieux. Le metteur en scène a déplacé des scènes de la fin vers le début de façon à ce que la pièce se présente comme un retour sur sa vie par Joseph Latour alors qu’il est pris dans une embuscade en Corée. À cette fin, des séquences filmées sont projetées sur scène aux moments cruciaux de l’intrigue, séquences où l’on voit le soldat Latour menacé, encerclé et mourant sous les balles. Jacques Rossi propose ainsi un commentaire sur la vie du soldat et sur le phénomène de la guerre précisément au moment où la guerre s’intensifie en Afghanistan et où les soldats québécois s’apprêtent à quitter leur base de Valcartier. Or, aucun critique n’a fait référence à ces projections ni au procédé du flashback. Ils ont cependant rappelé que cette pièce nous tend un miroir, qu’elle se présente comme une fresque claire et vivante de nos carences éducatives et sociales d’hier, et ils sont revenus sur le fait que le texte fait revivre un Québec révolu, qu’il nous plonge dans le Québec ouvrier des années 1950… comme dans un musée.

Le texte et son héros sont-ils à ce point associés à leur moment historique et à une réalité sociale spécifique qu’il est difficile, voire impossible, de les en extirper ou encore de leur confier un commentaire sur l’époque contemporaine? Sont-ils à ce point représentatifs d’un passé pourtant très proche que nous sommes empêchés d’en lire les mises en perspective? Se pourrait-il que cette pièce en particulier résiste au travail de la mise en scène? La constitution d’un répertoire ne va pas de soi, les pièces et leurs personnages ont leur force propre et les intentions de mise en scène n’agissent pas toujours tel qu’envisagé.

Il semblerait aussi que le besoin qu’éprouvent les spectateurs de se reconnaître dans ce qui est donné à voir et à entendre joue contre la reprise de ces textes fondateurs. Et si le miroir n’est pas en place, la question surgit : pourquoi monter ce texte-là aujourd’hui?  Serait-ce la problématique quête d’une identité politique et culturelle qui fait en sorte qu’on se cherche ainsi comme dans un miroir? Serait-ce particulier au Québec? Comme, de plus, cette écriture est de facture réaliste, la tentation est grande de chercher dans une image une identité actualisée. En 2007, Jean St-Hilaire écrit :

Cinquante ans après sa création, Un simple soldat conserve une étonnante force d’émotion. Certes, la pièce réfléchit une époque où les rapports hiérarchiques au sein de la famille et une vision chez les uns naïve, chez les autres craintive de l’amour font sourire, mais on se reconnaît dans le rétroviseur de Marcel Dubé. Non sans pincement au coeur, on y regarde se débattre de pauvres gens englués dans de petites aspirations dont ils n’ont pas les moyens intellectuels et sociaux de se sortir

St-Hilaire, 2007 : A6

Lorraine Pintal, pour sa mise en scène de Florence à la Nouvelle Compagnie théâtrale en 1987, aura une attitude différente. À son avis, c’est le jeu de l’éloignement entre l’oeuvre, le metteur en scène et les spectateurs qui est bénéfique autant à l’une qu’aux autres : « C’est un théâtre hors frontières sur lequel j’ai tenté de poser un regard nouveau dans le but évident de défolkloriser l’image que nous nous faisons du bon québécois qui nous a précédé [sic] »  (Pintal, 1987 : 5). Le théâtre de Marcel Dubé peut donc être perçu comme venant d’ailleurs, ce qui lui confère un degré d’étrangeté. Gilbert David, alors critique au quotidien Le Matin, titre son article : « Florence, 30 ans après : texte fragile, super mise en scène ». Selon Gilbert David, Lorraine Pintal a, « par sa mise en scène, épuré le drame de sa facture naturaliste pour tenter d’en faire ressortir la dimension tragique » (David, 1987 : 17). La metteure en scène avait manifestement travaillé le texte de façon à le sortir d’un carcan passéiste.

Le travail du metteur en scène

Marcel Dubé est d’abord et avant tout un auteur et il confie à d’autres la production de ses pièces; Gratien Gélinas est homme de théâtre. Il écrit, met en scène et joue ses textes. Le premier assiste de loin au travail du metteur en scène et des interprètes et n’a jamais eu tendance à intervenir; Gélinas a une attitude différente. Acteur, il est à l’écoute des réactions des spectateurs et revoit régulièrement ses textes pendant au moins l’année qui suit la création. Il joue en anglais et en français, à Montréal, au Québec et en tournée canadienne. Il reste très proche des répliques, des dialogues et du déroulement de l’intrigue. Et comme il obtient beaucoup de succès, il peut considérer que ses choix sont judicieux. Ce faisant, il imprègne ses pièces et leur production de son style, de sa présence au jeu et à la mise en scène.

Tit-Coq est créé en 1948 au Monument-National de Montréal avec Gratien Gélinas dans le rôle-titre. Un film en est tiré, produit à même les revenus de la pièce, dont la première a lieu en 1953 au Théâtre Saint-Denis. Le journaliste René Lévesque en rend compte :

Enfin, ça y est. Au chant magique de ce Tit-Coq qui naguère nous rapprenait [sic] le chemin du théâtre, le jour se lève à nouveau. Dieu! Que c’est passionnant – et nécessaire – de se reconnaître sur un écran. Et, tout à coup, de ne plus être simplement intéressé à titre documentaire ou ému par fraternité humaine, mais de se sentir touché au vif et comme flambant nu, violé par l’oeil d’une caméra

Lévesque, 1953, cité dans Sicotte, 1995 : 308

Que ce soit sur scène, sur le petit ou le grand écran, il semblerait que ce soit le phénomène de la reconnaissance qui joue le plus fortement en faveur de l’oeuvre et de ses personnages.

En 1981, la Direction de la Nouvelle Compagnie théâtrale propose à Gratien Gélinas de régler la mise en scène de Tit-Coq. Pour cette première reprise depuis la création de 1948, Gratien Gélinas confie son rôle à un autre comédien, Daniel Gadouas. Ray Conlogue, du Globe and Mail, écrit que la production est fidèle à l’original pour le décor et le style de jeu mais que le conflit central n’est plus d’actualité et que le public a reçu la pièce comme un « testament historique » (Conlogue, 1981 : 19). Tout au contraire, Jacques Larue-Langlois du Devoir dit avoir expérimenté une production vibrante et chaleureuse qui « remporte haut la main l’adhésion de la jeune génération » :

[L]’intrigue de Tit-Coq, parfaitement construite du point de vue dramatique et écrite dans une langue simple, vivante et exemplaire de véracité, se suffit en elle-même, se tient parfaitement et mérite amplement le titre de premier moment de la dramaturgie nationale québécoise de l’ère moderne

Larue-Langlois, 1981 : 13

L’avis de Martial Dassylva recoupe celui de Jacques Larue-Langlois : Tit-Coq est un « apport exceptionnel dans l’établissement et la définition d’une littérature nationale […] et porte en germe également une bonne partie du théâtre québécois contemporain » (Dassylva, 1981 : D8). Les critiques francophones s’intéressent essentiellement au texte et s’ils ne parlent pas comme tel de répertoire, ils reconnaissent dans cette reprise un enjeu important et établissent les liens nécessaires entre ce Tit-Coq et une dramaturgie nationale dont ils constatent l’évolution.

Dix ans plus tard, la mise en scène de Ginette Guay au Théâtre de la Bordée – la première qui ne soit pas de l’auteur –, met en évidence un personnage débrouillard qui éveille la fierté, écrit Jean St-Hilaire, mais « nous sommes pris d’un malaise indicible devant le spectacle de la douleur tranquille du Québec d’alors » (St-Hilaire, 1992 : A1). Le critique du Soleil est particulièrement attentif au miroir que nous tendent les pièces de Gratien Gélinas et de Marcel Dubé, de même qu’aux témoignages qu’elles nous offrent sur des périodes révolues de l’histoire et sur ces êtres et personnages du passé qui habitent toujours la mémoire. Est-ce que ce théâtre des années 1950 est particulièrement porteur du sens de l’histoire ou est-ce la curiosité envers un passé méconnu qui intervient dans sa réception? Serait-ce la mise en fiction de l’histoire qui intéresse, voire encore l’association de moments historiques à des personnages fictifs des plus ordinaires mais des plus touchants? Qu’en est-il alors de l’actualisation des textes anciens, voire des liens entre passé et présent que la mise en scène seule est apte à suggérer?

En 1999, six mois après le décès de Gratien Gélinas, Michel Monty signe la mise en scène de Tit-Coq pour le Théâtre Denise-Pelletier. Il dit aborder la pièce comme un classique sur lequel il veut poser un regard personnel, et il choisit de dresser un portrait de l’époque en situant l’action dans le Montréal des années 1940. Ce sont des photos anciennes projetées qui constituent le décor, avec une musique tirée d’archives sonores. Pat Donnelly, dans The Gazette, regrette l’absence de Gratien Gélinas. Difficile, explique-t-elle, de jouer ce qu’il a joué : ses souliers sont trop grands. Mais la pièce est plus forte que l’absence de Gratien Gélinas et plus puissante que le style rétro sophistiqué adopté par le metteur en scène (Donnelly, 1999 : C9).

Et si c’était justement ce style qui réussissait à éloigner le personnage et la pièce des années 1940 pour mettre autre chose en évidence? Au fur et à mesure que les productions s’éloignent du moment de la création, les metteurs en scène gagnent en audace et obligent les critiques à considérer leur travail autrement. De leur côté, les critiques ont à approfondir davantage leurs analyses.

Solange Lévesque du Devoir apprécie cette production de Tit-Coq « pour le texte, surtout » (Lévesque, 1999 : B6). Et, de façon toute nuancée, elle écrit que si le héros suscite beaucoup de sympathie, il ne faut pas pour autant avoir recours au folklore et aux images convenues dès qu’on travaille une pièce écrite avant 1960. Il faut, estime-t-elle, laisser leurs mots aux personnages et laisser les personnages aux spectateurs qui en feront, eux, des êtres contemporains. Elle établit un rapprochement inédit, qui va à l’encontre de certaines façons de voir et de recevoir ces « classiques » : « Comme le Simple soldat de Marcel Dubé, Tit-Coq trouve tout son intérêt dans la mesure où la pièce est jouée de telle manière que l’on puisse saisir son contexte historique » (Lévesque, 1999 : B6). « Saisir » n’est pas « reproduire » ni « restituer », et le moment historique est un contexte qu’il faut savoir situer pour bien comprendre les enjeux dramatiques de la pièce. Mais, ajoute-t-elle, « Bousille et les justes, du même auteur, est une pièce nettement plus forte » (Lévesque, 1999 : B6).

À partir de sa création à la scène en 1959, Gratien Gélinas suit de très près l’évolution de Bousille et les justes qu’il remet sans cesse sur sa table de travail. En 1975, il revient à sa pièce et à sa mise en scène pour la Nouvelle Compagnie théâtrale et confie à Gilles Marsolais à quel point il y est attaché :

L’impression que j’ai? Celle d’une remise en chantier. Même si j’ai apporté dans le temps tout le soin possible à polir le texte au cours des répétitions et des représentations, j’ai revu toute la pièce : il y a des charnières que j’ai accusées davantage, des passages que j’ai modifiés un peu pour rendre plus évidentes certaines forces du texte […]. Pour la mise en scène, j’ai tout repris. Dans l’ensemble, j’ai gardé le même style de présentation, mais j’ai remis en question chaque mouvement, chaque intention que je voulais obtenir des comédiens tout comme j’ai remis en question chaque réplique du texte

Marsolais, 1975 : 12-13

L’auteur / metteur en scène revisite sa propre création. Selon Lawrence Sabbath du Montreal Star, deux raisons en expliquent le succès : « The story is credible and the characters are genuine[7] » (Sabbath, 1975 : C17). Pour Adrien Gruslin du Devoir, l’écriture sait rester simple et efficace, et la pièce a « conservé entière son humanité » (Gruslin, 1975 : 10). De plus, écrit-il, elle est habilement construite : « Chaque fois que la tension risque de devenir insupportable, le dramaturge place une réplique qui déclenche les rires » (Gruslin, 1975 : 10). Nous avons vu déjà que cet habile mélange du dramatique et du rire avait été apprécié dans Un simple soldat. Bousille atteint cet « équilibre entre la drôlerie et l’indicible tristesse » (St-Hilaire, 1981 : F8), selon l’expression de Jean St-Hilaire, et le public se laisse entraîner dans les situations intenses qui se développent jusqu’au dénouement. Cette production connaîtra un tel succès qu’elle migrera de la Nouvelle Compagnie théâtrale au Théâtre Jean-Duceppe, au Théâtre du Trident, puis au Centre national des Arts et enfin au Théâtre populaire du Québec pour une longue tournée.

Bousille et les justes de Gratien Gélinas, mise en scène de Gratien Gélinas, 1975. Avec Yves Létourneau, Robert Rivard et Jean-Pierre Masson. Une production de la Nouvelle Compagnie théâtrale jouée au Gesù.

Photographie de André Le Coz

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En 1990, Bousille et les justes revient au Théâtre Jean-Duceppe dans une mise en scène d’André Brassard, un travail magistral qui ne récolte que des éloges. Jean St-Hilaire parle d’un « coup de maître » et d’une lecture pénétrante qui conserve au texte « son charme frondeur, sa truculence et son ironie ravageuse » dans une mise en scène qui « renvoie présent et passé face à face ». Selon le critique, « le comique sourd sans cesse de répliques à double sens, de mots colorés et de jeux de scène, le drame nous est sucré sans perdre jamais ses relents de fiel » : « Un de mes plus beaux souvenirs du répertoire national », avoue-t-il (St-Hilaire, 1990 : C1). Dans Le Devoir, Robert Lévesque souligne le « retour magistral de Bousille » et souligne que ce qui est mis en évidence est « ce portrait sec, cru, d’une famille où tout le monde trompe tout le monde », « d’une société minée par le calcul, le profit, la face à sauver, le petit commerce à défendre, dans un monde d’où l’innocence et l’honnêteté se sont enfuies » (Lévesque, 1990 : 18). On comprend que cette production met en évidence le style, les thématiques, les structures dramatiques, l’essence même des personnages, et qu’elle appelle à des réflexions de nature éthique.

S’il peut y avoir une explication à ce succès, elle serait peut-être dans la résistance que Brassard a opposée au texte, voire à l’auteur. Dans ses entretiens avec Wajdi Mouawad, le metteur en scène explique comment s’est effectué le travail :

W. Mouawad. — Pour ces trois productions[8], comment s’est effectué le travail sur le texte?
A. Brassard. — J’ai coupaillé. De manière différente, mais j’ai coupaillé. […]
W. Mouawad. — Comment coupailles-tu, concrètement?
A. Brassard. — Quelque chose me dit : « Il manque une scène, là, et celle-là est de trop ». Ou alors : « On n’a pas besoin de dire ça. On le comprend. On l’a déjà compris ». […] J’ai dû pourtant couper quelques répliques parce que c’était une pièce qui datait de la fin des années 1950. Il y avait des choses qu’il disait trois fois pour être sûr que le public comprenne

Mouawad, 2004 : 85

Brassard a également tenu l’auteur à distance de ses décisions quand celui-ci, pendant les répétitions, notait les répliques supprimées et venait lui dire à quel point elles étaient appréciées du public. Oui, répondait Brassard, « mais il y avait aussi le fait que ça avait déjà été dit deux fois par tel personnage » (Mouawad, 2004 : 85). Ce à quoi Gélinas répondait que Brassard avait raison. Et cette mise en scène a fait passer Bousille et les justes du côté des pièces fortes.

En 1996, Fernand Rainville relève le défi d’une nouvelle mise en scène de Bousille et les justes qui sera présentée au Théâtre du Vieux-Terrebonne, puis au Théâtre Denise-Pelletier. Cette production donne à Solange Lévesque l’occasion d’un texte critique qui a du souffle et qui donne de l’envergure au texte de Gélinas :

Voilà une production musclée de la pièce la plus puissante de Gratien Gélinas. La lecture du metteur en scène Fernand Rainville, d’une cruauté sans accommodements, mise sur les contrastes et rend très actuelle cette pièce féroce écrite dans une langue dont la cohérence réjouit

Lévesque, 1996 : B7

Le texte a désormais du relief et peut prétendre à une existence autonome. Un phénomène similaire se produit avec Les Fridolinades. Lors des reprises orchestrées par Denise Filiatrault au Centre national des Arts puis au Théâtre du Rideau Vert, Gratien Gélinas est présent. Les sketches choisis sont mis en scène de façon à ce que les spectateurs aient l’impression de voir ce qu’ils auraient vu dans les années 1940. Le critique Stéphane Lépine apprécie l’écriture de Gratien Gélinas « où le rire et l’ironie n’étaient jamais dérision, mépris ou sarcasme » et note que le jeu bien réglé des comédiens élimine « toute trace de vieillissement formel ou thématique » (Lépine, 1988 : 54). Tout en se réjouissant du fait que « le théâtre québécois a aujourd’hui un répertoire » (Lépine, 1988 : 54), il n’en demande pas moins quelle est la pertinence de ces textes. Mais il ajoute que le théâtre s’inscrit dans l’histoire et que « porter un “classique” à la scène ne peut se faire sans conscience historique » (Lépine, 1988 : 54). Est-ce là l’effet propre à l’existence d’un répertoire?

Chose certaine, la richesse des strates de l’écriture dramatique est accentuée et on a l’impression, à suivre cette enquête sur le sort des pièces mises au répertoire, que les propositions créatrices tout autant que les appréciations critiques ont de plus en plus d’ampleur. En 2005, le jeune metteur en scène Jean-Guy Legault met en oeuvre et en scène un montage de son cru à partir de plusieurs sketches des Fridolinades. Critique politique et humour s’y mêlent comme il se doit, mais non plus selon la formule du cabaret ou du spectacle de variétés comme cela était de tradition. Gratien Gélinas n’est plus là pour intervenir et Jean-Guy Legault se sent libre d’innover. Lui a-t-il été fidèle ou a-t-il produit son oeuvre à partir de la sienne? Et quelle est la mesure par laquelle on juge de la fidélité à un auteur? Wajdi Mouawad et André Brassard posent la question autrement, et plus justement, quand ils soulignent la différence entre un texte écrit et publié, d’une part, et le spectacle réalisé à partir de ce texte : « Ce n’est pas la même chose », affirme Wajdi Mouawad; « le spectacle, explique André Brassard, c’est notre affaire. Souvent, on se retrouve face à des textes qui répondent à des conventions qui ne tiennent plus » (Mouawad, 2004 : 87).

De plus, une autre génération de critiques veille à la réception des mises en scène du répertoire. Christian Saint-Pierre, dans Voir, donne un sens aux nouvelles façons de travailler les textes de Gratien Gélinas :

Ces jours-ci, pour le plus grand bonheur des spectateurs du Théâtre Denise-Pelletier, Jean-Guy Legault dépoussière Les Fridolinades de Gratien Gélinas. Radicale, sa relecture n’en est pas moins respectueuse. Si les références sociales et politiques sont généralement actualisées, la période qui a vu naître les populaires revues, la Seconde Guerre mondiale, est loin d’être oblitérée. En fait, le principal intérêt du spectacle réside dans l’entrechoquement qu’il provoque entre les années 30 et les années 2000

Saint-Pierre, 2005 : 16

Le travail du dramaturg historien

Ma réflexion sur la notion de répertoire à partir de ce qui s’est passé au Québec au cours des soixante dernières années me conduit à penser que le moment où un texte entre au répertoire est celui où il quitte ses géniteurs. Il peut alors exister de façon autonome et il y parvient grâce à la ténacité, à l’irrévérence, à la résistance de certains metteurs en scène et à la clairvoyance de certains critiques. Alors, ce texte « classique » peut être traversé par d’autres imaginaires et articulé selon d’autres modes de pensée et de production. Encore faut-il un désir artistique réel de la part des artistes qui acceptent de tels défis. Autrement, il est trop facile d’avoir recours à des subterfuges pour faire accepter ces pièces alors qu’il y a tant de créations contemporaines à faire valoir. J’appelle subterfuge les anniversaires soulignés, les honneurs décernés, les circonstances particulières par lesquels on explique la programmation d’un texte. L’absence de désir du texte dit « classique » se manifeste aussi chez ceux qui se lancent dans l’aventure du répertoire tout en ignorant les particularités du texte, le contexte de l’écriture et la période historique en question. Ce qui devrait être considéré comme un privilège – revisiter les textes classiques – n’est alors qu’un contrat. Le critique porte une part de responsabilité, lui qui doit être en mesure de saisir le sens du travail accompli entre la création et les reprises, entre la production d’origine et les suivantes. Qu’est-ce que le respect auquel un texte a droit, qu’est-ce que son actualisation, qu’est-ce que sa production dans un contexte optimal? Ces questions renvoient les directions artistiques des théâtres à leur obligation propre de doter ces reprises des moyens requis pour un véritable travail de dramaturgie. Si l’on estime que la constitution d’un répertoire québécois est importante, il est essentiel que les textes anciens soient travaillés sous l’oeil vigilant d’un dramaturg doublé d’un historien. Car ces textes sont juste assez proches de nous pour nous séduire et nous émouvoir, mais juste assez éloignés pour nous échapper. Georges Banu, dans Mémoires du théâtre, estime qu’il ne s’agit pas « de viser une mémoire du théâtre, mémoire conservatrice, mais de produire des effets de mémoire à partir des restes, des éclats, des bribes ». Ou encore, de privilégier « un imaginaire et non pas une interprétation. Une énigme et non pas une réponse » (Banu, 1987 : 101 et 106). Et pour y parvenir il est bon d’affirmer une distance, de jouer sur l’écart.

Après la « première », un texte dramatique reste vivant. La série des représentations se poursuit, puis viennent les tournées, les reprises, les traductions qui ont lieu du vivant de l’auteur et des premiers artisans. Ces interprètes restent très présents à la mémoire de la génération suivante d’artistes et de critiques, et une certaine fabulation peut s’ériger sur le souvenir de cette production d’origine. C’est alors que doit commencer le travail de résistance au texte et à l’auteur.

Ma proposition est qu’une oeuvre « entre au répertoire » quand elle n’est plus « vivante », c’est-à-dire quand ses créateurs – auteur, comédiens, artisans – ont cessé de la défendre et quand la mémoire – des spectateurs et des artistes – n’en garde plus de trace immédiate. L’oeuvre peut alors revivre, portée par d’autres forces créatrices. Elle pourra être perçue comme venant d’ailleurs, d’un autre moment de l’histoire, d’une autre culture même, mais comme appartenant fondamentalement et essentiellement à sa société d’origine. Il y aura alors recherche et création pour la mise en lumière de ses multiples couches de sens.

Répertoire québécois – Création des textes et metteurs en scène 1re génération

1938 à 1946 – Les Fridolinades, de Gratien Gélinas, création lors d’éditions annuelles de la revue, puis dernière présentation en 1956. Mise en scène de Gratien Gélinas et Fred Barry.

1948 – Tit-Coq, de Gratien Gélinas, création au Monument-National, mise en scène de Gratien Gélinas et Fred Barry.

1953 – Tit-Coq, film de René Delacroix et Gratien Gélinas, première au Théâtre Saint-Denis.

1953 – Zone, de Marcel Dubé, création au Théâtre des Compagnons lors du Festival dramatique de l’Ouest du Québec par l’équipe de La Jeune Scène. La régie générale était de Georges Campeau.

1957 – Un simple soldat, de Marcel Dubé, création à la télévision de Radio-Canada, réalisation de Jean-Paul Fugère.

1957 – Florence, de Marcel Dubé, création à la télévision de Radio-Canada.

1958 – adaptation pour la scène d’Un simple soldat, création à la Comédie canadienne, mise en scène de Jean-Paul Fugère.

1959 – Bousille et les justes, de Gratien Gélinas, création à la Comédie canadienne, mise en scène de Gratien Gélinas avec la collaboration de Jan Doat.

1960 – Florence, création sur la scène de la Comédie canadienne, mise en scène de Louis-Georges Carrier.

1967 – Un simple soldat, reprise à la Comédie canadienne, mise en scène de Jacques Létourneau.

1969 – Un simple soldat, reprise à la Nouvelle Compagnie théâtrale (NCT), mise en scène de Gilles Pelletier.

1971 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre des Variétés, mise en scène d’Yvan Canuel.

1973 – Florence, reprise au Théâtre populaire du Québec, mise en scène de Richard Martin.

1975 – Bousille et les justes, reprise par la Nouvelle Compagnie théâtrale, mise en scène de Gratien Gélinas.

1977 – Zone, reprise, production de la Nouvelle Compagnie théâtrale pour l'ouverture du Théâtre Denise-Pelletier, mise en scène de Paul Blouin.

1981 – Tit-Coq, reprise par la Nouvelle Compagnie théâtrale, mise en scène de Gratien Gélinas.

Répertoire québécois et metteurs en scène 2e génération

1984 – Zone, reprise par la Nouvelle Compagnie théâtrale, mise en scène de Jacques Rossi.

1985 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre de la Bordée (Québec), mise en scène de Jean Jacqui Boutet.

1987 – Florence, reprise par la Nouvelle Compagnie théâtrale, mise en scène de Lorraine Pintal.

1987 – Les Fridolinades, reprise au Théâtre français du CNA (Ottawa) et au Théâtre du Rideau Vert, mise en scène de Denise Filiatrault.

1989 – Un simple soldat, reprise au Théâtre populaire du Québec, mise en scène de René Richard Cyr.

1990 – Les Fridolinades II – reprise au Théâtre du Rideau Vert, mise en scène de Denise Filiatrault.

1990 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre Jean-Duceppe, mise en scène d’André Brassard.

1991 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre du Trident (Québec), mise en scène de Lou Fortier.

1992 – Tit-Coq, reprise au Théâtre de la Bordée (Québec), mise en scène de Ginette Guay.

1993 – La « saison Dubé » alors que Marcel Dubé reçoit l'Ordre national du Québec.

Florence, reprise au Théâtre du Trident, mise en scène de Janine Sutto;

Les beaux dimanches, reprise au Théâtre du Nouveau Monde, mise en scène de Lorraine Pintal;

Le temps des lilas, reprise au Théâtre du Rideau Vert, mise en scène d’André Brassard;

célébration des 40 ans d’écriture de l’auteur par le Centre des auteurs dramatiques.

Répertoire québécois et metteurs en scène 3e génération

1996 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre du Vieux-Terrebonne, puis reprise par la Nouvelle Compagnie théâtrale, mise en scène de Fernand Rainville.

1998 – Un simple soldat, reprise à la Compagnie Jean-Duceppe, mise en scène d’Yves Desgagnés.

1999 – Tit-Coq, reprise au Théâtre Denise-Pelletier, mise en scène de Michel Monty.

2000 – Bousille et les justes, reprise au Théâtre de l’Île (Hull, Gatineau).

2003 – Zone, reprise à la Salle Fred-Barry, Productions Kléos, mise en scène de Mario Borges.

2005 – Les Fridolinades, reprise au Théâtre Denise-Pelletier, mise en scène de Jean-Guy Legault.

2006 – Florence, reprise au Théâtre Denise-Pelletier, mise en scène de Jacques Rossi.

2007 – Un simple soldat, reprise au Théâtre de la Bordée (Québec) et au Théâtre Denise-Pelletier, mise en scène de Jacques Rossi.