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Clochec Pauline et Noémie Grunenwald (dir.), 2021, Matérialismes trans. Paris, Hystériques & AssociéEs.

  • Soel Real Molina

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  • Soel Real Molina
    SESSTIM, ISSPAM, Université d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence, France

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Couverture de Diversité de genre, Volume 47, numéro 2, 2023, p. 15-274, Anthropologie et Sociétés

Issu de la journée d’étude « Matérialismes trans » ayant eu lieu en 2019 à l’École normale supérieure de Lyon, l’ouvrage éponyme a été édité par Pauline Clochec (philosophe, Université de Picardie) et Noémie Grunenwald (traductrice). Il réunit dix contributions qui mêlent approches scientifiques et militantes ; celles-ci précisent les contours aussi bien que la pertinence d’un paradigme matérialiste dans les théories et les luttes trans. Le positionnement du matérialisme trans est résolument opposé à la lecture psychologisante de la transitude (Espineira 2022) comme identité ; il la redéfinit comme condition sociale, fruit de la transphobie structurelle. Les différents chapitres illustrent l’intrication entre corps et structures d’oppression, entendues de manière consubstantielle. La question des conditions matérielles d’existence des femmes trans, de la transmisogynie qu’elles subissent — dans les institutions de soin comme dans les espaces queers — et l’enjeu de leur inscription dans les luttes féministes sont un premier point fondamental de cet ouvrage (Lefebvre, Grunenwald, Clochec). Plusieurs chapitres explorent par ailleurs les enjeux raciaux et décoloniaux, aussi bien pour évoquer l’imposition d’un système sexe-genre occidental dans les sociétés postcoloniales que l’objectivation des personnes trans racisées dans les sciences (Batteux) ou encore l’ambivalence des mobilités sociales des personnes transmasculines non-Blanches (Gabriel). Ainsi, l’ouvrage documente méticuleusement les infrastructures socio-économiques et les représentations sociales qui entretiennent l’exploitation des corps trans. L’ouvrage est riche, rigoureux, conceptuellement et théoriquement : il parvient à inclure la transitude dans les approches féministes matérialistes, alors qu’elle en était un angle mort, voire suscitait de ses fondatrices des discours explicitement cissexistes (c’est-à-dire véhiculant l’oppression systémique des personnes trans [Serano 2020]). Il historicise la notion d’identité de genre (Arpin) et les courants matérialistes (Clochec) avec un regard critique éclairant. L’ouvrage a en outre une qualité politique, portant une attention au contexte social dans lequel s’inscrivent les théories scientifiques : les auteures et auteurs mettent en cohérence ces théories transmatérialistes avec un programme révolutionnaire visant l’autodétermination trans — articulé avec les luttes contre les autres oppressions systémiques. Il fait également le lien entre production de théories situées et intervention sur les conditions de vie : Clochec plaide pour une réappropriation des corps à travers l’élaboration collective de savoirs, mais aussi des approches communautaires en santé. Les auteures et auteurs élaborent un contre-discours au plaidoyer libéral centré sur l’obtention de droits individualisés. Ainsi, elles et ils cherchent à poser les bases d’une conscience de classe ancrée dans la condition trans : elle servirait de fondement à la destruction de la bicatégorisation du genre, ainsi qu’à la transformation des conditions matérielles d’existence. Ce corpus vient donner une assise aux revendications d’accès facilité à des transitions médicales et sociales. En outre, la perspective proposée permet de contrer les tendances à l’homogénéisation des personnes trans qui ne seraient que trans ; à l’inverse, elle rend compte de la multidimensionnalité et de la diversité de leurs existences, positions sociales et trajectoires (Beaubatie). Le matérialisme trans permet ainsi de penser la transitude en termes d’exploitation, notamment socio-économique, et ce positionnement rend possible une praxis critique — de la même manière que la notion de classes de sexe dans les années 1970 a joué comme soubassement scientifique aux actions féministes, face à l’indifférence de nombreux marxistes. Si cette compréhension des façons dont les théories scientifiques sont appropriées dans le militantisme fait la richesse de l’ouvrage, c’est aussi par cette dimension positiviste qu’il perd en nuance. Le propos mise beaucoup sur une différenciation vis-à-vis des études queers ; il les fait équivaloir en tant qu’ensemble à leurs interprétations les plus libérales (blanches, androcentrées, individualisantes, etc.). Cette critique prend son sens si l’on se réfère aux premiers travaux de …

Parties annexes