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Tant par le sujet développé que par les solutions envisagées, le dernier livre d’Alejandro Rada Donath ne laissera personne indifférent. En douze chapitres finement écrits, l’auteur, qui s’appuie sur ses propres expériences vécues en Amérique latine et au Québec, remet radicalement en cause le modèle de développement véhiculé par le néolibéralisme; un modèle qui, dit-il en substance, n’engendre que perte d’autonomie et dévitalisation progressive des régions. Rejetant les solutions traditionnelles qui ont fait la preuve de leur impuissance à innover et à résorber le chômage, il propose de régénérer ces territoires marginalisés et appauvris en prenant appui sur le capital social et humain, les seules vraies richesses d’un pays. Cette « Renaissance » qu’il appelle de ses voeux (remarquer le R majuscule) ne peut être, selon l’auteur, qu’un chantier ouvert et dynamique, un vaste champ de recherche jamais achevé, une démarche où des citoyens choisissent de vivre dès maintenant les valeurs d’une société plus humaine. De fait, c’est à une véritable révolution culturelle que nous convie ce chercheur professeur d’éthique. Un changement radical de nos modes de vivre et de penser qui, il faut en convenir, contraste singulièrement avec toute une machinerie sociale qui tend à faire de nous de simples producteurs/consommateurs.

Et comment, à ce niveau de la réflexion, ne pas lui donner raison! Mais il conviendrait d’aller plus loin et de se demander s’il faut, comme le fait l’auteur, en rester à une conception purement économique (et même économiste) du développement. Le vrai développement, le développement authentique, ne peut et ne doit pas se réduire à la seule possession de biens matériels; il englobe et intègre la recherche d’autres valeurs telles que la beauté, l’art, la musique, la recherche de valeurs humaines et spirituelles qui ne sont pas de l’ordre du quantitatif, mais du qualitatif. Si le développement n’est qu’économique, il ne peut donner sens à ce que nous faisons. Il aboutit, comme le livre de Alejandro Rada Donath le montre tout au long de ses 350 pages, à une société sans repères, sans signification, sans utopie. Or l’homme, nous ne le savons que trop aujourd’hui, a besoin de repères et d’utopie, il a besoin d’un idéal qui le dépasse, d’un idéal qui le projette en avant; il a besoin d’inventer, de créer. En un mot, il a besoin de grandeur.

Comme on le voit, l’intérêt du livre d’Alejandra Rada Donath ne se limite pas à dénoncer les dysfonctionnements d’une société, la nôtre, en voie de mutation et de profonde recomposition, par ses multiples questionnements sur le rôle de l’État, du travail salarié, du plein-emploi, des cycles économiques, des rapports entre pays développés et pays en développement, etc.; il élargit le champ de notre réflexion à bien d’autres domaines. Un livre stimulant, en somme, et de ce fait plein d’espoir.