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Le développement durable ne cesse de faire parler de lui. Plusieurs institutions et organisations s’en réclament et les disciplines scientifiques tentent de l’intégrer à leurs pratiques de recherche. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que le développement durable, tel que formulé par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, n’est pas conçu comme une discipline, mais comme un projet social et politique de grande envergure. Cependant, l’idée de développement durable est féconde pour évaluer et mesurer des états de situation et des évolutions. L’Atlas des développements durables – notez le pluriel – poursuit ce but grâce à la collaboration d’une équipe de géographes.

Les cartes parlent autant que les chiffres ; elles font voir les contrastes, les similitudes, les zones de stress, les améliorations. L’atlas est riche en information et tient compte des trois piliers du développement durable. Il est organisé en thèmes qui se déploient, chacun, sur deux pages. Côte à côte, les thèmes sont introduits et commentés ; des cartes, des tableaux et des graphiques présentent des données environnementales, sociales et territoriales. Les textes d’accompagnement sont courts, informatifs, mais n’hésitent pas à prendre parti en faveur d’une posture moderniste et humaniste.

L’atlas commence même par une cartographie des grandes inégalités sociales. Sur les thèmes se nourrir, habiter, se déplacer et éduquer, il apparaît presque comme une pure géographie sociale à l’échelle de la planète. Les auteurs rappellent, toutefois, que la finalité du développement durable est le bien-être humain que l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire a pris comme idée phare. Puis les thèmes propres à la géographie et aux études de l’environnement suivent : risques naturels, catastrophes industrielles, énergie, conditions et changements climatiques, littoraux, données démographiques sont exposés et cartographiés. La durabilité est abordée sous une série de thèmes, ou thèses, qui vont des forêts certifiées au commerce équitable, et qui montrent les progrès accomplis, mais aussi les défis à relever. Par exemple, si les énergies renouvelables se propagent, elles n’occupent pour l’instant qu’une bien faible part de la production énergétique. Les transports durables progressent à grande vitesse, mais jamais assez rapidement pour faire face à la demande accrue de déplacements, notamment internationaux. Si les villes qui se réclament du développement durable et mettent en oeuvre un agenda 21 local se multiplient, en contexte d’urbanisation mondiale rapide, il y a encore beaucoup à faire. Les conditions environnementales et sanitaires des villes en développement ne s’améliorent pas toujours aussi vite que la croissance de leur population et du nombre des villes.

Les dernières sections de l’atlas sont consacrées aux actions et mesures prises en faveur de la durabilité, d’ailleurs définie plus en termes d’environnement que selon les trois piliers conventionnels. Certes, en améliorant la qualité environnementale des milieux, on réduit les risques sur la santé humaine et les inégalités sociales. Un fleuve dont la qualité est en partie restaurée, grâce à une Convention comme celle du Rhin, profite aux riverains.

Les grands pays dont l’économie émerge sur le marché international – la Chine, l’Inde, le Brésil – ont droit à un exposé sur leurs défis environnementaux. Madagascar constitue un exemple à part, en vertu de son statut de pays en développement et de sa riche diversité biologique menacée. L’ouvrage se termine sur les indicateurs de développement durable. L’atlas choisit l’indice synthétique de l’empreinte écologique qui, cartographié à côté de l’indice de développement humain et du produit intérieur brut (p. 83), montre des corrélations révélatrices.

Il s’agit d’un ouvrage grand public, mais qui devrait aussi intéresser les étudiants et les étudiantes. Si j’avais un reproche à lui faire, ce serait de ne pas avoir suffisamment englobé de pays francophones. Des sujets pertinents aux idées défendues, comme l’état de la forêt boréale au Canada et l’action publique en faveur de la protection du fleuve Saint-Laurent, se seraient, nul doute, acquis un public canadien. Le Sud-est asiatique, où l’on désire maintenir une présence francophone, aurait pu être mieux représenté. Enfin, des problèmes environnementaux propres aux pays africains francophones auraient pu trouver leur place à une échelle régionale et pas seulement continentale et planétaire.