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L’ouvrage de Fodouop et Tape Bidi est le sixième d’une collection intitulée Maîtrise de l’espace et développement. Comme les autres volumes, celui-ci réunit des géographes africains et porte sur un theme-clé pour l’avenir du continent, ici les questions d’industries, de transports et de communications.

Cette livraison, qui traite avant tout de l’Afrique de l’Ouest, est parée d’un optimisme de bon aloi. Sur tous les sujets retenus (transport inter-États, transport routier, transport urbain par deux-roues ou par voie maritime, technologies de la communication, développement industriel), le texte montre combien les équipements, les techniques de déplacement et de communication, les dessertes, les échanges, les opérateurs, les politiques publiques ont évolué dans chacun des pays étudiés. De ce point de vue, l’exercice est utile, car il renseigne sur des changements fondamentaux réalisés en Afrique, faisant de ce continent l’égal d’autres dans le monde.

Le choix de rassembler dans un même ouvrage industries, transports et communications pose cependant question dans la mesure où le lecteur ne comprend pas pourquoi seul un petit texte d’une dizaine de pages parle de l’industrie africaine et des difficultés auxquelles elle est confrontée. Veut-on dire par là que l’industrie, si elle reste l’élément de base du développement économique continental, doit aussi être pensée en fonction des dynamiques d’échanges, de circulation et de transport à l’oeuvre ? Mais aucun lien n’est fait entre l’équipement industriel et les marchés nationaux et internationaux indispensables pour pérenniser les industries du continent. Cette vieille antienne du développement économique africain se heurte aux logiques commerciales des grands importateurs qui, dans chaque pays et depuis des décennies, font circuler les biens d’équipement, les produits de consommation courante, jusqu’au fin fond des campagnes, s’appuyant pour cela sur les infrastructures de transport, sur les places-marchés principales et secondaires, et contribuant à accentuer le pouvoir de polarisation des villes portuaires.

Si la richesse de chaque article est incontestable, même si parfois elle est desservie par la mauvaise reproduction des cartes, il reste une interrogation majeure sur le réel apport de l’ouvrage : pourquoi autant d’études nationales, sinon locales alors même que le géographe béninois Igue, dès le début, évoque les questions d’intégration régionale, de perte de rigidité des frontières nationales (p. 31), consécutives notamment au développement sans précédent des transports routiers internationaux ? Les textes sur les transports entre Mali et Côte d’Ivoire et sur le port « sec » de Bouaké (nécessaire à la desserte du nord de la Côte d’Ivoire et du sud du Mali et du Burkina Faso) laissent comprendre que les circulations en Afrique de l’Ouest ne peuvent ainsi plus être envisagées à l’aune des découpages nationaux. Mais les autres contributions, en particulier celle sur les technologies de la communication, valorisent peu cette dimension transnationale. Celle-ci se traduit par la consolidation des processus de différenciation spatiale, eux-mêmes accentués par le développement des transports : peu mentionnés, ces processus se traduisent pourtant par l’apparition d’espaces lacunaires et striés (p. 17) et de zones périphériques oubliées (p.  33), défavorables à l’intégration territoriale nationale et continentale.