Corps de l’article

Le projet de livre réside dans une contribution à la réflexion sur le lien entre identité et mobilité. Le titre est attrayant – Se déplacer pour se situer. Places en jeu, enjeux de classes – et joue sur une multiplicité de sens, entre le changement de place (dé-placer) et les positions sociales et identitaires. Ouvrage issu d’un colloque, il s’agit d’une collection de chapitres, écrits par différents auteurs à partir de leurs contributions respectives. La mobilité constitue en effet un problème crucial pour comprendre la fabrication d’individus contemporains que l’on peut qualifier de « géographiquement pluriels ». Cet ouvrage part de l’idée, élaborée dans une introduction par Sandrine Depeau et Thierry Ramadier, que la dimension géographique de l’identité est prise au sérieux. On tente ainsi de relier la question de l’identité à celle de la mobilité spatiale, appelée « mobilité quotidienne » (p. 15) et en faire un objet de recherche pour la psychologie. Les deux notions – identité et mobilité – font l’objet d’un premier état de la question.

Seulement, cet état des lieux reste bancal et le lecteur reste sur sa faim. Sans en détailler toutes les lacunes, on peut se demander pourquoi la proposition de Relph (1976) d’une identity with space, qui remplace avantageusement la notion d’identité spatiale, n’est pas présente. Par ailleurs, la proposition de réserver « déplacement » au « transport » au sens d’un flux ne me semble pas rendre justice à la richesse sémantique du terme : dé-placer, c’est changer de place, comme l’écrivaient Knafou et al. (1997). De même que la notion de mobilité quotidienne me semble problématique pour les modes d’habiter polytopiques contemporains où le quotidien, en fait la Lebenswelt, est composé de lieux et déplacements d’ordre multiple, entre migrations, navettes quotidiennes, circulation pour les achats, les résidences secondaires, les vacances, la chirurgie (esthétique ou autres) à l’étranger, etc.

L’intérêt réel de ce livre réside dans les études de cas et propositions passionnantes, notamment celles d’Hélène Bailleul et Benoît Feildel qui proposent des récits de vie spatialisés et une méthode cartographique afin de reconstruire le sens des mobilités. De même, la contribution de Caroline Legrand et Nathalie Ortar sur les modes d’habiter et notamment sur les « hypermobiles », dans ce cas des déplacements professionnels à longue distance, est solide théoriquement en même temps qu’elle apporte un éclairage par la présentation de cas. D’autres travaux traitent notamment des manières d’habiter Paris par des migrants japonais (Hadrien Dubucs), des écrivains italiens (Amos Giladi), des routiers (Guillaume Courty) et des précaires flexibles (Yves Jouffe).

Un seul regret : les auteurs des différents chapitres endossent sans critique les conceptions existantes. Ils ne débattent pas davantage entre eux. C’est étrange pour un ouvrage issu d’un colloque où les auteurs avaient la possibilité de faire des références croisées. Pas un auteur de chapitre ne se réfère à l’autre ! Étrange conception de la recherche.