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Cet ouvrage rassemble les textes des communications présentées lors du colloque international (ACFAS les 11 et 12 mai 2011), sur le thème « Qu’advient-il de la géographie ? ». Divisées en quatre parties cohérentes, « Les maux de la géographie », « La prise en compte des contextes nationaux », « L’appel de la géographie : le cas québécois » et, « Il y a celles et ceux qui pratiquent la géographie autrement », les contributions sont sérieuses, substantielles et d’une grande diversité. Comme c’est le cas souvent dans ce type d’ouvrage, on cherche le fil conducteur ou une impression générale, alors même qu’on partage plus facilement certains propos. Chacun y trouvera certainement matière à réaliser sa propre composition.

Pour le lecteur non familier de la géographie québécoise, l’absence de géographes universitaires actifs étonnera. Est-ce le fait de conflits de personnalité ? C’est possible, surtout à la lecture du témoignage des déconvenues d’Édith Mukakayumba, mais aussi de l’analyse fine de Jules Lamarre de la situation des « Ph.D. ». Est-ce le fait d’un désintérêt de la géographie universitaire à l’égard des défis qui se posent à la géographie ? Est-ce le fait d’une volonté de ne plus remettre en question les choix effectués, de se tenir à distance de toute controverse ? Des sujets qui fâchent ? Au prix de délaisser une vision humaniste et sociale de la géographie, des universitaires semblent le croire, notamment Rodolphe De Koninck, Henri Dorion, Christian Morissonneau, Clermont, Dugas et Laurent Deshaies. Certains ont choisi de livrer un témoignage, d’autres ont préféré la critique, d’autres proposent une analyse dans une perspective historique ou épistémologique.

Pourtant, les questions posées furent jugées assez sérieuses pour que l’Union Géographique Internationale, et son vice-président, Dietrich Soyez, s’intéresse au colloque et à la publication des actes. C’est qu’au-delà du particularisme québécois, la situation de la géographie inquiète dans plusieurs pays, où les problèmes soulevés se manifestent aussi, certes sous d’autres formes : l’utilité de la géographie, les bonheurs et malheurs de la technologie (SIG), la crise de la géographie physique face aux études environnementales, le « tournant culturel ». On lira avec intérêt Yvonne Veyret sur la géographie physique en France, Christian Vandermotten sur la géographie en Belgique, ainsi que le témoignage d’Éric Waddell. Mais aussi la « petite histoire » de la géographie à travers les tribulations de l’Institut de géographie, de Bertrand Lemartinel, ainsi que les textes, plus analytiques et optimistes, de Paul Claval, Yannick Brun-Picard et Raoul Etongué Mayer. Enfin, en couplant « crise de la modernité et crise de la géographie », Vincent Berdoulay nous présente une interprétation éclairante qui tient compte de la perspective du temps long. Comme celle du « sujet » et de son contexte social.

Dans la dernière partie, celles et ceux qui pratiquent la géographie autrement ont la parole. C’est rafraîchissant. Les expériences, activités et productions de ces géographes sans affiliation universitaire permettent une appréciation de la formation en géographie (Lucie Dufresne) ou de son engouement populaire (Bertrand Lemartinel et Louis Marrou). Pour eux, la géographie permettrait de déboucher sur le monde, sur une vision du monde, sur les rapports des hommes et des femmes au monde, sur leur vie dans tous les milieux. Je me dis qu’un colloque sur ces autres géographies, hors des universités et des normes des professeurs, serait très intéressant.