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Introduction

Mon expérience du Québec remonte à près de 50 ans. Elle m’a permis de rencontrer beaucoup de géographes québécois, de lire leurs oeuvres et de m’attacher à eux. Même si je ne suis pas un spécialiste de l’histoire de la géographie au Québec, j’ai appris à connaître les diverses formes de discours géographique mises en oeuvre dans ce pays : je vais les passer en revue. Ce qui m’intéresse, c’est de saisir en quoi la géographie québécoise s’inscrit dans le mouvement général de notre discipline, et ce par quoi elle s’en singularise.

Deux remarques liminaires : ma lecture appartient au registre des témoignages, car elle repose essentiellement sur mes impressions et sur mon expérience. Mon âge fait que les évolutions des 40 dernières années du XXe siècle me sont plus familières que celles du début du XXIe.

Un discours qui fut d’abord d’inspiration française et volontiers ruraliste

Je ne parlerai ici que des discours universitaires, ceux qui se multiplient avec la création des premiers départements de géographie au Québec, Laval, Université de Montréal ou McGill, dans les années 1950. Je connais l’importance des réflexions géographiques que le pays a suscitées auparavant, et qui ont été si bien présentées par Andrée Héroux, Marc Brosseau, Gilles Sénécal et Laurent Deshaies. Mais l’institutionnalisation de la discipline est marquée par une coupure et par l’irruption de discours au moins en partie formalisés. [1]

Les géographes français qui, à la suite de Raoul Blanchard ou Pierre Deffontaines, abordent le Québec ont le sentiment d’avoir encore affaire à un pays neuf : certains fronts pionniers n’y sont-ils pas restés actifs jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (Biays, 1964) ? Les textes qu’ils écrivent reflètent cet état de choses : il y a comme un air d’épopée dans les présentations du pays ; c’est le souffle ainsi introduit qui donne au récit sa dimension dramatique, particulièrement sensible chez Raoul Blanchard. Même si la chose n’est que rarement explicitée, ce qui passionne tous ces auteurs, qu’ils soient Québécois ou étrangers, c’est l’extraordinaire aventure d’un peuple oublié par sa mère-patrie et qui s’évertue à se transformer en nation moderne.

Les géographes de cette génération, Raoul Blanchard (1935 ; 1948 ; 1953-1954) ou Pierre Deffontaines (1953) par exemple, sont encore marqués par les présupposés épistémologiques de la géographie du début du XXe siècle. Leur but est de proposer une histoire naturelle des paysages. La discipline qu’ils pratiquent comporte une dimension humaine, dans la mesure où les paysages ont presque partout été transformés par l’action des hommes ; mais ils ne s’intéressent pas à ce qui se passe dans la tête des gens, aux représentations qu’ils se font de leur environnement et du monde, aux images qu’ils en construisent (en dehors des cartes) et aux rêves qu’ils nourrissent.

De par sa nature même, cette géographie fait une large place au monde rural : elle cherche à rendre compte du visage de l’écoumène ; même si les taux d’urbanisation sont déjà élevés dans les pays industrialisés de la première moitié du XXe siècle, les villes du Québec, dont l’étalement n’a guère commencé, ne couvrent qu’une petite partie de la surface totale. C’est donc du Québec rural, de la conquête de la terre par la colonisation française et de l’organisation des terroirs qu’on parle le plus volontiers. On explore tout particulièrement le fait que les aires de peuplement français au Québec sont les seules en Amérique du Nord à ressembler aux campagnes de la vieille Europe : elles le doivent à la marqueterie des champs allongés à l’arrière des fermes qui s’alignent régulièrement le long des rivières et des routes. Les géographes qui, comme Pierre Deffontaines (1953) ou Max Derruau (1962), s’attachent ainsi à l’humanisation des paysages ramènent une riche moisson : l’histoire qu’ils relatent n’est pas seulement une épopée ; elle a discipliné les paysages et les a marqués d’une signature qui authentifie les zones transformées par les fronts pionniers canadiens-français : le rang a ainsi doté l’Amérique française d’une originalité fondamentale. Il suffit de cartographier son extension pour connaître les limites du fait français en Amérique du Nord. Sa spécificité illustre ce par quoi la colonisation française se distingue radicalement de toutes les autres. Tout en étant fidèle à l’idée que la géographie doit fondamentalement se préoccuper des paysages, la géographie québécoise répond à un questionnement identitaire qui apparaît ici beaucoup plus tôt que dans les sociétés solidement assises sur un territoire propre. Elle conforte le sentiment nationaliste qui est en train de s’épanouir, en lui donnant un garant géographique parfaitement objectif – et donc scientifique.

Le discours géographique classique sur le Québec n’aurait sans doute pas connu un tel rayonnement s’il n’avait été d’abord formulé par Raoul Blanchard (Blanchard, 1935 ; 1948 ; 1953-1954). Celui-ci était à l’unisson des pionniers canadiens-français de cette conquête de terres vierges : sa prose s’animait chaque fois qu’elle marquait une de leurs nouvelles percées. La diversité de la province, le rôle des grands axes de circulation, la poussée industrielle débutée à la fin du XIXe siècle et la montée du Québec urbain, structuré autour de Québec et de Montréal, admirablement comprises et décrites, venaient compléter un tableau qui ne pouvait être uniquement rural chez le fondateur de la géographie urbaine.

Raoul Blanchard (1935) a joué un rôle pionnier, mais il n’est pas resté isolé : Pierre Deffontaines était aussi sensible que lui à la spécificité du rang (Deffontaines, 1953).

Il serait faux de croire que ce discours, inspiré par les conceptions positivistes qui caractérisaient alors une bonne partie de la géographie dans les pays développés, et formulé à la manière française, c’est-à-dire en soulignant la complexité et la diversité des détails du tableau présenté, ait été perçu par les Canadiens français, qui sont alors à se transformer en Québécois, comme un cadeau empoisonné. La réaction est à l’inverse : les Canadiens français découvrent réellement leur pays à travers Blanchard, dont la vision s’impose à l’ensemble du monde universitaire québécois. Le premier géographe universitaire québécois, Louis-Edmond Hamelin, va apprendre à Grenoble les fondements de ce nouveau type de savoir. Jamais il ne reniera le rôle d’inspirateur que Blanchard a tenu directement au départ de sa carrière et, indirectement, tout au long des années qui suivirent.

Lorsque je découvre le Québec, à l’occasion d’un séjour à Sherbrooke, à l’automne 1969, c’est incontestablement ce discours qui domine la production géographique québécoise – mais d’autres orientations se dessinent déjà.

La « nouvelle géographie » au Québec

Une seconde manière de concevoir et d’écrire la géographie se développe en effet, au Québec, dans les années 1965-1975. Elle correspond au mouvement de la nouvelle géographie et attire l’attention sur le Québec des villes et de l’industrie. La mutation est le fait de géographes ouverts sur le monde anglo-saxon. Des géographes français y participent – c’est l’époque où les coopérants français sont nombreux dans les universités canadiennes – mais ils ne sont plus des initiateurs : la plupart profitent plutôt de leur séjour au Canada pour se familiariser avec les techniques quantitatives qui n’avaient pas encore pénétré en France ; c’est le cas, par exemple, de Jean-Bernard Racine (Racine et Reymond, 1973). C’est par le Québec que cette forme de la nouvelle géographie arrive en France. Certains des coopérants de cette vague se fixent au Canada, comme Claude Manzagol (1973) qui fait carrière à l’Université de Montréal.

La seconde génération des géographes québécois s’intéresse de plus en plus à l’économie. Certains le font dans une perspective qui demeure assez classique, comme Pierre Camu dans ses études sur la voie maritime du Saint-Laurent (1996). La plupart ont tiré profit d’une formation acquise au Canada anglais ou aux États-Unis pour apprendre à manier les nouveaux outils de l’analyse factorielle et se familiariser avec les théories de la localisation. C’est à Seattle, par exemple, que Paul Villeneuve (1991), qui oeuvre largement en géographie urbaine et sociale, a découvert la nouvelle géographie.

Ce à quoi s’attache le nouveau discours, c’est la vie du Québec contemporain, la localisation de ses activités économiques, de l’industrie en particulier, la hiérarchie de ses villes, et l’organisation spatiale des plus grandes, Montréal en particulier. Le recueil d’articles consacrés à cette ville et dirigé par Ludger Beauregard, à l’occasion du congrès de l’Union géographique internationale (UGI) de 1972, montre à quel point l’assimilation des nouvelles perspectives par les géographes québécois – francophones pour la plupart, mais aussi anglophones comme Peter Foggin (1972) – a été rapide (Beauregard, 1972) : la géographie québécoise fait désormais partie de la grande famille des géographies nord-américaines. Louis Trottier (1964) incarne parfaitement cette génération. Le renouveau du regard géographique ne concerne pas que le Québec : un auteur comme Paul-Yves Denis (1966 ; 1967) aborde alors l’Argentine et les autres pays d’Amérique latine dans une perspective résolument moderne.

La vogue de la nouvelle géographie est courte ; dès le début des années 1970, elle est partout attaquée par les approches radicales, la redécouverte du sens des lieux et la montée des préoccupations phénoménologiques et humanistes. Au Québec, cela se traduit par la montée de courants gauchistes et culturalistes et conduit à des confrontations ainsi qu’à des rivalités durables dans les départements déjà en place, à l’Université de Montréal et à l’Université Laval en particulier.

On cesse de parler de nouvelle géographie parce qu’elle n’est plus à la mode. Mais les outils qu’elle a proposés sont si indispensables à la compréhension de l’organisation urbaine et de la vie économique qu’ils continuent à tenir une place importante dans la géographie québécoise qui s’intéresse aux zones industrielles, à la mise en place des grandes infrastructures modernes de transport ou à l’aménagement urbain, comme c’est le cas du groupe qu’anime Mario Polèse (1978).

Ceux qui critiquent la nouvelle géographie pour son indifférence aux problèmes de justice sociale sont nombreux, au Québec. Les travaux qu’ils développent apparaissent cependant davantage comme des compléments que comme des substituts à la nouvelle géographie d’inspiration économique : il n’est pas question d’abandonner ce qu’on a appris sur la logique des localisations économiques ; on le complète en s’inquiétant du partage des revenus, de ses conséquences sociales ; on s’attache au sort des défavorisés (Manzagol et Bryant, 1998). C’est autour de l’Université de Montréal que ces curiosités s’affirment surtout. Comme dans le monde anglo-saxon, la plupart de ces travaux critiques élargissent les perspectives de la nouvelle géographie davantage qu’ils ne marquent une rupture fondamentale avec elle. En effet, l’approche « sociale » qu’ils pratiquent fait toujours une part essentielle à l’économie dans la mesure où elle définit les groupes auxquels elle s’attache, par leurs revenus bien plus que par la place qu’ils tiennent dans les systèmes de relations institutionnalisés qui structurent la société et l’espace.

Chemin faisant, la géographie québécoise s’enrichit de nouveaux acquis. Avec la poursuite de la révolution de la mobilité, les Québécois prennent conscience de la mutation que les réseaux urbains sont en train de subir : grâce à Montréal, leur contrée participe au grand mouvement de métropolisation. Les attitudes à l’égard d’une métropole qui concentre à peu près la moitié de la population de la province étaient volontiers critiques. Elles se nuancent, maintenant que l’on comprend que les chances pour le Québec de résister à la concurrence internationale et de trouver de nouveaux créneaux productifs dépendent de Montréal.

Pierre Dansereau et le discours environnemental

En parallèle à ces évolutions de la géographie québécoise, signalons l’émergence, sur des « chemins de traverse » qui n’ont pas été aussi sans la façonner, d’un discours consacré aux problèmes environnementaux ; il est fort précoce au Québec : cela tient évidemment à l’oeuvre immense de Pierre Dansereau (1972) et, dans une moindre mesure, à celle de l’ethnobiologiste que fut Jacques Rousseau (1950).

La géographie universitaire qui s’implante au Québec reproduit la division par thèmes, qu’on observe alors aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. On voit donc se multiplier les chaires de géomorphologie, de climatologie, d’hydrologie ou de biogéographie. L’immensité des espaces provinciaux, la rigueur du climat et les problèmes du Nord expliquent la vigueur que prend rapidement ce champ d’étude et la création, à l’Université de Montréal et à l’Université Laval, de centres spécialisés dans l’étude du Nord ou du froid. Comme en France, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, les approches retenues fragmentent le milieu, dont on voit mal la physionomie et les problèmes.

Or, Pierre Dansereau (1972) est l’un des premiers à attirer l’attention du monde scientifique sur les problèmes de l’environnement et sur la nécessité d’aborder les études du milieu dans une optique écologique. Ses initiatives sont contemporaines des publications d’Eugene P. Odum (1959), qui dessinent les contours de l’écologie moderne, mais elles sont plus directement intéressantes pour les géographes, car Dansereau est davantage sensible aux formes et s’attache plus directement aux déséquilibres et aux menaces qu’il voit poindre pour l’humanité. Il est en avance d’une bonne quinzaine d’années sur la plupart des chercheurs, puisque la prise de conscience de la montée de menaces régionales ou globales sur l’environnement et sur les limites de la planète ne se produit guère ailleurs avant le début des années 1970.

L’analyse de l’environnement à la manière de Pierre Dansereau n’a pas eu tout de suite droit de cité dans les départements de géographie, mais les menaces dont il montrait la gravité ne pouvaient laisser les géographes indifférents : malgré la structure compartimentée des enseignements consacrés au domaine physique, la géographie québécoise a répondu plus vite que d’autres aux sollicitations de l’actualité écologique.

Le discours écologique, précocement présent au Québec, mais un peu en marge de la géographie, est pleinement assumé par la discipline à partir des années 1980 (voir Michel Jurdant [1976] à l’Université Laval). On voit se multiplier les réflexions sur paysages et milieux, ainsi que les travaux relatifs à la pollution des lacs et des rivières, aux pluies acides et aux signes d’un réchauffement climatique. Avec l’idée de développement durable, dont la conférence de Rio de Janeiro de 1992 assure la publicité, le discours environnemental sort du seul cadre de la géographie physique : il s’impose en géographie humaine. Il devient un des thèmes favoris des géographes ruralistes qui travaillent sur le Québec ou sur le monde en voie de développement. Il trouve des échos chez les spécialistes de la ville, conscients des menaces que les grandes concentrations humaines font peser sur les milieux et soucieux de garantir aux populations urbaines une meilleure qualité de vie.

Présent depuis 40 ans dans la géographie québécoise, le discours écologique y devient dominant dans les années 2000. Il conduit à un rapprochement entre la géographie physique et la géographie humaine.

Les discours sur la québécité

Les géographes québécois ont toujours eu le souci de souligner la spécificité de leur pays. Ceux des années 1950 et 1960 le faisaient à travers l’analyse de la trame rurale et du signe d’authenticité que constituait le rang. Un vide se crée à partir du moment où on renonce à la description régionale et où on se met à parler de régularités, de réseaux urbains ou des déséquilibres de l’environnement. Pour combler ce vide, il n’est d’autre solution que de faire une place à la culture, l’autre grand facteur de spécificité.

Les géographes du milieu du XXe siècle étaient des naturalistes. Ils se méfiaient de tout ce qui n’était pas réalité sensible, et donc de tout ce qui touchait à la culture. Ils n’appréhendaient celle-ci qu’à travers ses traductions matérielles. Mais face aux paysages québécois, ils ne pouvaient que s’interroger sur l’opposition sans cesse soulignée entre ceux créés par la population d’origine française et ceux marqués par les groupes d’origine anglo-saxonne. J’ai récemment assisté, à Rio de Janeiro, à une conférence où un géographe brésilien, Paulo César da Costa Gomes, bon connaisseur de l’Est du Canada, s’interrogeait sur la récurrence obsédante de ces oppositions : pourquoi les quartiers anglophones sont-ils uniformément noyés dans la verdure, alors que les maisons des francophones restent le plus souvent dressées au milieu de lots nus ? S’agit-il réellement de traits importés de Grande-Bretagne ou de France par les colons ? Certainement pas : nombreuses sont les régions françaises où les maisons se cachent dans la verdure ; des parties entières du Royaume-Uni ont été rétives à la maison individuelle et au jardin qui l’entoure – l’Écosse en particulier. Pourquoi les immigrants écossais, nombreux au Québec à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, ont-ils rompu avec leurs habitudes ?

L’interprétation de Paulo César da Costa Gomes est simple : les combinaisons binaires d’opposition, si typiques au Canada oriental, traduisent moins la juxtaposition de deux cultures fondamentalement différentes que deux manières de conjuguer une coprésence en se démarquant sans cesse l’une de l’autre. L’interprétation de Paulo César da Costa Gomes met le doigt sur un fait essentiel : il n’est pas possible de parcourir l’Est du Canada sans noter des contrastes que les deux groupes présents se sont ingéniés à rappeler d’une manière obsédante : la géographie québécoise ne pouvait pas ignorer une dimension aussi manifeste de la réalité visible. Et si elle le fit, rappelons-le, à travers l’analyse du rang jusqu’au milieu des années 1960, il lui fallut ensuite inventer d’autres discours. Pour parler des réalités culturelles, elle en mobilisa deux : la perspective historique et l’analyse proprement culturelle.

La perspective historique

La première façon de s’interroger sur le fait français au Québec, c’est d’insister sur la translation des cultures entre métropole et Nouvelle France : le Québec diffère du reste de l’Amérique du Nord parce qu’il est une France récrite dans le Nouveau Monde. Le discours relatif à l’héritage français est longtemps resté plus proche du mythe que de la science : il supposait une continuité entre les deux côtés de l’Atlantique, mais ne l’établissait pas. C’est à Cole Harris qu’on doit d’avoir rompu avec ces conceptions simplistes (Harris, 1966).

Formé aux méthodes rigoureuses de la géographie historique de langue anglaise (son influence sera durable en ce domaine), Harris s’interroge sur le rôle de la seigneurie dans la construction du Canada français. La continuité entre le cadre juridique français et celui de la Nouvelle France paraît évidente : pour organiser les terres qu’elle découvre et décide d’occuper, la France a recours aux dispositifs classiques de son droit : elle transporte sur les rives du Saint-Laurent le régime féodal français.

Erreur, dit Cole Harris : oui, c’est bien l’intention de la France que de traiter les espaces qu’elle veut faire siens comme ceux de la métropole, mais la réalité sociale et économique du pays est si différente que l’institution subit une mutation fondamentale. Les seigneurs à qui on accorde des terres n’en tireront des revenus que s’ils se transforment en entrepreneurs de colonisation : c’est donc dans une optique marchande qu’ils sont amenés à concevoir leurs possessions, et pas dans une optique de prélèvement féodal. Il y a bien eu translation des cadres de la société française, mais même là où la continuité paraît la plus évidente, une réinterprétation, même une véritable réinvention, ont été nécessaires dans le Nouveau Monde. C’est ce qu’établissent aussi, dans les années 1960, les travaux sur le rang : on trouve bien quelques exemples en Normandie de villages-rues, mais ils sont de création déjà ancienne et ne correspondent pas à une force vive. Le rang est donc un fait canadien-français. Il n’est pas un fait français.

Les études de géographie historique renouvellent ainsi complètement la vision qu’on avait des rapports entre le vieux pays et ses colonies. Les hommes qui sont venus de France ont transporté avec eux des techniques, des outillages, des institutions. C’est grâce à cet héritage que le pays a pu se construire, mais sur le mode de la réinvention : la Nouvelle France n’est pas une copie de la métropole ; c’est une recréation à partir de thèmes qui en proviennent, mais en tenant compte d’une réalité géographique fondamentalement différente : les colons doivent faire face à l’immensité, au danger indien, au froid. Il leur faut apprendre à tirer de la terre de quoi se nourrir – ce qui n’est pas si facile, dans des pays aux étés courts et humides, où les céréales d’Europe occidentale ne réussissent pas bien. Ils doivent aussi produire de quoi commercer, car il n’est pas possible, dès le départ, de faire pousser ou de fabriquer sur place tout ce dont on a besoin.

La géographie historique québécoise a connu un développement remarquable lors des années 1990 et 2000. Elle a été largement dominée par Serge Courville et le groupe qu’il animait à l’Université Laval, mais les initiatives ne manquaient pas ailleurs – je pense aux travaux sur la géographie religieuse du Sud-Ouest du Québec, que l’on doit par exemple à Frank Remiggi de l’Université du Québec à Montréal (Courville, 2000 ; 2002 ; Rousseau et Remiggi, 1998).

Cette géographie historique jette-t-elle un jour nouveau sur le ou les projets qui sous-tendaient la colonisation française ? Aide-t-elle à comprendre l’épanouissement surprenant d’une société coupée de ses bases, privée de ses élites, et qui continue à se montrer conquérante dans un environnement devenu institutionnellement hostile ? Je n’en ai pas le sentiment : on connaît certes beaucoup mieux les conditions de vie dans les rangs, le rôle de l’Église, la marche des fronts pionniers. Mais la visée de la géographie historique québécoise est de saisir les dynamiques paysagères, sociales, économiques ou religieuses de la belle province beaucoup plus que d’apporter une nouvelle pierre à la question de la québécité. Les résultats qu’elle obtient en ce domaine sont remarquables.

Pour l’étranger que je suis, un petit ouvrage comme Le Mythe du Nord, de Christian Morissonneau (1978), apporte plus sur la spécificité du monde canadien-français que bien des études qui lui ont succédé – ne serait-ce que la mise en évidence du rôle, dans la conquête du Nord, de la géopolitique d’inspiration démographique qu’inspirent Rameau de Saint-Père ou Onésime Reclus.

La géographie historique du Québec serait-elle condamnée à des études à l’échelle locale ? Certainement pas. On trouve, dans des recherches de géographie historique contemporaine, des questionnements fondamentaux sur le Québec. L’Atlas historique du Canada, dont la conception a été largement formulée par Cole Harris, repose sur une thèse simple (Harris, 1987-1992) : le projet territorial dont est né le Canada contemporain a été formulé par la France. Il a été repris et mis en oeuvre par la Grande-Bretagne au cours du XIXe siècle : ce pour quoi les Français sont venus en Amérique, les Anglais l’ont réalisé, et l’oeuvre n’est pas mal réussie. Dans cette perspective, les Canadiens français n’ont pas à se plaindre, puisqu’une place honorable leur est faite, et que ce sont les principes mêmes d’organisation d’un espace continental qu’ils avaient imaginés qui ont été mis en oeuvre par leurs successeurs. Mais ce point de vue est plus facile à admettre pour les Canadiens anglais que pour les Canadiens français, qui se sentent exclus du projet même si on reconnaît leur rôle initial.

Les travaux de l’historien américain Joseph Zitomersky sont novateurs (1989). C’est le premier spécialiste de la colonisation française aux XVIIe et XVIIIe siècles à avoir procédé à une étude comparative de l’organisation des deux grandes aires alors réellement pénétrées et organisées, la vallée du Saint-Laurent et le bas Mississipi, et à avoir rappelé que le but n’a jamais été de créer une aire de peuplement continu, mais de constituer des bases locales à partir desquelles la pénétration missionnaire et commerciale de l’ensemble de l’Amérique du Nord deviendrait possible.

Aussi brillante que soit la jeune école de géographie historique québécoise, il apparaît qu’elle ne répond que partiellement à la grande interrogation des Canadiens français : celle que pose leur présence et leur maintien sur les rives du Saint-Laurent. Mais était-ce son propos ? Certainement pas.

Le discours culturel

Le discours culturel québécois se distingue du discours historique par le rapport au temps qu’il entretient : ce n’est pas vers le passé qu’il se tourne pour rendre compte de la singularité de l’Amérique française, mais vers le présent et vers le futur.

Un jour d’octobre 1976 où Marcel Bélanger, du Département de géographie de l’Université Laval, m’avait amené voir la vieille maison qu’il venait d’acquérir à Saint-Malachie, nous parlions des dimensions culturelles du fait québécois. J’insistais sur le rôle primordial des héritages. Il me dit alors : « Paul, la culture, ce n’est pas fondamentalement une question d’héritage; c’est ce qui permet au gens de se projeter dans l’avenir ». Cette remarque a modifié de fond en comble ma conception de la culture.

C’est de cette vision du monde qu’a procédé, dans une large mesure, l’approche culturelle au Québec : elle a réagi contre le côté passéiste qu’avait longtemps conservé l’affirmation des spécificités québécoises. Elle a mis au premier plan le rôle de l’expérience et la prise en compte des mythes qui poussent à l’action – c’est de cela que parlait Christian Morissonneau dans son livre (1978), qui renvoie tout autant à l’approche culturelle qu’à la géographie historique.

La géographie culturelle québécoise a su tirer profit des curiosités qui se développaient parallèlement dans le monde anglo-saxon et en France. Elle s’est mise à « interroger » la littérature et les oeuvres d’art pour découvrir le sens que les Canadiens donnaient, ou donnent, à la vie qu’ils mènent. Marc Brosseau a su montrer, au-delà des limites du Québec, tout ce que le roman pouvait apporter à la compréhension des lieux ou des territoires (Brosseau, 1996). Les paysages du Groupe des sept et ceux que les peintres québécois peignent à la même époque, de 1910 à 1930, illustrent deux manières fondamentalement différentes de concevoir la canadianité, comme le souligne Frédéric Lasserre (1994) : ils mettent en évidence la force qui émane du contact avec une nature brute, pour les Ontariens, et la présence d’un peuple qui a ordonné une nature difficile, pour les Québécois. Louis Dupont, un Québécois qui enseigne à Paris, insiste pour sa part sur le caractère subversif de la géographie queer (Dupont et Prieur, 2012).

Ce qui fait la véritable originalité de la géographie culturelle québécoise vient cependant d’ailleurs : pour les Québécois, le problème identitaire n’est jamais simple. Être Canadien français, être Québécois, cela se réduit-il au fait d’être un surgeon du monde francophone en Amérique ? Non. C’est pour cela que Marcel Bélanger refusait de réduire la culture aux héritages qu’elle retisse sans cesse, et qu’il soulignait son orientation vers le futur.

La géographie culturelle québécoise tire fondamentalement son originalité des questions que soulève la permanence d’une société francophone dans le monde laurentien : c’est moins par la clarté des concepts qu’elle mobilise et par la vigueur des synthèses qu’elle offre que par son enracinement vécu qu’elle compte. Elle parle des doutes qui assaillent aujourd’hui une société qui se sent fondamentalement américaine, avec ce que cela implique d’expériences partagées avec les autres Canadiens et avec les Étasuniens (comme avec les Mexicains), mais qui tient à sauvegarder le souvenir de ses origines. Comment ne pas faire une place, dans une réflexion sur la québécité, aux Cajuns, aux Franco-Américains de Nouvelle-Angleterre, aux Acadiens, aux Franco-Ontariens, aux Franco-Manitobains, etc. ? Comment restreindre le terrain d’étude au Québec, quand on sait qu’Old Orchard (Maine), New York, la Floride et la Californie font autant partie de l’expérience territoriale de ses habitants que Québec ou Montréal ?

Le discours que les géographes québécois consacrent à la culture est varié. Il a trait au rapport à l’espace, celui d’hier, au temps du rang, et celui d’aujourd’hui, au temps de l’élargissement des espaces quotidiens et du remodelage des cadres administratifs. Il s’intéresse à la formation des nouvelles municipalités régionales, et à la manière dont celles-ci reflètent des sentiments d’appartenance, ou les suscitent, comme l’a montré Christian Morissonneau dans le cas de Lanaudière. Le discours porte aussi sur la diversité et l’actualité de la présence française en Amérique, avec les travaux de Dean Louder (un Étasunien mormon), sur l’archipel francophone (Louder et al., 1979). Jean Morisset insiste sur la dimension créole de la culture québécoise, sur l’apport des Amérindiens et sur le rôle des Métis dans sa formulation (Morisset et Waddell, 2000). Il éloigne ainsi le Québec de ses racines françaises pour le rapprocher des autres univers créoles américains : il souligne la parenté de destin entre Québécois et Antillais. Le Brésil, dont la culture est tout entière métisse, le séduit. D’autres Québécois s’interrogent aussi sur les destins de la Caraïbe – Romain Paquette (1969), par exemple.

On retrouve la même inspiration, mais élargie au monde du Pacifique, dans les travaux qu’Éric Waddell consacre aux Mélanésiens (Bonnemaison et Waddell, 1997), ou ceux qu’il a rédigés sur Jean-Marie Tjibaou (1997), ce Calédonien partagé entre la culture japonaise de sa mère, la culture mélanésienne de son père, la culture catholique acquise au séminaire de Nouméa et la culture française dans laquelle la Nouvelle-Calédonie baigne depuis plus d’un siècle.

Les recherches que mènent les géographes québécois sur la culture s’attachent aussi, et de plus en plus, à la mise en place de la société multiculturelle moderne : l’immigration transforme toutes les métropoles canadiennes, Montréal comme les autres, en juxtapositions de communautés. On est loin du temps où la diversité du Canada se réduisait au binôme Anglais / Français. On a maintenant affaire à des Antillais, des Sud-Américains, des Asiatiques, des musulmans du Proche et du Moyen-Orient. Les communautés autochtones, qu’on avait un peu oubliées, se rappellent vigoureusement à l’attention de tous les Canadiens.

Les recherches menées dans ce domaine ont la particularité de s’attacher tout autant à la situation sociale des individus qu’à leur appartenance culturelle, aux faits d’exclusion qu’à ceux d’intégration.

Une remarquable inventivité et liberté de ton

La géographie telle qu’elle s’écrit ou se dit aujourd’hui au Québec est celle d’un groupe humain aux effectifs modestes – quelque 8,3 millions de personnes (StatCan, 2017) – et qui doit à ses traditions et à son statut politique d’être largement ouvert à des influences diverses : françaises, anglaises, mais aussi italiennes du côté de l’Europe, canadiennes-anglaises et étasuniennes évidemment, mais aussi caraïbes ou sud-américaines pour certains – rappelons ici Paul-Yves Denis (1966 ; 1967), Romain Paquette (1969) ou Jean Morisset (1983).

Au cours du dernier demi-siècle, la géographie québécoise a traversé des crises similaires à celles qu’elle a connues dans le monde francophone et dans le monde anglophone ; elle a été affectée par les mêmes ruptures épistémologiques et par les mêmes changements de paradigme. Elle est ainsi passée d’une conception classique de la géographie à la nouvelle géographie des années 1960, aux approches humanistes ou radicales des années 1970, puis à l’ère de la postmodernité et du postcolonialisme – qui caractérise son devenir depuis une génération : difficile, dans de telles circonstances, de mettre en évidence des continuités tout au long de la période. S’il n’y avait, depuis 1955, la présence de Louis-Edmond Hamelin, qui a su tirer parti de nombre des mutations de la discipline, l’impression de discontinuité serait peut-être plus forte.

Si je compare la discipline pratiquée au Québec à celle qui caractérise d’autres pays, certaines spécificités m’apparaissent : l’inventivité et la liberté de ton. Trois exemples le montreront.

  • L’inventivité ? Elle est visible tout au long de la réflexion sur les rapports du Québec à l’histoire et à la culture, comme nous venons de le voir. Elle se lit dans la manière dont les géographes de la belle province explorent des thèmes moins populaires ailleurs, comme ceux du métissage et des cultures hybrides.

  • L’inventivité ? Elle se lit aussi au succès – même si momentané – de certaines directions de recherche, à l’exemple du structuralisme développé par Gilles Ritchot (1977 ; 1999 ; Ritchot et Mercier, 1992). L’inspiration vient du structuralisme français, mais pas de la géographie française – celle-ci n’a pas ignoré le structuralisme, mais l’a plutôt utilisé pour interpréter la nature des représentations cartographiques (à la manière de la chorématique de Roger Brunet, 1986) ou pour souligner la signification des mythes dans le domaine de la géographie culturelle (Paul Claval, 1980 ; Joël Bonnemaison, 1981). Gilles Ritchot est le seul à tirer parti du jeu de binômes oppositionnels pour comprendre, d’abord, les formes du relief et, dans un second temps, les formes urbaines et celles de l’organisation régionale. Si ce propos est indiscutablement original, quelle est sa véritable portée ? Assez limitée, car Gilles Ritchot ne parvient pas à éviter certains pièges de la démarche structuraliste, qui est si puissante qu’elle semble capable de tout expliquer. Il faut se montrer très rigoureux dans le choix des contrastes, des limites et des ensembles sur lesquels porte l’analyse si l’on veut éviter les errements ; cela n’a pas toujours été le cas de Gilles Ritchot.

  • La liberté de ton ? J’en prendrai pour exemple les publications de Luc Bureau.Ce que Bureau tente et réussit, c’est la création d’un style nouveau de discours, l’humour géographique (illustré en France par Alexandre Vialat [1983]) : cela lui permet d’aborder mille sujets sur un ton léger, de jouer sans cesse sur des perspectives nouvelles et de multiplier les effets de champ et de contrechamp (Bureau, 1984 ; 1991 ; 1997).

À cela il conviendrait d’ajouter, au cours de la dernière génération, une internationalisation des espaces étudiés. Les géographes québécois sont aujourd’hui nombreux à s’intéresser à l’Amérique du Sud, à l’Afrique, à l’Océanie ou à l’Asie orientale et du Sud-Est : est-il meilleur connaisseur de Singapour et de l’Asie du Sud-Est que Rodolphe de Koninck (2005) ?

Une école géographique québécoise existe-t-elle ? Peut-être pas – l’époque s’y prête mal, c’est dans la première moitié du XXe siècle qu’ont fleuri les grandes écoles nationales (française, allemande, anglaise, etc.). Mais existe-il une spécificité de ton et une inventivité québécoises ? Sans doute.

Pour conclure : un essai de bilan

Quel est l’apport du discours géographique québécois à l’évolution de la discipline et à la résolution des problèmes québécois ? La discipline, telle qu’elle est pratiquée au Québec, a su tirer profit de l’ensemble des orientations apparues au cours des 60 dernières années, dans les pays francophones comme anglophones. Elle a élargi ses bases méthodologiques, comme en témoigne la place que réservent tous les départements québécois à la cartographie assistée par ordinateur, à la télédétection et aux systèmes d’information géographique. C’est grâce à cette nouvelle technicité que beaucoup de jeunes géographes québécois, comme ceux d’ailleurs, trouvent un emploi.

Satisfaire aux exigences de rigueur de la communauté scientifique internationale n’est cependant pas le seul but d’une discipline universitaire. Son ambition est aussi de contribuer à la solution des problèmes qui se posent à la société dans laquelle elle se développe. Trois séries de préoccupations dominent aujourd’hui :

  • celles qui résultent du changement d’échelle des contraintes écologiques, qui demeuraient généralement locales au début du XXe siècle, et qui sont devenues régionales ou globales ;

  • celles qui naissent des révolutions modernes de la mobilité (des biens, des personnes, de l’information) avec leurs conséquences économiques (de nouveaux visages pour les entreprises, de nouvelles formes de division du travail, de nouvelles règles de localisation, une compétition sans cesse avivée) et leurs conséquences sociopolitiques (passage de sociétés à base territoriale à des sociétés structurées en réseau) ;

  • enfin, celles qui expriment la perte de sens provenant de la fin des philosophies du progrès (avec l’avènement de la postmodernité) et de la remise en cause des formes traditionnelles d’identité par la mobilité.

La géographie québécoise contribue de manière originale à la réflexion contemporaine sur ces questions. Par ses équipements géomatiques, elle participe à l’analyse des déséquilibres environnementaux du monde moderne et contribue, dans le domaine pédagogique, à rendre les citoyens québécois plus conscients de leurs responsabilités. Les recherches sur les tendances économiques profondes qui sont nées des révolutions récentes de la mobilité, sur les déséquilibres que créent ces révolutions et sur les stratégies qui permettent, au moins partiellement, d’y faire face, sont au niveau de ce qui se fait de mieux sur la scène mondiale. Les effets sociaux et culturels de la mobilité sont de mieux en mieux explorés.

Par ailleurs, la géographie québécoise a largement contribué à éclairer les deux débats que connaissent les sociétés franco-américaines contemporaines : celui de la justification profonde du fait français en Amérique du Nord et celui de son avenir.

Souligner le rôle du rang, c’était se donner les moyens de cartographier les paysages marqués par le génie des Canadiens français à un moment où la fidélité à une certaine idée de la France et à l’Église catholique justifiait tout. Mais après ? La géographie québécoise a dû répondre aux questions que suscitait une Révolution tranquille qui voulait ancrer le Québec dans la modernité et rompre avec le « Je me souviens » qui était jusqu’alors sa devise.

La question de la québécité hante depuis lors la géographie québécoise. Louis-Edmond Hamelin soulignait, dès le début des années 1960, qu’une des spécificités les plus fortes du Canada tenait aux immensités d’un Nord qu’il fallait intégrer, respecter et humaniser (Hamelin, 1975). Hamelin montrait du même coup que la société québécoise devait sortir du cadre de la vallée du Saint-Laurent et de ses annexes, auquel cadre elle s’était jusqu’alors confinée, pour se repenser à l’échelle de la totalité de son territoire, avec ses solitudes glacées, milieux de vie des Peuples autochtones.

La réflexion sur la québécité ouvre parallèlement d’autres voies. Elle montre comment des colons issus d’une vieille société ont su inventer un monde neuf. Comme l’ensemble des sciences sociales québécoises, elle souligne l’américanité profonde de la société québécoise. Au-delà cette américanité que personne ne conteste, n’existerait-il pas une spécificité qui irait au-delà du souci de vivre dans l’aisance et dans la liberté que partagent tous les Nord-Américains ? L’inquiétude qu’on décèle souvent chez les géographes québécois ne vient-elle pas de cette question récurrente ?