Corps de l’article

Aux cycles supérieurs, les processus de recherche et de construction du mémoire et de la thèse doivent correspondre aux exigences de la démarche scientifique (Green & Macauley 2007). Les compétences informationnelles telles que les compétences à rechercher, à évaluer et à utiliser l’information à bon escient sont fondamentales à la réussite universitaire (Coulon 2005 ; Green 2010). Par ailleurs, il est important de faire preuve de jugement critique pour évaluer la qualité de l’information (Salmi 2012 ; Passerieux & Verreault 2013). L’exercice du jugement critique au regard de la documentation scientifique est crucial dans le sens où la démarche de recherche scientifique exige une rigueur intellectuelle, une attitude de mise à distance de l’information, de l’opinion et de questionnement pour faire avancer la science. Cet exercice est un aspect fondamental de la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse. Il permet aux étudiants de comprendre, de réfléchir aux contributions originales (diffusées par des experts du domaine) liées à leur objet de recherche et de pouvoir prendre la décision sur leur propre sujet (choix de la problématique, des fondements théoriques et de la méthodologie). L’exercice du jugement critique reflète un investissement intellectuel de la part de l’étudiant et montre une profonde compréhension de son sujet, puisqu’il est allé au-delà de la répétition de l’information fournie par la littérature scientifique. Par conséquent, exercer son jugement critique au regard d’un article scientifique demande nécessairement la capacité de résumer, de reformuler, d’analyser, d’interpréter, de synthétiser et d’évaluer l’information qui permet de donner sa propre opinion sur la qualité de l’écrit. Ainsi, si l’étudiant a bien exercé son jugement critique vis-à-vis d’un article, cela reflète sa capacité de s’approprier les écrits scientifiques de même que la qualité de son raisonnement et de sa réflexion. Comme précisé par Salmi (2012), cet exercice vise principalement à juger la qualité de l’information diffusée au sein de la communauté universitaire. En fait, la capacité de juger de la qualité de l’information, d’en saisir le sens et de la synthétiser est un indicateur du niveau de compétence de l’étudiant (Golde 2007 ; Kamler & Thomson 2006).

Dans ce contexte, notre objectif vise à décrire les représentations des étudiants à l’égard des critères d’évaluation de l’information et de l’exercice du jugement critique concernant la documentation scientifique.

Revue de littérature

Avant d’aborder les critères et indicateurs d’évaluation de l’information, il importe de définir les concepts d’évaluation et de jugement fréquemment utilisés dans le contexte de la recherche d’information.

Définition du concept d’évaluation et du jugement

Évaluer signifie « examiner le degré d’adéquation entre un ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats à l’objectif fixé, en vue de prendre une décision » (De Ketele, Chastrette, Cros, Mettelin & Thomas 2007, 114). Cette définition met tout particulièrement l’accent sur la décision à prendre. Pour leur part, Castellanos et al. (2012) soulignent qu’évaluer l’information vise à apporter un jugement de valeur sur celle-ci ou sur sa source, puis à en dégager le niveau de pertinence. Pour faire une bonne évaluation, De Ketele et al. (2007) proposent une démarche en cinq étapes : déterminer le type de décision à prendre, énoncer clairement les critères de l’évaluation, recueillir l’information pertinente, confronter les critères retenus et l’information recueillie et formuler les conclusions définitives. Par rapport à cette démarche, Bertrand Baschwitz (2010) souligne la possibilité d’adapter ces étapes au domaine de la recherche d’information, notamment lors de l’évaluation de l’information trouvée. La première étape, « déterminer le type de décision à prendre », correspond, lors de la recherche d’information, au choix des références ou des articles en fonction du besoin initial. Pour répondre à ce besoin, il s’avère important de choisir de bons outils de repérage et d’utiliser des stratégies de recherche efficaces. La deuxième étape, « énoncer clairement les critères de l’évaluation », se rapporte aux sources et contenus de l’information pour en vérifier la crédibilité, la pertinence, l’accessibilité et l’actualité. La troisième étape, « recueillir l’information pertinente » se ramène justement aux critères d’évaluation pour voir s’ils sont bien définis et pouvoir ainsi sélectionner efficacement l’information souhaitée. La quatrième étape, « confronter les critères retenus et l’information recueillie », permet de vérifier si les critères sont présents dans le choix d’une telle information afin de s’assurer de son exactitude. La cinquième étape consiste à « formuler les conclusions définitives », en intégrant l’ensemble des documents choisis dans la bibliographie et à les citer dans le travail écrit.

Juger est défini comme un « processus par lequel une personne se forge et émet une opinion » (De Ketele & Roegiers 2009, 47). En fait, d’après ces auteurs, l’évaluation se distingue du jugement par le fait qu’elle guide vers une prise de décision, alors que le jugement ne suppose pas qu’une décision soit prise. L’évaluation ne se réduit donc pas à un jugement. Il existe tout de même une suite d’opérations de jugement dans les diverses phases du processus d’évaluation (objectif, critères et attentes). Lipman (2011), quant à lui, définit le concept du « jugement » comme étant une élaboration « des opinions, des estimations ou des conclusions, parmi lesquelles on peut inclure la résolution de problèmes, la prise de décision et l’étude de nouveaux concepts » (204). Pour cet auteur, le jugement n’est pas nécessairement un acte qui favorise la prise de décision, mais plutôt le résultat de la prise de décision. Cette affirmation rejoint donc l’idée de De Ketele & Roegiers (2009) décrite ci-dessus. Dans un autre ordre d’idée, le « jugement » est vu par Bertrand (2010) comme une capacité d’évaluer la fiabilité et la crédibilité de différentes sources d’information, en tenant compte des intérêts et des perspectives colorant les représentations par lesquelles la mauvaise information est corrigée.

Dans le contexte de la recherche d’information, les concepts d’évaluation et de jugement sont fréquemment utilisés, notamment lorsqu’il s’agit de l’évaluation et du jugement critique de l’information trouvée. En fait, on utilise l’expression « exercer son jugement critique » dans le cas du « jugement critique ». Elle est clairement définie par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) (Gouvernement du Québec 2007) dans La compétence transversale 3 : Exercer son jugement critique, qui illustre trois composantes essentielles qui caractérisent cette compétence. Premièrement, il s’agit de « construire son opinion » en cernant l’objet de la réflexion, en remontant aux faits et en les mettant en perspective, en explorant différentes options, en s’appuyant sur des repères et en adoptant une position. Deuxièmement, il faut « exprimer son opinion » en articulant et communiquant son point de vue, en étant attentif aux modalités et aux formulations qui traduisent le mieux sa pensée et en justifiant sa position. Troisièmement, il est primordial de « relativiser son opinion » en la comparant à celle des autres, en la reconsidérant, en évaluant la part de la raison et de l’affectivité, en reconnaissant ses préjugés et en reprenant la démarche au besoin.

Critères d’évaluation de l’information

Mittermeyer & Quirion (2003) ont réalisé une enquête auprès de 3 000 étudiants entrant au premier cycle dans des universités québécoises. L’objectif de cette étude visait à vérifier leur niveau de maîtrise des connaissances de base en recherche d’information afin de connaître leurs besoins et de leur offrir les services de soutien adéquats. Même si cette enquête date d’il y a plus de 10 ans, elle sert toujours de référence québécoise en matière de compétences informationnelles des étudiants universitaires. Notons que peu d’études antérieures ont été réalisées à ce sujet. Selon les auteurs (Ibid. 2003), après avoir trouvé des documents, il est important de vérifier la pertinence des sources par rapport aux attentes initiales ainsi que de s’assurer de leur validité et de leur fiabilité avant de les utiliser. Les critères d’évaluation de l’information sont : la réputation, la crédibilité de l’auteur, la fiabilité des sources, la date de publication et l’exactitude de l’information. Passerieux et Verreault (2013) soulignent que la qualité de celles-ci détermine en grande partie le résultat du travail de rédaction.

L’évaluation est une démarche qui vise à vérifier, comparer et critiquer l’information de façon à en extraire celle qui correspond au contexte réel et aux attentes initiales. Il s’avère donc important d’évaluer l’information, d’une part, afin d’apprécier la crédibilité, l’accessibilité, la fraîcheur ou l’actualité par rapport à la recherche menée (Bertrand Baschwitz 2010), et d’autre part, afin de voir si elle est valable, fiable et pertinente par rapport aux besoins (Passerieux & Verreault 2013). Ces auteurs ont élaboré des critères d’évaluation de l’information que nous avons adaptés à la réalité et au contexte des études supérieures. Ces critères se basent sur quatre principaux éléments : la pertinence de l’information, la fiabilité des sources, la réputation de l’auteur et la qualité du contenu.

Pertinence de l’infomation

Le jugement de la pertinence des documents se fait en fonction du besoin d’information. Il existe des critères précis d’évaluation de la pertinence de l’information basés sur un ensemble d’indicateurs qui permettent d’établir les éléments à évaluer, notamment par rapport au niveau d’information, à l’adéquation, au support graphique et à la méthodologie indiquée (Archambault, Bégin, Bélizaire & Côté 2009).

Premièrement, lorsqu’il s’agit du niveau d’information dans le contexte de l’évaluation des sources, il est question généralement de l’auteur (un chercheur ou un journaliste), du type de publication (manuel scolaire, article de vulgarisation, article professionnel ou article scientifique), du type de méthodologie employée et du niveau d’expertise requis pour le comprendre. Par ailleurs, le niveau d’information est fondamental, dans le sens où tout travail scientifique réputé implique que l’information soit spécifique, précise et claire. Examiner le niveau d’information revient à examiner les principaux aspects du texte tels que la précision, la clarté et l’argumentation. D’après Pochet (2012), l’information précise ne laisse aucune place au doute, l’information claire permet une bonne compréhension du texte et le type d’argument doit être scientifique. Enfin, la spécificité de l’information permet de mieux comprendre et cerner l’objet d’étude. Salmi (2012) précise d’ailleurs que le manque de précision provient quelquefois de fautes de syntaxe et de vocabulaire. Selon lui, le manque de précision peut découler d’une incertitude dans le sujet abordé. Les erreurs de clarté les plus fréquentes sont d’abord liées à la définition des termes techniques et spécifiques, étant donné que les termes employés « peuvent avoir un sens différent en français technique et courant » (328). Ensuite, elles peuvent être liées à l’utilisation des abréviations, car d’un domaine à l’autre, une même abréviation peut avoir des sens différents. Enfin, le dernier élément des erreurs de clarté est lié à l’emploi du jargon, qui est une langue spécialisée propre à un milieu ou à un domaine. Le manque de clarté arrive au moment où le lecteur comprend un mot ou une expression différemment ou ne comprend pas un mot comme l’auteur.

Deuxièmement, l’adéquation de l’information est en rapport avec le besoin initial. Le chercheur d’information peut la vérifier (à partir de ses propres attentes) si l’ensemble des documents trouvés correspond exactement à ce qu’il cherche, s’ils répondent à la question de départ et s’ils peuvent être introduits dans ses travaux.

Troisièmement, le support graphique présenté dans le texte est aussi important. D’après, Boubée (2007), celui-ci fait partie des matériaux non textuels dont le chercheur d’information peut tenir en compte dans l’évaluation d’un document. Par support graphique, Pochet (2012) entend tout type d’illustrations sous forme de tableau et de figure (graphique, dessin ou photographie) accompagné d’une légende. Celle-ci est utilisée pour soutenir la démonstration.

Enfin, la pertinence de l’information dans le volet « méthodologie » peut être relevée dans les techniques utilisées par l’auteur, ce qui permet de voir la façon dont il opérationnalise son objectif de recherche (Gauthier 2009). Le chercheur d’information évalue la pertinence de la méthodologie employée en fonction de son applicabilité à l’objet de sa propre recherche. Les procédures concrètes peuvent y être décrites : la préparation, l’organisation et la conduite de la recherche sur le terrain. Fortin (2010) décrit les différents éléments du contenu qui peuvent être considérés dans cette partie méthodologique : devis de recherche, définition du milieu, critères définissant le choix des participants, taille de l’échantillon, méthodes de collecte des données et description des procédures d’analyses.

Fiabilité des sources

L’évaluation des sources est l’un des éléments essentiels de la recherche documentaire pour déterminer et extraire la meilleure information. Pour ce faire, il s’avère important d’en connaître l’origine, notamment de voir si elle est hébergée par une institution reconnue (Archambault et al. 2009 ; Macedo-Rouet & Rouet 2008). Lorsqu’on parle de fiabilité des sources, il s’agit également de leur crédibilité (Mittermeyer & Quirion 2003). Par crédibilité, il faut comprendre qualité de l’information (Flanagin & Metzger 2007) par rapport aux attentes (Passerieux & Verreault 2013) et aussi par rapport à un ensemble de caractéristiques d’un site (Wathen & Burkell 2002). Les auteurs soulignent que l’évaluation de la crédibilité peut se faire en deux temps. D’abord, les utilisateurs évaluent l’apparence du site Web, l’utilité à l’égard de leur intérêt et la structuration de l’information. Ensuite, ils évaluent l’expertise, la fiabilité, la pertinence, l’actualité, la clarté et le contenu même de l’information. Bref, selon Fogg (2003), l’existence physique de la source et l’apparence du site sont des aspects essentiels pour en juger la crédibilité.

Selon Passerieux & Verreault (2015), les critères d’évaluation des sources varient en fonction des documents, qu’ils soient en format papier ou numérique. Les documents imprimés semblent faciliter davantage l’établissement de critères d’évaluation que l’information contenue dans un site Web. D’une part, les documents imprimés, comme les monographies, ont été déjà évalués par un éditeur – un ouvrage publié par les presses universitaires répond déjà aux exigences requises, par exemple –, d’autre part, les documents imprimés, comme les articles de périodiques dans des revues spécialisées, sont généralement soumis à un comité de rédaction qui détermine le bien-fondé de ces articles ainsi que leur qualité avant qu’ils ne soient publiés. Quant à l’information provenant d’un site Web, elle demande de l’attention et de la vérification en ce qui a trait à l’adresse, au domaine et à la réputation. Les institutions reconnues sont facilement repérables par leur nom ou leur acronyme dans leur adresse URL, par exemple http://www.usherbrooke.ca/ et http://cegepsherbrooke.qc.ca/. En somme, dans le contexte des études supérieures, la rédaction d’un projet de recherche, d’un mémoire ou d’une thèse doit se baser sur des sources d’information appropriées pour un travail universitaire puisqu’elle dépend des références trouvées. D’après Mittermeyer & Quirion (2003), la vérification de la fiabilité des sources d’information utilisées est incontournable, surtout lorsqu’il s’agit d’un site Web. L’étude menée par Catalano (2013) montre que les doctorants sont plus susceptibles de consulter les sources scientifiques qui ont été mises à leur disposition en raison de la fiabilité et de la pertinence de l’information. Ils semblent conscients de la différence entre les sites Web et les bases de données spécialisées dans leur domaine, plus particulièrement dans le domaine de la scientificité de l’information (Naqvi 2012 ; Vezzosi 2009), ainsi que de la qualité de l’information provenant des sources Web comparativement aux bases de données scientifiques (Weare, Toms & Breeding 2011).

Réputation de l’auteur

La référence de l’auteur permet de juger de la qualité et de la fiabilité de l’information. En fait, les critères d’évaluation de la réputation de l’auteur peuvent se baser sur les éléments suivants : l’affiliation, l’expertise, la fréquence de citation et les renseignements biographiques (Archambault et al. 2009 ; Bertrand Baschwitz 2010 ; Passerieux & Verreault 2015). Les indicateurs d’évaluation de l’affiliation de l’auteur sont en rapport avec son rattachement institutionnel, ses publications antérieures ainsi que sa formation et sa fonction. L’expertise de l’auteur sur le sujet est un indicateur important pour le chercheur d’information. Elle permet de voir si l’auteur est spécialiste dans le domaine en question, s’il est connu par ses pairs et s’il est fréquemment cité. Ses renseignements biographiques sont souvent repérables au verso du document ou peuvent être vérifiés s’il y a un lien donné.

Qualité du contenu

La littérature scientifique est le moyen de communication le plus commode et le plus utilisé entre les différents membres d’une même communauté scientifique (Devillard 1991). Elle a une structuration plus ou moins claire en fonction du type de l’écrit. Donc, il s’avère essentiel que le lecteur accorde une importance au contenu et à la présentation de la publication (Bertrand Baschwitz 2010) en fonction de ses attentes. En fait, évaluer la qualité du contenu de l’information dans la littérature scientifique revient à examiner l’objectivité de l’information, l’exactitude ainsi que l’actualité de celle-ci.

Premièrement, concernant l’objectivité de l’information, il importe de connaître le but de l’auteur afin d’apprécier la pertinence de l’information. Pochet (2012) mentionne que les objectifs de chaque document peuvent être différents selon sa nature, notamment un document de vulgarisation et un document pédagogique ou scolaire (visée didactique pour l’enseignement). Ainsi, connaître à qui s’adresse l’information permet de savoir si celle-ci est adéquate au contexte et au degré de connaissance (Archambault et al. 2009). Par ailleurs, en fonction du public cible, la validité reconnue de la publication et les exigences de l’éditeur sont différentes (Bertrand Baschwitz 2010).

Deuxièmement, par rapport à l’exactitude de l’information, il importe de vérifier si les données utilisées proviennent de rapports de recherches (données empiriques ou textes théoriques), si ces sources sont fiables (Archambault et al. 2009), si le texte présente des arguments et si les affirmations s’appuient sur des références. Dans le même ordre d’idées, Passerieux & Verreault (2015) ajoutent que certaines vérifications s’avèrent incontournables lorsque le chercheur d’information évalue l’exactitude de l’information : vérifier la bibliographie et les sources citées (si elles sont encore à jour), valider les données dans le document, s’assurer que les différents points de vue sont abordés et que les dernières découvertes sur le sujet sont présentées et vérifier si le texte est bien rédigé, car des erreurs peuvent nuire à la qualité du document.

Enfin, l’actualité de l’information peut être vérifiée par des indicateurs temporels, comme la date de publication, qui permet d’évaluer la fraîcheur d’un document. Dans le cas d’un site Web, la date de dernière mise à jour du document voire la date de création du site est importante pour le chercheur d’information. Il en va de même pour les hyperliens. Il est donc important de vérifier que ceux-ci soient toujours fonctionnels (Archambault et al. 2009). La date de publication est un excellent indicateur de la qualité de l’information (Pochet 2012 ; Pochet 2015), car elle peut être un critère nécessaire à prendre en compte dans les domaines scientifiques (Passerieux & Verreault 2015). Dans le cas des documents imprimés, les critères et indicateurs d’évaluation d’un livre, d’un article ou d’un rapport scientifique se rapportent à la nouveauté, à l’attractivité des idées, aux problèmes ainsi qu’aux résultats présents (Bertrand Baschwitz 2010). En outre, Passerieux et Verreault (2015) précisent que les rééditions sont importantes. Il faut donc choisir les dernières éditions revues et corrigées et privilégier l’information la plus à jour.

En guise de conclusion, l’évaluation de l’information se fait à l’aide de critères préalablement définis. Il convient dès lors d’observer l’exemple de « grille » d’évaluation proposée dans le tableau ci-après (cf. Tableau 1). Il est à noter que cette grille ne prétend être ni exhaustive ni valable pour tous les contextes, mais elle peut servir à déterminer les principaux critères, communs à toutes les ressources (base de données, documents imprimés : livres, articles, rapports scientifiques et Internet).

Tableau 1

Critères et indicateurs d’évaluation de l’information et de ses sources

Critères et indicateurs d’évaluation de l’information et de ses sources
Inspiré de Archambault, Bégin, Bélizaire & Côté, 2009 ; Boeglin, 2005 ; Bertrand Baschwitz, 2010 ; Passerieux & Verreault, 2013

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Méthodologie

Pour répondre à notre objectif, nous avons réalisé une enquête par questionnaire en ligne à l’aide du logiciel de sondage SurveyMonkey et une série d’entrevues semi-dirigées auprès d’étudiants de deuxième et troisième cycles en recherche en sciences de l’éducation dans quatre universités québécoises francophones (Université de Sherbrooke, Université de Montréal, Université Laval et Université du Québec à Montréal). Il est à noter que le N échantillonnal de la population de référence des quatre universités ciblées pour les programmes retenus était de 879 étudiants (au semestre d’automne 2013). Notre échantillon est constitué de 268 étudiants, ce qui équivaut à un taux de réponse de 30,4 %. Il s’agit d’un échantillon de convenance (ce sont des étudiants volontaires qui ont été recrutés à l’aide d’une lettre d’information expliquant les détails et les modalités de leur participation qui a été envoyée en même temps que le questionnaire d’enquête). Dans le cadre de notre étude, un échantillon de 30 % permettait de donner des résultats satisfaisants. Connaissant le paramètre de la population de référence, il était facile de calculer la taille minimale de l’échantillon en tenant compte d’une proportionnalité de 50 % permettant le contrôle de la marge d’erreur de 4,99 % (donc 5 %) avec un intervalle de confiance de 95 %, selon l’équation classique (ce qui s’avère représentatif) (Statistique Canada 2010) :

Le questionnaire est composé d’items quantifiables comme variables ordinales et nominales. Ces variables peuvent être mises en relation afin de voir si certaines des catégories sont associées de façon plus ou moins systématique, permettant chaque fois de préciser le portrait des caractéristiques qui sont particulières à un profil initial ou à l’évolution d’un profil chez une catégorie distincte de sujet. Il est à noter que dans la partie « Critères d’évaluation de l’information », certaines questions sont inspirées d’Archambault et al. (2009), Bertrand Baschwitz (2010) et Passerieux et Verreault (2013). La tâche demandée aux répondants est de donner leur opinion, dans un format de réponse de type Likert à cinq niveaux (toujours, souvent, de temps en temps, rarement et jamais), par rapport à chacun des énoncés portant sur les critères d’évaluation de l’information. La somme de ces énoncés peut être considérée comme reflétant un construit théorique. Les données d’enquête par questionnaire ont été exportées directement sur format SPSS. Ce sont les données brutes que nous avons enregistrées afin d’effectuer des analyses de manière méthodique avec le logiciel SPSS. Compte tenu de la nature des variables que nous avons, soit les variables nominales et ordinales, ces données qualitatives (catégorielles) sont analysées selon des modèles statistiques essentiellement descriptifs. D’une part, elles sont traitées à l’aide du calcul des fréquences et des pourcentages liés aux catégories des divers items. Ce calcul a pour objectif de documenter des nombres et des pourcentages de chaque énoncé et de mettre en valeur l’ensemble des données brutes issues de l’enquête.

Une section se trouvant à la fin du questionnaire nous a servi à convier les répondants à participer à une entrevue téléphonique d’une durée d’environ 45 à 60 minutes. L’échantillon d’entrevues est donc un sous-échantillon dérivé de l’échantillon d’enquête conformément à la démarche méthodologique développée par Larose, Bédard, Grenon et Bourque (2009). Sa représentativité par rapport au premier échantillon est, elle aussi, déterminée post hoc. Pour ce faire, nous avons demandé aux répondants de remplir le talon d’attestation de consentement et d’indiquer s’ils acceptaient de participer aux entrevues téléphoniques en fournissant, à cet effet, un numéro de téléphone et des dates et heures de disponibilité pour être joints. Finalement, nous avons réalisé des entrevues avec 54 étudiants participants. Ces entrevues ont été enregistrées sur support numérique et font l’objet de transcription pour créer une base de données saisissable par le logiciel statistique textuel Le Sphinx Lexica. Nous avons utilisé ce logiciel afin d’effectuer l’analyse factorielle des correspondances (AFC) sur les mots et les segments répétés des discours.

Précisons que le guide d’entrevue semi-dirigée se focalise sur des questions ouvertes. Celles-ci permettent l’expression des sentiments ou des opinions des répondants. Elles ne limitent pas l’étendue possible des réponses et elles peuvent finalement, par les réponses fournies, apporter des idées, des suggestions ou des pistes d’études auxquelles nous n’avions pas pensé (Lamoureux 1992). Ce guide d’entrevue est composé de six thèmes, répartis en 17 questions, qui ont pour but de comprendre les opinions des étudiants aux cycles supérieurs par rapport à la notion de besoin d’information ; aux pratiques de recherche d’information ; aux critères d’évaluation de l’information ; à l’utilisation de la documentation scientifique ; aux liens entre les compétences informationnelles et la démarche scientifique ; et à la formation aux compétences informationnelles. Dans le présent article, il s’agit de la question 3, Comment pouvez-vous juger que l’information trouvée soit pertinente ou non pertinente par rapport à votre sujet de recherche ?, et la question 9, Selon vous, en quoi cet exercice du jugement critique est-il important dans la démarche de recherche scientifique ?

Résultats

Dans cette partie, nous présenterons les critères d’évaluation de l’information suivant quatre éléments, soit la pertinence de l’information, la fiabilité des sources, la réputation de l’auteur et la qualité du contenu.

Pertinence de l’information

Le but de cette partie est de comprendre les opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de l’information. Premièrement, nous constatons que plus des deux tiers d’entre eux indiquent que lorsqu’ils évaluent la pertinence de l’information, ils tiennent « toujours » compte du niveau d’information spécifique (67,9 %) et de l’adéquation de l’information par rapport à leur besoin (70,6 %). Deuxièmement, 42,2 % d’entre eux font « souvent » attention à la méthodologie : la présentation de la démarche de recueil et de traitement de données. Enfin, environ le tiers (32,3 %) affirme avoir pris en considération « de temps en temps » ou « rarement » le support graphique. Ce dernier n’a « jamais » été observé par 17 % des répondants (cf. Tableau 2).

Tableau 2

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la pertinence de l’information

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la pertinence de l’information

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Fiabilité des sources

Pour ce qui est de l’évaluation de la fiabilité des sources, plus de la moitié des répondants (50,4 %) tendent à dire qu’ils regardent « toujours » la spécialisation de l’éditeur (s’il est spécialisé dans un domaine et si les ouvrages sont destinés à une clientèle universitaire). Une bonne proportion de 41,9 % tient « souvent » compte de l’hébergement (si celui-ci appartient à une institution ou à un organisme reconnu). Toutefois, dans une faible proportion, les répondants ont choisi les modalités « rarement » et « jamais » à l’égard de ces deux énoncés (entre 1,3 % et 6 %) (cf. Tableau 3).

Tableau 3

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la fiabilité des sources

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la fiabilité des sources

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Évaluation de la réputation de l’auteur

Par rapport aux quatre énoncés portant sur l’évaluation de la réputation de l’auteur, plus d’une moitié (52,8 %) prennent « toujours » en compte l’expertise. Dans une proportion similaire, soit 39,3 %, les répondants ont choisi la modalité « souvent » pour les énoncés « Affiliation » et « Renseignements biographiques » et 37,6 % pour l’énoncé « Fréquence de citation ». Enfin, le profil de partition de l’échantillon est varié en ce qui concerne les modalités « rarement » et « jamais » (entre 0,9 % et 15 %) (cf. Tableau 4).

Tableau 4

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la réputation de l’auteur

Opinions des répondants par rapport aux critères d’évaluation de la réputation de l’auteur

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Qualité du contenu

On retrouve ensuite trois énoncés portant sur les critères d’évaluation de l’information, plus précisément par rapport à la qualité du contenu : l’objectivité de l’information (diffusion à la communauté scientifique), l’exactitude de l’information (articles scientifiques, données d’enquête) et l’actualité de l’information (mise à jour, réédition). Selon les résultats obtenus, plus de la moitié des répondants (57,3 %) affirment qu’ils prennent « toujours » en compte l’objectivité de l’information et deux tiers d’entre eux (67,4 %) prêtent attention à l’exactitude de l’information. Par contre, 45,3 % tendent à observer l’actualité de l’information. Dans une proportion d’au moins 30 % de l’ensemble de l’échantillon, ils ont tendance à déterminer la modalité « souvent » quant à ces trois énoncés et 10 % pour la modalité « de temps en temps ». Finalement, le taux de réponse le plus bas a été enregistré pour les modalités « rarement » et « jamais » (entre 0,4 % et 4,2 %) (cf. Tableau 5).

Tableau 5

Opinions des répondants par rapport à la qualité du contenu

Opinions des répondants par rapport à la qualité du contenu

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Discussion

Nous ferons la synthèse des résultats tout en abordant la discussion de ces derniers selon les points de vue des étudiants aux cycles supérieurs par rapport aux critères d’évaluation de l’information et à l’importance de l’exercice du jugement critique de la documentation scientifique. Il est à rappeler que les résultats obtenus à l’aide du questionnaire permettent de comprendre leur façon d’évaluer l’information en fonction de chacun des items, notamment au regard de la pertinence de l’information, de la fiabilité des sources, de la réputation de l’auteur et de la qualité du contenu. Quant aux résultats qui proviennent des entrevues avec des questions ouvertes, ils nous aident à obtenir des renseignements supplémentaires et des réponses plus complètes suivant leurs critères d’évaluation de l’information. En fait, les éléments relevés lors des entrevues s’articulent avec les données du sondage, car ceux-ci assurent la complémentarité d’objet, pour répondre de manière optimale à notre objectif de départ. Comme le soulignent Teddlie & Tashakkori (2010), les méthodes mixtes abordent la méthode quantitative et la méthode qualitative non pas sous l’angle de leurs différences, mais sous l’angle des complémentarités qu’elles peuvent apporter à la recherche.

Critères d’évaluation de l’information

L’évaluation de l’information concerne tant la source que le contenu. En ce qui concerne la source de l’information, les critères d’évaluation varient selon qu’elle est dans un site Web, des bases de données ou des monographies (Bertrand Baschwitz 2010). L’examen de toutes ces ressources s’avère incontournable dans le contexte des études supérieures, les étudiants devant choisir une bonne source en raison de l’augmentation exponentielle de la quantité d’information. Pour le contenu de l’information, cela réfère à l’examen du corps de texte et de chacune des sections pour comprendre l’ensemble d’une étude. Cet examen leur permet de voir si l’information publiée correspond à leurs attentes et s’inscrit bien dans leurs champs d’intérêt. Dans les deux cas, un questionnement est posé autour de la crédibilité, la pertinence et l’accessibilité. Cependant, il importe de préciser que les critères d’évaluation de l’information se distinguent des critères de sélection des références par le fait que ces derniers se font en fonction de la « forme », notamment par rapport à l’accès ou à la disponibilité (résumé, contenu du texte ou intégralité de l’article), à la date de publication, à la qualité ou à la langue de publication ainsi qu’à l’identité des auteurs (Macedo-Roue et al. 2012). Malgré tout, le mode de sélection des références peut différer d’un individu à l’autre. Cette variabilité peut être liée à des représentations mentales ou aux différentes capacités de styles cognitifs entre chaque individu ou encore varier selon les connaissances antérieures (Rouet & Tricot 1995 ; 1998), alors que l’évaluation de l’information se fait telle quelle en fonction de son contenu. Selon Saracevic (2007a ; 2007b), la notion de pertinence est incontournable lorsqu’il s’agit d’une activité de recherche d’information. Afin de juger de la pertinence d’un document, il faut tenir compte en même temps de l’ensemble des critères et indicateurs d’évaluation. Donc, selon l’auteur, la pertinence n’est pas un lien isolé entre un document et une requête. Elle est définie selon l’effet du contexte et de la situation de recherche. Barry & Schamber (1998) déterminent 10 principaux critères d’évaluation de la pertinence de l’information :

  • Le degré d’approfondissement, la spécificité de l’information

  • Sa justesse, sa validité

  • Sa clarté

  • Son niveau d’actualité

  • Son caractère tangible (voir si l’information comporte des données concrètes)

  • La qualité des sources

  • L’accessibilité

  • La disponibilité de l’information ou de la source d’information

  • La vérification (si l’information peut être retrouvée par plusieurs sources)

  • L’efficacité

Fortin (2010) souligne d’autres éléments à examiner, notamment sur la pertinence du problème, la valeur théorique et empirique, la relation avec la méthode, la validité des résultats ainsi que l’exactitude des conclusions. Nos résultats révèlent que l’ensemble des étudiants ont affirmé qu’évaluer la qualité du contenu est important, plus particulièrement quant à la croissance des publications de la documentation scientifique à l’ère du développement des technologies de l’information. Les indicateurs tels que la pertinence de l’information, la fiabilité des sources, la réputation de l’auteur et la qualité du contenu sont des critères principaux pour évaluer une telle information. Nous allons donc décrire les opinions exprimées selon chacun des quatre éléments.

Premièrement, lorsque les étudiants évaluent la pertinence de l’information dans un article scientifique, la plupart d’entre eux (67,9 %) tiennent « toujours » compte du « niveau d’information spécifique » et de l’« adéquation de l’information » (70,6 %), c’est-à-dire qu’ils examinent si l’information est spécifique à leurs champs d’intérêt et si elle répond adéquatement ou non à leur besoin initial. Cependant, nous constatons qu’environ la moitié d’entre eux déclarent porter « souvent » leur attention sur la « méthodologie » décrite par l’auteur de l’article. Alors que le « support graphique », pour appuyer le contenu, est « de temps en temps » ou « rarement » observé. Nous pouvons établir un lien entre les points de vue de nos répondants et les écrits de Bertrand Baschwitz (2010), qui souligne l’importance de la pertinence de l’information dans le milieu scientifique, notamment à l’université, l’information diffusée devant répondre aux normes de scientificité. Ainsi, il s’avère essentiel de porter attention aux informations composant un article recensé tout en considérant le niveau de l’information, l’adéquation par rapport au besoin, le support graphique ainsi que la méthodologie.

Deuxièmement, les questions qui se posent sur la fiabilité des sources sont de deux ordres. Elles concernent la « spécialisation de l’éditeur » et l’« hébergement ». Les données recueillies ont permis de constater que la moitié des étudiants interrogés (50,4 %) ont affirmé que lorsqu’ils évaluent la fiabilité des sources, ils tiennent « toujours » compte de la « spécialisation de l’éditeur » en se demandant si l’éditeur est spécialisé dans le domaine et si les ouvrages publiés sont destinés à une clientèle universitaire. En outre, 41,9 % des étudiants portent « souvent » attention à l’« hébergement ». Ils regardent notamment si le site Web en question est hébergé par un organisme reconnu ou une institution réputée. En effet, selon eux, les informations provenant des sites universitaires et les documents incluant les coordonnées de l’auteur, de l’éditeur ou de la maison de publication leur paraissent déjà fiables comme document de type scientifique. Selon Bertrand Baschwitz (2010), ces indicateurs d’évaluation sont fort pertinents pour guider les étudiants dans leur choix de références.

Troisièmement, en ce qui a trait à l’évaluation de la réputation de l’auteur, environ un tiers des répondants (32,9 %) déclare avoir « toujours » tenu compte de l’« affiliation » de celui-ci, soit son institution d’attache. Plus d’une moitié d’entre eux (52,8 %) prend en compte l’« expertise », à savoir si l’auteur est spécialiste du sujet en question. Un peu moins d’un quart des étudiants (23,1 %) porte attention à la « fréquence de citation » et très peu (18,8 %) font attention aux « renseignements biographiques ». Or, nous constatons que ces deux derniers indicateurs sont aussi fondamentaux dans le contexte de l’évaluation de la réputation de l’auteur, car ils permettent de savoir si l’auteur de l’article est connu dans son domaine et que ses références sont pertinentes et essentielles pour développer et appuyer les travaux du même domaine. En fait, ce que les étudiants comptent le plus dans leurs critères d’évaluation de la réputation de l’auteur, c’est l’expertise, puisque cet indicateur aide fortement à juger de la qualité de l’information.

Quatrièmement, pour évaluer la qualité du contenu, nos résultats font ressortir que plus de la moitié des étudiants (57,3 %) affirment avoir « toujours » pris en compte l’« objectivité de l’information », autrement dit, ils se questionnent quant à l’intention de l’auteur et au but de l’information, à savoir si celle-ci est diffusée à la communauté scientifique. Plus des deux tiers d’entre eux (67,4 %) sont « toujours » attentifs à l’« exactitude de l’information », à savoir s’il s’agit d’un article scientifique ou de données d’enquête. Seulement 45,3 % des étudiants interrogés portent attention à l’« actualité de l’information » en observant si celle-ci est mise à jour ou est rééditée. Pourtant, dans le contexte de recherche aux cycles supérieurs, la nouveauté de l’information est importante dans le sens où celle-ci permet à l’étudiant d’approfondir sa réflexion avec d’autres documents récents (Bertrand Baschwitz 2010), d’accroître l’état actuel de ses connaissances et d’enrichir la problématisation de recherche.

Au bout du compte, nous pouvons récapituler que les indicateurs d’évaluation de l’information utilisés par nos répondants sont similaires à ceux décrits par Mittermeyer & Quirion (2003). Bien qu’il s’agisse dans ce cas d’une recherche auprès des étudiants du premier cycle dans les universités québécoises, les critères d’évaluation de l’information en tant que tels reposent sur la réputation et la crédibilité de l’auteur, la fiabilité des sources, la date de publication et l’exactitude de l’information. Selon nos données, nous pouvons ajouter à ces critères : l’objectivité de l’information pour la qualité du contenu ou encore le niveau d’information spécifique (la présence de données empiriques) ainsi que la méthodologie pour la pertinence de l’information. Ces critères devraient donc être au centre des préoccupations des étudiants.

Importance de l’exercice du jugement critique concernant la documentation scientifique

Deux éléments clés caractérisent l’importance de l’exercice du jugement critique par rapport à la documentation scientifique : son importance proprement dite et son lien étroit avec la rédaction des travaux.

En premier lieu, les étudiants interrogés ont affirmé que l’exercice du jugement critique est important, voire primordial, dans leur contexte, notamment, au programme de maîtrise ou de doctorat en recherche. Cet exercice est important dans le sens où il leur permet d’obtenir des informations pertinentes, fiables et crédibles pour rédiger leur mémoire ou leur thèse. Le jugement critique concerne tant la source d’information que le contenu de l’article. D’une part, le jugement au regard de la fiabilité et de la nature, scientifique ou non, de la source d’information est incontournable étant donné que la libre circulation de l’information à l’ère numérique leur demande d’être prudents quant à sa fiabilité. D’autre part, la critique du contenu de l’article sur chacune des sections (de la problématique à la discussion des résultats) permet de valider la qualité de l’information trouvée. Dans un autre ordre d’idées, les étudiants interrogés soulignent que le fait de porter le regard critique sur le contenu d’un article contribue tout à la fois à faire avancer la science et à développer leur pensée autonome. Grâce à cet exercice, ils peuvent alors relever les avantages, les lacunes ou les faiblesses de la recherche. Selon eux, un tel jugement critique permet de maîtriser les éléments essentiels, de mettre ensemble des fondements, de faire dégager des concepts de base ou encore de proposer de nouveaux modèles conceptuels. Le fait d’exercer leur jugement critique permet d’avoir, entre autres, un certain recul par rapport aux documents recensés. En effet, d’après Salmi (2012), cet exercice a pour but principal de juger la qualité de l’information diffusée auprès de la communauté universitaire. Le cas échéant, le chercheur ne lit que ce qui est utile pour faire évoluer sa pratique.

Il ressort aussi de nos résultats que l’exercice du jugement critique au regard de la documentation est la base de toute recherche scientifique, étant donné qu’il faut la situer et discuter son utilisation dans un contexte épistémologique plus large de production des savoirs et des connaissances, et par la suite dans le milieu de recherche. Il s’agit d’ailleurs des finalités institutionnelles du deuxième et du troisième cycle et donc d’une posture qu’il faut adapter en tant que chercheur. Il importe que l’étudiant soit en mesure de se poser des questions quant aux choix des informations avant de bâtir son mémoire ou sa thèse. Dans cette optique, l’exercice du jugement critique est crucial, selon les étudiants, puisqu’il reflète à la fois leur capacité de s’approprier les écrits scientifiques et de se lancer dans la rédaction. Il reflète aussi la qualité de leur raisonnement ou de leur réflexion par rapport à la question de la scientificité en recherche. Comme l’ont souligné Golde (2007) et Kamler et Thomson (2006), la capacité de juger de la qualité de l’information, de saisir le sens et de la synthétiser est un indicateur de compétence chez l’étudiant en recherche. Pour ce faire, d’après Salmi (2012), il s’avère important d’avoir en tête les critères les plus importants afin de juger de la pertinence et de la qualité d’une documentation, entre autres, à l’aide d’une grille de lecture critique permettant de retrouver facilement les éléments de réponses aux questions initiales. En fin de compte, pour parvenir à exercer un bon jugement, il est important d’avoir une approche critique pour pouvoir compléter ce qui n’a pas été fait ou ce qui n’a pas été dit. Sans vision critique, on ne fait que répéter des conclusions de recherche, risquant ainsi d’avaliser des conclusions erronées ou des usages méthodologiques douteux.

En second lieu, nos participants ont indiqué qu’il existe un lien étroit entre cet exercice du jugement critique et la rédaction de leurs travaux. Ils ont souligné l’importance d’une approche critique qui aide à sélectionner les éléments pertinents et à vérifier l’originalité d’un article. Ils identifient les éléments clés construisant le contenu de l’article d’une partie à l’autre et retiennent l’essentiel pour leurs travaux tout en observant les points forts, les points faibles et les lacunes de l’étude de manière à éviter de les reproduire dans leur propre projet. Tous ces éléments sont fondamentaux à la rédaction scientifique qui exige non seulement une bonne réflexion, mais concomitamment une bonne organisation et un bon esprit de synthèse.

Conclusion

En guise de conclusion, dans le contexte des études supérieures où la qualité de l’information retenue par les étudiants dépend de leurs compétences informationnelles, il s’avère essentiel qu’ils maîtrisent bien ces compétences tout en portant leur regard critique relativement à la croissance exponentielle de l’information (Durbin & Charles 2009). Dans le cadre de notre étude, nous constatons que les étudiants ont utilisé divers critères pour évaluer la pertinence et la qualité de l’information. Leurs critères consistent à sélectionner le document pertinent pour les travaux et à rejeter ceux qui sont jugés non pertinents. Cependant, pour évaluer un tel article, ils ont recours à des critères logiques liés à la scientificité qui se rapportent à la qualité, à la pertinence, à la fiabilité, à la crédibilité des informations ainsi qu’à leur source. Bien que les étudiants aient décrit les éléments clés (pertinence, qualité, clarté, fiabilité) servant de critères d’évaluation de l’information, nous constatons toutefois des lacunes relativement à certaines méthodes « autodidactes » de jugement critique qui se basent sur leurs intuitions personnelles, car selon leurs discours, ils ont « souvent » rencontré des difficultés ou des obstacles au cours de cet exercice. D’une part, parce que certains méconnaissent les « vrais » critères d’évaluation de l’information, et d’autre part, parce qu’ils ne sont pas « suffisamment » formés à développer la capacité de jugement critique au regard de la littérature scientifique. Cette affirmation rejoint celle de Dinet (2008) qui souligne que les étudiants sont capables d’exprimer divers critères de jugement en fonction du contexte de leur recherche. Cependant, la maîtrise de l’évaluation n’est pas tout à fait acquise et ils ont donc besoin d’être orientés pour apprendre à traiter les documents. Les études antérieures de Green (2009) et de Maxwell (2006) montrent que certaines universités ont développé un guide de méthodologie de recherche en éducation pour leur clientèle afin d’accompagner dans le processus du jugement critique, alors que d’autres n’offrent pas cet outil, ce qui semble donc lacunaire pour préparer ou aider l’étudiant à mieux comprendre de tels critères de base pour juger de la pertinence de la documentation scientifique.