Corps de l’article

Présentation du GIRA

Le Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique voit le jour à l’été 1987, sous l’impulsion de Carol Couture, Jean-Yves Rousseau et Jacques Ducharme. Le tout premier fruit de réflexion du groupe est la production d’un article dans la revue Argus (Couture 1987). C’est à dessein, on peut le croire, que les auteurs ont préféré le publier dans une revue de bibliothéconomie/sciences de l’information plutôt qu’en archivistique pour justement présenter cette « nouvelle discipline » aux lecteurs d’un domaine connexe ou discipline soeur de l’archivistique québécoise et non pas à des « convertis ». Cet article sera diffusé largement dans les divers programmes d’enseignement universitaire au Québec. Il constitue en quelque sorte le socle théorique sur lequel la « nouvelle archivistique québécoise » s’édifie et le positionnement du GIRA sur la scène archivistique nationale et internationale.

Dès le départ, trois éléments majeurs animent les réflexions et activités du GIRA : l’archivistique bien sûr, mais une archivistique renouvelée et originale qui s’appuie sur les principes et concepts hérités d’une archivistique plus traditionnelle d’inspiration européenne, mais également sur les bases méthodologiques et les outils du records management américain. Le second élément est la place octroyée à la recherche en archivistique, véritable avant-garde assurant à cette dernière son plein développement et sa reconnaissance comme discipline à part entière ; elle est au coeur de la création et du développement du GIRA. Troisièmement, l’ouverture vers les autres disciplines afin de ne pas isoler l’archivistique québécoise, maintenir des liens avec les disciplines des sciences humaines ou sociales ainsi qu’avec les domaines qui interviennent dans la sphère de l’archivistique, notamment les technologies de l’information.

Plus prosaïquement, la mission du GIRA se décline en cinq points (GIRA, Mission) :

  • Rapprocher l’archivistique à la problématique de différentes disciplines ;

  • Fournir aux professionnels un forum de discussions axé en priorité sur la théorie ;

  • Apporter une contribution théorique à des réflexions déjà entreprises par les milieux professionnels ;

  • Participer à l’établissement d’un programme de recherches et à la définition de ses priorités ;

  • Intervenir auprès des décideurs sur des situations mettant en cause une problématique archivistique particulière.

Pour la suite, l’évolution du GIRA est inséparable de ses propres activités et interventions qui apparaissent plus loin dans le présent texte.

Réseau : comité directeur – 1987-2018[1]

À sa fondation à l’été 1987, le GIRA regroupe alors trois membres (fondateurs) : Carol Couture, Jacques Ducharme et Jean-Yves Rousseau ; Couture et Rousseau sont à l’Université de Montréal, respectivement professeur à l’EBSI et directeur du Service des archives ; pour sa part Ducharme oeuvre aux Archives nationales du Québec (ANQ) à Montréal (qui deviendront une constituante importante de BAnQ). Lors de la première rencontre en 1990, trois autres personnes se joignent à cette équipe, soit Denys Chouinard des Archives de la ville de Montréal ; Normand Gouger des ANQ (Jacques Ducharme étant décédé) ; et Marcel Lajeunesse, professeur en sciences de l’information à l’EBSI. En 1994, le GIRA regroupe six personnes, dont trois nouvelles : Jacques Grimard, directeur aux Archives nationales du Canada ; Jean-Claude Robert, professeur d’histoire à l’UQAM ; et Louise Gagnon-Arguin, professeure d’archivistique à l’EBSI. Lors du troisième symposium en 1998, cinq membres restent en poste (Normand Gouger est décédé entre-temps) ; un étudiant aux études supérieures de l’EBSI est alors intégré au groupe (Rabii Bannouri), mais n’est actif qu’à ce moment. Daniel Ducharme des ANQ rejoint le groupe et y participe encore (2018).

Pour sa rencontre en 2002, le GIRA peut compter sur la présence de sept personnes, un « noyau dur » composé de cinq personnes (Carol Couture, Daniel Ducharme, Louise Gagnon-Arguin, Jacques Grimard, Marcel Lajeunesse ; Jean-Claude Robert s’étant retiré) auquel s’insèrent Sabine Mas et Claude Minotto (respectivement professeure d’archivistique à l’EBSI et directeur du Service des archives de l’Université de Montréal). Lors du cinquième symposium en 2006, la composition du comité directeur reste inchangée par rapport à 2002.

Le sixième symposium en 2010 marque un certain renouveau puisque s’ajoutent de nouvelles figures : Aïda Chebbi (doctorante à l’EBSI), Yvon Lemay (professeur d’archivistique, EBSI) et Robert Nahuet (archiviste, Bibliothèque et Archives Canada). Carol Couture a alors quitté le GIRA et Sabine Mas devient la responsable du groupe[2]. Mais la « véritable révolution » apparaît en 2014, car la responsable s’entoure d’un groupe de 12 personnes, majoritairement de l’EBSI. Pour sa part, le comité de direction du symposium 2018 est plus que foisonnant et regroupe 14 personnes, dont des professeurs en archivistique de l’EBSI, mais également de l’Université Laval et de l’UQAM ; auxquelles s’ajoutent des doctorants de l’EBSI et des collaboratrices (GIRA 2018a) <gira-archives.org/membres>.

Quelques tendances majeures :

  • Couture a occupé le poste de responsable du GIRA pendant presque 20 ans, à travers ses nombreuses autres occupations et fonctions professionnelles.

  • On note la présence de professeurs des disciplines soeurs : histoire et sciences de l’information, dont Jean-Claude Robert et Marcel Lajeunesse.

  • Participation de gestionnaires chevronnés dont Jacques Grimard et Claude Minotto.

  • Véritable ouverture à partir de 2010. Le comité directeur fait place à des représentants d’autres institutions, bien que l’EBSI/Université de Montréal soit « surreprésentée ».

  • Depuis 2014, des représentantes des programmes d’archivistique de l’UQAM et de l’Université Laval participent comme membres réguliers.

Réseau : conférenciers, présentateurs, commentateurs – 1990-2014[3]

Tout d’abord, il convient de rappeler que les deux premiers symposiums, soit celui de 1990 et de 1994, s’étalent sur deux journées. Il s’avère donc naturel que ces deux premiers regroupent, avec celui de 2006, le nombre le plus élevé de présentateurs, conférenciers, modérateurs et commentateurs ; donc respectivement 18, 25 et 22, alors que la moyenne est d’environ 17.

Seuls, ces chiffres ne veulent pratiquement rien dire, sinon qu’ils permettent de dégager la pointe de l’iceberg d’un réseau de contacts professionnels des membres organisateurs du GIRA. La fragmentation de ces participants selon les occupations/fonctions des conférenciers et présentateurs s’avère davantage pertinente. On consultera l’Annexe 1 à ce sujet. À travers les sept rencontres du GIRA, des tendances émergent sur cette période de 25 ans. Ainsi, le groupe le plus fortement représenté tout au long de cette période est celui des gestionnaires ou membres d’une direction, d’un service ou d’une institution vouée principalement ou exclusivement aux archives ; qu’il s’agisse d’un directeur du service de la gestion des documents et des archives d’une université ou d’un PDG des Archives nationales du Canada, titre fictif bien entendu. Vient en second lieu, le groupe des professeurs en archivistique, surtout de l’EBSI, mais aussi d’autres universités québécoises (Université Laval notamment), canadiennes (York à Toronto et Université du Manitoba à Winnipeg), mais également d’Europe (Belgique, Université catholique de Louvain ; France, Université de Haute-Alsace ; Suisse, Université de Berne).

Les archivistes professionnels et praticiens constituent le troisième groupe en importance de ce réseau avec 13 personnes, issues surtout des institutions publiques et parapubliques. Le quatrième groupe est constitué des professeurs d’histoire/historiens et rassemble quelque 11 personnes. Le dernier groupe en importance est celui des professeurs en sciences de l’information dont 10 membres ont participé aux rencontres du GIRA à titre de conférenciers, commentateurs ou présidents de séance. Par ailleurs, bien que tous les thèmes n’aient pas toujours regroupé un nombre égal de personnes oeuvrant dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, sept personnes au total ont participé aux symposiums du GIRA à titre de conférenciers ou commentateurs, voire présentateurs ou animateurs.

Tentons maintenant de signaler des éléments communs tout au long de ces 25 ans :

  • La volonté d’établir un équilibre entre la théorie et la pratique : les professeurs d’archivistique et les responsables de centres d’archives occupent une place majeure tout au long de la période, à part presque égale.

  • La présence de professionnels et de professeurs des disciplines « connexes » (histoire, droit, sciences de l’information et technologies de l’information) témoigne de la volonté de faire une place à ces disciplines dans la réflexion sur l’archivistique contemporaine. Leur apport s’avère toujours contributif que ce soit sur les fonctions archivistiques ou sur des réflexions concernant la recherche.

  • Loin de se limiter au seul territoire québécois, les conférenciers proviennent du Canada anglais, mais aussi de quelques pays francophones d’Europe, même si leur présence n’est pas la même à toutes les rencontres.

Panorama des thèmes des rencontres[4]

En un peu moins de 30 ans, le GIRA a tenu huit rencontres, soit une tous les quatre ans, de 1990 à 2018. À l’aune de l’évolution de cette discipline professionnelle au Québec, les thèmes abordés par le Groupe sont à l’image des questionnements et réflexions des universitaires et professionnels de l’archivistique québécoise. Il ne faut donc pas se surprendre si le tout premier symposium questionne justement la place de l’archivistique au sein des sciences de l’information, mais aussi par rapport à ses disciplines soeurs (connexes) que sont l’histoire, le droit, l’administration et les technologies de l’information ; de plus, la réflexion sur la recherche y occupe une place importante. Le second symposium prend place en 1994 et porte sur le rôle social de l’archiviste. Donc, après avoir tenté de définir la discipline, on s’intéresse aux activités sous la responsabilité de ce professionnel. Rappelons que le terme archiviste au Québec fait référence autant au spécialiste de la gestion des documents (actifs et semi-actifs) qu’au responsable des archives historiques d’une institution ; ce qui n’est pas le cas au Canada anglais, tout au moins.

Une des pierres angulaires des fonctions de l’archivistique contemporaine concerne l’évaluation. C’est donc à ce thème ambitieux et difficile à cerner que s’attaque le troisième symposium du GIRA. Dans le cadre de cette rencontre, les présentateurs et conférenciers visent à répondre aux besoins des administrations contemporaines, mais également aux défis de la recherche. Si le but ultime de l’archivistique est de constituer des témoignages pertinents de notre société, il convient de procéder à cette quête en amont ou lorsque les documents sont également au stade actif.

Les symposiums 4 et 7 abordent des thèmes davantage liés aux documents numériques ou technologiques. Dans un premier temps, la gestion des documents numériques ou électroniques impose de gérer des fichiers « stables » avec un contenu relativement structuré. Cependant, la prise en charge des archives du Web nous oblige à prendre en compte des documents dynamiques, « insaisissables » ou en pleine évolution. Tout d’abord, l’archivistique doit définir à nouveau le terme « document » qui ne se restreint plus au support et à son contenu comme c’est le cas avec le document analogique, mais doit inclure les métadonnées indispensables à la description du document et ses caractéristiques. Les métadonnées déterminent également la place du document et son rôle au sein d’un fonds, par l’entremise du plan de classification.

Il est possible d’établir un parallèle entre la troisième et la cinquième rencontre portant spécifiquement sur l’évaluation des archives et sur les archives comme ressources stratégiques. L’évaluation constitue la fonction archivistique incontournable où l’archivistique se distingue des autres disciplines soeurs, dont les sciences de l’information. C’est également la fonction qui permet à l’archiviste de séparer le bon grain de l’ivraie. Au coeur de la discipline archivistique, l’évaluation nous oblige à faire un constant aller-retour entre des énoncés hautement théoriques et des applications techniques répondant à des besoins concrets. En bref, il faut que la théorie soit applicable, qu’elle permette de poser un regard critique sur les outils à utiliser, mais il faut également que cette mise en oeuvre couvre plusieurs institutions, voire un secteur tout entier[5].

Le cinquième symposium porte donc sur la reconnaissance des archives comme ressources stratégiques. C’est en fait une reconnaissance des archives comme ressources sans lesquelles les organisations contemporaines ne pourraient pas fonctionner. Faire reconnaître à cette information organique et consignée un statut de premier ordre, c’est également reconnaître à ses professionnels un rôle clé à travers toute la chaîne documentaire. Mais surtout, cela témoigne de la pertinence et du rôle de cette discipline professionnelle tant pour répondre aux exigences des administrations actuelles qu’aux besoins de la recherche.

Les archives sont reconnues comme élément indispensable à la constitution de la mémoire (à long terme), mais aussi comme outil de gestion des organisations contemporaines. En archivistique, la notion de documents essentiels ou vital records est une notion bien connue. Elle vise à identifier et préserver les ressources indispensables au rétablissement des activités majeures d’une organisation à la suite d’une catastrophe naturelle ou une perte totale de données. Toutefois, le vocable « ressource stratégique » renvoie à une dimension plus concrète, plus terre à terre et proche de la réalité des organismes actuels. De cette manière, il ne s’agit pas d’être prêt à faire face à des situations d’urgence, mais bien aux opérations quasi quotidiennes des organisations contemporaines. L’identification des archives stratégiques suppose l’étude des liens entre la mission, les orientations stratégiques, les plans d’affaires, les processus d’affaires et les documents eux-mêmes. En fait, il s’agit de documents liés à la réalisation de la mission de l’organisme et à ses principaux objectifs (planification stratégique).

La recherche en archivistique : au coeur de la mission du GIRA

Dès la première rencontre du GIRA en 1990, la place de la recherche au sein de la discipline archivistique est inscrite noir sur blanc lors de ce premier symposium. Le mot d’ouverture souligne à juste titre que le dynamisme d’une discipline peut être mesuré à l’aune de la recherche et du développement. L’essor de la discipline archivistique repose sur l’élaboration d’un corpus scientifique basé sur des principes, des théories et des approches.

Que la recherche en archivistique épouse un caractère pratico-pratique avec des retombées concrètes à plus ou moins brève échéance ou qu’elle adopte un créneau de haut niveau, les préoccupations pour la recherche sont au coeur des rencontres du GIRA. En témoigne notamment le troisième symposium sur l’évaluation des archives qui présente les aspects théoriques de cette fonction archivistique par l’identification des concepts, méthodologies et applications. À cet égard, un aspect de la recherche en archivistique s’avère lié aux défis auxquels font face les organisations contemporaines.

Dans le cadre du cinquième symposium dévolu aux archives comme ressources stratégiques, on serait tenté de croire qu’un tel thème rejoindrait bien davantage les préoccupations concrètes des gestionnaires ou administrateurs. Or cette rencontre a donné lieu à la présentation d’une recherche doctorale intitulée « Comment répondre aux besoins d’information de cadres intermédiaires municipaux ». Ici, la mémoire organisationnelle n’est pas réservée à une vague notion faisant exclusivement référence aux seules archives historiques anciennes. Cette mémoire inclut l’accès, l’utilisation de l’information et sa mise en oeuvre. En somme, même si la recherche s’avère liée aux défis contemporains, des études sur l’état de la situation afin d’y examiner les mécanismes d’appropriation, d’utilisation et de conservation de la mémoire y occupent une place importante. Ainsi, des questions fondamentales comme celles sur la notion de mémoire organisationnelle s’inscrivent dans la problématique des chercheurs contemporains.

Lors du sixième symposium intitulé « Les archives : de l’information à l’émotion » (GIRA, 2010) les préoccupations des organisateurs sont nettement de haut niveau. Les contributions des présentateurs et conférenciers amènent les participants à réfléchir sur l’utilisation jusqu’alors inusitée des documents d’archives, entre autres par des artistes ou dans le cadre d’expositions multimédias. Au-delà des images projetées, c’est un questionnement sur les archives et leur rôle dans la société, sur la transmission de la mémoire et du savoir qui nous interpelle et alimente la réflexion ; quitte à réévaluer des façons de faire, sinon des principes archivistiques dans un avenir prochain. Ce n’est pas « étrange » qu’une présentation ait été l’oeuvre d’un professeur de l’EBSI et d’une finissante de la maîtrise de cette même institution, s’attachant à l’archive comme génératrice d’émotions. Il s’agit d’un pan tout nouveau de la recherche en archivistique au Québec.

Le programme du huitième symposium, à venir à l’automne 2018, focalise directement sur les diverses facettes de la recherche en archivistique, comme en témoigne l’appel à communication (<gira-archives.org/activites/8e-symposium-2018/>.). Ainsi, les organisateurs dégagent trois principaux volets à ce questionnement sur la recherche en cours et à venir concernant cette discipline : « L’état de la recherche en archivistique ». Ce thème vise à identifier l’émergence de « nouveaux champs » au sein de cette discipline, mais également à distinguer l’originalité de la recherche en archivistique par rapport à une recherche dans ou sur les archives, voire face aux autres disciplines qui utilisent des documents d’archives. « Les conditions de la recherche en archivistique ». Dans quelles conditions se réalise la recherche en archivistique et quels sont les rôles des organismes subventionnaires et des institutions nationales ? Quel est l’impact des axes de financement sur la stratégie et le type de recherche en archivistique ? « La diffusion et l’exploitation de la recherche en archivistique ». Il est ici question des « retombées scientifiques, professionnelles et sociales de la recherche en archivistique » et des divers « moyens de faciliter la diffusion et la mise en valeur de la recherche en archivistique ? » (GIRA 2018, Appel à communication).

À travers les divers symposiums du GIRA sur près de 30 ans, on peut facilement dresser le constat de la prévalence de la fonction « recherche » tout au long de cette période. Pour les uns, la présence de la recherche en archivistique au Québec et d’une recherche originale ne se dément pas. La prise en compte des divers articles publiés dans la revue Archives de l’Association des archivistes du Québec notamment, ainsi que des travaux de maîtrise (essais, rapports de stage, mémoires) ou thèses de doctorat concourent à la vitalité de ce volet de la discipline archivistique depuis les dernières décennies. Par ailleurs, d’autres s’interrogent sur la véritable originalité de la recherche en archivistique par rapport aux recherches menées dans ou sur les archives par les spécialistes d’autres disciplines. En fait, il s’agit de vérifier la constitution d’un champ spécifique à la recherche en archivistique.

Nous avons souligné précédemment l’importance de la recherche archivistique et son rôle indéniable sur le développement en tant que tel de la discipline, mais il est également nécessaire que cette discipline ait un objet spécifique. Au Québec, la gestion de « l’information organique et consignée » constitue justement cet objet particulier. De plus, depuis la publication de la thèse de doctorat de Louise Gagnon-Arguin, nul ne saurait contester le statut de « discipline » à part entière à l’archivistique au Québec (Louise Gagnon-Arguin 1992). Nous sommes donc en présence de deux éléments préalables à la reconnaissance de la recherche en archivistique : 1- l’archivistique est reconnue pleinement comme une discipline (professionnelle), 2- son objectif spécifique a été clairement établi.

Maintenant qu’en est-il du champ de recherche spécifique dévolu à l’archivistique québécoise ? Déjà dans sa communication présentée lors du premier symposium du GIRA en 1990 (Louise Gagnon-Arguin 1990), elle souligne des éléments originaux de la recherche en archivistique sous sept points : 1) Finalité et objet de l’archivistique ; 2) Rôle social de l’archiviste, sa place dans la société ; 3) Situation de l’archivistique dans le champ des connaissances ; 4) Discipline archivistique en elle-même ; 5) Connaissance du milieu dans lequel l’archiviste évolue ; 6) Formation ; 7) Autres sujets spécifiques à l’archivistique. Dans une étude plus contemporaine, Carol Couture propose une typologie des champs de recherche en archivistique qui présente neuf champs de recherche avec une description de leur contenu respectif. On trouvera à l’Annexe 2 ce tableau (Couture 1999 ou <mapageweb.umontreal.ca/couturec/rapport/chap3_2.htm#recher2>.).

Par conséquent, la démonstration du champ spécifique de la recherche en archivistique est d’ores et déjà bien établie. Les prochaines décennies permettront de dégager les thèmes privilégiés et les approches choisis. Mais la recherche en archivistique au Québec s’avère nettement inscrite dans une réflexion des diverses disciplines des sciences humaines et sociales.

Conclusion

Passer en revue les actes des colloques du GIRA depuis 1990, c’est un peu brosser le portrait de l’évolution de l’archivistique au Québec, tant par les thèmes abordés que par les communications présentées. Des réflexions de départ aux interrogations plus actuelles, le GIRA a su tenir compte autant du milieu académique que celui de la pratique, mais il a surtout été un élément mobilisateur et dynamisant de cette réflexion sur la discipline et sur la profession. À cet égard, le GIRA oeuvre à l’avancement de la discipline archivistique. Ce groupe de recherche peut faire siens les caractéristiques propres à l’archivistique québécoise et le rôle moteur qu’il y a joué :

  • Absence de cloisonnement en archivistique au Québec entre professionnels sur le terrain et professeurs ou académiques. Pas d’évolution en silo ou écart irrécupérable entre praticiens et théoriciens de cette discipline professionnelle.

  • Reconnaissance des sphères de compétence à chaque groupe, mais interrelations entre les « intellectuels » et les « praticiens ».

  • Contribution essentielle des professionnels à la recherche (articles dans les revues) et à l’enseignement, surtout dans le cadre des cours offerts au niveau des certificats dans les universités. Mentionnons également depuis 2016 la création du Fonds Michel Champagne (professionnel à la Direction de la gestion des documents et des archives ou DGDA de l’Université de Montréal depuis plus de 25 ans) qui permet l’octroi de deux bourses d’études aux étudiants en archivistique sur une base annuelle jusqu’en 2020. Ce fonds est sous la responsabilité de la DGDA de l’UdeM. Pareille initiative témoigne éloquemment des liens entre les individus, les instances sur le terrain et les programmes de formation.

  • Seuil de maturité de l’archivistique au Québec comme discipline et comme profession. La discipline s’est dotée d’un corpus théorique et méthodologique basé sur des principes et des approches spécifiques.

  • L’archivistique au Québec reconnaît les deux volets : la gestion des documents et la gestion des archives historiques. Ces volets répondent à des besoins différents, mais une réelle interaction/interpénétration existe.

  • Sous l’angle de la profession, les grandes fonctions de l’archivistique québécoise sont pleinement reconnues : de l’acquisition à la diffusion. Toutefois, bien que pouvant être autonomes, ces fonctions sont en fait interreliées et ne sauraient exister en vase clos. L’impact d’une fonction sur les autres que ce soit en aval ou en amont de l’ensemble de la chaîne documentaire.

Par ses questionnements, ses axes de réflexion, les thèmes abordés et les pistes de recherche, le GIRA joue un rôle de premier plan dans le développement et l’évolution de la discipline archivistique au Québec. Le GIRA et ses membres (fondateurs et plus récents) ont établi les balises disciplinaires, des approches ; ils ont également remis en question certains principes, mais surtout évalué des pistes de solution et des axes de réflexion.