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Introduction

Depuis plus d’une décennie, plusieurs études signalent la consommation plus fréquente de substances psychoactives chez les personnes issues des minorités sexuelles, et en particulier chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HRSH), comparée à celle de la population générale (Cochran, Ackerman, Mays et Ross, 2004 ; McCabe, Hughes, Bostwick, West et Boyd, 2009 ; Talley, Tomko, Littlefield, Trull et Sher, 2011). Les données européennes disponibles montrent que la consommation régulière de produits psychoactifs autres que l’alcool et le cannabis semble concerner moins de 5 % d’HRSH (The EMIS Network, 2013) et être plus souvent rapportée par les HRSH séropositifs et les adeptes de la culture de sexe « bareback » (UNAIDS, 2014 ; Weatherburn et al., 2013 ; Wei, Guadamuz, Lim, Huang et Koe, 2012). Précisons que cette culture se caractérise par la pratique de pénétrations anales volontairement non protégées par le condom (Milhet et Néfau, 2017).

Un lien explicite aurait été établi entre la sexualité en groupe, la pratique du « bareback » et la consommation de certaines substances psychoactives (Klein, 2011). D’autres études ont démontré une association entre la consommation de substances illicites et les pénétrations anales non protégées (PANP) par le condom chez les HRSH (Carey et al., 2009 ; McCarty-Caplan, Jantz, et Swartz, 2014 ; Santos et al., 2013 ; Vosburgh, Mansergh, Sullivan et Purcell, 2012). Les substances liées à la pratique de la PANP sont les poppers, la méthamphétamine, le Viagra (ou autre produit similaire), la kétamine et le GHB (Carey et al., 2009). Ces substances étant associées à la pratique de la PANP réceptive (Vosburgh et al, 2012), qui accentuerait à son tour le risque de propagation du VIH (Berg, 2008 ; Davis, Hart, Bolding, Sherr et Elford, 2006 ; Grov, 2012). Une association est aussi rapportée entre la consommation de substances et d’autres comportements sexuels à risque, tels le fait de ne pas s’informer du statut sérologique des partenaires avec qui il y a pénétration anale, de pratiquer la pénétration anale avec des partenaires sérodiscordants ou d’avoir de multiples partenaires occasionnels (Vosburgh et al., 2012).

Sur un autre plan, la consommation de substances psychoactives serait plus élevée lorsque le sentiment d’appartenance et l’affiliation au milieu gai sont plus forts et les discriminations vécues à l’égard de l’orientation sexuelle plus nombreuses. Les HRSH ayant dévoilé leur orientation sexuelle ou leur statut sérologique au VIH auraient une consommation de substances plus importante (Green et Feinstein, 2012).

Depuis une dizaine d’années, le « chemsex », associé à la culture de sexe « bareback », est un phénomène médiatisé et grandissant qui touche la plupart des pays industrialisés où les HRSH ont accès à divers moyens favorisant les rencontres sexuelles (Milhet et al., 2017). Le « chemsex » se définit comme la pratique intentionnelle de relations sexuelles sous l’influence de drogues (Milhet et al., 2017). Ces drogues sont, entre autres, consommées dans l’intention de faire durer les relations sexuelles sur une période allant de plusieurs heures à plusieurs jours, et ce, avec de multiples partenaires sexuels (McCall, Adams et Willis, 2015).

Selon les territoires, on notera des nuances dans la désignation et dans la pratique du « chemsex », signe d’une appropriation culturelle distincte. En Amérique du Nord, en Nouvelle-Zélande et en Australie, le phénomène est nommé « PNP » ou « Party and Play ». Il s’agit essentiellement de la même pratique, avec quelques différences dans les substances consommées (Bourne, Reid, Hickson, Torres-Rueda et Weatherburn, 2014 ; Frederick et Perrone, 2014 ; Grov, 2012). Dans la plupart des pays d’Europe et au Royaume-Uni, le terme « chemsex » est employé ; pour parler de la consommation de méphédrone, de GHB/GLB ou de méthamphétamine en contexte sexuel (Bourne et al., 2015 ; Bourne et al., 2014). Dans une étude australienne, les HRSH rapportant de l’injection de substances (5,6 %) utilisaient principalement de la méthamphétamine (Lea et al., 2013).

En France, les HRSH consommant des drogues se segmentent en deux groupes, les « clubbers » et les « sexers » (Madesclaire, 2015). Selon Madesclaire (2015), les premiers fréquentent les clubs pour des raisons conviviales alors que les « sexers » (en quête de partenaires sexuels) visent les sites de rencontres et les applications mobiles à la recherche de « plans chems » (relations sexuelles dans le cadre du « chemsex »). Ainsi, contrairement aux sites segmentés par clientèle (ex. : sites de rencontre généraliste, BDSM ou bareback) et dont les contenus sont contrôlés, le succès et la souplesse liée à l’usage des applications de rencontres mobiles géolocalisantes ont pu conduire au rapprochement entre « sexers » et « clubbers ». Ces deux groupes ne consomment pourtant pas les mêmes substances, ni n’en usent aux mêmes fins. C’est d’ailleurs parmi les « sexers » que l’on retrouve les adeptes du « slam » (Leobon, Otis, Brathwaite et McFayden, 2013 ; Madesclaire, 2015), défini en France comme l’injection par voie intraveineuse de cathinones de synthèses (méphédrone, NRG3, 4 – MEC, etc.) dans un contexte sexuel (Foureur et AIDES, 2013). Le risque de dépendance et d’infections (VIH, VHB, VHC, etc.) lors de consommation de substances dans ce contexte est particulièrement élevé (Batisse, Grégoire, Marillier, Fortias et Djezzar, 2016). Dans le cadre d’une étude menée par L’Yavanc, Missonier, Hamidi, Velasquez et Pialoux (2014), les « slammeurs » séropositifs étaient une population marginale parmi les HRSH, âgée en moyenne de 42 ans et dont près de la moitié présentait l’hépatite C ou la syphilis. Les cathinones, la cocaïne et le GHB représentaient les substances les plus consommées par ces hommes.

Dans l’échantillon 2013 du Net Gay Baromètre, parmi les « barebackers », ceux qui déclaraient avoir participé à des « sexe-parties où le slam se pratique » rapportaient une pratique plus régulière du « bareback » que ceux qui n’y avaient pas participé (Léobon et al., 2013). Au niveau de leur consommation de substances, ils consommaient davantage de drogues dures ou destinées à améliorer leurs performances sexuelles, partageaient plus souvent des seringues, s’injectaient plus souvent dans le cadre de sexe-parties, consommaient plus souvent plusieurs substances simultanément, et le faisaient plus souvent avec un sentiment de dépendance (Léobon et al., 2013). Dans l’étude australienne de Lea et al. (2013), les HRSH rapportant de l’injection de substances (5,6 %) dans le contexte sexuel étaient plus susceptibles de rapporter être infectés au VIH et à l’hépatite C, ainsi que d’avoir eu plus de 10 partenaires sexuels au cours des six derniers mois.

Ainsi, la consommation de substances psychoactives est un phénomène complexe qui n’est pas rapporté de manière uniforme par les HRSH et varie selon les territoires, en se trouvant souvent associé à des PANP régulières, la recherche de sensations fortes, un nombre élevé de partenaires sexuels et les relations sexuelles dans le cadre du travail du sexe (Léobon, Velter, Engler, Drouin et Otis, 2011).

À la lumière des résultats rapportés dans la littérature actuelle, les données françaises concernant la consommation de substances associées au « chemsex » semblent éparses. Cette étude tente de combler cette lacune et visant 1) à décrire la fréquence des substances psychoactives consommées par les consommateurs de l’échantillon ; 2) à identifier les patrons de consommation de substances psychoactives pour dégager un groupe de substances possiblement associées au « chemsex » ; et 3) à comparer les consommateurs occasionnels et réguliers de substances psychoactives associées au « chemsex » aux consommateurs de substances autres que celles associées au « chemsex » sur diverses variables sociodémographiques, sociosexuelles, comportementales et psychosociales.

Méthode

Procédure

Le Net Gay Baromètre[1] est la plus large étude concernant les HRSH français utilisant Internet à des fins sociales ou sexuelles, publiée en France tous les trois ans. La promotion du sondage s’est déroulée du 1er décembre 2012 au début de l’année 2014. Les sites de recrutement ont été diversifiés pour tenter de rejoindre la diversité des populations HRSH en fonction de leurs cultures : sites de rencontres généralistes[2], sites de rencontres spécialisés[3], publicité achetée sur les sociaux (Facebook, Skyrock) et sur Google Adsword. Sur près de 38 000 questionnaires entamés, 17 385 questionnaires ont été remplis adéquatement.

Mesures

Les variables analysées sont les caractéristiques sociodémographiques (ex. : site de provenance, revenu, origine ethnique) et sociosexuelles (ex. : orientation sexuelle, dépistage du VIH, charge virale chez les répondants séropositifs), la sexualité avec des partenaires occasionnels[4] (ex. : nombre, types et contextes de pratiques), la consommation de substances (ex. : types de substances et contextes) ainsi que les variables liées à la santé psychologique, interpersonnelle et sociale (ex. : objets de discrimination, recherche de sensations fortes, préoccupations).

Description de l’échantillon

L’échantillon comporte au total 11 842 participants ayant consommé au moins une substance au cours des 12 derniers mois parmi les 17 385 ayant rempli le questionnaire (68,1 %). Leur âge moyen est de 36,92 ans (ET = 13,11). Ils ont été recrutés sur les réseaux sociaux ou par des annonces publiées sur des sites d’informations (42,0 %), sur des sites de rencontres gais généralistes (35,2 %) ou sur des sites de rencontres spécialisés (BDSM ou « bareback » : 22,8 %). Dans cet échantillon, 78,5 % des répondants se disent d’orientation homosexuelle et 7,5 % déclarent être nés à l’étranger. Les répondants résident le plus souvent dans un centre urbain (68,1 %), le tiers en banlieue (21,3 %) et une minorité en milieu rural (6,9 %) ou isolé (3,6 %). Environ la moitié de l’échantillon rapporte un revenu mensuel de 1 600 euros ou plus (50,9 %), tandis que plus de la moitié a complété des études universitaires (59,7 %).

Analyses

Pour décrire l’échantillon et la fréquence des substances psychoactives consommées (objectif 1), des analyses descriptives (fréquences, moyennes) et des analyses bivariées (chi-carré de Pearson, ANOVA) ont été réalisées. Pour identifier les patrons de consommation (objectif 2), une analyse factorielle a été conduite sur le sous-échantillon de répondants ayant consommé au moins une substance (incluant l’alcool). Nous avons procédé à une extraction en composantes principales avec une rotation Varimax. Pour comparer les consommateurs occasionnels et réguliers (objectif 3) compte tenu des patrons de consommation dégagés par l’analyse factorielle, la régression logistique polynomiale (univariée et multivariée) a été utilisée. Trois groupes ont été comparés : 1) le groupe de référence est composé des répondants ayant consommé au moins une substance au cours des 12 derniers mois, mais n’ayant jamais consommé une substance associée au « chemsex » ; 2) les répondants ayant consommé au moins une drogue associée au « chemsex » d’une à neuf reprises ; et 3) ceux ayant consommé un tel type de substances à 10 reprises ou plus. Les variables de contrôle pour les analyses de régression sont l’âge, le site de recrutement (site de rencontre « bareback » ou BDSM, site de rencontre gai généraliste ou réseaux sociaux/sites d’information), le lieu de naissance, les types de lieux de résidence (centre urbain, banlieue, rural, éloigné), le revenu mensuel, la scolarité et l’orientation sexuelle.

Certaines variables trop fortement associées au « chemsex » et à la participation à des relations sexuelles dans le cadre de « slam-party » ont été exclues du modèle multivarié. Ces variables sont : avoir consommé des substances dans le cadre d’un « slam-party » et avoir « pratiqué le bareback dans le cadre d’un slam-party ». Les variables « s’être injecté une substance au moins une fois », « partage de matériel pour injection » et « charge virale des répondants séropositifs » ont également été retirées du modèle, car elles comportaient trop de données manquantes[5].

Les modèles de régression multivariés ont été effectués par blocs de variables. Le premier bloc comporte les variables sociodémographiques. Au deuxième bloc, s’ajoutent les variables de pratiques et comportements sexuels avec les partenaires occasionnels masculins, alors qu’au troisième bloc, s’additionnent les variables de consommation de substances. Le quatrième bloc inclut les variables de santé psychologique, interpersonnelle et sociale.

Résultats

Les substances consommées chez les consommateurs

Parmi les répondants ayant consommé au moins une substance au cours des 12 derniers mois, la consommation de cinq verres d’alcool et plus lors d’une même occasion est rapportée par plus des quatre cinquièmes des répondants (26,5 % moins d’une fois par mois ; 25,8 % ; une fois par mois : 20,8 % ; une fois par semaine, 9,9 % plusieurs fois par semaine et 1,8 % à tous les jours ou presque). Tel que présenté au tableau 1, les poppers ont été consommés au moins une fois au cours des 12 derniers mois par 38,4 % des répondants, tandis que 26,4 % des répondants ont consommé du cannabis. Le Viagra et le Cialis l’ont été dans 11,9 % des cas et la cocaïne, par 8,4 % des répondants. La MDMA (Méthylènedioxyamphétamine), les produits pharmacologiques et l’ecstasy ont été consommés par moins du vingtième de l’échantillon, tandis que les autres substances (amphétamines, kétamine, crystal meth, cathinones, crack et héroïne) ont été consommées de façon plus marginale (moins de 4 % pour chacune des substances).

Tableau 1

Fréquence de consommation de substances au cours des 12 derniers mois parmi les hommes ayant consommé au moins une substance (n = 11 842)

Fréquence de consommation de substances au cours des 12 derniers mois parmi les hommes ayant consommé au moins une substance (n = 11 842)

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Les patrons de consommation

Le tableau 2 suggère quatre regroupements de substances. Le modèle explique 59,29 % de variance après rotation. La catégorie A est composée de l’alcool et du cannabis. La catégorie B est constituée par le Viagra/Cialis ou les poppers. La catégorie C regroupe la cocaïne, la MDMA, le GHB, l’ecstasy, les amphétamines, la kétamine, le crystal meth ainsi que les cathinones. La catégorie D est composée du crack, de l’héroïne et des produits pharmacologiques. Les substances le plus fréquemment associées au « chemsex » sont ainsi regroupées dans la catégorie C. Parmi les répondants, 88,9 % ont consommé au moins une fois des substances du groupe A dans les 12 derniers mois ; 58,1 %, des substances du groupe B ; 18,7 %, des substances du groupe C et 7,3 %, des substances du groupe D.

Tableau 2

Patrons de consommation dégagés par l’analyse en composantes principales parmi les hommes ayant consommé au moins une substance au cours des 12 derniers mois

Patrons de consommation dégagés par l’analyse en composantes principales parmi les hommes ayant consommé au moins une substance au cours des 12 derniers mois

Méthode d’extraction : Analyse en composantes principales.

Méthode de rotation : Varimax avec normalisation de Kaiser.

La rotation a convergé en 10 itérations.

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Comparaison entre les consommateurs occasionnels et réguliers de substances associées au « chemsex » et les autres consommateurs

Pour comparer les consommateurs occasionnels et réguliers de substances associées au « chemsex » aux consommateurs de substances « autres », trois groupes ont été créés[6], soit le groupe 1, composé des répondants qui ont consommé des substances des catégories A, B et D, mais aucune substance de la catégorie C (81,3 %, n=9629) ; le groupe 2, des répondants qui ont consommé au moins une substance de la catégorie C, et ce, moins de 10 fois dans les douze derniers mois (14,2 %, n=1685) et le groupe 3, des répondants qui ont consommé au moins une substance de la catégorie C 10 fois et plus dans les douze derniers mois (4,5 %, n=528).

Les tableaux suivants présentent les principales caractéristiques des groupes 2 et 3, lorsque comparés avec leurs pairs du groupe 1. Selon ces résultats, les groupes 2 et 3 se distinguent du groupe 1 sur un grand nombre de variables, ce qui laisse entendre qu’ils partagent des caractéristiques communes, le groupe 3 rapportant toutefois généralement des fréquences et ratios de cotes plus élevés.

Caractéristiques sociodémographiques et sociosexuelles

Le tableau 3 présente les caractéristiques sociodémographiques et sociosexuelles. Comparés au groupe 1, les répondants des groupes 2 et 3 sont proportionnellement plus nombreux à avoir été recrutés sur les sites de rencontres aux cultures de sexe minoritaires (BDSM ou « bareback ») (respectivement RCA = 2,57 [2,24-2,95] et RCA = 4,12 [3,23-5,27]). Ils sont proportionnellement plus nombreux à être nés à l’étranger (RCA = 1,53 [1,24-1,88] et RCA = 1,65 [1,17-2,31]), à être identifiés par les autres comme appartenant à une minorité visible[7] (RCA = 1,45 [1,21-1,73] et RCA = 2,08 [1,59-2,73]) et à demeurer en région parisienne (RCA = 1,52 [1,35-1,71] et RCA = 2,13 [1,75-2,60]).

Si les répondants du groupe 3 sont proportionnellement plus nombreux à rapporter un revenu mensuel d’au moins 1600 euros (RCA = 1,33 [1,07-1,66]), ils sont moins nombreux à avoir complété des études universitaires (RCA = 0,76 [0,62-0,93]) alors que les répondants du groupe 2 sont proportionnellement plus nombreux que ceux du groupe 1 à avoir atteint cette scolarité (RCA = 1,22 [1,08-1,38]).

Les répondants des groupes 2 et 3 sont proportionnellement plus nombreux à se déclarer homosexuels (respectivement, RCA = 1,63 [1,40-1,89] et RCA = 1,55 [1,20-2,00]). Dans les douze derniers mois, ils furent proportionnellement plus nombreux à être dépistés pour le VIH (RCA = 1,54 [1,38-1,73] et RCA = 1,25 [1,04-1,51]) et à rapporter avoir eu une infection transmissible sexuellement et par le sang (ITSS) (RCA = 2,22 [1,96-2,51] et RCA = 3,23 [2,65-3,93]). Les répondants des groupes 2 et 3 sont aussi proportionnellement plus nombreux à être porteurs du VIH (RCA = 4,12 [3,58-3,42] et RCA = 6,59 [5,29-8,22]) et de l’hépatite C (RCA = 2,71 [2,14-3,42] et RCA = 3,43 [2,46-4,77]). Parmi les répondants séropositifs au VIH, une plus forte proportion des hommes des groupes 2 et 3 rapporte une charge virale détectable (RCA = 3,06 [2,14-4,38] et RCA = 5,89 [3,83-9,06]).

Tableau 3

Portrait sociodémographique et sociosexuel des consommateurs de substances[8]

Portrait sociodémographique et sociosexuel des consommateurs de substances8

Tableau 3 (suite)

Portrait sociodémographique et sociosexuel des consommateurs de substances8

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Lieux de rencontres et sexualité avec les partenaires occasionnels masculins

Tel qu’illustré au tableau 4, les analyses révèlent des différences significatives entre les groupes 2 et 3 comparés au groupe 1 en ce qui a trait à presque toutes les variables testées, les répondants du groupe 3 étant plus fortement enclins à avoir les caractéristiques étudiées. Les participants appartenant aux groupes 2 et 3 sont proportionnellement plus nombreux à avoir fréquenté des lieux de rencontres « liés à la culture de sexe »[9] au cours des douze derniers mois (respectivement, RCA = 2,04 [1,79-2,33] et RCA = 2,79 [2,18-3,59], à avoir rencontré au moins 10 partenaires occasionnels masculins ou plus (RCA = 2,60 [2,32-2,92] et RCA = 3,96 [3,23-4,85]), mais aussi au moins 10 partenaires dans le cadre du travail du sexe, particulièrement ceux du groupe 3 (RCA = 3,03 [2,29-4,02] et RCA = 10,67 [7,93-14,36]). Ils sont également plus nombreux à adopter des pratiques sexuelles alternatives[10] avec leurs partenaires occasionnels (RCA = 2,56 [2,25-2,91] et RCA = 3,05 [2,42-3,85]) et proportionnellement plus nombreux à rapporter des PANP avec des partenaires occasionnels de statut sérodivergent (RCA = 3,42 [2,83-4,13] et RCA = 4,92 [3,76-6,45]). Rapportant plus souvent adhérer à la culture de sexe bareback, les répondants des groupes 2 et particulièrement ceux du groupe 3, sont proportionnellement plus nombreux à l’avoir pratiqué dans le cadre de « gang-bang° » où le répondant était passif (RCA = 3,28 [2,78-3,88] et RCA = 5,77 [4,58-7,28]), en association avec la consommation de substances (RCA = 7,13 [6,24-8,16] et RCA = 14,81 [12,05-18,20]) ou dans le cadre d’un « slam-party » (RCA = 7,99 [5,64-11,32] et RCA = 25,20 [17,42-36,46]).

Tableau 4

Lieux de rencontres et sexualité avec les partenaires occasionnels masculins[11][12]

Lieux de rencontres et sexualité avec les partenaires occasionnels masculins1112

Tableau 4 (suite)

Lieux de rencontres et sexualité avec les partenaires occasionnels masculins1112

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Contextes de consommation de substances

Les analyses (tableau 5) montrent que les répondants des groupes 2 et 3 sont proportionnellement plus nombreux à consommer pour augmenter leurs performances ou sensations sexuelles (RCA = 4,05 [3,58-4,58] et RCA = 7,03 [5,77-8,57]) et à le faire lors de relations sexuelles dans le cadre du travail du sexe (RCA = 3,71 [2,79-4,93] et RCA = 9,77 [7,08-13,48]). Ils se démarquent aussi, surtout le groupe 3, par une plus forte proportion ayant consommé des substances par voie injectable (RCA = 7,96 [4,10-15,45] et RCA = 22,61 [11,33-45,15]) et à avoir partagé du matériel d’injection (RCA = 2,66 [1,58-4,48] et RCA = 12,76 [7,94-20,50]).

Tableau 5

Contexte de consommation de substances

Contexte de consommation de substances

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Santé psychologique, interpersonnelle et sociale

Le tableau 6 montre que les répondants des groupes 2 et 3 présentent également des différences significatives sur le plan de leur santé psychologique, interpersonnelle et sociale. Quoique proportionnellement plus nombreux à rapporter être satisfaits de leur apparence physique (RCA = 1,41 [1,25-1,59] et RCA = 1,59 [1,28-31,97]) comme à rechercher des sensations fortes (RCA = 1,92 [1,72-2,15] et RCA = 2,89 [2,35-3,54]), les répondants des groupes 2 et 3 sont aussi proportionnellement plus nombreux à rapporter avoir eu des idées ou des tentatives suicidaires (RCA = 1,28 [1,10-1,49] et RCA = 1,71 [1.35-2,16]) et avoir été agressés en raison de leur orientation sexuelle (RCA = 1,76 [1,35-2,29] et RCA =3,16 [2,23-4,48]).

Au niveau des préoccupations rapportées, ils sont proportionnellement plus nombreux à avoir été préoccupés dans les douze derniers mois par leur consommation de drogues (RCA = 5,28 [4,54-6,14] et RCA = 16,62 [13,49-20,47]), par la sexualité compulsive (RCA = 1,46 [1,31-1,64] et RCA = 1,57 [1,29-1,90]), par l’acceptation du travail du sexe (RCA = 2,04 [1,55-2,67] et RCA = 2,84 [1,93-4,16]), par les comportements sexuels à risque (RCA = 1,58 [1,41-1,77] et RCA = 1,87 [1,55-2,27]), l’infection au VIH (RCA = 2,09 [1,82-2,41] et RCA = 3,09 [2,49-3,82]) et l’infection au VHC (RCA = 2,40 [1,96-2,93] et RCA = 3,56 [2,67-4,73]).

Au niveau des variables de santé interpersonnelle et sociale, ils sont proportionnellement plus nombreux à avoir ressenti des discriminations, que ce soit à l’égard de leur groupe culturel d’appartenance (RCA = 1,61 [1,28-2,02] et RCA = 1,77 [1,23-2,55]), de leur séropositivité (RCA = 3,18 [2,63-3,84] et RCA = 4,07 [3,10-5,35]), de leur activité de travail du sexe (RCA = 2,59 [1,92-3,50] et RCA = 6,73 [4,77-9,50]) ou de leur identité de genre (RCA = 1,75 [1,25-2,45] et RCA = 2,80 [1,77-4,41]). Face à cet ensemble de caractéristiques communes, il est à noter que les ratios de cotes des répondants du groupe 3 sont systématiquement plus élevés et ébauchent un portrait plus préoccupant sur le plan de la santé psychologique, interpersonnelle et sociale.

Tableau 6

Santé psychologique, interpersonnelle et sociale des consommateurs de substances

Santé psychologique, interpersonnelle et sociale des consommateurs de substances

Tableau 6 (suite)

Santé psychologique, interpersonnelle et sociale des consommateurs de substances

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Variables associées à la consommation occasionnelle ou plus régulière de substances de Catégorie C

Les variables distinguant les groupes 2 et 3 du groupe 1 en analyses univariées ont été incluses dans une analyse de régression multivariée. Compte tenu des variables de contrôle incluses dans le modèle (âge, type de sites de recrutement, type de lieux de résidence, revenu, scolarité, orientation sexuelle) et après inclusion des quatre blocs de variables indépendantes considérées, un modèle final de régression statistiquement significatif (p <0,001) a été obtenu. Il permet d’expliquer 36 % de la variance associée au fait d’avoir consommé au moins une drogue de catégorie C au cours des 12 derniers mois, que ce soit de façon occasionnelle (moins de 10 fois, groupe 2) ou plus régulière (10 fois ou plus, groupe 3) comparativement au fait de ne pas avoir consommé ce type de substances (groupe 1).

D’emblée, les répondants ayant été recrutés dans les sites BDSM ou « bareback » (RCA = 1,39 [1,20-1,62] et RCA = 1,64 [1,21-2,23]) ou sur les réseaux sociaux ou sites d’information (RCA = 1,31 [1,10-1,55] et RCA = 1,96 [1,47-2,61]) sont davantage enclins à consommer des substances de catégorie C occasionnellement (groupe 2) ou régulièrement (groupe 3) alors que les répondants habitant en banlieue sont moins enclins à avoir ce type de comportements (RCA = 0,75 [0,57-0,98] et RCA = 0,59 [0,37-0,93]). Les répondants résidant en milieu rural sont moins enclins à consommer des substances de catégorie C de façon plus régulière (RCA = 0,37 [0,17-0,81]).

Sur les plans sociodémographique et sociosexuel, une plus forte probabilité de consommer des substances de catégorie C, que ce soit sur une base occasionnelle ou plus régulière est observée chez ceux qui s’identifient comme minorité visible (RCA = 1,34 [1,09-1,65] et RCA = 1,60 [1,15-2,24]), demeurent en région parisienne (RCA = 1,40 [1,22-1,62] et RCA = 1,88 [1,47-2,40]), sont porteurs du VIH (RCA = 1,57 [1,22-2,02] et RCA = 1,53 [1,02-2,30]) et ont contracté une ITSS dans les 12 derniers mois (RCA = 1,33 [1,16-1,54] et RCA = 1,79 [1,41-2,27]). Avoir été dépisté pour le VIH au cours des 12 derniers mois est aussi associé à une probabilité plus forte de consommer des substances de catégorie C de façon occasionnelle (RCA = 1,29 [1,12-1,48]) de même qu’avoir appris être porteur du VHC (RCA = 1,77 [1,18-2,64]).

Plusieurs variables concernant la sexualité avec les partenaires occasionnels ressortent comme associées à la consommation de substances de type C que ce soit de façon occasionnelle ou plus régulière : avoir eu au moins 10 partenaires occasionnels masculins (RCA = 1,49 [1,30-1,71] et RCA = 1,98 [1,54-2,54]), avoir pratiqué la pénétration anale avec un partenaire sérodivergent (RCA = 1,29 [1,02-1,62] et RCA = 1,46 [1,05-2,03]) et avoir pratiqué le « bareback » en association avec la consommation de substances (RCA = 3,57 [3,03-4,20] et RCA = 5,26 [4,04-6,86]). Avoir eu des pratiques sexuelles alternatives avec ces partenaires est associé à une consommation occasionnelle de substances de catégorie C (RCA = 1,40 [1,21-1,63]).

Au niveau des contextes de consommation, les variables suivantes sont associées à une plus forte probabilité de consommer ces substances de type C occasionnellement ou plus régulièrement : avoir consommé pour améliorer les performances et sensations sexuelles (RCA = 2,09 [1,82-2,41] et RCA = 2,51 [1,98-3,19]). Les répondants rapportant avoir consommé dans le cadre de relations sexuelles tarifées (travail du sexe) sont plus enclins à consommer ces substances de catégorie C de façon plus régulière (RCA = 1,87 [1,21-2,91]).

Au regard de la santé psychologique, les caractéristiques suivantes sont associées avec une probabilité plus forte de consommer des substances de catégorie C : la recherche de sensations fortes (RCA = 1,45 [1,26-1,67] et RCA = 1,69 [1,30-2,18]), la satisfaction à l’égard de son apparence physique (RCA = 1,20 [1,05-1,38] et RCA = 1,36 [1,06-1,75]), ainsi qu’avoir été préoccupés par sa consommation de drogues dans les douze derniers mois (RCA = 4,08 [3,44-4,85]) et RCA = 14,08 [10,95-18,11]).

Du point de vue de leur santé interpersonnelle et sociale, les consommateurs de substances de catégorie C ont davantage été agressés en raison de leur orientation sexuelle (RCA = 1,39 [1,04-1,88] ; RCA = 1,83 [1,18-2,85]). Rapporter avoir été discriminés en raison du fait d’être porteur du VIH caractérise aussi davantage les consommateurs occasionnels (groupe 2), alors que la discrimination en raison d’une activité de travail du sexe caractérise davantage les consommateurs réguliers (RCA = 2,98 [1,72-5,18]).

Discussion

Dans un premier temps, 68,1 % (11 842/17 385) déclarent avoir consommé au moins une substance dans les 12 derniers mois, démontrant un usage plus élevé que dans la population générale (Cochran et al., 2004 ; McCabe et al., 2009). Dans l’enquête sur l’usage des drogues et pratiques addictives en France publiée en 2014 (Beck, Guignard et Richard, 2014), les prévalences de la consommation de la cocaïne, du MDMA/ecstasy et des amphétamines étaient respectivement de 1,5 %, 1,2 % et 0,4 % chez les hommes de 18 à 64 ans, alors qu’elles sont de 5,7 % pour la cocaïne dans l’échantillon total du NGB (994/17 385 participants), 4,1 % pour le MDMA (710/17 385), 3,0 % pour l’ecstasy (521/17 385) et 2,4 % (414/17 385) pour les amphétamines.

En regard des résultats obtenus sur les patrons de consommation, nous constatons qu’une diversité de substances sont consommées, se déclinant selon quatre patrons allant des substances courantes (A), comprenant l’alcool et le cannabis, à 2 catégories de substances plus sexuelles, l’une aux effets physiologiques (B), comprenant le Viagra ou autres substances similaires ainsi que les poppers, et l’autre aux effets psychotropes (C). Cette dernière catégorie de substances associées au « chemsex » comprend la cocaïne, la MDMA, les amphétamines (speed), le GHB, l’ecstasy, la kétamine, les cathinones et la méthamphétamine. La quatrième catégorie regroupe quant à elle les drogues dures (D), comprenant le crack, l’héroïne ainsi que les produits pharmacologiques dérivés de leur usage sous ordonnance, rarement rapportées. Ces résultats diffèrent quelque peu de ceux rapportés dans le cadre d’autres études, puisque certains auteurs énoncent que les substances liées à la pratique de PANP (résultats qui relient pratiques sexuelles et consommation de substances, s’apparentant donc au « chemsex ») sont les poppers, la méthamphétamine, le Viagra (ou autre produit similaire), la kétamine et le GHB (Carey et al., 2009). De plus, dans le cadre d’une étude portant sur les « slammers », les cathinones, la cocaïne et le GHB représentaient les substances les plus consommées (L’Yavanc et al., 2014). C’est donc dire que les résultats de notre analyse factorielle associent un plus grand nombre de substances au « chemsex ». Celle-ci, mise en relief avec les résultats de Madesclaire (2015), renforce l’hypothèse que les deux cultures de consommation que représentent les « sexers » en quête de partenaires sexuels, et les « clubbers » consommant à des fins récréatives dans les clubs, se sont rapprochées, possiblement via les applications de rencontres mobiles utilisant la géolocalisation.

En ce qui concerne les résultats comparant les consommateurs des drogues de catégorie C aux autres, plusieurs faits saillants semblent à considérer. Dans un premier temps, rappelons que ces substances, par leurs effets psychostimulants et désinhibiteurs, contribuent à modifier la perception de l’autre et de l’environnement comme à améliorer les performances sexuelles. Ces hommes sont plus homocentrés et urbains ; ils partagent davantage une culture de sexe marginale (pratiques sexuelles alternatives, pratiques sexuelles à risque) ; ils sont plus souvent identifiés à des personnes des minorités visibles et plus nombreux à habiter en région parisienne. Plusieurs de ces caractéristiques s’apparentent à celles dégagées par Green et Feinstein (2012) rapportant que la consommation de substances psychoactives serait influencée par le sentiment d’appartenance et l’affiliation au milieu gai.

Les variables associées à la consommation de substances montrent les liens entre consommation, comportements sexuels à risque, exposition au VIH et au VHC : nombre élevé de partenaires, PANP en contexte de sérodivergence, pratique du « bareback » et d’autres sexualités alternatives, recherche de sensations fortes et d’amélioration de leurs performances sexuelles. Ces données semblent renforcer l’idée qu’il y aurait une association entre la consommation de substances et les comportements sexuels à risque (Vosburgh et al., 2012), tels que les PANP (Carey et al., 2009 ; McCarty-Caplan et al., 2014 ; Santos et al., 2013 ; Vosburgh et al., 2012), la sexualité en groupe ou la pratique du « bareback » (Klein, 2011).

Sur le plan de leur santé, on note que les répondants des groupes 2 et 3 sont davantage préoccupés par le fait d’être porteurs du VIH et d’avoir contracté une ITSS. Le fait que ces répondants semblent plus préoccupés par leur santé sexuelle semble concorder avec leurs pratiques sexuelles plus risquées. Il semble d’ailleurs important de considérer que parmi les adeptes du « bareback », l’usage du condom semble délaissé lorsqu’un partenaire désire une relation non protégée, indépendamment de son statut sérologique (Adam, Husband, Murray et Maxwell, 2008). Le fait de ne pas négocier le port du condom au sein de la culture « bareback » pourrait être l’un des facteurs de risque à la transmission du VIH chez nos répondants, de même qu’une source de préoccupation pour ces derniers comme l’indiquent nos résultats. Il semble donc que les répondants de cet échantillon soient conscients des risques qu’ils encourent dans le cadre de leurs pratiques sexuelles, et que ces risques pourraient être attribuables à des règles bien établies au sein de la culture « bareback » (Adam et al., 2008).

Soulignons les vulnérabilités des répondants du groupe 3, qui sont moins scolarisés, moins soucieux de leur santé sexuelle (se faisant dépister moins souvent tout en ayant plus souvent déclaré des ITSS) et proportionnellement plus nombreux à avoir été discriminés à l’égard du travail du sexe, dans le cadre duquel la consommation de substances serait plus souvent pratiquée (Léobon et al., 2011). Les répondants du groupe 2 présentent quant à eux quelques facteurs de protection, dont le fait d’avoir d’être proportionnellement plus nombreux à avoir complété des études universitaires et à s’être fait dépister pour le VIH et du VHC. Si l’intensité, les formes et les contextes de leur consommation varient selon les territoires, les sous-cultures (Frederick et al., 2014) et certains facteurs individuels (Berg, 2008 ; Green et al., 2006 ; Grov, 2010), les résultats présentés ici révèlent les liens entre la consommation de substances, les cultures de sexe dites « à risque » et l’exposition au VIH. Ils rejoignent donc la pratique du « chemsex » en soulignant des problématiques de santé spécifiques.

Face à ces résultats, plusieurs actions de prévention ou de réduction des risques devraient être envisagées à l’égard des consommateurs de substances liées au « chemsex ». La consommation d’alcool et de drogues, surtout lorsqu’elle combine plusieurs substances à la fois, affecte la prise de risques sexuels et la séroconversion dans le temps (Mimiaga et al., 2015). Dans une optique de prévention du VIH, les interventions relatives à la consommation de substances devraient donc être priorisées. De même, il importe de considérer des variables liées à la santé des HRSH comme facteurs associés à la prise de risques sexuels et à l’infection subséquente par le VIH (Mimiaga et al., 2015 ; Stall et al., 2003). Dans cette optique, la prévention devrait concerner prioritairement le groupe 3, qui affiche un profil de vulnérabilité plus alarmant. Soulignons l’hétérogénéité des patrons de consommation et du rapport aux risques et à la santé parmi ces consommateurs de substances psychoactives possiblement associées au « chemsex ». En conclusion, des interventions qui tiennent compte de ces besoins et de vulnérabilités distinctes doivent être déployées.

Limites et pistes de recherches futures

La présente étude comporte plusieurs limites sur le plan méthodologique. Dans un premier temps, les analyses effectuées ont porté sur les consommateurs de drogues de catégorie C, quels qu’en soient les contextes et non uniquement sur les hommes consommant des substances pour pratiquer le « chemsex ». Il est donc possible que les « clubbers », étant les hommes consommant des drogues de la catégorie C à des fins récréatives uniquement, puissent teinter les résultats présentés. Cependant, ce choix permettait de rejoindre les données qualitatives du rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) qui montrent la porosité de ces deux groupes d’hommes (Madesclaire, 2015), aussi présents dans le présent échantillon. Dans cette optique, il serait intéressant de répliquer les analyses auprès des hommes qui rapportent avoir consommé des substances « afin d’augmenter leurs sensations ou performances sexuelles ».

Par ailleurs, nous avons catégorisé les groupes d’hommes en fonction de leur consommation occasionnelle (1 à 9 fois au cours des 12 derniers mois) ou plus régulière (10 fois ou plus) d’après les valeurs recueillies dans la présente enquête. Cette régularité de consommation n’a donc pas été appuyée par la littérature. Précisons que dans le cadre de l’édition 2017 de l’enquête NGB, l’échelle de mesure de la fréquence de consommation a changé et va maintenant de « jamais » à « tous les jours ou presque ». Ainsi, dans l’éventualité où des analyses seront reproduites avec les données de la plus récente édition de l’étude, nous serons en mesure d’établir d’autres catégories de consommation « occasionnelle » et « régulière », qui seront cette fois appuyées par la littérature. En terminant, nous avons également utilisé un devis corrélationnel, ce qui ne permet pas d’établir un lien de causalité au niveau des variables analysées.