Corps de l’article

1. Introduction

La négligence parentale est un phénomène très présent dans la société occidentale. Seulement au Canada, elle est la forme de maltraitance la plus répandue (Trocme et al., 2005). Depuis quelques décennies, l’aide apportée aux familles ayant des comportements négligents s’est orientée vers la mise en place de programmes d’intervention et plus spécifiquement, par la présence de paraprofessionnelles[1] dans le milieu, lors de visites à domicile. Plusieurs auteurs se sont d’ailleurs penchés sur l’utilisation et l’efficacité de ce type de programme (El-Kamary, Higman, Fuddy, McFarlane, Sia et Duggan, 2004; Halpern, 1995; Roman, Lindsay, Moore, et Shoemaker, 1999). Cependant, peu d’informations sont disponibles concernant les préoccupations, les intérêts et les motivations des paraprofessionnelles. Ces éléments sont pourtant au coeur d’un engagement réussi. Les motivations étant un moteur à la performance et à la satisfaction de s’impliquer dans une activité donnée (Sherer, 1991), il est primordial d’en tenir compte tout au long de l’engagement et de l’encadrement afin de mieux connaître et comprendre les paraprofessionnelles, et ce, dans le but de définir adéquatement leurs rôles et leur offrir un soutien de qualité.

L’absence d’études sur les motivations des paraprofessionnelles oeuvrant dans le milieu communautaire auprès des familles et l’absence de recherche qualitative qui décrit l’engagement paraprofessionnel (Jack, DiCenso et Lohfeld, 2002) justifie la pertinence d’approfondir ces questions. L’objectif de cette étude est de comprendre les motivations des paraprofessionnelles oeuvrant auprès des familles ayant des conduites négligentes envers leurs enfants. Ultimement, cette étude a pour but de contribuer à l’amélioration des pratiques dans les organismes responsables des paraprofessionnelles et à développer une structure d’encadrement adaptée aux besoins et aux attentes des paraprofessionnelles.

2. Problème de recherche

2.1. La négligence et les programmes d’intervention

La négligence constitue environ 40 % des cas signalés en ce qui concerne la maltraitance chez les enfants au Canada (Trocme et al., 2005). Elle se définit par l’absence de comportements appropriés face à l’enfant plutôt que par la présence de conduites parentales néfastes. Elle se distingue des autres formes de mauvais traitement par son ampleur, sa diversité et la complexité de ses manifestations. Les principaux facteurs de risque liés à la négligence parentale sont des facteurs d’ordre socioéconomique comme la pauvreté et le manque de soutien social (Gelles, 2000) et des facteurs d’ordre individuel ou psychologique (Erickson et Egeland, 1996). Des études récentes arrivent à démontrer que la négligence envers les enfants repose sur la combinaison de deux caractéristiques distinctes : une perturbation liée à la faible interaction entre le parent et son enfant et une perturbation entre la famille et la collectivité (Lacharité et Éthier, 2003; Lacharité, Éthier et Nolin, 2006). Ces perturbations ont pour effet d’isoler les membres de la famille du soutien nécessaire favorisant leur développement et l’exercice de leurs responsabilités.

Pour briser l’isolement des familles et améliorer les interactions entre parents et enfants, des programmes d’intervention ont été mis en place : Healthy Start Program (Duggan et al., 2000; Duggan et al., 1999; El-Kamary et al., 2004), Yale Child Welfare Research Project (Halpern, 1995), Healthy Babies Healthy (Jack et al., 2000). Dans le cadre de programmes ciblant une clientèle ayant des comportements négligents, les visites à domicile sont un des moyens les plus fréquemment utilisés pour atteindre les résultats souhaités concernant les familles. Le but de cette action est de permettre des changements chez les parents par la présence d’un soutien social et d’une assistance dans les pratiques, en lien avec les services offerts dans la communauté. Il s’agit de stratégies de services qui visent à offrir une aide adaptée aux familles afin d’encourager un changement d’attitudes, de comportements et l’amélioration de connaissances. L’utilité des visites a été démontrée par Wasik, Bryant et Lyons (1990) qui suggèrent trois éléments à la base des visites à domicile : 1) les parents sont les figures clés dans la vie de leurs enfants et leurs comportements influencent les interactions qu’ils ont avec ces derniers; 2) tous les parents peuvent apprendre à être de bons et d’efficaces parents en présence d’un modèle positif; et 3) le degré avec lequel les parents affirment leurs besoins est corrélé avec leur efficacité en tant que parents.

2.2. Les paraprofessionnelles

Pour atteindre les objectifs des visites à domicile, des paraprofessionnelles sont régulièrement sollicités. Ces personnes, n’ayant pas de statut professionnel, possèdent plutôt des ressources personnelles (temps, relations sociales, etc.), des habiletés (sociabilité, générosité, humour, etc.), des expériences (en tant que parent, membres de la collectivité locale, etc.) ainsi que des connaissances (des ressources de la collectivité, des règles locales, etc.) et font partie intégrante de la théorie et de la structure d’un programme formel (Lacharité et al., 2005). Les paraprofessionnelles peuvent être rémunérées ou non et avoir une expérience pertinente ou non. Ces différents statuts ne discriminent pas les paraprofessionnelles en ce qui concerne leurs caractéristiques personnelles et leurs méthodes d’intervention auprès des familles. Seules les finalités des interventions sont différentes, c’est-à-dire qu’on s’attend à plus de résultats chez les gens rémunérés ou ayant de l’expérience. Leurs tâches consistent à offrir de l’information, du soutien, de la guidance parentale, de l’aide à la résolution de problèmes et des stratégies d’adaptation aux situations stressantes (Roman et al., 1999).

L’engagement réalisé par des paraprofessionnelles peut faire émerger chez celles-ci certains stresseurs tels qu’un état dépressif, un épuisement émotionnel, la diminution de l’empathie envers la famille aidée, le sentiment d’inadéquation et l’apparition de tracas en lien avec leur propre famille (Cherniss, 1980; Maslach et Jackson, 1981), d’où l’importance d’un encadrement adéquat. La formation et la supervision sont essentielles afin d’aider les paraprofessionnelles à prendre conscience de leurs responsabilités envers les familles et pour faire face aux situations difficiles ou stressantes (Halpern, 1992). Pour favoriser l’encadrement, il est aussi primordial de prendre en considération les motivations identifiées par les paraprofessionnelles dans le cadre de leur engagement. La notion de motivation se définit par les raisons qui amènent une personne à s’impliquer dans une action. Les motivations ne sont pas statiques dans le temps et sont liées aux expériences et aux contextes où se déroule l’action. Le choix des tâches à accomplir conduit la personne à chercher, à l’intérieur d’elle-même, les éléments nécessaires à la réalisation de ses tâches, lui procurant ainsi une source de motivation (Vallerand et Losier, 1994). Les motivations permettent à la personne de trouver des intérêts pour l’inciter à se mettre en action. Clary, Snyder et Ridge (1992) affirment qu’au moment où elles sont identifiées, il est plus facile de comprendre ce que la personne recherche et comment il est possible de l’aider à satisfaire ses attentes et ses besoins. Les motivations peuvent alors devenir un moteur important pour la performance, la satisfaction de s’impliquer et la poursuite de l’implication (Clary et Snyder, 1999; Sherer, 1991). Elles sont influencées par les besoins et les buts de la paraprofessionnelle, ses valeurs, ses expériences personnelles, ses aspirations, les renforcements et la valorisation.

2.3. Contexte de l’étude

Le Programme d’aide personnelle, familiale et communautaire : nouvelle génération (PAPFC2), mis en place auprès des familles négligentes, est utilisé depuis 1995 et a été modifié en 2005 en raison des nouvelles connaissances dans le domaine de la négligence (Lacharité et al., 2005). Il est déployé dans la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, et constitue une pratique de pointe en négligence dans le cadre d’une initiative de l’Agence de santé régionale : « Faire la courte échelle » (Pinard, Lacharité, Cossette et Giroux, 2005).

Le programme repose sur une théorie écosystémique de la négligence et vise à remplir trois fonctions essentielles face à la problématique de la négligence envers les enfants : 1) offrir aux pères et aux mères un ensemble de services leur permettant d’améliorer et de consolider leur disponibilité psychologique envers leurs enfants et de soutenir des conduites responsables et sensibles au regard des besoins de base de ces derniers; 2) offrir aux enfants un ensemble de services visant à soutenir leur développement global à l’intérieur de leurs divers milieux de vie; 3) offrir aux parents et aux enfants un ensemble de services leur permettant d’améliorer leur rapport à la collectivité sociale et institutionnelle (en termes de conditions de vie, d’insertion, d’affiliation et de pouvoir d’agir). Dans ce cadre, cinq types d’activités sont prévus : une évaluation et une analyse participative des besoins des enfants dans une perspective écosystémique, un soutien professionnel individualisé, des actions directes auprès des enfants, des actions collectives auprès des parents et un accompagnement paraprofessionnel. L’évaluation des effets du programme, effectuée auprès des différents acteurs impliqués tels les parents, les intervenants, les paraprofessionnels et les gestionnaires, montre que l’organisation des activités associées aux actions collectives auprès des parents et à l’accompagnement paraprofessionnel constitue des marqueurs tout aussi visibles ou tangibles que les autres volets du programme relevant davantage du soutien professionnel (Lacharité, Bourassa et Le Marois, 2004).

L’accompagnement paraprofessionnel, tel qu’étudié ici, consiste en un jumelage entre un parent participant au programme et une personne de la collectivité, généralement un autre parent. Il vise la création d’un lien significatif permettant aux parents aidés d’expérimenter une stabilité et une continuité dans leurs relations sociales. Quatre principes généraux guident les actions des paraprofessionnelles : la primauté du lien (établir et maintenir un lien affectif de confiance), l’accompagnement dans des expériences concrètes, l’aide naturelle (être qui elles sont, avec leurs forces et leurs limites) et la compassion (se baser sur des ressemblances avec la famille aidée plutôt que sur des différences). Les paraprofessionnelles s’impliquent généralement sur une période variant de 12 à 24 mois, auprès de une ou de plusieurs familles. Les contacts qu’elles ont avec la famille doivent être réguliers, mais varient en intensité en fonction de leur disponibilité et des besoins de la famille. Elles reçoivent aussi une formation initiale et sont supervisées sur une base régulière.

2.4 Objectifs de l’étude

Cette étude vise à comprendre, selon une perspective qui tient compte du contexte, les motivations de paraprofessionnelles oeuvrant auprès de familles ayant des conduites négligentes envers leurs jeunes enfants. Elle cherche aussi à proposer des repères permettant de soutenir les organismes qui accueillent les paraprofessionnelles de manière à ce que les besoins et les expériences de ces dernières soient pris en compte dans l’encadrement. Dans cette optique, trois questions spécifiques par rapport aux paraprofessionnelles ont alimenté la réflexion : 1) quelles sont les motivations initiales à l’engagement des paraprofessionnelles dans le cadre d’un programme d’intervention en négligence; 2) quelles sont les motivations, en cours de processus, qui amènent les paraprofessionnelles à poursuivre ou non leur engagement; 3) quelles sont les attentes des paraprofessionnelles en lien avec la formation et la supervision.

3. Méthode

Dans l’étude, une perspective ethnographique est utilisée comme cadre de référence pour la collecte d’informations. Cette perspective vise à décrire de façon détaillée et exhaustive une situation sociale ou une culture et à comprendre la place et l’influence de cette culture (croyances, comportements, normes, attitudes, arrangements sociaux et formes d’expression décrivant les habitudes de vie) sur le quotidien des personnes qui en font partie (LeCompte et Schensul, 1999). Elle est aussi considérée comme étant une des méthodes les plus importantes dans la compréhension du développement humain et permet d’observer, en contexte, les gens afin de décrire leurs expériences humaines (Jessor, Colby et Shweder, 1996). La pertinence d’utiliser cette approche dans le cadre de la recherche a été explorée de manière détaillée par Bourassa, Lacharité et Miron (2009). Il est à noter que cette étude s’inspire de l’ethnographie, mais n’est pas une étude ethnographique.

3.1. Participants

Cette étude porte sur les paraprofessionnelles qui, dans le cadre du PAPFC2, oeuvrent auprès de familles ayant des comportements négligents. Ces paraprofessionnelles sont âgées de 20 à 59 ans et ont en moyenne deux enfants dont l’âge varie de18 mois à 37 ans. La moitié d’entre elles vivent avec le père de leurs enfants (8/16), trois sont mères monoparentales, trois vivent en famille recomposée et deux sont célibataires. Leur expérience comme paraprofessionnelle varie de quelques mois à une douzaine d’années.

L’importance de connaître le contexte nous conduit à présenter une description des milieux d’engagement des paraprofessionnelles. Le milieuA[2] compte une dizaine de paraprofessionnelles qui s’impliquent bénévolement, ayant environ un contact par semaine avec la famille aidée, et plus particulièrement avec la mère, à laquelle elles sont jumelées. Les activités réalisées visent à faire passer de bons moments à la famille, tout en faisant du modeling. L’engagement demandé est d’une durée maximale de deux ans par jumelage auprès de familles aidées provenant du Centre jeunesse ou du Centre de santé et de services sociaux (CSSS)[3] local. La responsable de l’encadrement travaille dans un organisme communautaire qui a pour mission d’aider les familles à partir d’expériences des autres parents. Les paraprofessionnelles reçoivent une formation de base, une supervision de groupe toutes les six semaines et elles participent à des activités collectives une fois par mois avec les autres familles jumelées. Le milieu B compte trois paraprofessionnelles qui sont engagées depuis plus d’une dizaine d’années. Leur engagement est rémunéré et elles sont jumelées à plusieurs familles provenant exclusivement d’un Centre de santé et de services sociaux local. Elles s’impliquent pour un total d’environ 35 heures par semaine. La durée d’engagement auprès d’une famille varie de quelques mois à cinq ans et vise à améliorer la relation parent/enfant. D’autres finalités peuvent être fixées par l’intervenant social et les tâches effectuées vont du ménage au répit parental. De façon ponctuelle, elles participent à des activités de formation et à des rencontres de supervision individuelle. La responsable de l’encadrement rencontrée travaille dans un organisme communautaire de défense des droits sociaux. Le milieu C comprend six paraprofessionnelles rémunérées, considérées comme des travailleuses autonomes, et pouvant être jumelées à plusieurs familles. Le nombre d’heures travaillées par semaine est déterminé selon les finalités identifiées par l’intervenant social, celui-ci visant en général l’amélioration de la relation parent/enfant. Les paraprofessionnelles reçoivent une formation de base ainsi que de la formation continue en plus des rencontres de supervision de groupe. Les familles aidées auxquelles elles sont jumelées proviennent exclusivement du Centre jeunesse local. D’ailleurs, les deux responsables de l’encadrement sont des intervenantes sociales employées par le Centre jeunesse.

Les trois milieux ont tous comme cadre de référence le même programme, les mêmes objectifs et des stratégies d’action semblables avec les familles, malgré les différences dans les tâches à effectuer et dans leur statut. Les paraprofessionnelles rémunérées ont un éventail de tâches plus grand où la modification de comportements est souhaitée, tandis que les personnes non rémunérées se retrouvent dans une implication visant davantage la relation amicale comme base au changement. Il faut cependant noter que plusieurs personnes rémunérées auraient accepté de s’engager bénévolement si la situation s’était présentée.

3.2 Procédure

Cinq méthodes ont été utilisées afin de recueillir l’information sur les motivations des paraprofessionnelles et leurs besoins concernant l’encadrement.

3.2.1. Consultation de documents

Les dépliants ainsi que le dernier rapport annuel de chacun des organismes participants ont été consultés afin de mieux comprendre la mission, les valeurs et les services offerts.

3.2.2. L’entretien

Un entretien individuel semi-structuré a été effectué par la chercheure principale auprès de 16 paraprofessionnelles ainsi que les 4 personnes responsables de leur encadrement. Cet entretien de 90 minutes, enregistré sur bande audionumérique, a eu lieu au domicile de la participante ou dans un local de l’organisme responsable de l’encadrement. Cette démarche visait trois objectifs : définir les motivations agissant tout au long de l’engagement des paraprofessionnelles, s’informer sur la façon dont ces motivations sont prises en compte par les responsables et décrire les besoins liés à l’encadrement. Le guide d’entretien abordait les thèmes suivants : le parcours des paraprofessionnelles, leur connaissance de l’organisme où elles s’impliquent, leurs motivations ainsi que les formations et l’encadrement reçus et souhaités.

3.2.3. Les observations participantes

Après avoir complété les entretiens, des observations participantes sur le terrain ont eu lieu dans les milieux lors de rencontres de supervision de groupe ou d’activités conjointes entre les paraprofessionnelles et les familles recevant des services. Ces observations totalisent une demi-journée à une journée de présence par site. Deux rencontres de supervision de groupe d’une durée d’environ trois heures chacune (milieux A et C) et deux activités conjointes d’une demi-journée impliquant les paraprofessionnelles et les familles aidées (milieu A et milieux B-C) ont été observées. La participation des paraprofessionnelles à ces activités était inégale dans les milieux. La majorité des paraprofessionnelles impliquées dans le milieu A étaient présentes aux deux moments d’observation (8/10), tout comme pour le milieu B (2/3) où une seule observation a eu lieu. Pour le milieu C, une faible proportion de paraprofessionnelles était présente (2/6). Les observations avaient pour objectifs de recueillir des informations privilégiées ne pouvant être verbalisées lors des entrevues ou de valider les informations recueillies.

3.2.4. Tenue d’un journal de bord

Tout au long du processus de collecte de données, des notes de terrain ont été prises afin de guider l'analyse et garder une objectivité dans les propos et les observations participantes.

3.2.5. Les groupes de discussion

Dans le cadre d’un processus de validation écologique, deux groupes de discussion ont été formés. L’un d’eux comprenait des paraprofessionnelles et leur responsable qui avait participé à l’étude (milieu A). Neuf personnes étaient présentes à la rencontre. Le second milieu rencontré n’avait pas participé à l’étude, mais appliquait le même programme. Trois gestionnaires de l’organisme impliqué dans le volet d’accompagnement paraprofessionnel ont été rencontrés sans la présence de paraprofessionnelles. L’objectif était de présenter les résultats des entretiens et des observations participantes afin de les valider directement dans les milieux, auprès des personnes engagées.

Tout au long de l’étude, des précautions ont été prises pour assurer un consentement libre et éclairé de la part des participants et la confidentialité des données. Les paraprofessionnelles ont été ciblées au départ par la responsable pour ensuite être contactées par la chercheure principale. Avant de participer à l’étude, les paraprofessionnelles ainsi que les responsables se sont vu expliquer les objectifs du projet par la lecture d’un dépliant explicatif et de vive voix par la chercheure principale. Les participantes ont signé un formulaire de consentement pour leur participation à l’entretien et aux observations participantes et pour l’autorisation d’enregistrer les discussions. Ces formulaires de consentement ainsi que le protocole de recherche ont reçu l’approbation du comité d’éthique de la recherche de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

3.3 Stratégie d’analyse

Une analyse qualitative des entretiens et des observations participantes a été réalisée à l’aide du logiciel libre Transana (Centre de recherche en éducation de l’Université du Wisconsin-Madison). Ce logiciel, permettant de travailler directement à partir du fichier audionumérique original (dans le cas des entretiens), a servi à la condensation, la codification, la construction d'un arbre thématique et la réalisation d’une analyse des résultats par thèmes.

L’analyse effectuée se base sur une approche mixte, c’est-à-dire qu’elle intègre des éléments d’un modèle externe, soit l’étude de Clary et Snyder (1999), mais permet aussi l’émergence de nouveaux thèmes à partir des données recueillies. Le cadre d’analyse provenant du modèle externe utilisé pour définir les motivations des paraprofessionnelles synthétise différentes perspectives reliées aux motivations de gens engagés dans un processus d’aide (Clary et Snyder, 1991; Clary et Snyder, 1999; Cnaan et Goldberg-Glen, 1991; Horton-Smith, 1981; Morrow-Howell et Mui, 1989; Sherer, 1991; Vallerand et Losier, 1994). Ces auteurs ont porté leur attention sur les personnes qui s’engagent dans différentes organisations afin de comprendre les facteurs qui expliquent les raisons de leur engagement prenant en considération la durée et la présence ou non d’une rémunération. Spécifiquement, leur étude définit différents éléments pouvant influencer les motivations : les apprentissages réalisés, les renforcements et la valorisation ressentie par les actions posées, l’amélioration ou le développement de relations sociales, la diminution des sentiments négatifs par rapport à soi ou aux autres ainsi que la culture interne de la personne (ses valeurs, ses normes, ses attentes, ses aspirations et ses besoins personnels). Ces caractéristiques ont été considérées comme des motivations possibles chez les paraprofessionnelles et ont servi de base à l’arbre de codification. Le choix de ce cadre d’analyse repose sur la validité des items énoncés qui forment le questionnaire VFI (Volunteer Functions Inventory, Clary et Snyder, 1991). Cet outil quantitatif a été bâti à la suite de rencontres avec des gens engagés bénévolement dans différents domaines afin de comprendre leurs motivations et les comparer avec des personnes rémunérées. Les motivations présentes dans ce questionnaire ont aussi été comparées aux résultats de différents sondages auprès de la population américaine. Après avoir effectué une première analyse des données à partir de ce cadre, il était intéressant d’approfondir les données obtenues au regard d’une démarche basée sur la perspective ethnographique afin d’examiner plus en détail les différentes sources d’influence jouant un rôle face aux motivations. Les motivations nommées par Clary et Snyder (1999) ont été déployées en motivations plus spécifiques et de nouvelles catégories ont été énoncées à partir de la collecte de données, entre autres l’importance d’être choisi, d’être soutenu et d’être bien encadré.

Concernant la typologie de l’engagement des paraprofessionnelles, aucun cadre d’analyse spécifique n’a été utilisé. La démarche s’inspire de la définition donnée par Laperrière (1997) concernant la méthode ethnographique. Une première lecture d’ensemble des données vise à relever des thématiques récurrentes donnant lieu à des catégories. Ces catégories sont ensuite regroupées et des liens sont définis entre elles. Tout au long du processus, les catégories et les liens sont sans cesse critiqués, d’où l’intérêt d’une validation écologique afin de voir la cohérence et la correspondance avec les théories existantes. Les résultats d’une telle démarche amènent la mise en place d’une typologie.

L’étude de Wasik et Roberts (1994) a permis d’ajouter une dimension particulière à l’étude de Clary et Snyder (1999) en définissant des caractéristiques personnelles liées aux individus qui font des visites à domicile auprès de familles vivant des situations d’abus ou de négligence. Wasik et Roberts (1994) dénotent six catégories de caractéristiques présentes chez les professionnels ou les paraprofessionnels qui font des visites à domicile : 1) les caractéristiques personnelles dont l’intégrité, la capacité d’aider, la joie de vivre et les comportements positifs au travail; 2) les connaissances personnelles sur les ressources communautaires, la dynamique familiale, le développement des enfants; 3) les expériences personnelles telles qu’être parent et avoir été chercher de l’aide auprès des ressources; 4) les habiletés professionnelles basées sur les relations interpersonnelles et la communication; 5) les expériences professionnelles en sciences sociales ou auprès de populations spécifiques; et 6) les formations professionnelles ou le domaine d’éducation incluant la formation pour être paraprofessionnel. L’étude de Wasik et Roberts (1994) met aussi l’accent sur l’encadrement et sur la rémunération présente ou non chez les paraprofessionnelles comme éléments influençant l’engagement. La typologie mise en place s’approche de la vision de Clary et Snyder (1999) tout en prenant en considération des éléments conceptuels importants véhiculés par Wasik et Roberts (1994) afin de définir l’importance de chacune des motivations selon les caractéristiques personnelles et contextuelles. Les motivations nommées par les paraprofessionnelles et les différences entre chacun des milieux ont été prises en compte pour refléter leur réalité.

La triangulation des données a ensuite été employée afin de mettre en évidence les liens entre les différentes méthodes de collecte utilisées. L’élément central du travail d’analyse effectué dans le cadre de la présente étude concernait les entretiens auprès des paraprofessionnelles, tandis que les autres sources d’informations ont un statut d’apports complémentaires.

4. Résultats

Deux angles d'analyse sont présentés dans cette section. Le premier répond aux questions spécifiques par rapport aux paraprofessionnelles et leurs motivations présentes tout au long de l’engagement. Ces dernières peuvent initier l’engagement des paraprofessionnelles ou être présentes en cours de processus, ce qui amène les paraprofessionnelles à poursuivre ou non leur engagement. Le deuxième angle permet de définir quatre profils d’engagement chez les paraprofessionnelles ainsi que leurs caractéristiques particulières. Cette typologie permet de jeter un regard différent sur les motivations des paraprofessionnelles et de répondre à la dernière question spécifique visant à définir et comprendre les attentes des paraprofessionnelles en lien avec leur encadrement.

4.1. Motivations liées à l’engagement

La Figure 1 représente l’ensemble des motivations qui ont été nommées par les paraprofessionnelles. Trois grandes motivations, soit la valorisation, le soutien et la relation avec la famille aidée, chapeautent plusieurs autres motivations importantes pour les paraprofessionnelles. Ces motivations sous-jacentes viennent définir de façon plus précise et détaillée les motivations principales.

Figure 1

Les motivations des paraprofessionnelles

Les motivations des paraprofessionnelles

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4.1.1. La valorisation liée au rôle de paraprofessionnelle

La valorisation se définit par la reconnaissance et plus particulièrement par le fait d’être choisie et reconnue. Préalablement à l’engagement, le fait d’être choisie par la responsable ou d’être ciblée par les personnes étant déjà engagées amène une première motivation à poursuivre. Toutes les paraprofessionnelles rencontrées au cours de l’étude ont été ciblées spécifiquement et individuellement. Si elles n’avaient pas eu cette approche personnalisée, basée sur la reconnaissance de leurs qualités personnelles comme étant au coeur de ce qui est nécessaire pour aider les familles, elles n’auraient pas été portées vers cet engagement. L’une des paraprofessionnelle exprime bien l’importance d’être reconnu et choisi:

J’allais aux rencontres de parents d’adolescents avec la responsable des paraprofessionnelles, et à un moment donné, elle m’a approchée pour m’impliquer. Elle m’a dit qu’elle connaissait une famille et elle trouvait que la fille irait bien avec moi. La responsable me connaissait depuis plusieurs années, elle savait que j’étais une bonne mère. Elle me connaissait comme personne, mais aussi comme mère de famille et comme femme… M’impliquer, ça m’a motivée et ça m’a permis de voir que chez nous, c’est pas si pire que ça.

La confiance démontrée par la responsable en début d’engagement se complète par une reconnaissance de la part de l’entourage, des autres paraprofessionnelles et de l’intervenant social au dossier (intervenant qui offre une aide professionnelle aux familles et dont le mandat provient d’un Centre jeunesse ou d’un Centre de santé et de services sociaux) tout au long de l’engagement. La reconnaissance de la part de l’intervenant est importante pour la majorité des paraprofessionnelles. Cette reconnaissance met notamment en évidence l’utilité et l’efficacité de leur engagement envers les familles. Les paraprofessionnelles rémunérées semblent percevoir une plus grande reconnaissance que celles qui ne le sont pas. Cette distinction se reflète dans la transmission d’informations privilégiées, la participation au plan d’intervention et l’ouverture du professionnel face à la paraprofessionnelle.

En plus de la reconnaissance, la valorisation du rôle de paraprofessionnelle comprend les apprentissages réalisés par celle-ci. Ces apprentissages peuvent être personnels, c’est-à-dire reliés à la diminution des préjugés : « J’avais des préjugés, dit l’une d’elles, mais j’en ai moins maintenant », la tolérance et le respect de l’autre, l’importance de prendre du temps en famille ou encore l’appréciation de la chance qu’elles ont dans leur vie. Une autre explique : « Il me semble que je m’améliore même chez nous avec mes enfants en voyant les autres aller. En voyant la négligence, tu te réévalues toi aussi… Ça m’a aussi amené le côté encore plus familial, à sortir plus avec mes enfants. » Des apprentissages directement reliés à « l’intervention » effectuée sont aussi nommés, entre autres l’empathie et la capacité à prendre les familles où elles sont rendues dans leur cheminement en portant une attention particulière à leurs forces :

La plus belle chose que j’ai découverte, c’est l’importance de prendre les familles où elles sont. Souvent, j’ai pu faire mal à des familles parce qu’elles n’étaient pas rendues là où j’étais. C’est prioritaire, c’est sacré. Déjà, les familles sont anxieuses, elles ont peur et ne se sentent pas correctes. Si on arrive là en demandant des choses, elles vont nous fermer la porte.

Finalement, la valorisation se caractérise par un sentiment de fierté face au cheminement de la famille, ce cheminement étant souvent qualifié comme étant la plus grande paie des paraprofessionnelles.

4.1.2. Le soutien

La seconde grande catégorie de motivations chez les paraprofessionnelles est en lien avec le soutien obtenu durant l’engagement. Le soutien fourni par la responsable se fonde particulièrement sur une formation préalable à l’engagement et sur les supervisions auxquelles participent les paraprofessionnelles. Selon les milieux, des formations peuvent être initiées par la responsable qui cible des thématiques particulières ou il faut attendre les demandes des paraprofessionnelles avant de mettre en place des formations, misant plutôt sur les supervisions. Les supervisions, individuelles ou de groupe, permettent d’obtenir un soutien de la responsable ou des autres paraprofessionnelles par de l’encouragement, des conseils, des réponses aux questionnements liés à l’engagement et de l’information sur des problématiques rencontrées, favorisant une meilleure compréhension des situations vécues avec ou par la famille. « Ça fait du bien de pouvoir en parler quand ça ne va pas bien. On ne peut pas en parler à n’importe qui, mais on a nous autres. On peut s’appeler et se donner des trucs. » Pour les paraprofessionnelles rémunérées, l’intervenant au dossier peut apporter un soutien similaire à la responsable de l’encadrement par sa compréhension de la famille aidée et face à l’orientation de l’intervention. La famille de la paraprofessionnelle est aussi une source importance de soutien. Elle doit comprendre dès le départ l’investissement demandé par l’engagement et les difficultés qui peuvent y être reliées. L’absence de soutien de la part de la famille peut amener un refus ou un arrêt d’engagement :

Ça prend un conjoint qui est soutenant. C’est l’idée que je me fais de l’implication plus la discussion avec mon conjoint qui me fait donner ma réponse. Je suis la personne qui s’engage, mais mon conjoint s’engage moralement. Si après six mois ou un an on voyait que notre stabilité est en train de chavirer, on aurait réévalué la situation. Je me serais retirée ou on aurait trouvé une alternative.

4.1.3. Relation avec la famille aidée

L’aide apportée est la motivation de base à l’engagement. Pour certaines paraprofessionnelles, il est important de percevoir le besoin d’aide d’autrui, tandis que pour d’autres, il est nécessaire de redonner ce qu’elles ont reçu et de partager leur vécu et leurs expériences. « Aider l’autre, c’est aussi s’aider soi-même à évoluer et à apprendre de ses propres expériences. » Améliorer la vie des enfants en aidant les parents est décrit comme une motivation supplémentaire.

La relation de confiance entre la paraprofessionnelle et la famille aidée semble primordiale pour développer une complicité qui mènera éventuellement au cheminement de la famille. Cinq critères importants pour les paraprofessionnelles sont en lien avec le développement d’une telle relation de confiance. Premièrement, ne pas se voir comme une intervenante et ne pas être perçue ainsi par les familles aidées. Si tel est le cas, la famille aidée peut vouloir garder une distance amenant une ouverture moins grande et une peur de se confier basées sur les répercussions possibles, prenant comme point de repère le rôle de l’intervenant social. Les paraprofessionnelles affirment « ne pas être là pour dire quoi faire, mais plutôt pour écouter et accompagner ». Étant habituellement perçues comme moins menaçantes, il est plus facile de faire passer des messages et d’établir une relation. Elles ne sont pas perçues comme des intervenantes, mais plutôt comme des amies, des confidentes. Deuxièmement, être authentique : « Il faut rester soi-même et lui dire qu’on n’a pas de trucs miracles. On peut amener notre vécu. On est pas des robots. Ça peut m’arriver de ne pas aller. On est un modèle pour le parent et s’il nous voit toujours en pleine forme, il va croire qu’il n’est pas normal. » Troisièmement, travailler avec les forces de la famille, car, dit l’une d’elles, « si on ne croit pas en la possibilité de ces parents, ça ne fonctionnera pas ». Ils savent qu’ils ont des difficultés, mais il est important de les encourager et de les valoriser. En mettant l’accent sur leurs forces, les parents vivront des réussites, ce qui amènera une plus grande ouverture aux changements. Quatrièmement, avoir une expérience de vie, c’est-à-dire avoir vécu des moments difficiles comme personne ou des situations similaires à la famille. Cette expérience n’est pas nécessaire, mais peut s’avérer positive pour comprendre la famille, pour lui démontrer qu’il est possible de s’en sortir et pour lui permettre de « s’identifier » à la paraprofessionnelle. Cinquièmement, suivre son intuitionet laisser les objectifs à atteindre de côté favorise une plus grande capacité d’écoute face au moment présent. « Sans être jugeant, il faut voir ce qui aurait pu être fait autrement. C’est spontané. »

Les paraprofessionnelles confirment aussi l’importance de ne pas avoir d’attentes envers les familles, d’aller à leur rythme et de remarquer les petits pas qu’elles font. Par ailleurs, les responsables affirment que les paraprofessionnelles ont beaucoup d’attentes et l’absence de progrès de la famille vient les confronter, « elles (les paraprofessionnelles) mettent ça sur leurs épaules ». Cette différence entre le point de vue des paraprofessionnelles et des responsables peut s’expliquer par le fait que les paraprofessionnelles se font dire, dans le cadre de leur encadrement, qu’elles ne doivent pas avoir d’attentes mais d’un autre côté, c’est le baromètre pour démontrer leur apport envers les familles. Les préjugés peuvent aussi venir influencer l’établissement d’une relation de confiance. « Tous les individus ont des préjugés, mais il faut rester ouvert à l’autre et respecter l’autre dans ce qu’il est. Il faut aller plus loin que ce qu’il nous montre ». Le jugement vient du choc entre les valeurs de la paraprofessionnelle et celles de la famille aidée. « Tes valeurs ne sont nécessairement pas les mêmes que celles des familles, tu dois composer avec ça. »

En conclusion, et selon les propos recueillis, les motivations initiales ne semblent pas bouger dans le temps, mais de nouvelles motivations apparaissent en cours d’engagement en fonction des expériences et des apprentissages réalisés. « Je ne pense pas que les motivations changent, c’est la perception qu’on en a qui change, c’est parce qu’on vit quelque chose de particulier, c’est plus au niveau personnel que ça change des choses. »

4.2. Typologie de l’engagement des paraprofessionnelles

Une typologie est une démarche, souvent scientifique mais basée sur une étude, consistant à définir un certain nombre de types afin de faciliter l'analyse, la classification et l'étude de réalités complexes. Selon Grémy et Le Moan (1977), élaborer une typologie consiste à distinguer, au sein d’un ensemble d’unités (individus, groupes d’individus, faits sociaux, etc.), des groupes que l’on peut considérer comme homogènes d’un certain point de vue. Cette homogénéité se fonde généralement sur une certaine ressemblance définie à partir d’un sous-ensemble de caractéristiques servant à décrire les unités étudiées. Une typologie basée sur l’engagement des paraprofessionnelles a été développée pour comprendre sous un autre angle leurs motivations, mais aussi les différences qui peuvent surgir concernant les besoins reliés à l’encadrement. Tout au long des entretiens, malgré le fait que les mêmes motivations étaient présentes chez les paraprofessionnelles, des particularités concernant l’explication des motivations et la place donnée à celles-ci selon le type d’engagement souhaité ont été soulevées. La typologie permet de mettre en évidence quatre profils d’engagement définis selon deux axes d’analyse (voir Figure 2).

Figure 2

Caractéristiques des paraprofessionnelles selon leur profil d’engagement

Caractéristiques des paraprofessionnelles selon leur profil d’engagement

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Le but personnel que se fixe la paraprofessionnelle, et qui peut être valorisé par son milieu d’engagement, constitue l’axe horizontal. Cette finalité peut constituer ce qui est perçu comme la base de l’engagement, soit de se centrer sur le développement d’une relation ou d’atteindre des résultats liés à une prise de conscience et à des changements de comportements. À une extrémité, la centration sur le développement d’une relation avec la famille aidée s’inscrit plutôt dans une conception communautaire du soutien basée sur l’entraide et l’accompagnement où l’engagement s’éloigne d’une intervention formelle et programmée. Pour ces paraprofessionnelles, le développement de la relation avec la famille est plus important que les changements d’attitudes. On y retrouve exclusivement des femmes ayant des expériences bénévoles antérieures et des femmes non rémunérées pour leur engagement actuel. L’autre extrémité de l’axe définit des paraprofessionnelles centrées sur les résultats. L’engagement de la paraprofessionnelle est basé sur une conception plus « interventionniste », celle-ci souhaite la modification des comportements chez les familles à partir d’objectifs spécifiques. La finalité est d’amener des changements chez la famille aidée au-delà de la relation développée. Ces paraprofessionnelles ont d’abord été choisies pour leurs expériences personnelles ou professionnelles et leur façon de penser ressemble à celle des intervenants sociaux.

L’axe vertical se définit par la nature de la relation établie avec la famille aidée. L’extrémité supérieure de l’axe est caractérisée par une relation spontanée qui amène une proximité avec la famille et la primauté du lien de confiance. La famille est au premier plan. C’est à partir du lien développé que peut s’amorcer le soutien concret envers la famille aidée. L’extrémité inférieure de l’axe se caractérise par une distance entre la paraprofessionnelle et la famille aidée. L’engagement de la paraprofessionnelle a d’abord pour but ses apprentissages personnels ou professionnels avant ceux de la famille, ce qui peut créer une distance dans la relation.

Considérant ces deux axes, quatre profils d’engagement ont été définis. Ils caractérisent d’une façon statique et stéréotypée l’engagement, mais il faut garder à l’esprit que la majorité des paraprofessionnelles ne se situent pas à l’extrémité d’un profil. Elles peuvent bouger à l’intérieur de ceux-ci en fonction des caractéristiques et des besoins de la famille aidée, du cheminement personnel effectué au cours de leur engagement et du contexte d’implication. Les caractéristiques personnelles des paraprofessionnelles semblent tout de même les amener à tendre vers un profil particulier. Ce profil peut démontrer un mode de fonctionnement présent dans d’autres types d’engagement, c’est-à-dire auprès de personnes différentes et dans d’autres contextes.

4.2.1. Profil 1 : engagement paraprofessionnel proche de la famille et centré sur la relation

Ce profil d’engagement représente des paraprofessionnelles qui sont avant tout des aidantes naturelles offrant bénévolement une aide informelle à plusieurs individus, même à l’extérieur du programme. Pour elles, aider fait partie intégrante de ce qu’elles sont comme personne. Dans l’engagement auprès des familles ayant des comportements négligents, on remarque, dès le jumelage, une « chimie » interpersonnelle favorisant l’éclosion de la relation, une complicité et un sentiment de confiance réciproque. Être une famille est le point de départ de la relation centrée sur l’importance de passer de bons moments ensemble et permet de démontrer que toutes les familles ont des hauts et des bas. La relation se construit sur les ressemblances entre les deux familles et sur la mise en place d’activités communes basées sur les principes de modeling et du « faire avec ». Les paraprofessionnelles s’investissent beaucoup et, pour aucune raison, elles n’abandonneraient leur engagement en cours de jumelage. La relation est « donnant donnant », l’engagement permet aux paraprofessionnelles de faire des apprentissages et par leur présence auprès des familles, elles leur permettent aussi de faire des apprentissages. Si leurs disponibilités le permettent, après la fin d’un jumelage, ces paraprofessionnelles sont prêtes à s’engager de nouveau.

4.2.2. Profil 2 : engagement paraprofessionnel proche de la famille et centré sur les résultats

Les paraprofessionnelles ont été choisies en raison de leur vécu, qui peut être similaire à celui des familles, leurs expériences personnelles ou familiales et leur cheminement. La façon d’interagir avec la famille recevant des services est teintée de ces expériences. Elles sont sensibles au vécu de l’autre, se servent beaucoup de leur intuition pour amorcer un cheminement ou une discussion avec la famille et travaillent à partir des forces du parent pour amener des changements. Elles croient beaucoup aux familles et à l’importance de leur engagement envers les enfants, mais elles sont conscientes qu’elles ne peuvent pas faire les efforts à la place de la famille. L’authenticité et l’ouverture qu’elles ont face à la famille les amènent à devenir très émotives lorsqu’elles parlent du cheminement réalisé par les familles recevant des services en raison du parallèle qu’elles font avec leur propre vécu. Malgré le fait qu’elles soient proches de la famille, leur engagement se base d’abord sur l’atteinte des résultats prévus au plan d’intervention plutôt que sur la relation. Elles sont prêtes à cesser leur engagement si la famille ne se met pas en action et si les résultats escomptés tardent à émerger.

4.2.3. Profil 3 : engagement paraprofessionnel à distance de la famille et centré sur la relation

Pour ces paraprofessionnelles, la relation est importante au-delà des résultats obtenus, mais en raison de différentes situations difficiles, elles ont dû prendre une distance face à la famille afin de se protéger comme personne et dans leur rôle. Les situations difficiles sont principalement un envahissement de la part de la famille recevant des services, ou encore une famille qui n’a pas d’intérêt à s’engager dans la relation ou qui, consciemment, ne veut pas collaborer avec les services offerts dans le cadre du programme. Au début de leur engagement, le jumelage semble avoir été forcé en raison d’un manque de paraprofessionnelles disponibles ou d’une demande ciblée de la famille aidée (« je veux telle paraprofessionnelle »). Concernant son engagement, la paraprofessionnelle se questionne régulièrement sur ce qu’elle apporte à la famille, ne voyant pas clairement l’importance de son rôle. Elle s’engage surtout pour faire ses propres apprentissages plutôt que pour aider la famille. Malgré la distance et les difficultés rencontrées, elles n’arrêtent pas leur engagement, voyant celui-ci comme un défi à relever. Si, après la fin d’un jumelage, elles décidaient de s’engager à nouveau auprès d’une autre famille, elles n’accepteraient pas n’importe quel jumelage.

4.2.4. Profil 4 : engagement paraprofessionnel à distance de la famille et centré sur les résultats

Ce profil se définit par le caractère « professionnel » de l’engagement. Les paraprofessionnelles ont été choisies en raison de leurs expériences de travail antérieures ou actuelles. Elles recherchent, par cet engagement, une nouvelle expérience afin d’accroître leurs connaissances en matière de sciences sociales et dans le but de les utiliser éventuellement pour l’avancement de leur carrière. Leurs besoins diffèrent des autres paraprofessionnelles par l’importance d’une formation continue sur les problématiques liées à l’enfance et à la famille afin d’étayer leurs connaissances. La supervision individuelle qui a lieu au besoin est privilégiée aux dépens de la supervision de groupe qu’elles jugent peu utile en raison du manque de profondeur dans les propos et les réflexions. Malgré l’importance d’une relation de confiance établie, elles parlent de leur engagement en termes de tâches à effectuer et, dans leur discours, on sent peu de proximité avec la famille aidée, peu d’émotions, mais plutôt une réserve et une distance. L’épanouissement des familles est pour elles une grande source de valorisation et de travail accompli. Ces paraprofessionnelles sont souvent fort appréciées des professionnels en raison des ressemblances dans leur façon de faire.

5. Discussion

Les résultats obtenus à la suite des entretiens et des observations participantes montrent que la motivation initiale pour l’engagement des paraprofessionnelles est d’aider. En cours de route, plusieurs autres motivations s’ajoutent en fonction des expériences et des apprentissages réalisés, jouant ainsi un rôle dans la poursuite de l’engagement. Aucune raison précise ne semble influencer un arrêt en cours d’engagement. Ce constat appuie les propos énoncés par Sherer (1991) et Clary et Snyder (1999) affirmant que les motivations sont un moteur important pour la performance et la satisfaction de s’impliquer et pour poursuivre un engagement. Les résultats ont aussi démontré qu’au-delà des motivations, similaires chez les paraprofessionnelles mais s’articulant différemment selon leur profil d’engagement, la réponse aux attentes et aux besoins influence leur sentiment de compétence personnelle et auprès des familles. Ces attentes des paraprofessionnelles face à la formation et aux supervisions diffèrent selon leur profil, allant, pour certaines, d’un besoin régulier et continu (profils 1-2-3) à un suivi sporadique (profil 4) pour d’autres. Cependant, la présence d’un soutien de la part de la personne responsable de l’encadrement est primordiale pour l’ensemble des paraprofessionnelles.

La présence de plusieurs motivations chez les paraprofessionnelles va dans la même lignée que les propos énoncés par Sherer (1991) qui affirmait qu’une motivation n’est pas unique et que les individus peuvent avoir deux ou trois motivations principales lors de leur implication dans une activité. Les trois motivations répertoriées dans l’étude, soit la valorisation, le soutien et la relation établie avec la famille aidée, en chapeautent plusieurs autres. Cette manière de définir les motivations selon une certaine hiérarchie permet d’ajouter un élément nouveau aux connaissances actuelles en déterminant le sens donné à chacune de ces motivations par les paraprofessionnelles. Regardant l’ensemble des motivations, on dénote que les paraprofessionnelles ont besoin de donner et de recevoir. L’importance de donner est présente dans la relation avec la famille qui est basée sur l’aide apportée et le développement d’une relation de confiance. La notion de vouloir aider la famille est la motivation initiale et sans sa présence, les paraprofessionnelles ne se seraient pas engagées. Le besoin de recevoir est lié à l’importance d’être reconnues et de faire des apprentissages personnels. Malgré le fait que la relation d’entraide s’établit entre la paraprofessionnelle et la famille recevant des services, et que différentes motivations sont en lien avec cette relation, il est intéressant de remarquer que plusieurs acteurs jouent un rôle important de soutien et viennent influencer de façon particulière les motivations et, par extension, la nature de l’engagement auprès de la famille et envers le programme. Vient en tête de liste, la responsable de l’encadrement, suivie des autres paraprofessionnelles, des intervenants et de la famille immédiate de la paraprofessionnelle. L’importance accordée au soutien et son rôle face à l’engagement sont des éléments permettant de mieux comprendre les motivations des paraprofessionnelles. L’étude met en relief le rôle important de la responsable des paraprofessionnelles. Les attentes nommées par les paraprofessionnelles envers les responsables sont similaires à celles énoncées par Wasik et Roberts (1994) : offrir du soutien, assurer la collaboration entre les paraprofessionnelles et les intervenants sociaux présents auprès des familles, offrir des formations et développer les habiletés et les connaissances lors des supervisions. Considérant l’ensemble des motivations nommées par les paraprofessionnelles, celles-ci coïncident avec les résultats antérieurs de Clary et Snyder (1999) où les apprentissages, les renforcements et la valorisation ressentie, l’amélioration ou le développement des relations sociales, la diminution des sentiments négatifs par rapport à soi ou aux autres ainsi que ses valeurs sont considérés comme des motivations importantes de l’engagement. Dans le cadre de l’étude, elles ne sont pas nécessairement nommées de la même façon, puisqu’elles proviennent directement de l’expérience des paraprofessionnelles, de ce qu’elles vivent, de ce qu’elles ressentent, c’est-à-dire que les motivations ont été discutées à partir de leur propre discours et non pas à partir de mots qui ont été suggérés, par exemple, dans un questionnaire. Les entretiens ont permis de valider les liens qui peuvent se créer entre les différentes motivations, par exemple, entre ce qui se passe dans le développement de la relation avec la famille et la valorisation que cela peut produire par la suite. Les motivations sont très près de l’expérience vécue et validée par celle-ci.

L’étude, par une meilleure connaissance des motivations, soulève un questionnement sur la place des valeurs dans l’accompagnement paraprofessionnel. Il est intéressant de remarquer que, malgré les embûches et les différences qui peuvent parfois être importantes au plan des valeurs entre la paraprofessionnelle et la famille aidée, l’engagement résiste et se poursuit, dans la grande majorité des cas, jusqu’à la fin de la période de jumelage. Pour toutes les paraprofessionnelles rencontrées, les préjugés qui influencent la relation avec la famille sont basés sur un choc entre leurs valeurs et celles de la famille aidée. Si les paraprofessionnelles s’arrêtent sur le fait que leurs valeurs personnelles, familiales et éducatives sont différentes de celles de la famille, l’engagement envers celle-ci devient lourd et les motivations à l’aider, insuffisantes, car deux univers opposés se rencontrent. Se centrer sur les différences de valeurs peut rapidement devenir un élément démotivant et insurmontable, laissant de côté les principes du programme et la volonté de créer une relation significative basée, entre autres, sur les forces de la famille. Les valeurs doivent servir de guide, et non pas de point d’ancrage.

Pour plusieurs paraprofessionnelles, le cheminement des familles est le baromètre de leur propre réussite dans ce rôle, et ce, même si elles affirment ne pas se faire d’attentes. Cette position est d’ailleurs contradictoire avec la perception des responsables qui affirment que les paraprofessionnelles se mettent beaucoup de pression sur les épaules par rapport au cheminement des familles. Pour les responsables des paraprofessionnelles et les gestionnaires présents dans le milieu, il est souhaitable de se questionner sur le phénomène du changement dans le cas de familles vivant dans des situations de grande vulnérabilité et sur l’importance accordée à celui-ci. Pour ce faire, ils ont intérêt à revenir à l’objectif principal de l’accompagnement paraprofessionnel dans le cadre de programmes destinés à offrir des services à des familles ayant des conduites négligentes envers leurs enfants, c’est-à-dire l’amélioration des relations entre le parent et la collectivité et non pas la modification des comportements problématiques (cela fait partie des objectifs auxquels les autres acteurs du programme doivent s’attarder). Mettre l’accent sur la relation avec la famille recevant des services amène la paraprofessionnelle et la responsable à se positionner différemment dans leur schème de référence en laissant de côté le schème habituel basé sur le changement de comportements, comme priorisé par les professionnels. La modification des comportements est mesurable et repose sur le cheminement effectué par la famille aidée, tandis qu’une relation se développe en fonction de soi et de l’autre. Il est alors primordial pour la responsable de préparer adéquatement les paraprofessionnelles sur le fait que l’ouverture aux autres se développe à long terme et que les changements dans la relation, aussi petits soient-ils, sont souvent de grandes victoires. Cependant, il faut rester sensible au fait que les professionnels, par leur statut, peuvent avoir une influence sur le rôle défini pour une paraprofessionnelle. Pour ce faire, la paraprofessionnelle doit disposer de conditions de soutien lui permettant de croire en ses capacités, de mettre « entre parenthèses » ses préjugés et d’améliorer sa confiance en elle. Les organismes qui accueillent et encadrent les paraprofessionnelles ont un impact important sur celles-ci et l’aide qu’elles sont en mesure d’apporter à une famille.

Considérant que le discours derrière les motivations est différent selon les paraprofessionnelles, la typologie sert à mieux circonscrire le sens que les individus donnent à leurs motivations tout en prenant en compte le contexte dans lequel elles s’engagent, leur vécu, leurs rôles auprès des familles et le fonctionnement des organisations. Cela est en lien avec la vision de Wasik et Roberts (1994) qui exprimaient que les motivations sont influencées par les caractéristiques personnelles des paraprofessionnelles, l’encadrement offert par les milieux et la notion de rémunération. En plus, l’étude suggère que la famille recevant des services influence les motivations des paraprofessionnelles. Si, par exemple, la famille participant au programme se comporte de manière envahissante, la paraprofessionnelle peut poursuivre son engagement, mais en centrant celui-ci sur des apprentissages personnels plutôt que sur ceux de la famille. Il faut noter que ce type d’engagement paraprofessionnel est plus propice dans les milieux où l’entraide est prônée et où le fait de développer une relation constitue un préalable nécessaire à l’atteinte de résultats. Cependant, les quatre profils répondent tous aux principes de l’accompagnement paraprofessionnel, soit l’accompagnement, la compassion, la primauté du lien et l’aide naturelle, favorisés dans le cadre du Programme d’aide personnelle familiale et communautaire : nouvelle génération (PAPFC2, Lacharité et al., 2005), mais selon des intensités et des configurations variées. Ces particularités sont celles des paraprofessionnelles, mais aussi celles des familles et du milieu qui structurent l’engagement.

Les nouvelles connaissances apportées concernant les différents profils d’engagement paraprofessionnel peuvent outiller les responsables de l’encadrement afin d’adapter la formation et les supervisions aux besoins et aux attentes des paraprofessionnelles tout en tendant vers un équilibre entre les résultats, la relation et la nature de cette relation. Chaque profil a des avantages et des inconvénients et doit être analysé selon les besoins et les attentes des paraprofessionnelles, des familles et de la responsable. Atteindre l’équilibre entre les résultats souhaités, le développement d’une relation et l’efficacité de cette relation est complexe en raison du caractère dynamique et changeant de ces formes d’engagement paraprofessionnel. Malgré le fait que chaque paraprofessionnelle s’engage selon un profil prédominant, plusieurs situations particulières peuvent orienter différemment leur engagement : les caractéristiques de la famille recevant des services, le contexte et le milieu d’encadrement ou le cheminement souhaité par la paraprofessionnelle, et ce, tout au long de l’engagement. L’atteinte des résultats ou le développement de la relation semble être en lien avec l’organisation chapeautant l’accompagnement paraprofessionnel, sa mentalité, ses valeurs et sa mission. Le choix des paraprofessionnelles est aussi teinté de la couleur de l’organisme. Si dans ses actions, l’organisme cible principalement le développement d’une relation d’entraide, l’accompagnement paraprofessionnel sera davantage centré sur la qualité de cette relation et les paraprofessionnelles seront perçues comme des aidantes naturelles qui cherchent à bâtir une relation s’apparentant à une relation amicale. Si, au contraire, l’objectif de l’organisme est d’atteindre des résultats avec les familles, les paraprofessionnelles auront elles aussi une vision plus interventionniste et un cheminement de « carrière » plus près des professionnelles des services sociaux. La façon dont elles entrent en relation avec la famille est aussi en lien avec cette vision. Il devient alors important pour les responsables de l’encadrement d’être conscientes de ces distinctions afin de trouver un équilibre entre les résultats et la relation. Il leur est nécessaire de se positionner face au programme afin de voir la complémentarité possible entre la réalité du milieu, les paraprofessionnelles ciblées et les principes de base reliés à l’accompagnement paraprofessionnel.

6. Conclusion

Le but ultime de cette étude était d’améliorer les pratiques des organismes responsables des paraprofessionnelles en ayant une meilleure connaissance de celles-ci et de leurs motivations afin d’offrir des conditions d’engagement répondant à leurs besoins et à leurs attentes. Le développement de nouvelles connaissances face aux motivations des paraprofessionnelles a été possible grâce aux particularités inhérentes à la perspective ethnographique qui permet d’être proche des acteurs et des contextes d’engagement.

La typologie et les motivations qui sous-tendent l’engagement permettent un nouvel éclairage sur la réalité et le fonctionnement des paraprofessionnelles. Elles viennent influencer l’encadrement qui sera offert en raison des ajustements apportés dans les formations et les supervisions afin de prendre en considération d’une façon plus précise les motivations des paraprofessionnelles, et d’y porter une attention particulière tout au long de l’engagement. Les groupes de discussion formés de paraprofessionnelles et de responsables ont fait émerger chez ces dernières une prise de conscience sur la façon d’encadrer les paraprofessionnelles en fonction de leur profil respectif. La connaissance de leurs motivations est aussi devenue un élément pivot de l’engagement, et ce, afin de permettre leur épanouissement. Ces résultats vont dans le même sens que Clary et al. (1992) qui affirmaient qu’au moment où les motivations sont identifiées, il est plus facile de comprendre ce que la personne recherche et comment il est possible de l’aider à satisfaire ses attentes et ses besoins.

Le présent article fournit des repères qui peuvent contribuer à baliser le travail d’encadrement des paraprofessionnelles. Il favorise aussi une réflexion dans les milieux afin de jumeler leurs réalités organisationnelles aux particularités d’un programme impliquant des paraprofessionnelles, tout en cherchant la complémentarité dans les actions et les missions et en ne perdant pas de vue la nature propre de leur fonctionnement. Sachant que les valeurs sont fondamentales et guident les orientations et les actions, élargir les connaissances sur les raisons amenant la mise entre parenthèses de celles-ci pour favoriser le bien-être des familles pourrait être fort utile lors de l’application du programme. Ce lien entre les valeurs des paraprofessionnelles et leurs motivations ainsi que celles liées aux organisations et au programme pourraient alimenter une étude future.

L’étude a aussi des limites qui portent sur les caractéristiques des participantes et la nature de leur engagement. Les paraprofessionnelles rencontrées sont exclusivement des femmes. Au moment de l’étude, un seul homme avait ce rôle à l’intérieur des trois milieux visités. Malgré la présence des conjoints comme source de soutien, ceux-ci n’ont pas été rencontrés en raison de l’objectif de recherche où l’engagement souhaité devait être réalisé à long terme et de façon régulière, et ce, pour bien comprendre les motivations et les besoins d’encadrement. La grande diversité des tâches des paraprofessionnelles et des conditions d’engagement (nombre d’heures, rémunération ou non, modalités d’encadrement) constitue simultanément un atout et une limite; un atout parce qu’elle a permis de rendre compte que pour une même logique de programme plusieurs modalités d’application ont été inventées par les organismes concernés; une limite en raison de la grande complexité des situations à l’intérieur desquelles se produit ce type de travail et que cette complexité s’avère difficile à cerner à l’intérieur d’une étude unique. Tout un programme de recherche serait nécessaire pour explorer à fond les phénomènes psychologiques et sociaux sur lesquels s’est penché cette étude.