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Cet ouvrage se propose d’analyser la situation internationale aujourd’hui et de mesurer les capacités et la puissance de l’État dans sa relation à l’ordre international. Cette réflexion s’inscrit dans une tendance qui émerge dans l’étude des relations internationales visant à reconsidérer le rôle de l’État, partant de l’hypothèse qu’il occupe une place de première importance après une décennie au cours de laquelle les approches non statocentrées des relations internationales avaient été privilégiées. L’euphorie et les illusions de l’après guerre froide ont favorisé le développement des analyses alternatives qui ont grandement contribué à élargir et enrichir l’analyse des relations internationales. Mais les attentats du 9/11 ont sans doute contribué à opérer une inflexion de cette tendance. Les auteurs ne prétendent pas procéder à un simple mouvement de balancier comme pourrait le laisser penser le titre de leur ouvrage qui puise son inspiration dans l’arsenal des outils conceptuels des réalistes et des néo-réalistes et en dépit de leur affirmation selon laquelle l’État est au coeur des relations internationales. Les auteurs considèrent que la fragmentation du champ des relations internationales en différentes écoles qui ne proposent que des modèles explicatifs limités à un aspect particulier des questions internationales est un des obstacles pour comprendre l’architecture du système international post-bipolaire. Leur ambition est de proposer un modèle explicatif global qui se fonde sur la prise en compte des différents apports théoriques et en reconsidérant les éléments de la puissance de l’État en tenant compte des développements théoriques de la dernière décennie. Les grandes questions qui se posent aujourd’hui, au coeur desquelles la sécurité, sont analysées en faisant appel à toutes les ressources des argumentaires réalistes, néoréalistes, libéraux et constructivistes. La grande maîtrise du corpus théorique du champ des relations internationales permet aux auteurs de toujours garder la distance suffisante par rapport à d’éventuelles préférences paradigmatiques. Les abondantes références bibliographiques qui sont citées dans cet ouvrage lui confèrent un véritable caractère de somme qui en fait une référence précieuse pour le praticien comme pour le chercheur. Le premier y trouvera une source de réflexion pour la compréhension des phénomènes internationaux. Le second y trouvera aussi un guide pour la recherche du fait de la densité des hypothèses théoriques présentées et du renvoi systématique aux références bibliographiques. En donnant différents éclairages à une question, la méthode a aussi le mérite de s’affranchir des conformismes. Le dernier chapitre en est une parfaite illustration. Intitulé : What if : another round of architectural enhancements for a New World Order ?, il propose une analyse du terrorisme islamiste ainsi que divers scenarii d’évolution de la sécurité internationale en relation avec ce phénomène qui constitue un modèle du genre. Deux tableaux (pp. 127-128) qui s’appuient sur des données du Département d’État nous montrent que la période actuelle n’est pas marquée par une augmentation de la fréquence des actes terroristes et que la décennie 80 a été plus chargée, une mise en perspective utile. Si nous manquons de cadres d’analyse globaux nous permettant de cerner avec suffisamment de certitude la situation du système international actuel, en revanche une utilisation judicieuse des outils théoriques disponibles nous permet de mieux mesurer et comprendre les enjeux du présent. C’est là une ambition qui n’est pas nouvelle ni même originale, mais cet ouvrage est une brillante démonstration de la qualité d’analyse que l’on peut atteindre et donc de l’utilité de la théorie pour la compréhension des relations internationales.