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Les politiques néolibérales ont été mises en oeuvre dans différents pays. Le livre de Peters nous aide à avoir une vue plus précise sur les politiques sociales et éducatives prônées par le néolibéralisme. L’analyse que fait l’auteur du néolibéralisme est fortement influencée par Foucault ainsi que par la critique néomarxiste. Peters souligne l’importance de la théorie des systèmes pour évaluer la complexité du phénomène et aussi ses liens avec tout autre système. L’auteur nous dit que c’est le point qui doit être ciblé pour les recherches futures.

Le livre, divisé en une introduction et dix chapitres, passe en revue cette ligne de pensée depuis ses origines et ses fondements, pour arriver à son application dans l’éducation et l’analyse de cas nationaux particuliers. Peters rapporte, par exemple, que l’éducation en Nouvelle-Zélande a été restructurée à travers les politiques du nouveau droit, dont il traite pendant trois chapitres. L’éducation dans ce pays est un exemple de la transformation des institutions publiques par la mise en oeuvre du néolibéralisme dans des États qui avaient des économies d’État-providence.

En début d’ouvrage, Peters fait référence aux créateurs idéologiques du libéralisme et aux théories que ceux-ci proposent. Le point de départ idéologique du néolibéralisme a été la création par Hayek, en 1947, de la Société du Mont-Pèlerin, qui visait à faciliter l’échange d’idées entre universitaires, avec l’espoir de renforcer les principes et la mise en oeuvre d’une société libre et d’étudier les forces et les faiblesses d’une économie orientée vers le marché. Pendant les années 1980, une branche du néolibéralisme est devenue le paradigme dominant de la politique publique. Selon l’auteur, cette transformation s’est manifestée principalement dans les domaines de l’éducation et de la politique sociale.

La nouvelle droite (New Right) reconnaît la primauté de la croyance dans l’individualisme comme principe unificateur et sous-jacent. Parmi les inspirateurs de la nouvelle droite, nous trouvons Hayek, Nozick et Macpherson, ainsi que les théories de Hobbes et de Locke à propos des obligations personnelles. Le vrai individualisme signifie qu’il n’existe pas d’autres moyens de comprendre un phénomène social que des actions individuelles orientées vers autrui et guidées par leur comportement attendu. Selon Peters, c’est dans cette perspective que Hayek a développé les notions d’« État minimal » et de « propriété privée ».

La croissance du néolibéralisme et les discours associés sur la nouvelle gestion publique ont produit un changement fondamental dans la façon dont les universités et les autres établissements d’enseignement supérieur ont défini et justifié leur existence. Dans un environnement néolibéral mondial, le rôle de l’éducation pour l’économie, du point de vue des gouvernements, est très important, soulignant que l’enseignement supérieur est devenu le nouveau cheval de bataille des politiques publiques. Les universités dans ce modèle ont commencé à se soucier de leur réputation et sont devenues intolérantes aux critiques négatives. Ces politiques sont le résultat logique de la privatisation.

En commençant par le Chili en 1973, une autre étude de cas national, l’auteur rappelle que des administrations et des régimes politiques fondés sur un État minimaliste et un marché mondial ouvert ont été brutalement mis en place par la force et la coercition, contre la règle de droit, et cela, de façon antidémocratique. Ce mode de fonctionnement imposé était très répandu dans les années 1980 à travers des « ajustements structurels » promus par le fmi et la Banque mondiale. L’auteur explique comment les politiques néolibérales et néoconservatrices s’appliquèrent dans un certain nombre de pratiques, qui pouvaient être définies comme « le gouvernement du marché », afin de produire des citoyens responsables et susceptibles d’utiliser leurs propres compétences entrepreneuriales et d’autogouvernement. Ce chapitre s’appuie sur l’analyse de Foucault sur la gouvernementalité (governmentality) et sur la manière dont la promotion de la culture d’entreprise a marqué le néolibéralisme et les politiques néolibérales ainsi que la Troisième Voie (Third Way).

En bref, le livre est un récit historique sur l’éducation, sur le néolibéralisme en tant que concept et doctrine et sur les débats idéologiques qui l’ont vu naître. Comme il est déjà arrivé au cours de l’histoire, cette idée doit affronter des situations qui modifient l’état des choses. La crise qui a débuté aux États-Unis à la fin des années 2000, et qui s’est répandue par la suite au reste du monde, a ainsi été un moment clé. L’auteur souligne que l’Amérique latine, en tant que lieu géographique où le néolibéralisme s’est développé ces dernières années, a en fait pris un virage à gauche sous la consigne « rétablissons la justice sociale et la redistribution ».

Si l’auteur soutient que bon nombre des changements survenus sous le signe du néolibéralisme sont irréversibles en matière d’éducation, la « génération.net » est néanmoins, maintenant, dans la classe et dans l’économie du savoir. Et l’éducation est de plus en plus liée au bien-être et à la démocratie. Peters conclut que nous vivons aujourd’hui le retour de l’État-providence.