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Elsa Triolet, célèbre trop souvent pour sa situation d’épouse et de muse d’Aragon, est un écrivain qui reste méconnu. Si quelques-uns de ses livres rencontrent toujours un large public[1], leur qualité est encore mal appréciée dans le milieu universitaire où les travaux sur ses écrits restent très limités et où, bizarrement, on la juge sans « la lire ». Des manuels d’histoire littéraire ou des dictionnaires qui fondent la vulgate rattachent son oeuvre à l’esthétique du réalisme socialiste jdanovien. Ce jugement erroné se fonde sur des a priori idéologiques fort éloignés de la réalité de l’écriture. Au contraire de ce que véhiculent les stéréotypes qui ont sévi et sévissent souvent encore à son propos, Elsa Triolet, dès ses premiers écrits dans sa langue natale, le russe[2], puis avec Bonsoir, Thérèse, paru chez Denoël en 1938, fait preuve d’une liberté de ton et de forme qui témoigne d’une originalité éclatante. À une époque où non seulement on ne parlait pas d’intertextualité mais où également celle-ci n’était pas pratiquée, du moins dans un parti pris esthétique déclaré, Elsa Triolet s’en sert très tôt pour faire éclater une forme réaliste trop étroite. C’est Aragon qui, le premier, fait remarquer en 1965 dans son ouvrage sur Les collages[3] que chaque roman d’Elsa Triolet contient des collages, terme qu’il prend dans un sens très large. En effet, depuis Bonsoir, Thérèse, où la romancière s’essayait à ce travail en reprenant des motifs et des séquences déjà exploités dans d’autres de ses textes, elle n’a cessé de développer cette technique sous des formes variées de plus en plus complexes. Des collages du Cheval blanc en 1943 que l’auteur assimilait « à la boîte d’allumettes collée sur la toile dans la peinture de Picasso[4] » à la multiplication en 1953 des procédés intertextuels dans Le cheval roux, les enjeux esthétiques et idéologiques sont nombreux.

L’inspecteur des ruines, qui paraît en 1948, utilise explicitement cette pratique romanesque.

Le roman raconte l’histoire d’Antonin Blond, résistant évadé d’un camp de concentration qui, ayant perdu tous les siens dans des bombardements, se retrouve seul à Paris. « Homme-ruine », « traîneur de savates », aboulique et sans forces pour redresser un univers intérieur détruit, il porte la mort dans l’âme. Le récit s’organise en trois parties, les événements étant racontés par le personnage sous forme d’autobiographie. Dans une première partie, le personnage, fantôme parmi les hommes, dépeint ses errances, ses amitiés et ses amours ratées, sa solitude et son désespoir. La deuxième, qui est l’objet de notre étude, se déroule en Allemagne, à Bamberg où, dépourvu de ressources, il séjourne après avoir accepté l’engagement proposé par un grotesque personnage gogolien qui souhaite exploiter non pas des « âmes mortes » — la référence est donnée en exergue — mais les ruines de guerre : il devient « inspecteur des ruines », métier qui consiste à fouiller les ruines pour y découvrir ce qui pourrait faire l’objet d’un négoce. Il revit là une aventure semblable à celle d’Hoffmann. Après une remise en cause de sa vie, le narrateur retourne à Paris — ce qui fait l’objet de la troisième partie — où il essaie de réapprendre à vivre. C’est au moment où il commence à retrouver sa place parmi les autres et à reprendre un peu espoir qu’il meurt, fauché par un camion.

Un chapitre entier « fabriqué » avec les matériaux fournis par le conte d’Hoffmann, Don Juan, se situe ainsi au coeur du roman. Cet intertexte coiffe toute la deuxième partie intitulée « La loge des étrangers », citation d’un sous-titre du conte allemand : « Dans la loge des étrangers n° 23 ». Le « collage », selon le mot d’Aragon, du texte d’Hoffmann, qui aurait dû pour le moins surprendre la critique par l’utilisation d’un procédé inusité dans un roman réaliste, ne fut pas remarqué à la mesure des problèmes qu’il soulève[5]. Pourtant, l’épisode, dans la structure même du roman, occupe une place privilégiée qui ne devait point tromper, d’autant que cette facture répondait à une conception classique de la composition romanesque soulignée par Flaubert, qui estimait qu’une oeuvre d’art devait nécessairement comporter un point culminant sur lequel frappait une lumière spécifique. « La loge des étrangers » est, dans L’inspecteur des ruines, ce point culminant. Situé au milieu du récit, centre du roman d’un point de vue narratif puisqu’il est le moment de la transformation du héros, il est aussi essentiel par les enjeux littéraires et idéologiques qu’il met en place.

Le collage était d’autant plus curieux qu’il instaurait une rupture dans le réalisme du texte en introduisant une histoire annoncée comme fantastique dans la référence déclarée à Hoffmann. Dans le récit fantastique, le réel est toujours à un moment ou un autre fortement présent, non pas spécialement par goût du réalisme mais par nécessité, puisqu’il est la condition sine qua non du surgissement du fantastique. Or, l’auteur de L’inspecteur des ruines ; ne joue pas du réalisme dans cette simple perspective, son roman « réaliste » fait l’expérience d’une écriture du fantastique qui lui donne sa lumière et son sens. Démarche délicate par l’abâtardissement possible des deux genres et qui cadrait mal avec celle de la plupart des écrivains de l’époque. En outre, en se référant au conteur allemand qui fut longtemps en Europe l’emblème du « fantastiqueur » et dont les écrits servirent à Freud pour définir « l’inquiétante étrangeté », la romancière s’inscrit à contre-courant de l’atmosphère de son temps où ni l’irrationnel ni les références aux écrivains allemands n’étaient plus de mise. Bien plus, elle provoque le lecteur. Comment un écrivain réaliste, dont les amis combattent pour le « progrès », peut-il se placer dans la voie du romantisme allemand, symbole, en ces années, de l’abandon à l’irrationnel ? C’est ainsi qu’Albert Béguin, dans son avant-propos du numéro des Cahiers du Sud consacré au romantisme allemand, réédition en 1949 du numéro de 1937, voyait comme point commun aux romantiques allemands « la confiance accordée à l’irrationnel. Ou, si l’on préfère une formule qui fasse allusion aux aspects dangereux du Romantisme : la confiance accordée au chaos[6] ». Il exposait son hésitation à republier ce numéro paru avant-guerre, ne voulant ni sous-estimer ce qu’ont pu puiser les idéologues nazis dans un certain type de romantisme germanique ni laisser croire que ce mouvement conduisait fatalement à de telles dérives. Cet amoureux de la culture germanique, qui avait produit Goethe et Hölderlin, ne faisait que reprendre les polémiques qui avaient cours chez les intellectuels.

Dans une époque politiquement traumatisée par le comportement récent de l’Allemagne, les écrivains et les critiques antinazis se méfiaient de la référence à une forme littéraire qui, d’une part éveillait des échos sinistres et qui, d’autre part, dans son aspect fantastique tournait le dos à la réalité et semblait dès lors passablement conservatrice[7].

C’est dans ce contexte que l’auteur de L’inspecteur des ruines ; fait arriver son héros dans l’auberge historique de Bamberg où un domestique lui signale qu’il va dormir dans la chambre où « M. Hoffmann avait écrit son conte Don Juan ». Le conte fantastique s’annonce comme le tremplin de l’imaginaire et du récit par l’enthousiasme du personnage : « J’aime les contes d’Hoffmann, je les aime infiniment… Je vais donc coucher dans le lit où a couché cet homme extraordinaire[8]. »

On aura deviné dans cette admiration du personnage celle d’un écrivain qui n’a jamais abandonné une de ses passions littéraires de sa jeunesse russe. Pourtant, le travail littéraire accompli dans ce roman obéit à une nécessité : dire l’indicible d’une Histoire dont le réalisme classique ne pourrait rendre compte que par des procédés qui confineraient à l’anecdotique.

Deux récits proches mais divergents

Don Juan se présente comme le court récit de l’« étrange aventure[9] » arrivée à un voyageur descendu une nuit dans une auberge. Il découvre que sa chambre communique avec une loge de théâtre d’où il peut assister, de très près de la scène, à la représentation de Don Giovanni de Mozart. La narration se développe exclusivement autour du thème de cet opéra et de sa réinterprétation exaltée, la cantatrice Dona Anna se faisant le catalyseur d’une expérience métaphysique qui lui révèle par l’Amour et l’Art le sens caché des choses et la conduit à l’extase. Un brutal retour à la réalité nous apprend la mort de la chanteuse à deux heures du matin, à l’instant précis où le narrateur avait entendu son cri dans le théâtre désert.

Le texte d’Elsa Triolet s’agence tout autrement. Son statut n’est pas le même puisqu’il prend place au centre d’un roman. Il y a un « avant » et un « après » à l’épisode qui devient le pivot autour duquel va se jouer la destinée d’Antonin Blond, alors que le personnage d’Hoffmann vivait une aventure sans antécédent ni projection dans l’avenir. À l’opposé de la concentration spatiale et thématique du conte, « La loge des étrangers » est un long passage, dont le récit se déroule à l’intérieur de plusieurs mois, traversé par les errances et les découvertes du héros dans la ville allemande. Une nuit, Antonin fait la connaissance d’une étrange jeune femme, Joë, déportée d’un pays de l’Est par les Allemands. Une autre fois, il aperçoit dans une forêt des ouvriers qui dégagent un charnier. Enfin, la nuit de la Saint-Sylvestre, le jeune homme retourne à l’auberge et, comme Hoffmann, contemple le théâtre, mais n’y trouve qu’un silence morbide. Pourtant, un jeune assassin nazi s’y cache et Antonin le sauve. Sa vie a basculé. Comme s’il émergeait d’un mauvais rêve, il choisit d’entamer une nouvelle existence et de regagner Paris.

Ce double mouvement de reprise et de subversion de l’hypotexte se manifeste par une intertextualité complexe où la romancière utilise le plagiat, la référence ou l’allusion. La démarche d’Elsa Triolet peut s’illustrer dans l’analyse qu’Aragon faisait du collage, de cette « introduction de la pensée d’un autre, d’une pensée déjà formulée » qui n’a plus une valeur de reflet mais devient « une démarche décidée pour aller au-delà de ce point d’où je pars, qui était le point d’arrivée d’un autre[10] ». Pourtant, la romancière présente une originalité par rapport aux auteurs qui ont eu une pratique similaire, puisqu’elle reprend le point de départ et le point d’arrivée du texte cité, en restitue la trame comme si elle la doublait constamment en jouant l’adhésion ou le détournement. En outre, l’introduction, dans l’ensemble compact que formait le conte hoffmannien, d’une temporalité distendue, d’un espace agrandi et d’une multiplication des événements, menace le récit d’instabilité. C’est grâce aux bornes posées par l’aventure hoffmannienne que l’équilibre se maintient, qu’une logique est construite. Une logique qui mime le texte en même temps qu’elle le mine : parti pris d’hommage et de dénégation.

Mise en place et subversion du fantastique

Tout en citant Hoffmann, le titre « La loge des étrangers » engage une lecture déformée. En effet, si Hoffmann nommait ainsi la deuxième partie de son conte, il intitulait l’ensemble du texte : Don Juan, Aventures romanesques d’un Voyageur Enthousiaste. La sécheresse de tonalité du titre d’Elsa Triolet rejette l’exaltation éclatante de celui du conteur allemand et l’élimination de la référence à l’opéra de Don Juan et au Voyageur court-circuite les perspectives hoffmanniennes. La joie, l’optimisme sous-jacent sont neutralisés et la dépersonnalisation efface l’exaltation.

L’épigraphe à son tour impose la précarité du rêve et instaure un sentiment de nostalgie :

… Les heures des rêves sont incertaines

Peter Ybbetson.

George du Maurier[11].

La romancière se place donc dans le sillage fantasmatique de ces auteurs tout en choisissant une parole qui, prise hors de son contexte, en dénature les pôles, le sentiment de l’échec possible s’affirmant contre le rayonnement du rêve.

L’espace

L’incipit du chapitre où Antonin Blond se réveille dans le lit d’Hoffmann semble, lors d’une lecture rapide, calquer celui de Don Juan :

Les sons aigus d’une cloche et le cri retentissant : On va-a-a commencer ! me réveillèrent du doux sommeil qui s’était emparé de moi. J’entends un bourdonnement confus de contrebasses, des violons qui s’accordent, des coups de timbales, le son d’une trompette, un hautbois qui donne un la clair et soutenu[12].

Elsa Triolet reproduit cette situation célèbre et peu commune dans des termes voisins :

J’ai été réveillé par des cris énormes ! Une voix de Jugement dernier tonnait : — On va commencer ! On va commencer !

Et on frappait de grands coups, comme ceux de la radio anglaise quand le poste est grand ouvert[13].

Pourtant, la métaphore et la comparaison imposent une autre dimension. La brutalité du réveil est liée d’une part à la symbolique de la résurrection des morts ainsi qu’au fantasme de la culpabilité et d’autre part au passé insupportable que tente d’oublier Antonin Blond, celui de l’occupation allemande.

La tonalité dans Don Juan est toute différente. Si le réveil est brusque, le désagrément qui pourrait naître est immédiatement évacué par la forte et séduisante présence musicale. Alors qu’Antonin va se trouver plongé dans l’angoisse et le non-sens, le personnage d’Hoffmann ne perd pas contact avec le réel et même ironise : « Je me frotte les yeux. Le diable, toujours à l’affût, m’aurait-il donc grisé ?... Non ! Je suis dans une chambre d’hôtel où je suis descendu hier au soir, à moitié brisé[14]. » Les repères précis de temps et de lieu, la logique de la situation ainsi que la répétition verbale de « Je suis » insistent sur la saisie de la réalité dont le voyageur reste le maître et qui le précipite dans la loge.

Rien de tel dans L’inspecteur des ruines. L’insolite, au lieu de s’estomper, s’accroît en même temps qu’un pesant malaise. Pas de musique claire et distincte, mais une « rumeur » incompréhensible, une nuit profonde dans laquelle l’homme perd ses marques. Après un déplacement dans un espace labyrinthique, le jeune homme avait découvert une chambre « longue et étroite comme un couloir ». La comparaison déniait déjà au mot « chambre » sa connotation habituelle de repos et de paix. Endroit de passage, impression d’étranglement, des signes inquiétants s’y glissaient çà et là : les meubles sont beaux mais d’acajou foncé « comme du sang caillé » et la commode possède des tiroirs aux dimensions effrayantes — « un vrai cercueil ». Une empreinte mortuaire marque le lieu. La nuit lâche ses fantômes et Antonin Blond s’égare dans un espace qui favorise les pulsions morbides.

La fonction de l’espace chez les deux écrivains est ainsi fondamentalement différente. Pour Hoffmann, l’intérêt essentiel de ce lieu réside dans sa topographie, mitoyenne de la loge des étrangers. Chez Elsa Triolet, la loge n’est plus le seuil du fantastique, la porte qui ouvre au monde de l’imaginaire merveilleux. Si elle permet au personnage d’entrevoir pour un instant un au-delà à la chambre étouffante, c’est pour mieux le reconduire vers son point de départ et l’enfermer dans un espace clos sans espérance. Le mouvement est inverse de celui de l’hypotexte puisque la loge chez Hoffmann instaurait un mouvement positif alors que dans l’hypertexte, le même lieu produira des effets pervers. Le monde de l’opéra est finalement happé par l’espace du dedans devenu l’élément essentiel du fantastique. On assiste alors à une « vampirisation » d’un lieu magique par un lieu délétère devenu le seul détenteur du fantastique, qui subit ainsi une mutation.

Le garçon d’hôtel

On observe un déplacement identique dans la conception du personnage du garçon de l’hôtellerie. Celui d’Hoffmann se contente de jouer les utilités. Il sert à insérer le récit dans un univers réaliste, point de départ nécessaire au surgissement du fantastique. Par ailleurs, d’une neutralité totale, il a une fonction essentiellement narrative : il explique ce qu’est la loge des étrangers, la montre, disparaît, annonce que le repas est servi. Il brise ainsi la magie à laquelle il est étranger.

Il en va tout autrement du garçon d’hôtel qui reçoit Antonin Blond. Comme dans la tradition des récits fantastiques, « muni d’une grosse clef », il est le valet inquiétant d’un monde inquiétant, de ceux qui introduisent le héros dans un lieu initiatique. D’autre part, parce qu’il participe d’une déréalisation du personnage, l’anonymat qu’il revendique est ambigu : « Je m’appelle Hans, comme tout le monde ». Domestique mystérieux « grommelant, courbé, les yeux décolorés, au regard gênant de dément », il fait sourdre l’angoisse par sa présence. C’est ainsi que reviennent d’une manière obsédante les motifs de la cécité et de la folie, motifs très présents dans la littérature fantastique. Il suffit qu’à quelques lignes de distance le scripteur remette dans la bouche de son personnage les mêmes signifiés ou signifiants repris en chiasme : « le domestique [...] les yeux décolorés au regard gênant de dément », et à peine plus loin : « il ressemblait à un dément avec son regard d’aveugle », pour que la mémoire culturelle du lecteur joue pleinement dans un domaine fortement teinté d’affectivité[15].

C’est surtout par le recours au leitmotiv de la folie que la narration s’enfonce plus profondément dans l’insolite. Rapidement l’évidence s’impose à Antonin : cet homme ne ressemble pas à un fou, il est fou. Et cette métamorphose de l’apparence à la réalité s’accomplit au moment où le narrateur subit à son réveil le vertige d’un espace et d’un temps bouleversés. Cette folie est confirmée par le trouble de Bianca : « J’ai un peu peur de Hans… il est fou », confie-t-elle au jeune homme. Antonin Blond a glissé dans l’univers du fantastique : la logique est bousculée, son seuil franchi. Ce qui appartenait au registre des perceptions et des raisonnements clairs est occulté ; les émois archaïques l’emportent, entraînant avec eux leur cortège d’illusions. Le domestique devient l’ordonnateur du surnaturel. Toujours là sans qu’on le lui demande, surgissant silencieusement, il organise l’envoûtement des amants comme l’envisage Bianca : « Harry dit que le vieux nous a versé un philtre comme à Tristan et Iseult. »

Ainsi, en installant un espace formellement identique mais fondamentalement différent, Elsa Triolet déplace le fantastique. Dans l’hypotexte, l’agréable et féconde bizarrerie du lieu permettait, en unissant la chambre à la loge et au théâtre, d’ouvrir à un fantastique euphorique. L’inspecteur des ruines déforme l’aspect fonctionnel pour susciter le trouble et le traumatisme. Le héros perd la stabilité des repères spatio-temporels et le monde chavire. Le banal valet d’auberge s’est métamorphosé en inquiétant gardien du « musée » d’Hoffmann. La déviation du sens, entreprise dès l’incipit en installant un fantastique morbide, se déploie ensuite jusqu’à son terme.

Reprise textuelle et déviation du sens

Dans la subversion du thème de la musique, « fluide de la vie universelle[16] », le même travail de détournement est à l’oeuvre. En faisant disparaître au profit du « plébéien humaniste[17] » Verdi, le « Maître génial », et son opéra, la romancière récuse la dimension métaphysique de l’aventure hoffmannienne qui faisait de la société et de l’Histoire un épiphénomène. Antonin Blond est plongé dans « une brume épaisse » où la musique s’est effacée. La fusion spatiale loge-théâtre est vécue comme un cauchemar. L’expérience du sublime est liquidée. Le héros est pris au piège d’un fantastique maléfique animé par Bianca.

Les cantatrices : deux personnages antagonistes

Le nom choisi pour chacune des cantatrices est symbolique de la différence de leur statut. Dona Anna a cet unique prénom parce qu’elle refuse toute autre identité. Elle est au-delà de son rôle, à la fois la véritable Dona Anna de l’histoire de Don Juan, mais aussi une femme musicienne et amante du Voyageur Enthousiaste. À l’inverse, Bianca est en rupture d’identité. Insaisissable, elle passe son temps à endosser des rôles aussi changeants les uns que les autres. Elle n’est jamais là où on l’attend et contribue à déstabiliser Antonin. Alors que Dona Anna parlait « un pur toscan », Bianca glisse d’une langue à l’autre sans difficulté : « — Oh ! Madonna ! chuchota-t-elle […] — Please, chuchota-t-elle encore, come with me... […], elle continua en français, avec à peine un accent[18]. »

Avec la même aisance, son désespoir s’évanouit pour céder la place à une tranquillité surprenante : « Alors Bianca se jeta dans un fauteuil et se mit à pleurer, à sangloter, à gémir… […]. Subitement elle se calma et […] sourit[19]. »

Dona Anna était mue en permanence par une exaltation douloureuse, et toujours habitée par la musique. Bianca, au contraire, établit une dichotomie si surprenante entre la scène, la loge et la chambre qu’Antonin Blond s’affole : « Mais vous n’oubliez pas le spectacle ? » interroge-t-il. Bien plus, elle organise elle-même cette rupture en établissant un espace temporel hors scène minutieusement minuté : « — Non... j’ai le temps... Je partirai quand on les aura entendu rire... J’ai un quart d’heure avant la fin du premier acte[20]. »

Enfantine, coquette, tendre, intéressée, étrange, frivole, grande chanteuse, Bianca-Blanche aux multiples masques porte d’une certaine façon le « prénom de personne ». Pour paraphraser Hélène Cixous, « avec “ Bianca ”, quel vide à remplir[21] ! » Semblable à une page blanche, ce nom qui laisse libre cours aux projections fantasmatiques permet toutes les constructions amoureuses, des plus positives aux plus négatives. Fascinante par sa situation d’étrangère, sa beauté et son art, Bianca attire aussi Antonin parce qu’elle cristallise ses pulsions morbides.

Néanmoins, les divergences sont en permanence « rattrapées » par Elsa Triolet pour éviter une rupture avec l’hypotexte. Ainsi, l’apparition des deux femmes se confond dans la même image. Dona Anna « en robe blanche de nuit », sa chevelure brune tombant sur ses épaules, se retrouve dans l’apparition de Bianca vêtue d’une « longue robe blanche, les cheveux sur les épaules », et la comparaison utilisée pour la caractériser semble inspirée d’Hoffmann : Bianca, au fond de la loge, « brillait doucement comme une Sainte Vierge ». Seulement, la ressemblance n’est que formelle ; Bianca reproduit simplement l’image divine alors que Dona Anna en a l’essence puisqu’elle est « l’âme pure […] restée vierge des atteintes du démon ». Dans l’hypertexte, le miroir soudain se renverse et dévoile en Bianca une créature inconnue, capable de jeux pervers. Chaque soir, elle troque son allure virginale contre celle d’une courtisane. Dégrafant son costume de scène, elle apparaît en « étroit jupon de dentelles » qui laisse voir « ses cuisses nues et les jarretelles » ; son aisance à se dénuder et à rester là « presque nue, juste ce corsage baleiné qui lui remontait les seins », suggère sa dépravation. Ce n’est d’ailleurs pas celle-ci qui crée une gêne mais la duplicité de la jeune femme symbolisée par une figure qui tient du collage surréaliste. La silhouette féminine est comme coupée en deux, le corps souligné par des sous-vêtements provocants est surmonté d’une tête sans visage, simplement dessinée par « ses bandeaux lisses, le chignon entouré de petites roses ». Sur les pas de cette créature, l’espace se transforme. La loge chez Hoffmann s’effaçait dans l’intense présence d’Anna, mais Bianca rejoint la chambre et la métamorphose en un lieu douteux où la musique « sacrée » devient une « musique étouffée, délicieuse comme dans un cabinet particulier » où le « vin, la lumière des bougeoirs électriques avec de petits abat-jour » rappellent plus l’univers de la débauche que celui du mysticisme. Bianca, courtisane, au centre de son propre théâtre, n’a que des relations amoureuses truquées. Les hommes sont pour elle interchangeables alors que Dona Anna re-connaissait dans le spectateur celui qu’elle attendait. Le narrateur musicien découvrait une union amoureuse au-delà des limites humaines habituelles. Bianca, au contraire, augmente le sentiment d’altérité qui habite Antonin. Non reconnu ou connu pour lui-même, il n’est qu’une ombre et ne peut renaître à la vie par l’amour.

Si l’emportement métaphysique qui animait Dona Anna et son amant était fortement empreint de sensualité, l’enivrement des sens était indissociable de la spiritualité. Le lexique à connotation également mystique — « flamme », « souffle »… — en témoignait. Bianca, elle, est attirante dans sa sexualité provocante qui excite les hommes vulgaires de l’auberge : « Die Bianca avait des yeux ! des pieds ! une taille ! des seins !… » Antonin en est frappé à son tour : « Ses yeux, sa bouche, ses seins. »

L’allusion aux seins, dont la charge érotique réduit l’image féminine à un objet sexuel, revient systématiquement. Alors que le topos du regard était essentiel dans le récit hoffmannien, le visage de Bianca renvoie au néant. Si l’échange amoureux passe par le regard de l’autre où je me reconnais[22], Antonin, à la différence du Voyageur Enthousiaste, ne pourra ni être aimé ni parvenir par la femme à la pleine conscience de soi. Pire, l’amour limité à l’érotisme le renvoie à lui-même et à ses pulsions de mort. En cherchant à échapper à son univers de ruines dans le fantastique amoureux d’Hoffmann, il n’y trouve que l’image inversée de Dona Anna : une créature insolite, fascinante, mais de celles qui conduisent les hommes au bord de la folie et de la mort.

Envoûté, le jeune homme subit la loi d’un temps répétitif rythmé par les apparitions de Bianca dans sa chambre. La durée reproduit un enfermement dans un cercle mortel où le condamné attend la chanteuse « comme un drogué sa drogue », et le coup de revolver qui, éclatant chaque soir, rappelle l’actrice sur la scène, emblématise la tentation suicidaire : « [le] coup de revolver […] annonçait son départ, le coup de grâce qui m’assassinait tous les soirs et m’introduisait dans l’enfer de l’absence de Bianca. »

Antonin ne peut plus fuir une présence ou oublier une absence qui le détruisent. Devant cette alternative, sa vie s’anéantit. Mouvement inverse de l’expérience du narrateur de Don Juan ; pour qui l’itinéraire ascendant aboutissait au dévoilement des vérités suprêmes. La cantatrice en était l’initiatrice et sa mort scellait l’accession à la vie véritable, celle du monde céleste.

Dans la constante sollicitation du texte d’Hoffmann se joue une distorsion permanente de la forme et du sens. Le fantastique du conte allemand s’est déplacé, il n’est plus dans l’amour, l’art et le chant. Sa fonction régénératrice a sombré dans une dérive régressive. C’est un fantastique négatif, douloureux et morbide qui surgit des ruines du fantastique de Don Juan.

L’impossible fantastique hoffmannien

Personnage au coeur des ténèbres de l’existence, Antonin voulait un fantastique heureux pour oublier son malheur. Or il ne rencontre que le versant douloureux de la magie romantique. Elsa Triolet se place ainsi dans une situation paradoxale d’aveu et de désaveu du fantastique hoffmannien : aveu de son attachement, de la reconnaissance de la profondeur de ses approches de l’âme humaine et désaveu puisque le fantastique ne peut plus aujourd’hui, après ces années criminelles, que renvoyer aux désarrois de l’homme. Nous sommes donc en présence d’une remise en cause de ce fantastique qui espérait trouver dans le rêve les forces vives de la vie.

Finalement, le fantastique va se nier lui-même en tant que genre et se réduire à de simples procédés, néanmoins essentiels à la production du sens. Ils vont servir à exprimer les nouveaux rapports avec la réalité qui s’installent peu à peu dans L’inspecteur des ruines et que le personnage va trouver dans son amitié avec une déportée d’un pays de l’Est et la découverte d’un charnier. Le long épisode où sont racontés ces deux événements inclus et entremêlés à ceux qui sont inspirés du conte allemand crée une sorte de brouillard où ne se perçoivent plus nettement le passé et le présent. Mais en même temps, c’est grâce aux modifications de la trame du fantastique que s’opère le retour à la réalité. Dans quelque direction que se tourne le personnage, l’Histoire est là, surgissant dans les brumes du fantastique. Forces mortelles auxquelles le personnage doit échapper en les démystifiant. Un regard nouveau sur le monde, qui choisit de rationaliser les événements et les hommes, remettra chaque chose en place. Le dernier épisode ramène de nuit le héros dans la loge des étrangers, ce lieu emblématique du fantastique hoffmannien, pour y vivre tout autre chose que le Voyageur Enthousiasme.

La situation de départ est identique jusque dans la position des deux hommes : « J’appuie mes coudes sur le bord de la loge, et je contemple la salle déserte », indiquait le narrateur de Don Juan, et celui du roman dit : « Je me suis accoudé au rebord de la loge […] la scène vide… ». Là s’arrête cependant la ressemblance, les chemins divergent immédiatement. L’amant de Dona Anna entend le cri de la femme aimée qui « réveille à l’orchestre, l’esprit assoupi des instruments » ; un léger courant d’air agite le rideau, et « l’odeur subtile » du parfum italien enveloppe le musicien. Extasié, il fait la découverte « du monde inconnu et lointain des esprits ». Cette connaissance métaphysique dans un bonheur absolu reste étrangère à Antonin. Le théâtre est vide et silencieux : « Tout était immobile comme un cadavre [...]. Est-ce que j’allais entendre comme Hoffmann le grand cri de Dona Anna[23] ? » se demande avec dérision Antonin, qui ne croit plus au fantastique. Seul un « vent glacial » lui répond. Il sait qu’il n’existe pas de Dona Anna mais bien une Bianca, et « Bianca devait être dans les bras d’un Américain saoul et elle n’en mourrait pas […]. Là s’arrêterait le fantastique[24] ». La dégradation infligée à la chanteuse fait éclater l’idéalisme amoureux dont était porteur le fantastique, et dans lequel la femme était « image céleste ». Bianca, dans ce renversement de la transfiguration à la défiguration, redevient une femme vulgaire. Elle emblématise une société. Profiteuse, égoïste, enjôleuse, elle n’est ni une courtisane diabolique ni un être d’exception. Elle est comme toutes ces femmes allemandes qui se vendent un peu partout dans ces années de misère[25]. Sa frivolité, son goût du luxe, masqués par une extrême séduction, ne sont pas sans évoquer le personnage de Foedora dans La peau de chagrin. Un critique de l’époque en avait dressé un portrait qui pourrait dépeindre aussi la chanteuse : « La surface sourit au regard et attire, mais si vous plongez plus avant [elle] vous désillusionne et vous tue par ses plaies morales et ses corruptions[26]. » L’envoûtante cantatrice reprend sa place dans la galerie des femmes légères des romans réalistes. L’image fantastique détruite, le personnage s’inscrit, comme dans le conte balzacien, dans un certain type de rapports sociaux et historiques. La cantatrice n’est plus que l’expression d’une société qui a perdu son âme et sa conscience, où tout se vend et tout s’achète. Sur les ruines d’un monde prolifèrent des êtres prêts à vivre par n’importe quel moyen et à tirer leur épingle du jeu.

Finalement, le fantastique se révèle n’être qu’un artifice inventé par l’homme « qui a besoin de mystère ». Dans le lieu même où se manifestait le fantastique hoffmannien, Antonin fait l’expérience de l’irréductible réalité : « Bianca ne pouvait pas plus me répondre que Coppélia [sic], je lui avais donné une vie à mes dépens, et c’est tout ce que j’avais su faire. Là aussi le fantastique ne passait plus[27]. » La lucidité enfin retrouvée se manifeste dans la répétition de termes évoquant une introspection méthodique : « je me vois tel que je suis, je vois mon anémie morale. »

Cependant, le « moi » ne se fonde que dans une relation claire au monde. La découverte que ce monde a une existence pleine et certaine, que l’on peut dénouer les fils d’un présumé mystère, donne à l’homme la possibilité d’agir sur lui, si toutefois il tente de voir clair dans l’Histoire. L’arrivée du jeune assassin nazi, à l’endroit où avaient surgi les cantatrices, a valeur de symbole. L’Allemagne hitlérienne est toujours là, tapie dans l’ombre, prête à réapparaître. L’Allemagne, celle des « doux romantiques », est doublement réduite en poussière, dans ses ruines de guerre, mais surtout dans son âme. Ce pays « criminel sans circonstances atténuantes » a trahi les valeurs de ses poètes[28]. L’univers d’Hoffmann le bien-aimé ne peut plus lui survivre, le fantastique romantique, sa douloureuse aspiration à l’absolu se sont écroulés dans les ruines de l’histoire allemande où seuls se cachent encore les nazis et leurs victimes. La brutale révélation d’une Histoire rongée par un mal toujours présent fonctionne comme une provocation qui oblige Antonin à se déterminer, à sortir définitivement de sa léthargie où l’engluait le fantastique. Il choisit donc de partir : « J’ai goûté ce soir à quelque chose qui m’a rendu odieux tout ce qui m’entoure ici. Il existe, paraît-il, des remèdes qui vous guérissent de l’alcoolisme au point que son odeur seule vous rend malade[29]. » Cette aventure a remis chaque chose à sa juste place. Ivre de fantastique et de malheur, Antonin voyait le monde au travers d’un prisme et son identité se désagrégeait. Pour aller jusqu’au bout de ses pulsions de mort, il a dû vivre un temps sur le mode du fantastique pour ensuite le faire voler en éclats et retrouver la vérité du monde. Celle-ci se trouve dans sa réalité et son présent, non dans un passé létal, mais dans un avenir à conquérir qui n’est pas oubli mais conscience de l’Histoire.

Bilan d’une aventure

« J’ai l’impression de m’embarquer pour une expédition lointaine, comme un explorateur, d’être un pilote d’essai[30]. » Antonin croyait alors parler de son nouveau métier de « détrousseur des ruines ». Mais sa véritable nature n’est pas celle, bizarrement réaliste, à laquelle il s’attend. Il est surtout le redécouvreur des textes fondateurs du fantastique. Arrivé dans une Allemagne superficiellement folklorique avec la « grande Bierstube » sombre et patinée de la vieille auberge, il est conduit à revivre l’aventure hoffmannienne de la loge des étrangers. Malgré son désir d’évasion dans l’univers heureux du conte de Don Juan, l’aventure se pervertit. Le fantastique aux accents orphiques, qui se déployait dans la musique mozartienne et ouvrait à l’inconnaissable, demeure fermé à Antonin Blond. Il n’y a, pour lui, pas plus d’espérance spirituelle que temporelle. Homme du Rien, il est « porté disparu à [lui-même] ». Il choisit son voyage dans l’irréel comme on choisit de mourir. Dans ces conditions, le fantastique se réduit à n’être plus qu’un artifice construit par celui qui le subit. Projection des pulsions morbides, des fantasmes de la mémoire, le fantastique ainsi créé ne peut être que celui du désarroi et de la désintégration du moi. L’Allemagne romantique ne communique plus que l’angoisse et le sentiment de destruction intérieure. Confronté à l’Histoire tragique du siècle, Antonin Blond doit abandonner le fantastique, illusion qu’il faut chasser pour se tourner vers l’avenir.

Elsa Triolet fait donc une utilisation originale du genre en plagiant le fantastique hoffmannien dans un élan de fascination et de dénégation. Tout le début de l’épisode de « La loge des étrangers » est aimanté, dans une sorte de fièvre, par les textes, les thèmes et les personnages du plus grand des « fantastiqueurs ». La romancière précise d’ailleurs, par la médiation du personnage, que seule la magie hoffmannienne est réelle : « Cet envoûtement est la seule chose vraiment fantastique que vous trouverez dans mon récit. » Mais ce faisant, elle le prive de sa dimension ontologique qui était essentielle à l’oeuvre. Le fantastique n’est plus l’expression la plus profonde de la nature humaine, le moyen d’accéder aux vérités supérieures de la vie. La propension de l’homme à l’irrationnel, exprimée par le fantastique, n’est pas niée chez Elsa Triolet, elle demeure dans une certaine mesure consubstantielle à sa nature, mais elle ne se développe que dans des situations extrêmes de traumatisme, comme celui de la guerre. Loin de rester dans l’inexplicable, ce qui est le propre d’un véritable fantastique, la romancière en démonte le mécanisme par des interventions répétées du narrateur. Le prologue du récit bloque d’avance la dérive complète dans le fantastique en avertissant d’emblée le lecteur que l’on peut dénouer les fils de toute histoire extraordinaire que l’on nomme fantastique. Dans cette dénonciation préliminaire du fantastique se dessinent, dans une confusion voulue, deux directions données au fantastique : d’une part, celle de l’épisode hoffmannien qui s’applique à rendre la montée de l’irrationnel, des troubles de la conscience et du sentiment de la perte d’identité, d’autre part, celle de l’aventure allemande contemporaine dont le fantastique livre des créatures produites par l’univers concentrationnaire comme Joë, ou d’épouvantables charniers. Ces deux aventures en se greffant l’une sur l’autre permettent de rapprocher les deux dimensions de l’existence humaine, l’individuel et le collectif. Elles finiront par fusionner dans la conclusion de « La loge des étrangers » : le théâtre d’Hoffmann ; est toujours là, mais dénué de toute magie, abritant un assassin nazi.

Aujourd’hui, le fantastique de « La loge des étrangers » révèle d’autres origines. Projection des fantasmes morbides, il est associé à une perturbation psychique qui prend sa source dans les horreurs de l’Histoire. Si le fantastique hoffmannien a perdu son sens originel dans la tragédie historique, il permet le déclenchement d’un nouveau fantastique qui, pour le personnage, devient un jeu dramatique, mais au sens sacré du terme : il lui permet d’accéder à la vérité de son temps et de retrouver ses forces vives.