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Dans un ouvrage que Jean Norton Cru, critique sévère, considère comme l’un des meilleurs témoignages sur la Grande Guerre, le Belge Max Deauville écrit en 1917 : « La guerre, au milieu du spectacle coloré et changeant de la nature, est une chose mécanique, surajoutée, comme une voie de chemin de fer qui court dans un site de montagne[1] ». Sans le savoir, ces pages de Jusqu’à l’Yser qui évoquent le secteur d’Ypres en juillet 1915 trouvent là, cinquante ans avant que le grand critique américain Leo Marx s’en empare, le paradigme selon lequel peuvent s’organiser pour l’homme les relations paradoxales entre nature et machine. The Machine in the Garden réfléchit à la façon dont dès le XIXe siècle la « machine » — et si le chemin de fer est la première d’entre elles, la guerre est certainement la pire — a fait son apparition dans la nature, dans le jardin américain. L’étude s’intéresse aux relations entre la technologie et la nature en Amérique et plus particulièrement à la manière dont l’image du bonheur pastoral est concurrencée par celle d’une industrialisation qui promet d’autres richesses[2]. Je m’arrêterai quant à moi à la représentation de la nature dans le prolongement de l’approche que j’en propose dans Fictions de la Grande Guerre[3], où les images sont abordées comme lieu de cristallisation d’enjeux thématiques majeurs[4].

La guerre de 14-18, première guerre industrielle et où la mécanisation a joué un rôle fondamental, illustre des rapports complexes dans la mesure où cette guerre « moderne » a eu pour cadre essentiel un univers rural et champêtre. Ainsi, le conflit a mis des hommes qui n’étaient pas tous familiers des travaux de la terre — et peu d’écrivains avaient cette expérience — en contact direct avec la nature. L’on constate dès lors dans les fictions qui s’inspirent de la Grande Guerre une attention toute particulière pour la nature doublée d’une tension marquée entre les représentations respectives de la nature et de la technique.

Je partirai de l’écart le plus marqué, celui qu’évoque Max Deauville sur un fond d’Arcadie. L’ego qui hante ce paysage c’est évidemment la Mort, quelle que soit la forme que celle-ci prenne pour mettre fin aux jours heureux. Je m’attacherai ici au moment où elle s’habille en Guerre pour ravager les lieux de l’âge d’or afin d’observer plus précisément la manière dont la représentation littéraire qui s’inspire de la Première Guerre mondiale articule le rapport entre nature et guerre. Puisant des exemples dans un vaste corpus de romans français — mais sans m’interdire de regarder ponctuellement vers d’autres langues et d’autres genres — je m’efforcerai d’établir une typologie générale qui permette de défricher le terrain et d’indiquer quelques tendances générales.

Pour l’époque qui nous intéresse, il me semble que le modèle canonique du rapport entre nature et guerre mis en place par la littérature est parfaitement illustré par « L’attaque du moulin » d’Émile Zola, qui s’inspire de la guerre de 1870. Cette nouvelle très célèbre, publiée dans Les soirées de Médan, imagine une dérisoire victoire autour d’un moulin pris par les Prussiens puis reconquis par l’armée française. Le texte s’ouvre sur la description idyllique d’un coin de Lorraine :

[C]e qui fait surtout le charme de Rocreuse, c’est la fraîcheur de ce trou de verdure, aux journées les plus chaudes de juillet et d’août. La Morelle descend des bois de Gagny, et il semble qu’elle prenne le froid des feuillages sous lesquels elle coule pendant des lieues ; elle apporte les bruits murmurants, l’ombre glacée et recueillie des forêts. […] On se croirait dans quelque parc enchanté, avec des cascades tombant de toutes parts[5].

Toute la première section de la nouvelle décrit avec lyrisme et passion le paysage champêtre. En effet, malgré l’évocation des forêts et des rivières ce n’est pas une nature sauvage qui est proposée au regard mais une nature éminemment domestiquée : l’allusion au « parc enchanté » tire ce coin de France du côté du jardin, loin de toute idée de nature vierge. Brutalement, la seconde section s’emploiera à détruire l’Arcadie lorraine dont l’évocation vient à peine de s’achever : « Un mois plus tard, jour pour jour, juste à la veille de la Saint-Louis, Rocreuse était dans l’épouvante. Les Prussiens avaient battu l’empereur et s’avançaient à marches forcées vers le village » (ibid., p. 30). Dans cette nouvelle, sorte d’équivalent en prose au « Dormeur du val » et qui, comme lui, évoque d’ailleurs un « trou de verdure », la guerre vient effacer de manière violente et définitive un âge d’or champêtre.

L’on peut voir dans l’opposition entre le bonheur dans la nature champêtre et l’horreur de la guerre un paradigme fondamental que Giono, par exemple, exploitera dans Le grand troupeau. Il joue en particulier sur les contrastes forts entre les paysages hallucinés de guerre et ceux de l’arrière, où vit Julia : « Toute la terre couverte de blé mûr est là, rousse comme du beurre dans le grand bol bleu des collines. Les nuages s’en vont, au fil de l’air, comme de grands bateaux[6] ». Le procédé est toujours d’un grand usage à notre époque contemporaine qui, précisément dans le contexte de l’écriture de la guerre, voit un regain d’intérêt pour le genre de la pastorale. Un roman récent comme Dans la Guerre[7] d’Alice Ferney doit une part importante de son succès à cette sensibilité retrouvée[8].

Dans les cas mentionnés, l’opposition semble maximale et l’on pourrait être tenté de représenter ces images sur un axe où la nature, travaillée par l’agriculture, occuperait une extrémité et la guerre l’autre. Le modèle permettrait certes de rendre compte du fonctionnement d’une série d’oeuvres, mais en laisserait simultanément un grand nombre hors champ. La complexité des textes oblige à envisager d’autres articulations. On le vérifie en lisant par exemple la première page de L’adieu aux armes :

Cette année-là, à la fin de l’été, nous habitions une maison, dans un village qui, par delà la rivière et la plaine, donnait sur les montagnes. Dans le lit de la rivière il y avait des cailloux et des galets, secs et blancs au soleil, et l’eau était claire, et fuyait, rapide et bleue dans les courants. Des troupes passaient devant la maison et s’éloignaient sur la route, et la poussière qu’elles soulevaient poudrait les feuilles des arbres. […] Le jour, de gros canons passaient, tirés par des tracteurs. De la gueule à la culasse, ils étaient couverts de branches vertes, des pampres et des feuillages verts recouvraient aussi les tracteurs[9].

Malgré le fait que l’on voit la guerre faire irruption dans un paysage naturel, impossible d’en rester ici au constat de l’opposition entre nature et guerre et de valoriser l’un pour mieux condamner l’autre. Guerre et nature sont intimement liées parce qu’Hemingway montre, à travers l’allusion aux techniques de camouflage, comment la guerre emprunte aussi à la nature : les deux univers s’interpénètrent.

Cinq positions

Afin d’organiser le champ, je propose de distinguer cinq grandes catégories d’images de la nature : la nature d’Arcadie, la nature de robinsonnade, la nature champêtre, la nature primitive et la nature apocalyptique. Prise isolément, l’apparition, et même la fréquence, d’un type d’image particulier ne révèle pas tout : il conviendra également de se montrer toujours attentif au degré d’adhésion marqué par le texte.

Au centre du schéma figure la nature champêtre : il s’agit de la présentation la moins marquée, celle qui apparaît chez un écrivain qui s’efforce de montrer un environnement souvent rural et agricole sans jugements particuliers. C’est la position de l’observateur soucieux de rendre au plus près la réalité champêtre environnante. À la gauche de ce centre se déploient deux classes d’images qui tendent à chaque fois vers une idéalisation plus grande de la nature. La robinsonnade marque un premier degré : on y voit des personnages pris dans un univers naturel qui les laisse démunis mais qu’ils parviennent néanmoins à domestiquer partiellement. Un certain bonheur est possible et la nature y contribue. La nature d’Arcadie, à l’extrémité du tableau marque l’idéalisation : c’est la catégorie à laquelle appartiennent les descriptions de Rocreuse chez Zola ou celle de la Provence chez Giono.

À la droite du centre se situent deux catégories où s’exprime à chaque palier un accroissement de la menace représentée par la nature. La catégorie de la nature primitive considère des images qui puisent dans l’imaginaire de l’univers primitif, voire préhistorique : elle constitue le pendant opposé à la catégorie de la robinsonnade. Alors que dans la robinsonnade la nature apparaît comme maîtrisée, elle tend ici à dominer l’homme. A l’extrémité du tableau la nature apocalyptique désigne des images qui donnent de la guerre un aspect fondamentalement violent et qui participent d’une vision de fin de monde.

+ considérer la distance [(dé)valorisante] mise en place par rapport à l’image de la nature

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Cette grille n’entend évidemment pas rendre compte de l’ensemble de la problématique. Ainsi, elle ne peut rendre qu’imparfaitement les usages de la métaphore, des personnifications fréquentes ou du symbolisme capable de transformer un paysage de guerre. Des micro-lectures détaillées sont indispensables pour affiner l’analyse.

Le schéma est trompeur en outre dans la mesure où la place centrale octroyée à la nature champêtre pourrait faire penser qu’il existerait une sorte de regard objectif sur la nature ou sur le paysage. Or, il est évident que toute nature n’existe que par le regard porté sur elle. A lui seul, le déclenchement d’une guerre le montre déjà puisque les militaires vont jusqu’à renommer un pays pour mieux s’en emparer. Jacques Meyer rappelle comment dès 14 « l’armée s’était mise à rebaptiser la nature[10] » et plusieurs textes témoignent de ce regard nouveau. Ernst Jünger revient sur sa formation militaire et évoque un professeur de tactique qui demande « de ne considérer que du point de vue tactique les différents sites que nous verrions au cours de nos promenades[11] ». Robert Graves de son côté écrira que l’habitude de regarder le paysage en militaire est tellement ancrée en lui que, lors d’une visite à sa région favorite, elle s’impose même au civil qu’il est redevenu à l’époque :

I could not help seeing it as a prospective battlefield. I would find myself working out tactical problems, planning how best to hold the Upper Artro valley against an attack from the sea or where to place a Lewis-gun […][12].

Pierre Chaine quant à lui raconte comment les yeux des combattants « avaient contracté l’habitude d’une vision exclusivement militaire » :

Les bois n’étaient plus pour nous de l’ombre fraîche et des chants d’oiseaux, mais des couverts dangereux ou bien un défilement favorable ou bien un labyrinthe dont la traversée exigeait l’emploi de la boussole. Les collines s’appelaient des crêtes, les sommets des cotes et les ravins des cheminements. Quant aux clochers épars dans la plaine ou qui pointaient derrière les coteaux, c’était pour nous autant de gros jalons de repérage. On ne disait pas : « Quel beau point de vue ! » mais « Quel bon observatoire ! » ni « Quels beaux champs de blé !… » mais « Quel beau champ de tir !… » A force de comparer le terrain avec la carte, l’un se confondit avec l’autre et les détails du paysage n’éveillèrent plus en nous que les signes topographiques qui les représentaient sur le papier[13].

L’observation est fine et le lecteur voit bien comment le regard « utilitaire » sur la nature vient remplacer le regard « esthétique » qui est celui de la plupart de citadins lorsque, du fait de la guerre, ils sont immergés dans un environnement naturel. Au-delà, ces commentaires rappellent qu’il n’est pas de vision neutre ou objective sur la nature et que seules les nécessités de l’exposition obligent ici à considérer un point central moins marqué.

La nature d’Arcadie

À la lecture de Zola le lecteur pourrait être tenté de penser qu’une nature idyllique ne peut surgir que loin du champ de bataille : avant la guerre ou ailleurs que sur les lieux où elle se déroule. C’est évidemment le cas le plus fréquent ; on le trouve dans les rêves des personnages de Giono qui imaginent un « là-bas » heureux :

Là-bas, c’était à la fois la forêt de tous les arbres, des fleuves, des lents et des sauvages, c’étaient de larges plaines avec les touffes des bosquets et les clochers noirs derrière les bouleaux ; c’étaient des troupeaux ; c’étaient des troupeaux de collines ; c’était un grand taureau blanc […][14].

Mais l’idéal arcadien n’est pas toujours un ailleurs inaccessible : paradoxalement à première vue, la guerre est l’occasion aussi d’expériences heureuses au sein de la nature. La question de la représentation idéalisée de la nature dans la littérature de guerre est bien étudiée en Angleterre, certainement si l’on compare la situation avec l’intérêt restreint que la question suscite chez les chercheurs en France. Paul Fussell, dans son capital The Great War and Modern Memory, consacre un chapitre entier à ce qu’il nomme les « Arcadian recourses » de la littérature de 14-18. Constatant l’importance de la tradition de « ruralisme » et le goût anglais pour la « country life », il montre comment la littérature de guerre est aussi un lieu où l’utilisation de la pastorale a toute sa place[15]. Il y a des instants de bonheur réel dans la nature et Fussell rappelle par exemple la fréquence du topos du bain pris en pleine nature, la tradition des « Boys Bathing » qu’il met en rapport avec l’uranisme[16]. Simultanément, l’usage antithétique de la pastorale permet, comme dans « L’attaque du moulin » de Zola, de créer un gouffre entre idéal et réalité. Fussell regarde essentiellement du côté des War Poets, mais on trouve dans Her Privates We de Frederic Manning, un des meilleurs romans à s’inspirer de 14-18, des moments d’intense communion avec la nature :

As Bourne turned back with the others, he looked up to a clear patch of the sky, and saw the sharp crescent of the moon, floating there like a boat. A bough threw a mesh of fine twigs over its silver, and at that loveliness he caught up his breath, almost in a sob[17].

Côté français et sur un mode plus grandiloquent, un auteur comme Jean Bernier évoque lui aussi le pouvoir de la nature dans ce qu’elle a de plus sensuel. Son personnage se « consol[e] avec la nature » :

Il découvrait des gammes inconnues de sensations et un va-et-vient continuel courait entre elles et ses états d’âme. Rêves sensuels, désir des nuits ! Fierté des aubes ! Avant l’hébétement de la lumière dans sa force, l’alcool du soleil levant[18] !

L’Arcadie peut être vécue en temps de guerre ou évoquée en contraste. Elle apparaît toutefois aussi dans le souvenir. Fréquents sont les textes qui évoquent les souvenirs heureux de l’enfance. Le motif de la « verte campagne où je suis né » est d’un grand usage dans la littérature de guerre ; on le retrouve clairement chez Jean des Vignes-Rouges dont le protagoniste évoque « les chers paysages où son enfance s’était écoulée[19] ».

Certains écrivains vont néanmoins au-delà de la nostalgie d’une enfance qui s’est déroulée dans une nature accueillante. Jean Paulhan montre que la guerre l’oblige à repenser son rapport à la nature. Dans ses « souvenirs d’enfant (…la) nature, sur laquelle régnaient péniblement les paysans, [lui] avait laissé l’idée d’une vieille servante dont il faut suivre les habitudes compliquées, et volontiers malveillante ». La guerre change la perspective :

par l’égalité envers [la nature] où la guerre m’obligeait, j’obtenais aujourd’hui sa confiance : ainsi, descendant au rang d’un homme que l’on a condamné, l’on est surpris de le trouver riche de pensées et de sentiments. La dignité des animaux me frappait. Des corbeaux volaient avec cérémonie au-dessus de notre bois, ou bien s’abattaient dans les sentiers. Ils n’étaient ni familiers ni farouches, simplement ils ne nous fréquentaient pas. Quand je m’approchais d’eux, ils s’envolaient après quelques instants, sans hâte et ne marquant pas que j’en étais la cause[20].

Mais Le guerrier appliqué ne cherche pas à montrer une Arcadie heureuse. Paulhan analyse comment la nature le confronte à ce qu’il avait cherché à fuir auparavant :

J’avais eu longtemps pour désir de quitter la société — je veux dire les gens civilisés, le monde — et d’aller vivre aux champs, ou près des sauvages. Ou bien j’exigeais, pour rester, une prompte révolution. Ce rêve était commun à beaucoup de jeunes gens (qui espéraient trouver une plus grande liberté, et leur épanouissement dans une vie naturelle, en même temps qu’ils échapperaient aux contraintes sociales). Or, il venait pour moi de se réaliser, de manière exactement contraire à celle que j’attendais, parce que nous étions, dans cette nature, sous le coup d’une hostilité bien plus dangereuse que l’autre. Je sentais donc mes opinions un peu moquées[21].

L’expérience directe de la nature met fin à l’image idéalisée que le narrateur en avait, mais le vécu de guerre donne simultanément, par l’authenticité à laquelle il invite, une valeur plus grande encore à la nature. Le commentaire de Paulhan, sensible à l’ironie de sa propre situation, conduit ainsi à faire la transition avec la seconde catégorie d’images liées à la nature, celle de la robinsonnade.

La nature de robinsonnade

La guerre représente une forme d’exil forcé dans la nature. Les quelques kilomètres de terrain, parfois moins, qui forment le véritable front sont fréquemment présentés comme un pays étranger où le combattant échoue à la manière de Robinson sur son île. La référence au personnage de Defoe apparaît dès lors régulièrement. Alain fera revivre dans ses Souvenirs de guerre une période d’accalmie faite de « cabanes de roseaux et [de] la vie de Robinson[22] », une existence qu’il abandonnera avec regret. Une personnalité aussi différente que celle d’Ernst Jünger retrouve la même référence dans la description d’une demeure abandonnée, écrivant « je me trouvais comme Robinson[23] ». Élie Faure fera lui aussi le rapport entre sa situation aux armées et celle des exilés de ses lectures d’enfance, ceux de L’île mystérieuse de Jules Verne ainsi que celui de Defoe : « Je pense à Crusoë, le pauvre homme qui recommence par en bas l’effort des siècles, travaille le bois brut avec sa hache et son couteau[24] ».

La rupture avec la banalité quotidienne de la vie civile qu’avait provoquée la brusque mobilisation, la fin des contraintes, les activités propres à l’entraînement des troupes sont autant d’éléments qui contribuent à rappeler la condition de Robinson. La sainte face fera surgir des images ambiguës où la condition d’exilé et l’inconfort n’empêchent pas de profiter de la proximité avec la nature. Faure écrit :

J’habite au seuil d’un bois, à fleur de terre, au fond d’un étroit boyau ouvert dans l’humus luisant, une cagna faite en troncs de sapins qui sentent la résine. Une humidité pénétrante y moisit le cuir, y trempe les habits, y empêche le linge de sécher. […] Cependant j’y dors bien […] j’y goûte une allégresse singulière […] au réveil, de me sentir sous la forêt. (id.)

L’écrivain n’est jamais dupe et comme Paulhan il marquera un « retour ironique et cordial sur mes souvenirs qui trop s’attendrissent » (ibid., p. 220) : l’île de Robinson n’est pas le jardin d’Eden. Plus près de nous un écrivain comme Jean Echenoz moquera lui plus ouvertement encore les robinsonnades de la guerre quand il fait faire à Ravel le récit de « sa » guerre de 14 :

Un jour, son engin en panne, il s’était retrouvé livré à lui-même en rase campagne où il avait vécu tout seul une semaine en Robinson. Il avait profité de l’occasion pour transcrire quelques chants d’oiseaux ¾ ceux-ci, de guerre lasse, ayant fini par faire comme si de rien n’était, ne plus interrompre leurs trilles à la moindre explosion, ne plus se formaliser du roulement incessant des proches détonations[25].

Ravel joue ici avec grande finesse sur les clichés à travers lesquels la guerre se raconte, mais il rappelle aussi combien sont complexes les rapports que le Robinson des tranchées entretient avec la nature. Il existe une tension très nette entre les conditions de vie rudimentaires d’une part et le plaisir qu’il y a, de l’autre, à se trouver dans un environnement plus « authentique ». En dehors de l’obligation de faire la guerre, moins de contraintes pèsent sur le soldat que sur le civil, ce qui permet d’autres découvertes.

Similaire au monde de Robinson, l’univers colonial peut être objet de rêve idéalisé pour un combattant déçu par une modernité qui a conduit à l’industrialisation de la mort. Bardamu s’exile en Afrique, mais il en revient… dans tous les sens du terme. Quant au préparateur de Civilisation de Duhamel, il pensait lui aussi s’exiler :

J’avais pensé me retirer chez les sauvages, chez les nègres, mais il n’y a même plus de vrais nègres, maintenant. Tout ça monte à bicyclette et demande à être décoré… Je n’irai pas chez les nègres, nous avons tout fait pour les égarer […][26].

Les machines sont partout, elles ont envahi la planète entière et il n’existe plus de lieu où s’isoler. Les colonies, et la nature luxuriante que des écrivains comme les frères Tharaud s’efforcent de rendre n’offrent en définitive aucun refuge où vivre tel Robinson sur son île. Les belles pages de La randonnée de Samba Diouf qui décrivent la forêt tropicale et « l’avalanche de ses arbres gigantesques, qui se bousculaient avec violence afin d’atteindre la rivière[27] » évoquent des lieux qui peuvent à la rigueur convenir aux autochtones, mais l’homme blanc n’y a pas sa place.

La nature champêtre

La catégorie qui occupe le centre du tableau regroupe les images les moins marquées, celles mises en place par des écrivains que l’on voudrait nommer les plus « réalistes » si cette dénomination n’était, dans le contexte de la littérature de guerre, souvent synonyme de « naturalisme » et ne désignait pas fréquemment le gothique du champ de bataille. Il ne s’agit pas non plus de regrouper ici des attitudes « réalistes » d’auteurs terre-à-terre comme ce Paul Cazin qui notait « Quand on a vécu une semaine “au sein de la nature”, n’ayant qu’un mur de pierre et un trou boueux pour asile, on sait ce que vaut une maison […][28] ».

Pour se faire une idée des images d’une nature champêtre, l’on lira plutôt La boue des Flandres de Max Deauville :

La tranchée est creusée dans la digue de l’Yser, et comme elle n’a subi que de rares et maigres bouleversements, elle présente encore les caractères qu’elle possédait en quatorze. Il ne faut pas chercher là ces amas de sacs, ces poutres de soutènement, ces abris tapis dans les échardes et les débris. Il ne faut pas y chercher les traces de ce travail désespéré, de cette lutte contre l’ennemi, contre la boue et contre l’eau. La digue verte serpente élégamment le long de la rivière. À un certain endroit un barrage maintient le niveau de l’eau dans les prairies d’alentour. Il laisse s’écouler des cascades blanches dont le bruit harmonieux et monotone chante agréablement dans le silence. Les hauts peupliers dressent leur silhouette élégante le long du chemin de halage[29].

L’écrivain, qui est un des meilleurs peintres de la littérature de la Grande Guerre, évoque la guerre en creux tout en montrant le paysage flamand intact. L’on notera que rester au plus près de la nature environnante n’exclut évidemment pas le travail sur l’écriture. On le voit aussi chez Maurice Genevoix quand il décrit la Woëvre « vaste comme la mer et vivante comme elle » :

Des étangs pâles, qu’une buée fine dépolit, semblent une frange d’écume laissée par la caresse des vagues : longues vagues bleues qui moutonnent au loin, jusqu’à des aériennes collines entr’aperçues à la limite du regard, baignées du ciel, flottantes sur l’horizon comme la silhouette d’une autre terre. A travers l’étendue des bouquets d’arbres émergent, pareils à des îlots luxuriants : des routes s’allongent, blancs sillages. Quand on les suit des yeux, on découvre bientôt des pointes de clochers qui s’effilent, aiguës comme des mâtures de voiliers. Les têtes rondes des saules, sur la brume exhalée des rivières, ont l’air de grosses bouées qui dérivent. Lointaines, des fumées glissent, étirées sur la fuite d’invisibles steamers[30].

Chez Deauville ou chez Genevoix ces descriptions ne servent aucune cause, il s’agit pour chacun de ces écrivains de donner à voir le paysage dans lequel se déroulent les combats. Il en va autrement chez Adrien Bertrand dont L’appel du sol, fidèle au programme de son titre, part de l’attachement à la terre pour justifier l’engagement dans la guerre. Les meilleures descriptions du roman ne recherchent pas l’effet, ainsi cette vue sur un coteau :

Le village de Vassinville, sur le flanc d’un coteau, descend jusqu’à la rivière. Une centaine de maisons blanches autour de l’église, le long du cours d’eau. Alentour, des champs de betteraves, quelques vignes, des houblons mûrs sur leurs perches, des vergers dont les arbres plient sous le poids des mirabelles d’or[31].

Mais Bertrand utilise ses paysages pour développer le point de vue d’un de ses protagonistes pour qui les hommes font en réalité partie du sol, « comme les hêtres de la forêt voisine et comme l’eau qui courait dans le vallon » :

Ils obéissaient moins à l’appel de leur conscience, aux arguments de leur amour et de leur raison qu’à la voix de cette terre et de ce ciel, qui leur avaient servi de berceau et leur serviraient de sépulture. Ils étaient un peu de la France comme sa glèbe et comme ses moissons. Aux fleuves de couler indéfiniment comme l’histoire d’un peuple, aux arbres de développer à chaque printemps leur frondaison nouvelle, aux générations qui se suivent d’être les gardiennes sacrées de la Patrie.

ibid., p. 187

Ce second extrait ne correspond plus au modèle du paysage champêtre ; la description de la nature n’est plus ici une manière de donner à voir les lieux aux lecteurs, c’est l’occasion d’une métaphore chargée d’idéologie. Les lecteurs n’adhèrent plus aujourd’hui à ce type de rhétorique mais il ne fait aucun doute que le succès de Bertrand, et son mérite — car son livre n’est pas dépourvu de qualités — est d’être parvenu à camper un paysage réel avant de tisser sa métaphore nationaliste. Les premiers passages gardent tout leur intérêt alors même que les seconds ne sont plus recevables aujourd’hui.

L’on aura évidemment noté que si la part « naturelle » du paysage est incontestable, et que c’est elle qui donne une espèce d’élan vital dans la dernière citation, c’est en premier lieu vers la terre cultivée que se portent les regards. Ce n’est pas une nature vierge qui est mise en exergue par la littérature de la Grande Guerre, mais une nature rurale, champêtre qui témoigne des travaux de la terre. C’est la valeur agricole de la nature qui prime et le contraste se suggère donc volontiers par référence à un paysage de cultures qui était celui de l’immédiat avant-guerre. Regretter la nature, c’est regretter les terres cultivées par l’homme ; on le vérifié chez Jean des Vignes-Rouges :

A droite et à gauche de la route, le classique paysage du front s’étalait : champs piétinés, haies arrachées, clôtures renversées, arbres brisés, moissons abandonnées, prairies foulées. Pays terrible et rude qui semble être une victime des hommes. La nature, ici, n’a pas le droit de vivre ; dès qu’une herbe pousse, une multitude lui passe dessus sauvagement[32].

Rares sont à l’époque ceux qui considèrent les blessures qu’inflige la guerre par référence à la nature elle-même plutôt qu’en pensant au travail des hommes. Partant de ce constat, il serait particulièrement intéressant de voir si dans la production d’aujourd’hui la place de la nature cultivée est toujours aussi importante ou si les fictions récentes argumentent encore en faveur d’une nature plus sauvage en soulignant, par exemple, des critères esthétiques ou environnementaux différents. Un roman comme Dans la guerre nous pousse à envisager effectivement un changement de perspective, qui correspond d’ailleurs à une éthique nouvelle soucieuse de placer l’homme dans la nature et pas au-dessus d’elle. Ainsi, quand Alice Ferney écrit : « L’homme ne régnait pas sur les bêtes, il partageait le monde avec elles[33] », elle trahit une sensibilité qui correspond davantage à notre univers contemporain qu’à celui des paysans de 14.

La nature primitive

En regard des robinsonnades, de l’autre côté de l’axe médian, figurent les images que l’on peut rattacher à une nature primitive, voire au primitivisme tout court. Alors que la confrontation avec la nature est intégrée dans le premier cas et que l’expérience est considérée globalement de manière positive, les personnages subissent la nature dans le second cas : ils font l’expérience d’une véritable régression.

À l’évidence, la préhistoire est conviée dans les textes en raison de l’environnement naturel et de la manière dont les soldats s’affublent de lainages et de peaux pour se protéger des rigueurs du climat. Un des passages les plus explicites figure dans Le Feu de Barbusse où la découverte fortuite d’une « hache ancien modèle […] une pierre pointue emmanchée dans un os bruni » donne lieu à la scène où un homme « brandit sa hache d’homme quaternaire et semble lui-même un pithécanthrope affublé d’oripeaux, embusqué dans les entrailles de la terre[34] ».

Le paysage se fait menaçant et se peuple d’êtres étranges, comme chez Deauville qui métamorphose un canon en bête préhistorique :

un animal étrange […] ramassé à la gueule bêtement ouverte, peint d’écailles jaunes et vertes aux angles irréguliers, lézard difforme, carré, échantillon nouveau des races préhistoriques renaissant dans le chaos[35].

Devant un paysage de neige au clair de lune, pareil à une « aurore boréale », le protagoniste de Gabriel Chevallier pense lui à son rôle comme gardien de la Patrie. Si justification il y a aux peines endurées, elle est dans cette position de défenseur : « Je dois redevenir homme des cavernes et contribuer à l’assouvissement des appétits de ma horde[36] ». Mais l’on perçoit parfaitement à la lecture de cette page que La peur n’envisage pas avec sérénité ce retour vers un passé préhistorique : le personnage vit cette expérience comme une véritable humiliation et une défaite.

L’évocation de la préhistoire est amenée par association : la guerre place le combattant dans un état naturel où il est démuni, immergé dans un paysage hostile et violent. Il convient d’observer néanmoins que cette violence « primitive » n’est pas nécessairement connotée de manière négative. A l’occasion d’une attaque le narrateur de La comédie de Charleroi dit : « J’aurais voulu me mettre nu[37] », par où il faut comprendre qu’il marque le désir d’être au plus près d’une violence originelle qui met l’homme directement aux prises avec l’ennemi. L’image du corps à corps primitif permet à Drieu La Rochelle, qui méprise la guerre technique et ses armes modernes donnant la mort à distance, de dénigrer une guerre qu’il considère comme dénaturée parce qu’elle ne permet plus l’expression de l’héroïsme véritable.

La nature d’apocalypse

Il n’est sans doute pas nécessaire de s’attarder longuement à cette dernière catégorie d’images tant la thématique de l’apocalypse est traditionnellement liée à la littérature de guerre[38]. Dans Une relève les frères Tharaud décrivent un village où « pas un mur ne s’élève plus haut que ceux d’Herculanum ou de Pompéi » : un inquiétant oiseau, « excité par la seule vue du ravage[39] », y chante. Aucune opposition toutefois ici entre des trilles mélodieux qui rappelleraient le bonheur dans la nature et l’horreur présente :

Si dans les temps qui viendront, un Berlioz inconnu veut exprimer par la musique le désespoir de ce village […] qu’il n’oublie pas de faire entendre, au milieu de sa symphonie, entre le fracas du canon et le silence de la douleur, le cri grinçant de cet oiseau !

ibid., p. 193

« L’oiseau des ruines », qui donne son titre au récit, chante à l’unisson de l’apocalypse. Tout lecteur sait aussi que malgré un titre qui promet « le feu », l’ouvrage de Barbusse crée un univers apocalyptique qui est d’abord fait d’eau. L’idée de déluge est constamment reprise dans ce roman qui multiplie les paysages sous la pluie, l’évocation des fondrières et des torrents de boue. A l’inverse, l’image des « lendemains qui chantent » en appelle à la nature : l’ouverture du Feu se faisait déjà sur un paysage alpin et dans Paroles d’un combattant Barbusse, devenu communiste, écrira : « La seule voix humaine qui s’harmonise avec la nature elle-même, la musique pensante de l’aube et de soleil, c’est le chant de l’Internationale[40] ».

Les pacifistes ne sont toutefois pas les seuls à avoir recours aux images apocalyptiques. Elles peuvent d’ailleurs servir une autre fonction que celle d’épouvantail et on les retrouve aussi chez les écrivains les plus bellicistes. Certains mettent avec exaltation la nature au service de la victoire, ainsi Joseph Delteil qui à la fin des Poilus évoque une sorte d’apocalypse de la victoire s’abattant sur les Allemands : « La nature escorte la France. La terre tourne dans le sens de Foch. Tout est simple, mûr[41] ».

Bien éloigné lui de toute idée de victoire, Drieu La Rochelle se montre fasciné par l’apocalypse : « Les modernes sont si loin de la mort, de la souffrance, de la nature. Or, la guerre, c’est une explosion de la nature : ces balles, c’est du minerai, sorti des entrailles de la terre, qui vous jaillit à la figure[42] ». Aucune mise en accusation de la guerre ici, mais une glorification de la violence originelle explicitement mise en rapport avec la nature. Une position similaire, mais plus outrée encore, s’observe chez Elie Faure :

La forêt, secouée jusqu’en ses racines, chante sous le vent des obus. Le canon est furieux de joie, il crie plus fort, ceux qui le servent ont des forces et des sens multipliés. [L’homme] ouvre des volcans, crée des orages, lance ou dompte des fleuves, emprunte à la nature, jusque dans le meurtre, ses plus magnifiques aspects[43].

Pour des auteurs comme Drieu et Faure, c’est dans l’apocalypse que l’homme retrouve la nature, l’expérience permet à leurs yeux de se trouver eux-mêmes, dépouillés de ce qu’ils considèrent comme une espèce de vernis déposé —et même « imposé » pourrait-on croire à lire leurs regrets — par la civilisation.

L’on voit bien ici encore que l’usage de certaines images ne révèle pas automatiquement la position de l’auteur. De même qu’un retour ironique sur des paysages d’Arcadie peut marquer la mise à distance d’une idéalisation sentimentale, faire surgir l’apocalypse n’équivaut pas nécessairement à condamner la guerre.

Perspectives

Au terme de cette esquisse de typologie je voudrais avancer quelques pistes de recherche que le travail entrepris ici pourrait encadrer. La question de la représentation de la nature dans la littérature qui s’inspire de la Première Guerre mondiale mérite en effet une étude approfondie, menée à travers un corpus qui dépasse les « classiques » maintes fois présentés abusivement comme représentatifs. Une meilleure connaissance de la manière dont les fictions de guerre ont fait place à la nature permettrait de mieux comprendre les enjeux idéologiques qui se sont joués pour la génération des anciens combattants. George Mosse, qui comme Paul Fussell s’est arrêté à l’image de la nature dans le cadre des représentations liées à la Première Guerre mondiale, note que l’ « appropriation de la nature s’est toujours appuyée sur la notion d’authenticité, par opposition à la modernité[44] ». Ses conclusions pour le domaine anglo-saxon, qui insistent sur la récupération de cet univers par la droite politique, valent vraisemblablement pour la France aussi. Toutefois, la situation particulière reste à examiner et à mettre en carte de manière détaillée.

Un travail d’ensemble permettrait aussi de comprendre pourquoi et comment l’héroïsme, qu’après 14-18 le roman ne pouvait plus dire sur le champ de bataille, a trouvé à s’exprimer dans des (sous-)genres qui font à l’élément naturel une place essentielle. Rappelons-nous que les années 20 et 30 sont celles qui voient en France la formation d’un auteur comme Roger Frison-Roche : Premier de cordée ouvre en 1941 une longue série de romans de montagne et de désert dont l’influence ne sera pas négligeable. Des romans comme ceux de Joseph Peyré, d’Henry de Monfreid, de Joseph Kessel ou d’autres vont camper des personnages aux prises avec une nature inviolée : montagne, mer, désert ou brousse.

Le débroussaillage du champ opéré invite à explorer les romans plus en détail, en tenant compte de la manière particulière dont chaque texte fait surgir l’environnement naturel. Dans une perspective plus strictement poétique, il serait précieux de pouvoir disposer d’un inventaire des techniques et des enjeux liés à la représentation de la nature. Ces questions ont certes déjà été abordées chez les auteurs pacifistes les plus célèbres, de Barbusse à Céline, mais l’information reste néanmoins des plus éparse et, faute d’étalon, il demeure difficile de comparer. S’ajoute à cela qu’un grand nombre de romans, à commencer par ceux qui souffrent du désamour que leur vaut l’étiquette de « nationaliste » ou de « patriotique », restent en outre largement inexplorés.

Des enseignements importants se dégageraient aussi d’une comparaison entre les images de la nature telles qu’elles apparaissent pendant et au lendemain du conflit et celles qui surgissent dans l’abondante littérature qui revisite aujourd’hui 14-18. Depuis 1980, en effet, plus de cent trente romans donnent à la Grande Guerre une place centrale : croiser les corpus nous renseignerait à la fois sur les procédés littéraires majeurs et sur les sensibilités spécifiques à chacune des époques. Une première confrontation laisse penser que l’influence du Grand troupeau de Jean Giono sur la production de ce début de XXIe siècle a été considérable, vraisemblablement parce que la construction même de ce roman permet de dire à la fois la détestation de la guerre et l’amour pour la nature[45].

Cette juxtaposition particulière, variation sur le paradigme du « chemin de fer qui court dans un site de montagne », séduisait le lecteur au lendemain de la Grande Guerre ; elle garde aujourd’hui toute sa force dans nos sociétés éprises à la fois de pacifisme et d’écologie. Son succès durable nous oblige à prendre la mesure d’une évidence, mais qu’il est bon toutefois de rappeler : la nature, comme la guerre d’ailleurs, relève d’un construction culturelle, à laquelle participent aussi les oeuvres de fiction.