Corps de l’article

Introduction

La publication des résultats de recherche est l’aboutissement d’un long processus de réflexion et d’actions qui comprend principalement le ressourcement théorique, les choix méthodologiques, la collecte et l’analyse des données, ainsi que l’interprétation des résultats. Elle passe par une étape très importante, la rédaction scientifique, reconnue comme complexe et ponctuée de défis de divers ordres, notamment cognitif et affectif. Les défis s’avèrent encore plus difficiles à surmonter pour les futurs chercheurs qui s’initient à cette aventure, étant donné qu’ils disposent de peu d’écrits explicitant comment bien la mener (Carter et Laurs, 2018). Par conséquent, le fait que des chercheurs établis leur offrent un encadrement planifié et rassurant est considéré comme un moyen indispensable à mettre en place, notamment dans les programmes de doctorat (Sword, 2018). C’est dans ce but qu’a été instaurée la démarche d’encadrement que nous décrivons ici. Cette démarche est le résultat d’un long processus de réflexion débutant par l’étape de la planification qui consistait à intégrer de façon optimale trois stratégies d’encadrement : l’observation d’un chercheur en situation de rédaction scientifique (Silvia, 2018) (stratégie 1), le partage des réflexions sous-jacentes à chaque étape du processus rédactionnel (Sword, 2018) (stratégie 2) et l’implication active des futurs chercheurs (Nielsen et Rocco, 2002) (stratégie 3) lors du processus d’encadrement.

Étape de la planification

L’intégration planifiée des trois stratégies d’encadrement a donné lieu à une démarche comportant une rencontre préliminaire et dix rencontres de travail. La planification prévoyait également les tâches à accomplir par chaque auteure dans l’intervalle entre les rencontres. Ainsi, la première auteure devait rédiger une section de l’article, alors que les futures chercheures devaient lire des articles d’auteurs chevronnés dans le domaine de la recherche cible (stratégie 1) choisis par la première auteure. Cette tâche leur permettrait non seulement de dégager les éléments de contenu essentiels à chaque section de l’article scientifique, mais aussi de repérer des choix de style d’écriture scientifique d’auteurs reconnus (stratégie 1). En même temps, ces connaissances leur seraient nécessaires pour alimenter leurs rétroactions quand elles seraient invitées à commenter les sections rédigées (stratégie 3).

Selon la démarche planifiée, chaque rencontre était ponctuée d’échanges où la chercheure établie partageait son processus de réflexion et de rédaction pour chacune des sections de l’article (stratégie 2) et les futures chercheures faisaient part de leur compréhension des lectures effectuées dans l’intervalle entre les rencontres. Ces échanges leur permettaient de s’approprier les rouages du processus de rédaction scientifique par une double perspective : celle du scripteur en ayant accès au processus de rédaction de la première auteure et celle du lecteur en ayant accès au produit de la rédaction, soit les articles modèles suggérés à lire ou l’article en rédaction (stratégie 1). Les rencontres se terminaient avec la répartition des tâches pour la prochaine rencontre. Les futures chercheures devaient, entre autres, lire et commenter la section présentée. En revanche, la première auteure poursuivait avec la rédaction d’une nouvelle section de l’article. Préalablement, elle devait intégrer des modifications aux sections commentées par les coauteures. À cet effet, les rencontres débutaient par le retour détaillé sur les modifications apportées à partir d’extraits laissés en mode révision dans la version plus récente du manuscrit (stratégie 3).

Étape de la mise en place

La mise en place de la démarche d’encadrement a dépassé la planification initiale à divers égards. L’implication de plus en plus importante des futures chercheures dans le processus de rédaction a mené à de nombreux ajustements. Ainsi, pour assurer l’actualité de l’article, la deuxième auteure s’est proposé de repérer les articles des deux dernières années portant sur le sujet de l’article. Elle a également été encouragée à construire une grille de vérification pour valider le respect des règles rédactionnelles de chacune des sections de l’article. De même, la troisième auteure devait répertorier des revues scientifiques où l’article serait soumis, afin de vérifier les exigences formelles de la revue. À la suite des échanges sur l’importance du style d’écriture dans la rédaction scientifique, il a été conseillé aux étudiantes de prendre des notes sur le style d’écriture dans leurs fiches lors de la lecture des articles, notamment des tournures de phrases accrocheuses ou des moyens assurant la cohérence et la fluidité dans un article.

Pour une description plus détaillée de la démarche d’encadrement et de l’intégration des trois stratégies dans ce processus, le tableau 1 présente le contenu de chaque rencontre.

Tableau 1

Contenu des rencontres de la démarche d’encadrement et intégration des stratégies ciblées dans le contexte de rédaction scientifique

Contenu des rencontres de la démarche d’encadrement et intégration des stratégies ciblées dans le contexte de rédaction scientifique

* Stratégie 1 : Observation d’un chercheur en situation d’écriture ;

Stratégie 2 : Partage des réflexions sous-jacentes à chaque étape du processus rédactionnel ;

Stratégie 3 : Implication active des futurs chercheurs.

** La répartition des tâches avait lieu à la fin de chaque rencontre. Pour alléger le texte, cet élément n’est plus répété dans le tableau.

*** La structure des rencontres suivantes est la même. Pour alléger le texte, nous préciserons seulement la nouvelle section présentée par la PA.

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Étape de l’évaluation

Étape importante de l’implantation d’un moyen pédagogique, l’évaluation de la démarche a permis de constater qu’elle a été vécue positivement par les trois auteures. Aussi ont-elles jugé nécessaire de dégager les conditions gagnantes de sa mise en place et de les porter à la connaissance de ceux et celles qui désirent entreprendre une telle démarche. Ainsi, une première condition gagnante serait d’établir un échéancier réaliste qui permettrait à chacun des auteurs de réaliser convenablement et avec minutie les tâches prévues. Par exemple, la tâche de lecture d’un article scientifique pour en dégager les éléments essentiels et les choix de style d’un auteur prolifique s’avère très exigeante pour un futur chercheur, d’autant plus s’il s’agit d’une première expérience. Par conséquent, être à l’écoute et ajuster l’échéancier selon les besoins des futurs chercheurs sont essentiels pour assurer les apprentissages attendus dans une démarche d’encadrement. Pour des raisons d’espace, les retombées sur les plans affectif et cognitif font l’objet de la chronique La rédaction scientifique à plusieurs mains: retombées sur les plans affectif et cognitif d’une démarche d’encadrement de futures chercheuses qui sera publiée au prochain numéro de la revue Formation et profession.

En guise de conclusion, nous souhaitons souligner la nécessité d’encadrer les futurs chercheurs lors du processus de rédaction scientifique en raison de ses nombreux défis. Si diverses stratégies d’encadrement sont proposées dans la littérature, notre expérience nous a convaincues que la démarche intégrant les stratégies de l’observation d’un chercheur expérimenté lors du processus de rédaction, du partage de son expérience et de l’implication active des futurs chercheurs dans le processus rédactionnel est une piste très prometteuse. L’intégration planifiée de ces stratégies dans une démarche d’encadrement, l’écoute attentive des besoins des étudiants et l’encouragement de leurs initiatives tout au long de la démarche sont des conditions gagnantes de sa mise en place. Évidemment, cette démarche profitera d’autant plus aux étudiants qu’elle tiendra compte de la dynamique de chaque équipe d’auteurs impliqués dans la rédaction de l’article scientifique.