Corps de l’article

Une pluralité d'expressions du deuil est apparue, comme l'analyse la sociologue Karine Roudaut (2012). Deuil qui n'est plus nécessairement relié au rituel religieux, mais s'exprime aussi dans des espaces profanes. Des expressions publiques de deuil avaient déjà bien sûr lieu avant la démocratisation d'Internet, notamment dans le cas de décès violents et médiatisés (accidents, attentats, assassinats), pour des personnalités célèbres ou non. Ces témoignages (fleurs, bougies, messages, peluches) avaient lieu essentiellement sur les lieux du décès ou au lieu de résidence dans le cas d’une personne célèbre. L'apparition des réseaux sociaux numériques et des plateformes de microblogage au début des années 2000 (Myspace 2003, version publique de Facebook et Twitter en 2006) et d'applications mobiles spécifiquement créées pour les téléphones intelligents (WhatsApp en 2009, Instagram en 2010, Snapchat en 2011, etc.) a rajouté une possibilité de lieux de mémoire qui s'apparentent à un espace public ou semi-public (selon les choix de publication de celui qui publie et partage textes et images).

Exprimer son deuil à l’ère des réseaux sociaux numériques

Les réseaux sociaux numériques et les plateformes de microblogage ont permis d'élargir ce processus d'expression à un ensemble de personnes qui ne se connaissent pas nécessairement. Par le passé, ce n'était que lors des obsèques que l'on pouvait exprimer sa compassion aux proches du défunt, éventuellement aussi en écrivant dans un livre de condoléances ou en s'adressant à la famille. Des cimetières virtuels existent depuis très longtemps sur Internet (listes de victimes, pages mémorielles, etc.), mais les réseaux sociaux numériques ont ajouté des possibilités d'interactivité et de participation des lecteurs.

Bryan Carroll et Katie Landry (2010) mentionnent déjà l'utilisation de comptes Myspace comme lieux de mémoire pour les défunts, bien avant l'apparition de la version publique de Facebook en 2006. Les internautes « détournaient » les profils de défunts pour en faire des lieux d'expression du deuil. Ils remarquent aussi que Myspace rend visible une communauté centrée sur le défunt dont les membres, pour beaucoup, ne se connaissent pas entre eux car appartenant à des sphères distinctes de la vie du défunt. Chacun ayant des souvenirs différents à propos du défunt. Avec la mondialisation, l'éclatement des sphères d'appartenance, les familles ne sont plus à même de connaître tous les amis, connaissances et collègues du défunt. La famille ne suffit donc pas pour contacter toutes les personnes qui connaissaient le défunt. C'est probablement pourquoi les réseaux sociaux numériques ont été rapidement utilisés à cette fin, notamment par les amis des défunts. Par ailleurs, la plasticité même offerte par ces réseaux permet à chacun, selon ses besoins, d'individualiser sa façon de faire le deuil, de l'exprimer. Cinq thèmes apparaissaient de façon récurrente dans les messages analysés (Carroll et Landry, 2010) : des symboles de peine ou de tristesse, l'expression d'admiration pour le défunt, des demandes d'aide au défunt (à la manière de prières), des « biographies » partielles du défunt, des évocations de ses valeurs ou croyances. Carroll et Landry constatent que dans la plupart des messages biographiques, l'auteur se met en avant comme une personne importante dans la vie du défunt. Ce qui peut générer des difficultés, les participants cherchant chacun à montrer ses liens privilégiés avec le défunt. McEwen et Scheaffer constateront en 2013 un phénomène similaire sur les pages Facebook de défunts. En ce sens, c'est comme si l'histoire du défunt se réécrivait au fil des billets (posts) et des révélations de ses différents amis. Carroll remarque une tension possible entre la volonté de montrer sa proximité avec le défunt, son histoire commune et les objectifs communautaires et rassembleurs de ces sites. Ces narrations proposent une sorte de « mémoire publique » composée de multiples témoignages, anecdotes et, en général, aucun des participants ne connaissait l'ensemble des éléments qui ont été partagés.

En 2009, Facebook lance de nouvelles fonctionnalités, sous forme de suggestions automatiques invitant à contacter tel ou tel ami. Cela crée un nouveau problème, car de nombreux profils en ligne appartenaient à des personnes défuntes et les internautes recevaient des suggestions de contacter ces profils de personnes décédées. Facebook demande alors que les décès soient annoncés afin d'identifier ces profils. Deux options sont offertes : soit la suppression du profil, soit sa transformation en page de commémoration. Ce statut de « compte de commémoration » (memorial) permet de conserver la page d'un internaute décédé avec la mention « en souvenir de… ». Seuls ses amis Facebook y ont accès. Voici comment Facebook présente l'objectif de ces comptes : « Les comptes de commémoration permettent aux amis et à la famille de se réunir et de partager des souvenirs après le décès d’une personne. Transformer un compte en page de commémoration permet également de le sécuriser en empêchant n’importe quel utilisateur d’ouvrir une session à l’aide de celui-ci. »[1] En effet, un enjeu de sécurité est également présent, celui de protéger les données personnelles du défunt afin d'éviter que d'autres personnes puissent y accéder ou publier des messages en son nom.

Toute personne amie ou membre de la famille peut demander que le compte soit transformé. Pour cela, il est nécessaire de signaler le décès à Facebook en fournissant une preuve (nécrologie en ligne, avis de décès). Le titulaire du compte peut faire savoir à l’avance à Facebook s’il souhaite que son compte soit supprimé ou qu’il soit transformé en compte de commémoration à son décès. Si l'internaute désigne à l'avance une personne comme légataire, cette dernière pourra continuer à administrer partiellement le compte du défunt (cette possibilité a été temporairement supprimée en 2014, puis rétablie ; les conditions d'utilisation de Facebook changent régulièrement). Le légataire peut ajouter des messages sur la page mémorielle (mais il ne peut pas supprimer les anciennes publications) et accepter de nouvelles personnes comme « amis » du défunt (mais pas en supprimer). Il n'a pas accès aux anciens messages privés du défunt et ne peut pas non plus envoyer de messages en son nom. Mais dans de nombreux cas, les décès ne sont pas annoncés à Facebook et le compte n'est pas transformé en compte de commémoration. Les internautes continuent ainsi souvent à accéder au journal du défunt pour publier et partager, en s'adressant directement au défunt ou à ses proches.

Ouvrir le deuil ?

Le deuil prend ainsi une dimension communautaire, et plus seulement familiale. Les amis et contacts peuvent continuer de s'adresser au défunt ou à sa famille via sa page Facebook. En général, il y a de très nombreux messages (témoignages de soutien, d'amitié, de compassion) juste après le décès. La plupart de ces messages s'adressent aux proches (sa famille, ses enfants), dont les « amis » Facebook ne possèdent pas toujours les coordonnées. Après quelques semaines, les messages diminuent, mais on constate souvent une recrudescence de messages lors des dates anniversaires, et cela parfois plusieurs années après le décès.

Chacune des personnes publie assez peu de messages et les textes sont plutôt courts. Parfois des photos du défunt rappellent des événements heureux du passé, et les textes racontent brièvement certains souvenirs. Ils sont ponctués de « J'aime » provenant des autres internautes qui en ont fait la lecture. Certaines personnes se limitent à publier des émoticônes indiquant la tristesse.

Parfois les membres de la famille publient également des messages adressés aux internautes, soit pour les remercier, soit pour donner des informations pratiques : lieu des funérailles et de la sépulture (en indiquant parfois le lieu avec les coordonnées GPS, lorsqu'il ne s'agit pas d'un cimetière).

On constate plusieurs différences avec le livre de condoléances classique : on ne s'adresse pas seulement à la famille, mais aussi à l'ensemble des amis et des contacts du défunt, dans une sorte de communauté virtuelle composée de ceux qui ont connu le défunt dans les multiples sphères de son existence (professionnelle, loisirs, famille, politique, etc.). Il n'y a pas non plus de limite temporelle pour la publication de ces écrits, qui peuvent être consultés à volonté.

Quels peuvent être les motifs de ceux qui écrivent des messages sur ces pages en ligne ? L'effet de partage, c'est-à-dire le fait de lire que d'autres sont aussi touchés, notamment lors de morts violentes (accidents) ou prématurées peut avoir quelque chose de rassurant. Même si on ne les connaît pas, on voit que l'on n’est pas le seul à avoir de la difficulté à accepter les événements. Par ailleurs dans le cas de morts inattendues, les amis et les proches n'ont souvent pas pu se préparer au décès, ni même l'imaginer. Ils n'ont pas pu dire au défunt ce qu'ils auraient voulu exprimer avant son décès. Il y a donc un manque : dire adieu à la personne, témoigner de ses sentiments, ses regrets, etc. La page virtuelle va parfois servir à cela, comme un substitut de la dernière rencontre qui n'a pas eu lieu.

On pourrait imaginer que ces pratiques en ligne contribuent à l'isolation des personnes endeuillées. Mais cette solitude s'avère en même temps publique, puisqu'elle est partagée dans un lieu de visibilité. En ce sens, on se situe dans une zone floue, entre l'intime et le public. Car le contenu des messages est parfois très personnel, ce que favorise le mode de communication asynchrone et à distance. Les internautes ont même souvent des pseudonymes sur leur compte Facebook. On s'approche de ce que Serge Tisseron (2011) appelle l'« extime » : cette intimité exposée publiquement dans les nouveaux médias par des textes, images, vidéos. Il explique ces nouvelles pratiques qui visent à exposer des éléments de son intimité (images, sentiments…), non par une volonté d'exhibitionnisme, mais par un besoin de se rassurer sur ses perceptions, de recevoir une approbation extérieure : « Il est pour nous le processus par lequel des fragments du soi intime sont proposés au regard d’autrui afin d’être validés. Il ne s’agit donc pas d’exhibitionnisme, l’exhibitionniste est un cabotin figé qui se complaît dans un rituel figé. Au contraire, le désir d’extimité est inséparable du désir de se rencontrer soi-même à travers l’autre et d’une prise de risque. » (Tisseron, 2011, p. 84-85) Tisseron analyse ce phénomène qui consiste à montrer des éléments très personnels sur les réseaux sociaux comme une recherche d'empathie relationnelle : « L’empathie relationnelle, elle, engage autrement l’intimité. Elle consiste à rendre visible une partie de soi à condition que l’autre rende visible une partie de lui d’une manière dont la pratique du peer to peer constitue la métaphore. » (2011, p. 29)

L'expression de l'empathie s'avère très explicite sur ces sites ; elle s'adresse autant à la famille du défunt, aux proches, qu'à ceux que l'on ne connaît pas. Elle peut autant se manifester par des messages que des émoticônes. Mais il ne s'agit pas du même type d'intimité partagée que celui ou celle qui partagerait des photos intimes. Dans le cas d’un « mémorial » en ligne, la notion de risque évoquée par Tisseron est moins présente que dans d'autres contextes. En effet, celui ou celle qui expose ses émotions sur la page d'un défunt s’attend à ce que les autres amis ou connaissances du défunt partagent les mêmes émotions. Il n'y a pas de jugement négatif ou critique vis-à-vis de ce qui est exprimé, mais plutôt une forme d'unanimité ou de soutien envers les endeuillés. Cette forme d'extimité s'avère ainsi bien différente de ce que l’on trouve parfois sur des sites comme Ask.fm – très populaires auprès des adolescents – où la personne peut s'exposer et poser des questions sur ce que les autres pensent d’elle, notamment de son physique. L'extimité n'a pas ici la fonction de contribuer à améliorer l'estime de soi, de se rassurer sur son apparence, ses capacités de séduction, etc. Exprimer ses sentiments relève plutôt de la recréation de lien social symbolique. Symbolique, car nombre des internautes qui partagent sur ces sites ne se connaissent pas et ne se rencontreront probablement jamais. Mais témoigner de son chagrin, de sa tristesse, voire de sa révolte, même en s’adressant à des inconnus, peut s'avérer très important dans le processus de deuil. Cela permet d'agir ; même si c'est dans le monde numérique, cette action n'est pas virtuelle. C'est un témoignage, qui est fait devant d'autres personnes.

On pourrait même dans certains cas parler de construction collective d'une mémoire, mais à la différence des commémorations orchestrées par une autorité, il n'y a pas de coordinateur qui met en place et gère les actions commémoratives, qui invite, rassemble ou produit un discours uniforme. Le fonctionnement des réseaux sociaux numériques permet une sorte d'auto-organisation où chacun ajoute une pierre à l'édifice : photo, texte, témoignage, émoticônes, etc. À la différence des commémorations, le temps se trouve également éclaté : chacun va au moment voulu, et à l'heure choisie, déposer son message. L'asynchronicité que permettent ces réseaux sociaux facilite l'expression de chacun. Selon Carroll et Landry (2010), cette forme d'expression de la tristesse sur les réseaux sociaux numériques permettrait à ceux qui n'ont pas ou peu accès aux formes traditionnelles d'expression du deuil (notamment les enfants et les adolescents, les amis) de prendre part davantage au faire mémoire et avec leur propre façon de s'exprimer.

Selon Walter (2015), les réseaux sociaux numériques seraient à la fois une opportunité pour exprimer plus librement ses sentiments, mais en même temps ils véhiculeraient une forme de normativité quant à la façon de faire son deuil et de s'exprimer. Il rapproche cette façon d'exprimer son deuil publiquement des pratiques de l'époque pré-industrielle où la mort était davantage intégrée dans la vie publique, dans une sociabilité plus large que le cercle familial.

Créer une page Facebook suite à un décès

Se répand également la pratique qui consiste non pas à utiliser le compte du défunt, mais à créer une page Facebook qui lui est dédiée (par exemple la communauté Marion et Anna, deux jeunes femmes tuées à Paris le 13 novembre 2015). Sur la page créée par Aurélie, une de leurs amies blessée lors de l’attentat, les internautes publient des messages, des commentaires et ils partagent des images, des dessins humoristiques ; on y trouve aussi des créations (dessins, photos) réalisées par les victimes avant leur décès. Plus de 3000 personnes se sont inscrites sur cette page peu après les attentats.

Un groupe Facebook comme celui créé par Aurélie peut être examiné à partir des caractéristiques décrites par Gallant et al. (2007) pour définir les communautés en ligne (hiérarchie sélective, construction de l'identité, avantage et coût de la participation, interactivité, inclusion/exclusion).

Le concept de hiérarchie sélective décrit une structuration des échanges et des rôles qui se produit parfois dès l'apparition d'un groupe, mais le plus souvent les rôles se construisent peu à peu. Dans les sites de commémoration, les internautes peuvent jouer au moins deux types de rôles : il y a ceux qui reçoivent les messages de condoléances (proches, famille, conjoints, etc.) et ceux qui publient les messages de condoléances. Les proches remercient d'ailleurs souvent ceux qui déposent des messages, des témoignages. La fonction du livre de condoléances semble bien préservée par la structure des échanges : les internautes tentent de réconforter les proches, de leur apporter un soutien.

Concernant la construction d'identité, ce sont les proches et amis du défunt qui continuent à construire son identité sociale. Tout particulièrement dans le cas d’une mort violente ou inattendue, l'image du défunt est mise à mal par les événements. De nombreux messages visent à rendre son intégrité à un défunt dont le corps a parfois été entièrement défiguré ou détruit (accidents, attentats). Les images du passé visent aussi à restaurer ce qu'était la personne, avant que l'événement tragique ne survienne.

Mais ceux qui publient des messages de condoléances réaffirment aussi d'une certaine manière leur propre identité. En général, ils expriment de la douleur, du chagrin ou leur indignation lors d'événements tragiques. Cela leur permet aussi de réaffirmer une identité relationnelle : en tant que faisant partie des amis du défunt, mais aussi en se préoccupant d'autrui, en exprimant de la compassion, on se resitue au sein de la société, comme un membre relié aux autres, comme membre d'une communauté de sentiments et souvent de valeurs.

Quels sont les avantages et les coûts de l'appartenance à une communauté en ligne ? Aucune contrainte ne pèse sur les participants à ces sites ; chacun peut quitter la page lorsqu'il le souhaite. Il est possible d’y participer en son nom ou anonymement, sans inscription ni transmission de données personnelles. Il n'y a pas d'autres contraintes pour intervenir dans ces communautés que d'avoir un compte Facebook et de respecter le style de site, à savoir, le contrat de communication implicite. Contrat que l'on pourrait déduire des pratiques : publier des messages respectueux des victimes, ne pas dévoiler des éléments trop intimes concernant les victimes (sujet délicat, car l'interprétation de ce qui est intime varie), etc. Le créateur ou gestionnaire de la page dépose en général au moins quelques éléments qui permettront aux internautes de réagir (surtout lorsque le site est public et que les internautes ne connaissent pas nécessairement le défunt) : photos, citations du défunt, réalisations, lien vers des vidéos parlant des événements, etc. La notion d'inclusion/exclusion n'apparaît pas pour le site créé à la mémoire de Marion et Anna, car le site est ouvert à tous, même à ceux qui ne connaissaient pas Marion et Anna.

Concernant le critère d'interactivité d'une communauté en ligne, on constate qu'il y a peu d'échanges sur ces sites. Les familles et les proches déposent des témoignages, des images, qui appellent peu de réponses, si ce n’est des commentaires qui manifestent de la compassion et soulignent la tristesse des événements. En quelque sorte, on pourrait dire que le contenu des messages alors rédigés par les internautes a plus une fonction phatique (témoignage du lien, de l'intérêt pour la personne décédée et ses proches) qu'une fonction informationnelle ou de transmission de contenu. Les internautes, comme le remarquent Brubaker, Hayes et Dourish (2013) n'échangent d'ailleurs pas entre eux, mais s'adressent soit directement au défunt (lorsqu'ils le connaissaient), soit aux proches lorsque les défunts leur sont inconnus. Ceci indique qu'il ne s'agit pas réellement de communautés en ligne, mais plutôt d'une transposition du modèle du livre de condoléances ou d'un monument aux morts. Les contributions sont relativement unidirectionnelles : rédaction de messages aux proches, dépôt de fleurs, de bougies, etc. Et à la différence d'une réelle communauté en ligne, la fréquentation de ces sites est relativement éphémère.

Les jeunes endeuillés ont également développé de nouvelles pratiques depuis l'apparition des téléphones intelligents et notamment des applications de partage de photos (Instagram, WhatsApp, Snapchat). Brubaker, Hayes et Dourish (2013) constatent l’émergence de pratiques qui diffèrent totalement de celles des adultes ou des cérémonies religieuses classiques, et qui pourraient choquer si l'on n'est pas coutumier des usages des jeunes dans les réseaux numériques (par exemple, prendre des selfies lors des funérailles) (Gibbs et al., 2015). L'aspect « quotidien » de Facebook permet de montrer d'autres aspects des funérailles que ceux présentés lors d'une cérémonie conventionnelle. Les jeunes se photographient lors des préparatifs dans leur chambre d'hôtel, ils montrent leurs habits de deuil, les moments de détente ou d'hommages informels après la cérémonie, comme ces jeunes lors de l'enterrement de leur cousin, qui boivent du champagne à sa santé (Brubaker et al., 2013 ; Meese et al., 2015).

La fréquentation de ces sites créés en mémoire d’un défunt peut comporter des risques psychologiques ou provoquer un malaise. L’internaute est confronté à des messages et à des images qui ne correspondent pas nécessairement à ce qu’il désirait y trouver. Certains jeunes avouent être mal à l'aise face aux expressions trop personnelles du deuil ; ils ont le sentiment de violer la sphère privée des autres endeuillés et du défunt. D'autres mentionnent avoir appris la mort d'une connaissance ou d'un ami via Facebook, par les messages ou les billets d'amis. Les réseaux sociaux numériques fonctionnent ainsi comme moyens d'information première, avant-même les faire-part traditionnels. D'autres difficultés sont aussi mentionnées par des jeunes (Brubaker et al., 2013) ; elles tiennent principalement au fonctionnement « viral » de ces réseaux sociaux. En effet, l’internaute est informé des activités de ses contacts, qui souvent les partagent avec tout leur réseau. Plusieurs jeunes avouaient être gênés de recevoir trop de ce type de messages à propos de défunts ou des groupes de commémoration créés. En quelque sorte les possibilités techniques des réseaux sociaux numériques, à savoir de partager facilement les informations à un très grand nombre de personnes, peuvent aussi s'avérer problématiques et empêcher certaines personnes de prendre de la distance par rapport au décès vu l'usage quotidien, et pour tous les domaines, de ces réseaux sociaux par les jeunes (qui consultent parfois des centaines de notifications par jour).

Face à la mort médiatisée

De plus en plus, les médias d'information (journaux, sites internet, chaîne TV) transmettent des images de catastrophes, de violences ou de morts tragiques. Face à ce déferlement d'images potentiellement traumatisantes, le spectateur peut se sentir impuissant. L'ubiquité du site Internet permet aux nombreux spectateurs des tragédies médiatisées de prendre part à distance, et cela même s’ils se trouvent dans une autre ville, un autre pays, de faire un geste de compassion envers les personnes qui sont frappées et, en quelque sorte, de reprendre une attitude active qui tranche avec celle du simple spectateur qui subit ces images et ces événements. Cette activité, même symbolique, de rédiger quelques phrases de commentaire peut permettre de repenser son identité, son humanité face à des événements qui nous choquent ; elle peut permettre aussi de ne pas rester passif et d'éviter de se sentir totalement impuissant, voire indifférent. Écrire des messages de condoléances à des personnes que l'on ne connaît pas mais dont on se sent proche peut ainsi apparaître comme apaisant non seulement pour les autres, mais aussi pour soi-même.

Sur la page Facebook créée par Aurélie, deux mois après les attentats, les messages sont nettement moins nombreux. Puis ils cessent complètement. Ce qui s'explique, d'une part, par le fait que de nouvelles tragédies font la une des médias et, d'autre part, que le processus de deuil a fait son chemin. On pourrait ainsi parler de communautés en ligne « éphémères », dont le but « psychologique » est essentiellement, non pas de créer une communauté réelle et durable, mais de permettre de traverser un moment difficile, d'assimiler des événements choquants en partageant ses émotions de tristesse, de colère et de peur. En ce sens, ces sites ont peut-être un rôle essentiellement cathartique, permettant ainsi d'exprimer ces émotions avec d'autres personnes qui les partagent. Ces sites rassurent sur les valeurs, les principes éthiques partagés : en réaffirmant l'inacceptable de ces violences. Ce ne sont donc pas les liens sociaux réels qui sont ainsi retissés, mais le sentiment de partager des valeurs. En ce sens, ces messages et témoignages permettent de réhumaniser par le langage la sphère publique, mise à mal par ces violences. Suite aux attentats homophobes de juin 2015, puis celui de Nice en juillet 2015, de nouveaux messages sont publiés par les proches sur le site de Marion et Anna, en soutien aux nouvelles victimes. Le souvenir des défunts est ravivé par les nouveaux événements : « On pense à elles bien sûr et à tous les autres !!!! », « Encore et encore des douleurs, le souvenir de cette tragédie que nous avons connue, d'autres victimes innocentes sont allées rejoindre Anna et Marion, encore des familles malheureuses. » En 2017, la page Facebook est encore active et suivie par plus de 3500 internautes, mais les messages sont nettement moins nombreux : quatre messages de janvier à septembre 2017, avec une mention « J’aime » ajoutée par une centaine de personnes à chaque fois, mais peu partagés et commentés.

Le rôle des journalistes pour la commémoration en ligne

Un autre type d’hommage aux victimes sur Internet est également apparu lors des actes terroristes à Paris ; il s'agit des sites de commémoration réalisés par les médias eux-mêmes. « Ils aimaient le rock, ils aimaient le théâtre, ils aimaient étudier et voyager. Ils aimaient, à la fin d’une semaine de travail, se retrouver entre copains à la terrasse des bistrots du quartier. Ils aimaient Paris ; ils aimaient vivre. Vendredi 13 novembre 2015, par une soirée étonnamment douce pour la saison, leurs 130 vies ont été fauchées[2]. » C'est ainsi que débute le billet des journalistes du Monde expliquant les raisons de la création d'un « mémorial » en ligne pour les victimes des attentats. En première page de ce site[3], débuté une dizaine de jours après les attentats, sont rassemblées les photographies de 112 des 130 victimes, en format vignette sur fond noir. Les photographies proviennent de leurs proches ; elles représentent les défunts quelques mois ou semaines avant l'attentat, presque tous souriants et joyeux.

Lorsque l'on clique sur une photographie, une nouvelle page s'affiche sur laquelle le visage de la victime apparaît en bandeau ainsi que le lieu du décès sur une carte de Paris. Un texte rédigé par un journaliste donne un certain nombre d'informations sur la personne. Il s'agit en fait de nécrologies, au ton très positif, décrivant la victime, ses goûts, ses valeurs et évoquant des éléments de son histoire. Certains portraits présentent aussi des témoignages de proches qui ont échappé à la mort le même soir. S'agissant pour la plupart de jeunes (entre 20 et 35 ans), une grande part des textes consiste à évoquer leurs projets et aspirations. Cet aspect souligne d'autant plus la cruauté des attentats qui ont mis fin à leurs jours.

Les portraits ont été réalisés sur un assez long laps de temps (environ 3 mois). Le contenu des textes a été réalisé à partir d'entretiens avec les proches, les collègues, la famille. Ces portraits peuvent être partagés via les réseaux sociaux numériques (Facebook, Twitter). Ce qui fait que l'on peut recevoir, sur sa page d'accueil de Facebook une photographie d'une des victimes, avec un lien vers sa nécrologie.

Les commentaires des internautes, pour la plupart, remercient les journalistes pour cette initiative. De nombreuses personnes disent que ces portraits les ont aidés à retrouver de l'humanité dans une situation inhumaine. La bienveillance des portraits et la mise en valeur des personnes à travers le choix des photos, visaient à redonner confiance dans quelque chose qui avait été brisé par les attentats. En général ce n'est pas simplement l'aspect factuel qui apparaît ; de nombreux marqueurs de la subjectivité des proches et amis sont présents, notamment à travers des citations directes : expression de tristesse, d'amour. Et comme la plupart des témoignages sont recueillis très peu de temps après les événements, nombre d'entre eux sont encore fortement émotionnels. Dans le petit manifeste présentant l'action, les journalistes expliquent qu'ils ont voulu remplacer les chiffres par des noms. Face à l'arbitraire de ces meurtres de masse, rendre un nom et une identité aux défunts : « Brutalement arrachées à ceux qui les côtoyaient chaque jour, ces 130 personnes font aujourd’hui partie de notre univers, à tous. Elles ne nous quittent plus. Nous refusant à les réduire à un chiffre, 130, et à un statut, celui de « victimes », nous avons voulu leur donner un visage, raconter qui elles étaient, leur rendre leur vie, à travers ceux qui les connaissaient et les aimaient. Les installer, aussi, dans notre souvenir, tous, sans exception. »

C’est une idée semblable qui inspirait la mise en place des mémoriaux traditionnels : monuments commémoratifs dans les places publiques ou les cimetières militaires. Citer le nom de la personne, et parfois la date de naissance ou le lieu d'origine, redonne une identité minimale aux victimes. L'endroit où est érigé le mémorial est aussi symboliquement très important : un lieu public qui doit être visible et accessible à tous. Cette partie de l'espace public est souvent sacralisée ; elle est séparée du monde profane par un parterre, des barrières, des chaînes, un espace intermédiaire, etc.

Mais dans l'espace où se déploie l'Internet, plus de limite de place ; on peut rédiger de longs textes, les illustrer. On perd cependant la dimension de séparation entre le sacré et le profane ; en effet, les portraits publiés sur Facebook vont apparaître dans le fil des actualités de votre compte, au milieu des messages personnels, des publicités et des autres billets de vos amis. Dans cet espace quasi public qu'est Facebook, il n'y a plus de différence visible entre ce qui relèverait d'une dimension sacrée ou d'une séparation. On perd également la dimension géographique du mémorial, situé en un lieu donné. Internet permet l'ubiquité numérique puisque le « mémorial » est présent partout et pour tous sur simple consultation en ligne. Ce qui participe aussi d'une forme de mondialisation des événements et des commémorations.

Les journalistes qui ont rédigé les portraits ont bien conscience qu'il ne s'agit plus réellement de travail journalistique : « Je prends ça comme un autre métier : écrivain public, a résumé une journaliste aguerrie, l’une des nombreuses auteures de portraits. Ce récit collectif ne doit pas s’arrêter là[4]. » D'autres sites publient des portraits plus succincts, comme le site de 20 Minutes[5]. La pratique se déclinera dans de nombreux autres médias. Si le contrat de communication du livre de condoléances est relativement bien respecté sur les sites ou pages proposant des portraits de victimes, il n'en va pas de même sur les sites d’information proposés par les médias. En effet, on peut lire des commentaires polémiques, remettant notamment en cause l'agenda des médias. Plusieurs se demandent pourquoi les médias font les portraits de certaines victimes et pas d'autres : « La vie est précieuse : c'est un truisme. Être tué parce qu'on se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment par un fanatique d'une quelconque idéologie est difficile à admettre et les médias en font leur miel. Mais lorsqu'on apprend que 500 migrants se sont noyés pour tenter de fuir ces mêmes fanatiques dans des pays où l'action des Occidentaux a détruit toute possibilité de stabilité politique et économique, on passe très vite à autre chose. Y aurait-il des vies sans valeur[6] ? »

La confusion des rôles de journaliste et de ceux qui font mémoire engendre de vives discussions. Est-ce bien là le rôle des médias ? Les limites du voyeurisme sont aussi à penser ; la publication des portraits devenant un événement médiatique à son tour, voir par exemple la pléthore de sites et de galeries de portraits publiés suite aux attentats de Nice[7]. Les internautes qui sont amis avec les pages Facebook des journaux ou magazines, comme par exemple L'Obs ou Le Monde reçoivent automatiquement les portraits des victimes sur leur page d'actualités et cela parfois durant des semaines après les événements. Certains membres de ces réseaux sociaux partagent aussi ces pages de nécrologies à tous leurs contacts.

Les différents exemples évoqués décrivent des pratiques nouvelles en lien avec les technologies, l'apparition des réseaux sociaux numériques, mais aussi notamment avec la mondialisation et la quasi-instantanéité des communications. En effet, les tragédies (attentats, catastrophes) sont relayées quasiment en direct par de nombreux médias et touchent toujours un plus grand nombre de personnes qui ne connaissaient pas les victimes. Mon hypothèse est que les médias ont développé de nouveaux moyens de commémoration pour ces victimes en réponse non pas directement à la violence elle-même, car des attentats avaient déjà eu lieu par le passé en Europe, mais pour faire contrepoids à cette diffusion d'images et de vidéos comportant des éléments traumatiques. En effet, les images violentes diffusées sur Internet et sur les chaînes de télévision sont potentiellement anxiogènes. Les sites de commémoration peuvent aussi avoir un objectif réparateur pour les journalistes eux-mêmes, qui ne se bornent pas à transmettre des événements choquants, mais peuvent aussi prendre une part active à la reconstitution symbolique du tissu social, déchiré par ces violences. En ce sens, il y a au moins trois types de destinataires de ces sites : les familles endeuillées, les consommateurs de médias et les journalistes eux-mêmes.

Les besoins que ces nouvelles pratiques cherchent à combler ne sont guère différents de ceux des précédentes générations : recréer du lien après un événement traumatique ; redonner du sens après des événements qui semblent absurdes, insensés ; ne pas rester sidéré face à la violence ; prendre une part active à la reconstruction du tissu social. Mais pourquoi raconter la vie des victimes ? En effet les nombreux récits produits par diverses sources peuvent surprendre. Une nouvelle façon de penser le processus de deuil serait de l'envisager du point de vue d'une narration : faire le deuil consisterait à intégrer l'événement de la mort d'autrui dans un récit acceptable qui fait sens pour l'endeuillé et qui lui permet de continuer à vivre (Carroll et Landry, 2010 ; Walter, 2015). On a là, semble-t-il, le point de jonction entre les deux formes de deuil sur Internet qui viennent d’être présentées : celui qui fait suite au décès de personnes inconnues victimes d’événements tragiques et celui provoqué par la mort d’un proche ou d’une connaissance. Les deux types d'événements sont violents : les premiers parce qu'ils mettent à mal la confiance dans l'espace public, dans les valeurs de la société, les seconds parce qu'ils sont des tragédies personnelles qui surgissent dans l'histoire de chacun.

Si l'on rattache cette perspective sur le deuil à celle de la construction de l'identité telle que proposée par Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre (1990, p. 167-198), on pourrait penser le phénomène de création de sites commémoratifs en ligne comme une façon d'intégrer l'événement tragique dans son propre récit de vie (identité ipse, qui se reconstruit tout au long de l'existence, par les récits successifs que l'on produit sur son passé), comme un élément qui nous aide à repenser le sens de notre propre existence dans des moments de rupture. Ce qui expliquerait aussi pourquoi les morts violentes, et perçues comme injustes, sont particulièrement difficiles à accepter : elles rendent la production de cette « biographie » extrêmement difficile. Car un élément « incohérent », voire incompatible avec le reste du récit biographique interrompt brutalement ce récit. La mort d'enfants ou de jeunes est très difficile à intégrer dans un récit biographique. Plus l'existence du défunt a été courte, plus il est difficile de reconstruire un récit, de mettre en avant d'autres éléments que la mort prématurée. Toute la difficulté pour les endeuillés consiste à trouver un récit acceptable. Les éléments apportés par les autres internautes peuvent ainsi aider à cette construction de sens. Comme le mentionnent les journalistes du Monde ayant rédigé les portraits des personnes tuées dans les attentats de Paris, ils ont plutôt réalisé un travail d'écriture collaborative en prêtant leur plume aux proches pour rédiger les portraits. Le fait même de se réunir, même à distance, pour écrire l'histoire de quelqu'un, ou des morceaux de son histoire, est une façon de lutter contre l'oubli et le sentiment d'absurdité qui va avec, mais aussi une façon de garder un lien avec cette personne ; n'est-ce pas là déjà un élément cérémoniel ? D'une certaine manière, on assiste à une écriture collective d'histoires de vies ; c’est d'ailleurs là une très ancienne forme d'hommage aux morts, mais qui était essentiellement réservée aux personnages publics ou exceptionnels (saints, martyrs). On pourrait dire que le portrait raconté dans les funérailles selon ce nouvel usage devient public, et cela même pour les anonymes. Cependant, une des différences entre les sites de commémoration proposés par les médias et ceux qui sont réalisés par des proches ou des amis sur les réseaux sociaux numériques est que le récit de ces derniers est fragmentaire dans sa forme, qu'il se construit au fur et à mesure des messages ou images publiés. Cette « nouvelle » identité du défunt a quelque chose d'insaisissable, en ce qu'elle n'est pas fermée comme dans un récit de vie rédigé une fois pour toutes. De nouvelles facettes peuvent apparaître, tout comme des éléments importants peuvent rester cachés. Le portrait qui s'écrit ainsi s'avère en quelque sorte à la fois dynamique, fragmentaire et subjectif, mais d'une subjectivité multiple et extérieure au défunt. Le sens « global » du portrait n'est pas donné, c'est à chaque lectrice-lecteur de faire sens avec ce qui est publié, de recomposer à partir de multiples éléments distincts.

***

Que peut-on tirer de ces différents éléments liés aux pratiques actuelles du deuil en ligne ? Que pourrait-on, par exemple, conseiller en relation avec l'usage des réseaux sociaux numériques, à une famille ou un établissement scolaire confronté au décès d'un jeune ? En prenant appui sur les diverses enquêtes citées, on pourrait proposer les éléments suivants : signaler le décès de la personne aux réseaux sociaux numériques afin d'éviter que des messages automatiques ne soient envoyés par le profil du défunt (invitations, signalement d'anniversaires, etc.). McEwen et Scheaffer (2013) suggèrent même de bloquer complètement les comptes des défunts afin qu'ils restent en l'état, sans possibilité de publier des messages sur le site, ceci afin d'éviter que l'identité post mortem du défunt ne soit définie par d'autres.

Lorsqu’il y a création d'un groupe en ligne pour rendre hommage à un défunt, il faudrait éviter de partager systématiquement les messages avec tous ses amis ou toutes les connaissances Facebook du défunt. Il faudrait aussi éviter de gérer soi-même le compte d'un défunt ou un groupe Facebook si on n'a pas l'habitude des réseaux sociaux numériques et de leur usage. On peut en effet, par ignorance des règles implicites de communication sur ces réseaux, commettre des impairs.

Dans le cas de décès d'adolescents, on peut laisser les amis créer un groupe s’ils le souhaitent, mais la gestion d'un tel groupe peut devenir lourde et entraîner des personnes qui ne le souhaitent pas vraiment à participer (pression du groupe). En milieu scolaire, il n’est pas conseillé de contacter tous les élèves de l'établissement pour les inviter à rejoindre ce groupe. Il n’est pas conseillé non plus d’utiliser pour créer une page de commémoration un groupe What's App de classe ou un groupe déjà existant, car c'est une façon d'imposer à tous une temporalité du deuil qui ne correspond peut-être pas à celle de chaque individu. Il vaut mieux créer un groupe dédié, dont chacun peut se désinscrire ou supprimer les notifications lorsqu'il le souhaite.

Lors d'événements traumatiques, fortement médiatisés, les jeunes peuvent ressentir le besoin d'agir symboliquement pour ne pas rester dans une posture passive. Écrire sur un site de commémoration et y lire les messages d'autres personnes peuvent contribuer à le rassurer sur ses valeurs et sur celles de la société ; ces sites offrent aussi un réconfort aux proches des défunts. Concernant les sites de commémoration créés par des médias, nous ne conseillons pas le partage de ces pages sur Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux numériques. En effet, inciter autrui à faire le deuil d'un événement peut s'avérer intrusif, surtout lorsque l'événement est déjà largement couvert par les médias.