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Les enfants et les adolescents confrontés à leur mort possible ont avec elle un rapport complexe, qu'il importe de connaître pour pouvoir les accompagner au mieux dans la traversée de cette période de leur vie. Nous aborderons cette question dans la continuité de notre pratique clinique de psychanalyste auprès d'enfants et d'adolescents traités pour un cancer, et des réflexions sur la mort et le mourir proposées dans nos publications antérieures mentionnées en bibliographie. Nous présenterons d'abord la perception que tout être humain a de la mort, du moins dans nos cultures, et nous terminerons par de brèves remarques sur le contexte actuel du développement du terrorisme international, qui complexifie la perception que les enfants et les adolescents ont de la mort.

La mort telle que la perçoit le sujet humain

Pour le sujet humain, la mort est d'abord un événement, craint ou souhaité, qu'il a cherché à éviter ou à faire advenir. Elle est un moment bref qui fait passer de la vie à la mort. Elle est précédée d'une vie, brève ou longue qui a été bien ou mal vécue, qu'il considère comme ayant valu la peine d'être vécue ou non. La fin de vie peut être brève ou longue, supportable ou insupportable. Il en est de même de la fin de cette fin de vie, du mourir.

La mort peut avoir été prévue (dans le cas d'une maladie grave, éventuellement d'origine génétique, ou de situation collective dangereuse : épidémie, guerre, famine, etc.) ou survenir brusquement (accident, catastrophe, etc.). Elle a pu ou non être anticipée, en partie apprivoisée, sa possibilité niée ; elle peut être « compréhensible », ce qui ne veut pas forcément dire acceptable ni acceptée ; ou au contraire incompréhensible, insensée ; être considérée comme faisant partie de « l'ordre des choses » ou inacceptable et scandaleuse (mourir du cancer aujourd'hui alors que la médecine fait tant de progrès et de promesses, et que chaque jour présente de nouveaux miracles technologiques ; ou mourir de faim ou de froid en Europe au XXIe siècle).

La mort peut être dans la continuité d'une vie telle qu'elle a été vécue ou en rupture avec elle ; solitaire ou s'inscrivant dans la famille, dans sa présence actuelle et/ou dans son histoire, ou dans la société. Elle peut affecter seulement celui qui meurt, ou avoir des conséquences graves sur ses proches (affectives, familiales, sociales, financières). La culpabilité peut rendre plus intense la tristesse de celui ou celle qui l'a souhaitée, même fugacement et longtemps auparavant, dans l'enfance ou l'adolescence. N'oublions pas que ces voeux de mort ont pu porter sur un(e) autre que ce parent, ce frère ou cette soeur. Les déplacements d'affect d'un destinataire vers un autre ne sont en effet pas rares dans le fonctionnement psychique.

Le mourir

Les conditions du mourir de l’enfant ou de l’adolescent peuvent être diverses. À l'hôpital ou à la maison ; le corps et le psychique paisibles ou dans la douleur et le trouble, traités ou pas ; la conscience et les capacités cognitives préservées ou pas. Il en est de même pour la personnalité, les convictions. Il importe d'évaluer, dans les paroles et le comportement, ce qui découle de troubles organiques – comme la confusion mentale –, de la peur et de l'angoisse, de la provocation, d'une affirmation authentique, d'une ultime demande, etc. L'enfant ou l’adolescent peut être toujours reconnaissable (dans son apparence ou sa façon d'être) ou pas ; il peut reconnaître ses proches ou pas. Tous ces éléments peuvent exacerber sa souffrance et celle de ses proches, ou au contraire les atténuer. Cela dépend aussi des médecins, des soignants, et aussi des « psys », pour atténuer ou traiter ce qui en est la cause. Les « psys », et particulièrement les psychanalystes peuvent expliquer les paroles parfois choquantes de l'adolescent : « Il n'est pas fou, c'est de la confusion mentale », ou « Ses paroles doivent être prises en sens inverse : il dit qu'il ne vous aime pas pour vous tester, voir si vous continuerez de l'aimer, ou pour exprimer sa colère contre le destin, contre les médecins qui ne l'ont pas guéri, contre ceux qui continuent de vivre, contre vous qui n'avez pu le protéger ou qui ne comprenez pas combien il souffre ni ce qu’il demande. »

Ainsi un adolescent, proche de la mort, dans un état de demi-conscience, réclamait avec insistance à son père d'aller chercher « la pièce ». Le père était désespéré de ne pas comprendre, de ne pouvoir satisfaire cette demande. Le garçon insistait, lui aussi désespéré de cette incompréhension. Il ajoutait « même au bout du monde ». La confusion mentale écartée, dans la discussion avec moi, son père se souvint que plusieurs années auparavant, son fils lui avait demandé de faire réparer un vieux jouet auquel il était particulièrement attaché. Mais la réparation était impossible faute de pièce de rechange. Maintenant seulement il comprenait combien son fils en avait souffert et lui en avait voulu. Sur mes conseils, il parla à son fils ; il lui dit qu'il n'avait pas oublié cette histoire, qu’il avait essayé de trouver la pièce manquante. Il ajouta qu'il tenait beaucoup à lui, qu'il l'aimait beaucoup, qu'il ferait tout pour qu'il guérisse. Ses paroles lui avaient demandé beaucoup de courage, mais elles avaient apaisé son fils.

Il ne faut pas prendre au pied de la lettre des paroles ou des comportements troublants, mais essayer d'en comprendre le sens. Ainsi un petit garçon de huit ans, quelques heures avant de mourir, était entouré par toute sa famille. Il était comme eux, endimanché, comme s'il était déjà mort. Personne ne parlait, l'ambiance était lourde, triste et solennelle. À un moment, le garçon s'est énervé ; il a dit des gros mots, provoquant un grand malaise. J'ai conseillé au père de faire comme il en avait l'habitude. Il a hésité, puis il a disputé son fils, sous les regards scandalisés de la famille. L'enfant a continué son jeu une petite minute puis s'est calmé, avec un grand sourire. Le père et le fils s'étaient retrouvés, l'enfant est mort dans son identité préservée.

La maladie grave

La maladie grave (je m'appuierai sur l'exemple du cancer, ou plus précisément des cancers) peut faire mourir, mais pas toujours. Actuellement, 80 % des enfants et des adolescents traités pour un cancer guérissent. Ce n'en est que plus difficile pour ceux qui ne guérissent pas. Ceux qui guérissent en éprouvent de la culpabilité, se demandent « pourquoi eux, et par moi ? ». La maladie grave se déroule dans le temps : parfois l'adolescent ou ses parents ont l'intuition de sa présence, avant même les premiers symptômes, puis viennent le diagnostic, le traitement, l'après-traitement ou la fin de vie et la mort. Le regard de l'enfant ou des parents sur ces scansions et leurs modalités augmenteront ou atténueront leur souffrance, leur colère, leurs reproches ou leur culpabilité en cas d'échec du traitement.

Le diagnostic de cancer marque le passage de la vie normale à la vie de « cancéreux », de la société commune à celle de la cancérologie. Il marque une rupture temporelle radicale entre le temps d'avant le diagnostic et celui d'après. Il marque aussi la différence entre l'enfant ou l’adolescent tel qu'il était avant et celui qu'il est désormais, entre lui et ses frères et soeurs, entre lui et ses amis, entre lui et ceux de sa génération. Même quand le médecin s'efforce d'expliquer la maladie, le traitement, le pronostic, le risque d'incompréhension ou de malentendus est grand avec l’enfant ou l'adolescent et ses parents. En raison de la sidération, de la complexité, de la somme d'informations à donner, de la difficulté à les entendre, à les accepter. Mais aussi parce que le mode de pensée médical a sa propre cohérence, qui n'est pas celle commune. Il faut tenir compte aussi des façons de penser la maladie qui existent dans de nombreuses familles, en particulier pour des raisons culturelles, et qui portent sur les causes de la maladie, son sens, le traitement.

L'enfant ou l’adolescent, comme ses parents, se demande : pourquoi moi/lui, pourquoi nous ; pourquoi maintenant ? qui en est responsable ? y aura-t-il guérison ? Les théories psychosomatiques diverses – privées, familiales ou communes – leur sont nécessaires pour apprivoiser l'insensé et l'inacceptable du diagnostic. Ces théories, en particulier sur les causes, peuvent coexister avec les théories médicales ou être difficilement compatibles avec elles. Il en est de même pour le traitement. Ces éléments peuvent induire des conflits entre la famille et les médecins, mais aussi entre l’enfant ou l'adolescent et ses parents, entre les parents et les grands-parents. Ces conflits peuvent provoquer des situations de non-conformité aux conséquences souvent dangereuses.

Toutes ces questions resurgiront lorsque les médecins annonceront que l’enfant ou l'adolescent ne pourra être guéri. Elles risqueront d'augmenter la violence et la souffrance de la situation. C'est pourquoi il est important de les connaître, d'y penser, de les traiter autant que possible et de comprendre les mécanismes inconscients en jeu derrière les paroles et les comportements. La famille a besoin non seulement de comprendre les explications médicales, mais aussi de s'approprier le cancer, de façon active, avec ses propres moyens. Le conflit éventuel témoigne de l'inacceptable, mais aussi de la tentation de se décharger sur les médecins de la responsabilité (et de la culpabilité) de l'échec du traitement, craint ou advenu. Les parents peuvent se reprocher d'être responsables de la maladie : pour s'être mariés alors qu'ils sont cousins, avoir fumé ou avoir été dépressifs pendant la grossesse, avoir voulu cet enfant trop tôt, trop tard, pour de mauvaises raisons, avoir attiré le mauvais oeil sur lui en faisant trop son éloge, ne pas l'avoir assez aimé, ou trop, avoir trop exigé de lui, avoir choisi d'habiter dans une ville polluée, etc.

Le déroulement du traitement apporte d'autres questions, qui se retrouveront au moment de la fin de vie. Le cancer sépare l'enfant ou l’adolescent du reste de la société : en raison des hospitalisations, de la difficulté à poursuivre la scolarité dans l'établissement scolaire, à participer aux activités des copains ; aussi parce que le cancer fait peur, met à distance, parce que les autres ne peuvent comprendre vraiment ce qu'il vit, ce qu'il attend d'eux ; parce que l'univers du cancer est tellement consistant dans ses façons de penser, dans ses pratiques qu'il introduit une différence radicale entre ceux qui sont dedans (soignants ou patients) et ceux qui n'y sont pas.

Le temps n'est pas le même non plus : il est celui du déroulement du traitement, du rythme des chimiothérapies ; il peut comporter de longs moments de sommeil ou de semi-conscience, de coma. Son moment de départ n'est pas forcément celui du diagnostic (la recherche d'une origine peut remonter bien loin dans le temps), son terme non plus celui de la guérison ou de la mort. Il peut appartenir au même ensemble que celui qui a précédé le cancer, dans la continuité de la période qui l'a précédé, ou être en rupture avec lui. Cette question va de pair avec une autre : « Suis-je le même, qui suis-je désormais ? » Une autre s'y rattache : « Ce temps est-il le mien ou celui des médecins, du cancer ? Seulement le mien, et ma solitude en est d'autant plus renforcée, ou aussi celui des autres parmi lesquels j'ai toujours vécu ? ».

Tant d'éléments contribuent au sentiment d'isolement, de séparation, de solitude, d'incompréhension. Citons la passivité, la douleur, la perte du contrôle sur le corps, les sphincters, les muscles, le sentiment que le corps perd sa consistance, part dans tous les sens, que des parties entières deviennent inaccessibles à l'enfant ou à l’adolescent, qu'il y est un étranger, que son corps lui est étranger, qu'il devient informe, qu'il se liquéfie ou n'est plus qu'une enveloppe vide qui pourrait se déchirer à tout moment, provoquant l'hémorragie existentielle. Il constate la transformation de son apparence, de son visage, jusqu'à devenir méconnaissable aussi bien pour lui-même que pour ses parents. Il a le sentiment de n'avoir plus d'identité, de n'être plus qu'une masse de souffrance, de chair, le terrain de l'affrontement entre le cancer et les traitements. De même le déstabilisent la fatigue inhabituelle – tellement différente de toutes celles qu'il a connues –, l'attaque de la peau par les chimiothérapies, qui la lui rendent insupportable et lui font perdre la confiance dans la capacité de cette barrière à séparer l'intérieur de son corps de l'extérieur, à le protéger de toute intrusion dangereuse, de toute hémorragie de sa consistance vitale. Il a le sentiment de ne plus faire partie de sa famille, de la communauté des enfants ou des adolescents, de la société et, à l'extrême, de l'espèce humaine quand il n'a plus que des réactions animales. L'incapacité de penser s'y ajoute : la fatigue et la douleur excessives y contribuent, de même que la complexité ou l'insupportable de ce qu'il y a à penser et à imaginer. Il constate que ses parents sont comme lui dans la même difficulté à imaginer et à penser sa situation, son présent et son avenir, et que les médecins et les infirmières, aussi attentifs à lui qu'ils peuvent l’être, ne lui donnent que des informations et des paroles d'encouragement. Cette difficulté et cette impossibilité le poussent dans deux directions différentes : ne plus penser – ce qui accentue le sentiment de ne plus être humain – ainsi que la passivité extrême ou, au contraire, un déferlement d'images effrayantes, inspirées des bandes dessinées et des films d'horreur ou des informations (guerres et massacres, etc.), qui le terrifient autant qu'ils terrifient son entourage, accentuant leur inquiétude pour lui et le sentiment d'impuissance à l'aider. Citons aussi la perte de toute créativité, de tout plaisir de jouer, d'apprendre, de créer, et la crainte de ne plus être désirable, de ne plus désirer.

Ces éléments sont en rapport avec son présent, et il importe de les repérer et d'en désamorcer les effets, autant que possible. La douleur est à traiter, bien sûr, mais doit aussi l'être tout ce qui peut provoquer l'inconfort du corps. Susciter et favoriser la venue des amis et de bénévoles atténue la solitude et le sentiment d'être exilé (y contribuent aussi les informations sur ce qui se passe dans son école, son quartier, le pays et le monde). La douleur de ses parents diminue quand ils sont aidés à préserver leur parentalité. Soutenir sa scolarité et ses projets d'avenir ne signifie pas le tromper mais l'aider à se projeter dans le futur, même s'il sait qu'il n'en aura pas. Les ateliers ludiques, sportifs, de créativité l'aident à préserver le sentiment du vivant en lui. La préservation de son image de corps et de sa confiance dans celui-ci est favorisée par les kinésithérapeutes, mais aussi par les activités sportives adaptées et qui peuvent comporter des prises de risque contrôlées, par les dessins et les modelages dans la relation psychothérapeutique. Ainsi l’enfant ou l’adolescent n'est pas réduit à la seule identité de «cancéreux». Les informations que les médecins et les infirmières, mais aussi les parents, lui donnent sur les traitements, l'évolution de la maladie, le pronostic et sur sa situation médicale contribuent à préserver sa capacité de penser, sa position active, sa confiance en sa capacité à comprendre et à assumer, mais à condition qu'il puisse exprimer son éventuel désaccord. De façon plus générale, il est bon qu'il puisse exprimer son incompréhension, sa colère, sa révolte, son refus de l'ensemble du traitement ou d'un de ses éléments, ce qui ne signifie pas s'y soumettre. Lui demander d'être obéissant, raisonnable, courageux, l'effrayer en évoquant sa mort s'il continue à refuser est en général peu efficace. Il est préférable d'évaluer avec lui les risques qu'il prend, la conscience qu'il en a, ce qu'il est prêt à assumer, mais aussi les raisons qui le poussent à cette non-conformité ou à ce refus. Elles peuvent être en rapport avec la situation présente (conflit d'adolescence, toucher ses limites, ne plus savoir où il en est, demander à ce que sa souffrance soit reconnue, que sa douleur soit mieux traitée, que ses parents soient plus attentifs à lui), ou à des situations anciennes (histoires difficiles vécues par la famille mais aussi terreurs archaïques du bébé ou du petit enfant qu'il fut). Il faut y penser, les aborder, avec lui et avec ses parents, essayer de les résoudre.

Vignettes cliniques

Pour illustrer l’importance de tenir compte de la mort advenue dans l'histoire familiale, et pas seulement de la mort à venir, examinons succinctement trois exemples issus de notre expérience dans un service d'oncologie pédiatrique.

La mère de Maria, 8 ans, s'était toujours bien occupée d'elle, y compris tout au long du traitement. Mais quand elle a pensé, à tort ou à raison, à la suite des inquiétudes exprimées par les médecins, que sa fille ne guérirait pas, elle en est devenue incapable. La raison n'en était pas, comme chez d'autres parents dans une semblable situation, de vouloir inconsciemment atténuer l'intense relation affective qui existait entre elles afin que la souffrance de sa perte à venir soit plus supportable. Je lui ai proposé de me parler de l’histoire de sa famille. Très vite et avec soulagement, elle évoqua sa grand-mère maternelle qui fut esclave – la dernière d'une longue « lignée » – dans une des colonies portugaises d'Afrique. L'esclavage avait fait voler en éclats toute représentation et toute possibilité pratique de relations de famille. Face à la mort possible de sa fille, cette impossibilité lui avait imposé sa toute-puissance. Elle ne pouvait plus s'imaginer être une bonne mère. S'en rendant compte, elle a pu reprendre sa position maternelle et accompagner sa fille.

Ce ne fut pas le cas avec la mère de Jean qui, pendant sa maladie autant qu'avant son apparition, se montrait incapable de le soutenir, de reconnaître ses qualités de courage et de créativité picturale autant que ses défauts. À ma question sur son histoire, elle m'expliqua qu'elle était née en Chine pendant la Révolution Culturelle et que son père, directeur d'une petite usine, avait dû s'enfuir de sa maison peu avant sa naissance pour ne pas risquer d'être tué par les Gardes Rouges. Elle avait vécu ainsi les trois premières années de sa vie entre sa mère et sa grand-mère, toutes deux effondrées et ne sachant pas si son père était toujours vivant. Elle ne l'avait vu qu'à l'âge de trois ans, et il était pour elle un étranger. Cette relation à son fils, dont celui-ci souffrait, ne la gênait pas ; elle la considérait comme normale.

Le père de Sarah réagit avec une violence inhabituelle chez lui, toujours très respectueux des autres, quand le médecin lui annonça que sa fille ne pourrait être guérie. Sa rage et sa détresse firent écran entre eux, entre lui et le service hospitalier, mais aussi entre sa fille et lui. Il me dit : « C'est Auschwitz ici », et me montra le crâne chauve et le visage décharné de sa fille. Il ajouta : « À quoi cela a-t-il servi que mes parents soient des rescapés de la Shoah. Ils auraient dû être tués ; je ne serais pas né et ma fille non plus. » Cette évocation le soulagea, sur le moment, à défaut de pouvoir atténuer sa détresse fondamentale, et il put reprendre suffisamment sa position paternelle.

Pour aider nos interlocuteurs à se déprendre de l'emprise d’un passé violent et traumatique, il est nécessaire de les aider, dans une relation psychothérapique qui peut être brève mais prudente et respectueuse de leur fragilité, à retrouver suffisamment le lien entre ce passé (le leur ou celui de leurs ascendants) et le présent, leurs points communs et leurs différences. Les conseils de bon sens ne suffisent pas, augmentent leur culpabilité quand ils sont conscients de leur attitude inadéquate auprès de leur enfant, ou leur détresse quand ils les perçoivent comme une critique et un jugement moral.

La mort impensable

Tous ces éléments ont rapport avec la mort telle qu'elle est perçue, crainte, imaginée. Elle est la perte absolue (de tout ce qui constituait la vie) ; elle met ailleurs (le mort ne participe plus à la vie de la famille, de ses amis, de la société, il est au cimetière ou « dans le ciel », dans l'au-delà) ; elle suscite de nombreux fantasmes, mais sa propre mort est impensable, le corps devient squelette, poussière, indistinct, impossible à reconnaître, il perd toute identité. Le mort ne peut plus rien faire, il est dans la passivité absolue. La mort exacerbe la certitude (« quand on est mort on est mort ») autant que le doute (l’enfant ou l’adolescent ne peut y croire), qui s'appuie sur les éléments de la culture humaine universelle (la croyance aux passages entre la vie et la mort, aux fantômes et aux revenants, au dialogue avec les morts, à la possibilité de disposer de plusieurs vies, etc.). La mort met hors temps : le temps ne passe plus, c'est la monotonie de l'éternité – sans scansion ni progrès, passé ni futur – et non plus celui de la vie humaine. C'est pourquoi il importe de préserver, susciter, soutenir la position active, physique, psychique et relationnelle de l’enfant ou de l'adolescent, sa relation aux autres, même quand il ne peut plus la soutenir, le faire pour lui le temps nécessaire.

La mort apparaît inacceptable et insensée. Il faut donc trouver un responsable, un coupable (sinon contre qui tourner sa colère !) : les voeux de mort, la pollution, les médecins, et tout peut en faire fonction, du plus raisonnable au plus invraisemblable, dans l'actuel ou dans le passé, parfois fort lointain, de la famille ou de l'humanité. Les théories psychosomatiques, communes ou privées, sont mises à contribution par les parents pour se culpabiliser ou se déculpabiliser, par l’enfant ou l'adolescent pour accuser ou excuser. Il n'est pas facile d'accuser le destin, sauf à associer la maladie grave au destin tragique de sa famille, de sa communauté (mais l’enfant ou l'adolescent peut alors reprocher à ses parents de l'avoir fait naître dans une telle famille, surtout s'il y a reçu une mutation génétique).

La maladie grave doit avoir du sens : une épreuve ordalique, une punition, etc. Elle peut alors susciter une position identitaire autre que celle de « cancéreux » : celle de victime, de petit soldat courageux (comme ses parents, par exemple, ont toujours voulu qu'il le soit dans la vie), de héros (comme par exemple son grand-père l'a été, dans la réalité ou dans la légende familiale). Ces éléments sont l'objet de dialogue, en particulier avec le psychanalyste dans la mesure où ils sont en rapport au présent comme au passé, avec la réalité ou les fantasmes, qu'ils sont conscients ou inconscients. Il est important de savoir à qui s'adresse l'enfant ou l’adolescent quand il en fait part ou qu'il les montre : au médecin, à ses parents, à lui-même, à tous ? Pour se rassurer, se convaincre, accentuer ou atténuer ses peurs ? Il est nécessaire de soutenir aussi longtemps et de mener aussi loin que possible le dialogue intense avec l’enfant ou l’adolescent (même derrière l'apparence banale et discrète qu'il peut prendre) : ce ne sont pas les débuts qui sont difficiles mais bien la continuité. Arrêter le dialogue parce qu'il devient trop complexe ou éprouvant est catastrophique et annule tous les bénéfices qu'il a pu apporter jusqu'à ce moment : c'est abandonner l'enfant ou l’adolescent au moment où il aurait le plus besoin d'aide. Dans le dialogue, il nous secoue pour nous faire partager et comprendre son désarroi, sa détresse, sa souffrance, pour tester notre solidité et la confiance qu'il peut avoir en nous. Il nous pousse dans nos retranchements ; il nous force à nous interroger sur l'origine de notre vocation, et dans cette discipline, sur nos rapports au corps, à la maladie grave, à la médecine, à la mort, à l'enfance et à l’adolescence. Nous ne pouvons pas rester extérieurs à lui, experts de son trouble, donneurs d'explications, de conseils et de leçons, ressentir pour lui de la pitié, de la colère, de la compassion, etc., sans nous interroger sur leurs raisons.

Prendre en compte ainsi les éléments actuels de la maladie et du traitement, les préoccupations de la mort, découlant de la situation actuelle mais aussi du passé plus ou moins lointain, faire le va-et-vient entre eux, aide l’enfant ou l’adolescent ainsi que ses parents à traverser cette période particulièrement difficile.

L'adolescence

L'adolescent atteint d'une maladie grave est particulièrement fragile, car ses effets (et ceux des traitements) sur lui ainsi que la possibilité de sa mort entrent en résonance avec les éléments les plus déstabilisants de l'adolescence. Celle-ci constitue une rupture temporelle, et pas seulement un temps de transition. Le présent accapare toute son attention, il se sent si différent de l'enfant qu'il était que son passé lui semble très loin, de même que son avenir, qu'il n'ose imaginer. Ses points d’appui et ses repères de l'enfance (qui lui avaient été inculqués ou qu'il s'était constitués) ne lui sont plus utiles ou sont par lui rejetés. Il est dans le doute systématique, que cherchent à contrebalancer des certitudes. Il supporte mal la passivité, préfère l'action aux discours. Son corps se transforme, il ne peut plus lui faire confiance, en particulier pour la séduction, mais aussi pour s'y reconnaître, il lui fait honte, s'y sent étranger, le ressent étranger. Il ne sait plus qui il est. Il se sent « nul », sans valeur, malgré des accès de mégalomanie, Il ne sait quelle est sa place dans sa famille (ses parents et sa fratrie, mais aussi sa lignée), il rejette ses parents, s'engage contre eux dans une lutte à mort imaginaire pour les faire chuter de la position de toute-puissance dans laquelle il les avait placés, avec souvent leur complicité, et se déprendre de son aliénation à eux pour trouver et gagner son autonomie d'adulte. Il les découvre mortels mais, ce faisant, il découvre qu'il l'est lui aussi. Il les rend responsables de son mal-être, il leur oppose ses pairs, petit noyau ou vaste communauté des réseaux sociaux, sachant pourtant qu'il ne pourra vraiment compter sur eux en cas de difficulté. Il se sent pourtant seul, et ne sait quelle est sa place dans la société. La mort l'effraie et le fascine, et il est tenté de s'en approcher au plus près, dans des conduites à risque, et voit en elle une épreuve ordalique. Il se sent vulnérable et en même temps se croit indestructible, ce qui peut l'inciter à des conduites à risque mal contrôlées.

La maladie grave accentue ces éléments de fragilité. Elle introduit une rupture dans la continuité de la vie de l'adolescent, par elle-même et par les hospitalisations qu'elle induit. Elle l'empêche de poursuivre normalement ses activités, scolaires et sociales, distend ses liens à ses amis, parfois jusqu'à l’insupportable. Kevin exigeait de quitter chaque fin de semaine la chambre à air stérile où il était enfermé pour une chimiothérapie à hautes doses, qui avait supprimé ses défenses immunitaires. Il disait : « Si je ne retrouve pas mes copains pour aller avec eux en boîte le samedi, je suis mort. » Il préférait la mort réelle à cette mort relationnelle. L'adolescent constate pourtant bien souvent qu'ils se détachent de lui, effrayés par la maladie (son image et le risque fantasmatique d’en être contaminés), ou simplement parce qu'ils n'étaient pas vraiment de bons amis, et qu’en fin de compte ce sont les parents qui tiennent bon. Il est contraint à la passivité, par la fatigue et surtout parce que ce sont les médecins qui savent et décident.

Il ne fait plus confiance à ses parents, les considère comme incompétents par rapport à ses questions et ses problèmes actuels (il les voit perdus et affolés, et les conseils et les savoirs qu'ils lui ont transmis lui semblent inadaptés dans le contexte de sa maladie). Il se méfie d'eux et de leur volonté, supposée ou réelle, de le garder en leur dépendance, mais est tenté de régresser auprès d'eux. Il leur reproche tout et n'importe quoi, y compris d'être responsables de sa maladie (avoir fumé dans la maison, ou lui avoir imposé trop d'exigences scolaires, qui ont provoqué sa tumeur cérébrale, etc.) Ces reproches sont accentués dans le cas d'une pathologie d'origine génétique. Il cherche leurs failles, pour vérifier leur solidité et leur consistance ainsi que celle de leurs références idéologiques, morales, identitaires, éducatives, qu'ils lui ont transmises ou qui l'ont influencé, et qu'il les voit abandonner (par exemple, ses parents respectueux des autres sont désormais violents envers les médecins, supposés le négliger, ou prêts à tout pour le sauver, même au détriment des autres). Mais l’affrontement à eux est difficile, parce qu'ils n'osent exercer leur autorité (« il souffre tant, il risque de mourir, la colère et la tristesse risquent d'aggraver sa maladie »), et lui n'ose s'affronter à eux, qu’il voit si malheureux, à cause de lui, et aussi parce qu'il a besoin d'eux et ne peut se permettre qu'ils l'abandonnent. Il leur reproche aussi autant d'avoir accepté d'être considérés par lui tout-puissants et immortels, que de révéler maintenant qu'ils sont mortels, qu'ils mourront un jour, comme lui. Ce renoncement commun à l'affrontement nécessaire risque de l'inciter à régresser au temps du bien-être du petit enfant, ou de l'enfermer durablement, bien au-delà de la fin du traitement et même de la guérison, dans une adolescence figée. Il est parfois tenté de transférer son besoin d'affrontement sur les médecins, au risque de provoquer chez ceux-ci des réactions transférentielles négatives, qui peuvent avoir des conséquences sur la bonne marche du traitement. Cette révolte découle aussi de sa peur de mourir à cause de leur insuffisance, ou de son désir de montrer à ses parents qu'il est plus courageux qu'eux et qu'il n'hésite pas à s'affronter aux médecins. Il peut aussi les prendre comme modèles positifs, à la place de ses parents, surtout quand il les voit aussi dociles face aux médecins, n'osant les critiquer, ou ridicules par des accès d’autoritarisme pour contrebalancer cette position humiliante et affirmer leur autorité sur leur adolescent. Il peut aussi passer par-dessus eux, discrédités, et s'identifier à un grand-père ou un arrière-grand-père valeureux, plus ou moins mythique. Ainsi, Modibo, d'origine malienne, refusait, jusqu'à la limite de l'insupportable, les traitements antalgiques (et parfois certains médicaments), pour être à la hauteur de cet ancêtre qui avait combattu, les armes à la main, ses ennemis. Les discussions l'ont aidé à voir aussi les qualités de sa mère, militante syndicaliste, capable d'affrontements mais aussi de compromis. Certains cherchent des modèles et des maîtres à penser en dehors du milieu familial et du milieu médical. Les conséquences peuvent être positives ou négatives. Il importe d'être attentif à ces mouvements complexes et contradictoires, et de l'aider à trouver sa personnalité authentique, et non induite par la peur, le désarroi ou la révolte contre ses parents qui l'incite à prendre l'exact contre-pied de la leur ou de celle qu'ils souhaitent pour lui. Car se produisant dans le temps de la maladie, sans doute le plus intense de sa vie, ils pourront laisser des traces durables en lui et dans sa relation à ses parents. Et si le traitement échoue, il risquera de mourir dans une identité dans laquelle il ne se reconnaîtra pas, pas plus que ses parents ne l'y reconnaîtront.

Il constate que son corps change, est faible et laid, ne lui obéit plus. Il ne se reconnaît plus, ni dans son corps, son visage, son caractère (il découvre en lui, comme d’ailleurs en ses parents, des faiblesses mais aussi des qualités qu'il ne soupçonnait pas). Il oscille entre le doute systématique (va-t-il guérir, qui croire, les médecins, ses parents, ce qu'il a vu sur Internet?, etc.) et la certitude obstinée (optimiste ou pessimiste, aussi dans ses théories psychosomatiques, personnelles, familiales, collectives). Ces oscillations le rendent disponible aux rumeurs -y compris sur les traitements alternatifs opposés à ceux mis en oeuvre par les médecins-, qu'il accepte sans recul critique, aux théories de complot, à l'emprise de maîtres à penser dont les affirmations et les propositions simplistes et sûres d'elles lui conviennent, qui peuvent le conduire dans des sectes et le refus des traitements. Il n'ose s'engager dans des conduites à risque, ou le fait pour se convaincre de son indépendance, sans toujours en connaître les conséquences. Il est plus utile de l'en informer, honnêtement, plutôt que de tout lui interdire ou de les lui présenter comme inévitablement mortelles.

Ne sachant plus qui il est, ne se reconnaissant plus dans ses repères identitaires, ne les considérant plus pertinents et utiles, il peut endosser telle ou telle défroque, prise dans le passé de sa communauté, de l'Histoire, de sa famille, ou encore dans les fictions, le cinéma, et dire « c'est moi », y croyant plus ou moins, ce qui peut le conduire à se mettre en danger dans des comportements ou des actes, bien au-delà de ce qu'il aurait voulu.

La mort ancienne et la mort actuelle

Nous devons tenir compte aussi des formes nouvelles de la mort, et de la façon dont elle est perçue. Avant, elle avait lieu le plus souvent à la maison, dans des relations familiales et sociales préservées, dans le respect du caractère unique et de la dignité de chacun ; ou à la guerre, dans l'affrontement d'homme à homme ; dans les deux cas dans une relation interhumaine. Il n’y avait pas d'ambiguïté : la mort était « pour de vrai ».

Depuis de nombreuses années maintenant, la mort a lieu de plus en plus souvent à l'hôpital, où se posent aussi des questions nouvelles : cliniques, éthiques, juridiques. Des questions qui donnent lieu à des débats publics passionnés : quelle est sa définition ? jusqu'où est-il légitime ou autorisé de chercher à la repousser ou, au contraire à la laisser venir, voire à la provoquer ?

Les guerres aussi ont changé : elles ne se déroulent plus, le plus souvent, entre deux États, sur un champ de bataille délimité, respectant plus ou moins des règles internationalement reconnues, faisant s'affronter des soldats plus ou moins égaux dans l'armement, la peur et la haine, la connaissance des raisons pour lesquelles ils se battent. Désormais elles sont lancées par n'importe qui, n'importe où, qui déclare « Tu peux tuer, tu dois tuer un homme, dix, cent, mille », et exécutées par n'importe qui qui s'autorise à mettre en actes cette parole. Elles se déroulent en tous lieux, à l'initiative de groupes de tailles et d'objectifs divers. Elles peuvent toucher n'importe qui, n'importe où, n'importe quand. Elles tuent en masse, des victimes indistinctes, non ciblées, le plus souvent à distance (bombes déposées dans des lieux publics ou déversées par des avions sur les populations) et avec des machines (drones, robots). L'arme n'est plus le prolongement de l'homme et de sa volonté, c'est l'inverse dans les attentats-suicides (l'homme, porteur de la bombe, pourrait être remplacé par un robot). Il n'y a plus de relation directe entre les victimes et les exécuteurs qui tuent comme un travail routinier ou un jeu. Ces morts sont abstraits, désincarnés, devenus simples chiffres, statistiques. Leur identité importe peu, ils sont interchangeables, indistincts, constituent une masse de chair à tuer.

L'image de la mort est ainsi omniprésente, non seulement dans les informations sur les terribles événements qui se déroulent jour après jour dans tous les lieux de la planète, mais aussi dans les films et les jeux vidéo, de plus en plus réalistes, qui tendent à abolir la différence entre réalité et imaginaire, suscitant de façon de plus en plus forte l'illusion que la mort, la sienne ou celle des autres, n'empêche pas le joueur de recommencer une nouvelle partie.

Cette double déshumanisation de la mort (de celui qui la reçoit comme de celui qui la donne) va totalement à l'encontre des efforts faits depuis la préhistoire pour préserver l'humanité de celui qui meurt, pour lui autant que pour ceux qui continueront de vivre.

La mort continue certes d'être ce qu'elle a toujours été, mais ces éléments nouveaux majeurs sont venus en complexifier la confrontation. L'adolescent désormais a peur de cette mort omniprésente causée par la violence humaine -une peur mêlée à la fascination-, car lui-même ou ses proches pourraient en être victimes, et cette peur s'ajoute à celle qui découle de la maladie grave, l'exacerbe et la complexifie.

L'adolescent et le terrorisme actuel

De nombreux adolescents sont troublés par le terrorisme, par son développement, par les propositions qu'il leur fait, et ils sont tentés de le « comprendre », de l'excuser, pour certains de le soutenir. Les raisons sont multiples et il importe d'aller bien au-delà des explications sociales ou religieuses. Le terrorisme et sa propagande touchent des éléments majeurs de l'adolescence : la fascination et la peur de la mort, le doute et le besoin de certitude, la révolte contre les parents et la société, la quête d'une cause qui vaut la peine de mourir pour elle, quelle qu'elle soit, le besoin d'utopie et d'idéal, le sentiment de ne rien valoir et le désir de faire ses preuves dans une épreuve ordalique, de montrer aux parents ce dont ils sont capables, de leur reprocher en paroles et en actes leurs insuffisances à assumer leurs références et leur identité, de les venger, etc. Ces tentations sont d'autant plus fortes qu'ils sont nombreux à souffrir d'une méconnaissance de leur histoire, celle de leur famille, de leur communauté, de leur pays (d'origine et/ou d'accueil, même quand la migration a eu lieu une ou deux générations avant). Les grands idéaux et combats de la période précédente ont disparu ou n'ont pas tenu leurs promesses (communisme ou capitalisme, luttes de libération nationale, progrès continu, bonheur, etc.), les politiques sont discrédités, il n'y a plus de héros ou de maître à penser. Le terrorisme offre des réponses à ce désarroi : des discours et des actes d'un simplisme extrême, assénés avec une certitude qui ne prête à aucune ambiguïté, aucune discussion, une sortie du quotidien « glauque », la confrontation à la mort, l'utilisation des armes, une aventure glorieuse, l'affrontement aux parents et aux adultes, un engagement à valeur mondiale, l'inscription dans un vaste groupe et une généalogie qui remonte au prophète, bien plus valeureuse que celle de leurs familles. Être l'agent de la terreur portée contre les autres est pour beaucoup aussi une façon d'extérioriser les terreurs qui les habitent.

En conclusion

Pour bien accompagner l'enfant ou l’adolescent qui peut mourir, il nous faut tenir compte de sa personnalité et de ses habitudes, de ses façons d'être et de penser, de sa situation actuelle, en rapport à la maladie, à l'environnement médical et social, à sa famille (dans sa structure et son fonctionnement, dans ses références identitaires et ses points d'appui). Mais aussi de son histoire et de celle de sa famille, y compris sur plusieurs générations, et en particulier des ruptures qui l'ont marquée (familiales, sociales, géographiques, religieuses et culturelles, d'identité), ainsi que sa confrontation à la violence humaine majeure, individuelle et surtout collective. Nous devons tenir compte aussi d'un aspect de la réalité actuelle de la mort que la violence barbare sème : la mort déshumanisée.