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Ce livre volumineux représente les actes d’un colloque tenu au Château Ramezay en avril 2000. Comme l’exposition « Images d’un changement de siècle » s’y trouvait en même temps, on a eu l’heureuse idée d’agrémenter l’ouvrage d’une trentaine d’illustrations. Bernard Andrès et Marc André Bernier signent une substantielle introduction, sans doute un des plus stimulants textes du recueil. Au-delà de l’habituel panorama, c’est une interprétation d’ensemble qu’ils offrent aux lecteurs. Entre deux événements majeurs, voire deux traumatismes s’insèrent deux générations littéraires, celle des lendemains de Conquête et celle des Patriotes, qui inventent une culture lettrée. Le parti pris interprétatif s’efforce de relier cette fondation culturelle à la question identitaire. On souligne le double aspect de la culture, marquée à la fois par l’héritage classique de la culture européenne et par la conscience d’appartenir au Nouveau Monde. Pour la période concernée, Andrès et Bernier soulignent la pluralité des voix, « avant que ne triomphent cléricalisme et ultramontanisme dans la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe siècle » (p. 15). De la part de chercheurs qui scrutent minutieusement leurs textes, cette extrapolation sur une période qu’ils n’ont pas étudiée étonne et il ne faut peut-être pas trop s’en soucier. Avant 1840, les champs littéraires et artistiques commencent à se constituer et personne ne s’attend à y trouver des « oeuvres » ; l’intérêt est plutôt de voir s’élaborer des stratégies discursives, des pratiques de lecture, des arts picturaux qui « bourgeonnent ». Les premiers écrivains participent à tous les débats de société — liberté d’expression, langue française, constitution, projet d’université, etc. — contribuant ainsi à la fabrication d’un espace public au sens d’Habermas. Si cette introduction aide à voir le portrait des lettres et de l’éloquence, elle néglige quelque peu celui des arts.

Les auteurs des 28 communications sont très majoritairement des littéraires, accompagnés de quelques historiens de l’art et de quelques historiens. Une grande partie des textes s’intéressent, sous un angle ou sous un autre, à un individu. Sans surprise, la qualité est très inégale et ce recueil fait la démonstration qu’on ne devrait jamais publier toutes les communications d’un colloque. Parmi les meilleurs, les textes de René Beaudoin, de Julie Roy, de Pierre Lespérance, de Lucie Robert et de Marc André Bernier.

Une imposante bibliographie complète l’ouvrage.